Prêt entre particuliers : 13 juin 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/00475

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Prêt entre particuliers : 13 juin 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/00475
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13 juin 2023
Cour d’appel de Poitiers
RG n°
22/00475

ARRET N°266

CL/KP

N° RG 22/00475 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GPLG

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT

C/

[J]

[N]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 13 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00475 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GPLG

Décision déférée à la Cour : jugement du 18 janvier 2022 rendu par le Tribunal Judiciaire de POITIERS.

APPELANTE :

S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 5]

Ayant pour avocat postulant Me Marion LE LAIN de la SCP DROUINEAU 1927, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Matthieu ROQUEL, avocat au barreau de LYON.

INTIMES :

Monsieur [D] [J]

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 9] (17)

[Adresse 10]

[Localité 6]

Ayant pour avocat plaidant Me Marie PICHON de l’AARPI PICHON-GIREL, avocat au barreau de POITIERS.

Madame [C] [N] épouse [J]

née le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 7] (17)

[Adresse 10]

[Localité 6]

Ayant pour avocat plaidant Me Marie PICHON de l’AARPI PICHON-GIREL, avocat au barreau de POITIERS.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******

Le 18 juillet 2008, le [Adresse 8], aux droits de laquelle est ensuite venue la société anonyme Crédit Immobilier de France Développement (le Cifd ou la banque) a consenti à Monsieur [D] [J] et à Madame [C] [N] épouse [J] un prêt immobilier de 126’759 euros au taux nominal initial de 5,1 % durant les cinq premières années depuis l’émission de l’offre et amortissable en 336 mensualités de 760,03 euros assurance incluse.

Par courrier en date du 11 juillet 2019 , le Cifd a indiqué aux emprunteurs prononcer la déchéance du terme faute pour ces derniers d’avoir régularisé le retard de paiement et a déclaré les mettre en demeure de régler 115’136,14 euros sous huit jours.

Par lettre recommandée en date du 26 février 2021, la banque a rappelé aux emprunteurs avoir prononcé la déchéance du terme et les a mis en demeure de régler 126’837,49 euros à peine de saisie immobilière.

Le 10 mai 2021, le Cifd a assigné les époux [J] devant le tribunal judiciaire de Poitiers, pour réclamer en dernier lieu :

– leur condamnation à lui payer les sommes de :

– 120’837,49 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4,05 % à compter du 24 février 2021 au titre du prêt n°09000006343001 ;

– 3000 euros à titre de dommages-intérêts à titre de résistance abusive;

– d’ordonner la capitalisation des intérêts ;

– leur condamnation à lui payer 3000 euros au titre des frais irrépétibles outre les dépenses d’inscription d’hypothèque judiciaire provisoire régularisée le 28 avril 2021 devant le service de la publicité foncière de [Localité 11] premier bureau sous les références numéro [Cadastre 3] et de l’hypothèque judiciaire définitive à intervenir.

Quoique régulièrement assignés chacun à personne, les époux [J] n’ont pas comparu.

Par jugement contradictoire en date du 18 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Poitiers a :

– condamné les époux [J] à payer au Cifd 14’572,80 euros avec intérêts au taux de 4,05 % à compter du 25 février 2021;

– débouté le Cifd de ses demandes de dommages-intérêts, de capitalisation des intérêts au titre des frais irrépétibles.

Le 24 février 2022, le Cifd a relevé appel de ce jugement, en intimant les époux [J].

Le 10 mars 2023, le Cifd a demandé de débouter les époux [J] de l’ensemble de leurs demandes et d’infirmer le jugement en ce qu’il :

– a condamné les époux [J] à lui payer 14’572,80 euros avec intérêts au taux de 4,05 % à compter du 27 février 2021;

– l’a débouté de ses demandes de dommages-intérêts, de capitalisation des intérêts et au titre des frais irrépétibles ;

A titre principal,

– condamner les époux [J] à lui payer la somme de 127 881,56 euros outre intérêts au taux conventionnel à compter de la mise en demeure valant déchéance du terme ;

A titre subsidiaire,

– condamner les époux [J] à lui payer la somme de 18 811,50 euros correspondant aux échéances impayées ;

En tout état de cause,

– ordonner la capitalisation des intérêts ;

– condamner les époux [J] à lui payer la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts à titre de résistance abusive ;

Y ajoutant,

– condamner les époux [J] aux entiers dépens des deux instances avec distraction au profit de son conseil.

Le 3 mars 2023, les époux [J] ont demandé l’infirmation du jugement en ce qu’il les a condamnés à payer la somme de 14’572,80 euros avec intérêts au taux de 4,05 % à compter du 27 février 2021;

et de :

– juger que leur arriéré était de 14’572,80 euros, mais déchoir le Cifd des intérêts, faute pour lui d’avoir justifié avoir vérifié leur solvabilité ;

– débouter le Cifd de ses demandes de dommages-intérêts, de sa demande de capitalisation outre des demandes exprimées au titre des frais irrépétibles ;

à titre subsidiaire,

– juger qu’ils ne sauraient être condamnés à une somme supérieure à 112’686,22 euros en raison de la déchéance des intérêts et diminution de la clause pénale ;

en tout état de cause,

– débouter le Cifd de ses demandes ;

– condamner le Cifd à leur verser la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Le 21 mars 2023, a été ordonnée la clôture de l’instruction de l’affaire.

MOTIVATION :

Sur la déchéance du droit aux intérêts :

Sur la prescription :

Selon l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières écritures des parties et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Il ressort de l’article L. 110-4 du code de commerce, dans sa version issue de l’ordonnance n° 2008-561 du 17 juin 2008, applicable au litige, que les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par 5 ans si elle ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Il résulte de l’article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, que le prêteur qui n’a pas respecté son obligation d’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur peut être déchu de son droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Le point de départ du délai de prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts se situe au jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur affectant le taux effectif global (Cass. 1ère civ., 1er mars 2017, n°16-10.142, Bull. I, n°50).

Lorsque la simple lecture de l’offre de prêt permet à l’emprunteur de déceler son irrégularité, le point de départ du délai de prescription de l’action en déchéance du droit aux intérêts se situe au jour de l’acceptation de l’offre, sans report possible tiré de la révélation postérieure d’autres irrégularités (Cass. 1ère civ., 5 janvier 2022, n°20-16.350, publié).

Les époux [J] font grief à la banque d’un absence de réalisation d’étude de solvabilité lors de l’émission de l’offre de prêt, qui à leur sens ne constitue pas un irrégularité manifeste, pour en voir déduire que celle-ci doit être déchue de son droit aux intérêts.

Dans les motifs de ses écritures, la banque soutient en substance que l’irrégularité manifeste alléguée par les emprunteurs, tenant à l’absence d’étude de solvabilité, était décelable dès l’acceptation de l’offre de prêt, de telle sorte que le point de départ de l’action en déchéance du droit aux intérêts doit être fixé à cette dernière date; elle en déduit que l’action des emprunteurs en déchéance de son droit aux intérêts doit être déclarée irrecevable comme prescrite.

Mais le dispositif des dernières écritures de la banque, qui seul saisit la cour de prétentions auxquelles elle est tenue de répondre, ne comporte aucune demande tendant à déclarer irrecevables, notamment comme prescrites, les prétentions des emprunteurs: en effet, elle se borne à solliciter le seul débouté des prétentions adverses.

La cour n’est pas ainsi saisie par la banque d’une quelconque demande tendant à voir déclarer irrecevable comme prescrite la demandes des emprunteurs tendant à la déchoir des intérêts.

Sur le fond :

La déchéance du droit aux intérêts du prêteur immobilier est une sanction civile dont la loi laisse à la discrétion du juge tant l’application que la détermination de l’étendue (Cass. 1ère civ., 11 septembre 2013, n°12-14.905, diffusé).

Il ressort des éléments qui précèdent que la banque n’a réalisé aucune étude de solvabilité des emprunteurs à l’occasion de la formulation de l’offre de prêt, ce que celle-ci vient elle-même reconnaître.

La gravité d’un tel manquement, susceptible de conduire les emprunteurs à ne pas pouvoir faire face à leur engagement, mais sans ces derniers ne présentent de quelconques éléments en ce sens, sera sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la banque à compter du 11 juillet 2019, soit au lendemain de la 124ème échéance mensuelle (sur 336) du crédit immobilier.

Sur la déchéance du terme :

Sur la recevabilité des prétentions des emprunteurs tendant au constat de l’absence d’exigibilité de la créance par suite d’absence de déchéance du terme :

Selon l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières écritures des parties et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Les époux [J] soutiennent que les courriers de mise en demeure dont se prévaut la banque ne constitueraient pas des mises en demeure de nature à emporter déchéance du terme; ils entendent en voir déduire que la banque ne peut pas se prévaloir de l’exigibilité anticipée du capital restant dû.

Cependant, la banque leur objecte que leur prétention y afférente est une demande nouvelle à hauteur d’appel, et partant irrecevable, et ce peu important que ces défendeurs n’aient pas comparu en première instance.

Mais le dispositif des dernières écritures de la banque, qui seul saisit la cour de prétentions auxquelles elle est tenue de répondre, ne comporte aucune demande tendant à déclarer irrecevables les prétentions des emprunteurs: en effet, elle se borne à solliciter le seul débouté des prétentions adverses.

La cour n’est pas ainsi saisie par la banque d’une quelconque demande tendant à voir déclarer irrecevable la demandes des emprunteurs ayant trait à l’absence d’exigibilité de la créance de la banque.

Surabondamment, l’invocation, par les emprunteurs, de l’absence d’exigibilité de la créance de la banque, par suite de l’absence de déchéance du terme, s’analyse non comme une demande, mais comme un moyen nouveau, qu’il était loisible aux intimés de former pour la première fois à hauteur d’appel, en vertu de l’article 563 du code de procédure civile.

A supposer même que cette invocation puisse être considérée comme une prétention nouvelle à hauteur d’appel, celle-ci, ayant pour objet de faire écarter les prétentions de la banque, n’en demeurerait pas moins recevable au regard de l’article 564 du même code.

Sur la reconnaissance par les débiteurs de la déchéance du terme, notamment dans le cadre de la procédure de surendettement :

Selon l’article L. 721-1 du code de la consommation,

Le débiteur saisit la commission de surendettement des particuliers d’une demande tendant au traitement de sa situation de surendettement dans laquelle il déclare les éléments actifs et passifs de son patrimoine.

Selon l’article R. 723-7 du code de la consommation,

La vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et de leur montant est opérée pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission de poursuivre sa mission. Elle porte sur le caractère liquide et certain des créances ainsi que sur le montant des sommes réclamées en principal, intérêts et accessoires.

Les créances dont la validité ou celle des titres qui les constatent n’est pas reconnue sont écartées de la procédure.

La reconnaissance de dette, interruptive du délai de prescription, peut résulter d’un plan conventionnel de traitement de surendettement des particuliers (Cass. 2e civ., 9 janvier 2014, n°12-28.272, Bull. 2014, II, n°6).

Les emprunteurs soutiennent qu’à défaut de mise en demeure valable, la banque ne peut pas se prévaloir de la déchéance du terme.

La banque leur objecte que dans le cadre de la procédure de vérification de créance afférente à la procédure de surendettement qu’ils ont eux-même sollicité, les époux [J] ont évalué la créance de la banque à hauteur de 99 526,99 euros.

Elle entend en voir déduire que la déclaration d’une telle créance par les débiteurs dans le cadre de la procédure de surendettement constitue une reconnaissance de dette de leur part, pour en conclure qu’ils ont par là-même acquiescé à la déchéance du terme.

Mais en déclarant la créance de la banque, les débiteurs ne se sont conformés qu’aux seules obligations qui étaient les leurs afin de bénéficier d’un plan de surendettement, alors qu’ils avaient déposé un dossier y afférent le 2 avril 2021, et alors que la commission avait constaté le 7 juin 2022 l’absence d’accord amiable entre les emprunteurs et la banque.

A l’inverse, les époux [J] n’ont pas comparu en première instance au fond après avoir été assignés par la banque le 10 mai 2021, et à hauteur d’appel, ils contestent l’absence de déchéance du terme.

Dans ces conditions, la saisine par les débiteurs de la commission de surendettement et la poursuite de la procédure devant cet organisme n’emporte aucune reconnaissance par les débiteurs de la créance de la banque.

* * * * *

La banque soutient que dans leurs écritures, les emprunteurs ont demandé à la cour de les condamner à verser la somme de 14 572,80 euros avec intérêts au taux de 4,05 % à compter du 25 février 2021.

Elle entend en voir déduire que les emprunteurs ont ainsi implicitement reconnu que ce courrier du même jour valait déchéance du terme.

Mais une lecture objective des écritures des emprunteurs met en évidence que ceux-ci ont demandé l’infirmation du jugement déféré dans sa disposition les ayant condamnés à payer à la banque la somme de 14’572,80 euros avec intérêts au taux de 4,05 % à compter du 25 février 2021, et que pour le surplus, ils contestent que toutes les correspondances que la banque leur a adressées puissent avoir l’effet d’une mise en demeure.

Il n’en résulte ainsi aucune reconnaissance de la validité des mises en demeure, notamment de celle délivrée le 24 février 2021.

Dans ces circonstances, il ne résulte aucune reconnaissance claire et non équivoque par les emprunteurs de la créance de la banque portant notamment sur le capital restant dû, de telle sorte que ceux-ci ne reconnaissent pas non plus l’existence d’une valable déchéance du terme.

Sur le fond:

La mise en demeure, ayant pour fonction essentielle de fournir un information ou un ordre à son destinataire, est un acte réceptice n’existant que par la notification qui en faite à son destinataire.

Il en ressort qu’une mise en demeure ne peut produire effet qu’à condition d’être parvenue à son destinataire (Cass. 2e. civ., 16 novembre 2004, n°03-16.270).

Mais il n’est pas nécessaire de prouver que celui-ci en a réellement pris connaissance (Cass. 1ère civ., 24 juin 1975, n°74-10.644).

Ainsi, le défaut de réception effective par le débiteur de la mise en demeure, adressée par lettre recommandée, n’affecte pas sa validité (Cass. 1ère civ., 20 janvier 2023, n°19-20.680, publié).

Selon l’article 1139 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, applicable au litige, le débiteur est constitué et mis en demeure par une sommation ou par un autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu’il ressort de ses termes une interpellation suffisante, soit par l’effet de la convention, lorsqu’elle porte que, sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule déchéance du terme, le débiteur sera mis en demeure.

Si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont disposait le débiteur pour y faire obstacle (Cass. 1ère civ., 3 juin 2015, n°14.55-655, Bull., I, n° 6).

Une clause d’un contrat de prêt immobilier, stipulant que les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles en cas de retard de paiement d’un terme du prêt de plus de trente jours et que le prêteur en avertira l’emprunteur par simple courrier, ne dispense pas de manière expresse et non équivoque le prêteur d’adresser à l’emprunteur une mise en demeure (Cass. 1ère civ., 11 janvier 2023, n°21-21.590, publié).

Mais lorsqu’une mise en demeure, adressée par la banque à l’emprunteur et précisant qu’en l’absence de reprise des paiements des échéances dans un certain délai, la déchéance serait prononcée, est demeurée sans effet, la déchéance du terme est acquise à l’expiration de ce délai sans obligation pour la banque de procéder à sa notification (Cass. 1ère civ., 10 novembre 2021, n°19-24.386, publié).

Il ressort de l’article 11 des conditions générales du contrat de prêt intitulé ‘exigibilité anticipée – défaillance de l’emprunteur – clause pénale’ que le contrat de prêt et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles 8 jours après une simple mise en demeure adressée à l’emprunteur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extrajudiciaire, mentionnant l’intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation dans l’un ou l’autre des cas mentionnée ci après, l’emprunteur ne pouvant opposer aucune exception, par même celle de paiement des intérêts échus.

La banque se prévaut de son courrier de mise en demeure en date du 11 juillet 2019 adressé aux emprunteurs, énonçant sa demande de lui régler un arriéré d’un certain montant, dans un délai de 8 jours, et sa propre intention de se prévaloir de la déchéance du terme à l’issue de ce délai, auquel cas le montant de la créance en capital, intérêts et tous accessoires deviendrait immédiatement exigible.

Elle entend en voir déduire la parfaite régularité de ce courrier, valant selon elle déchéance du terme et emportant exigibilité de la totalité des sommes dues.

L’examen du courrier dont se prévaut la banque met en évidence que celle-ci s’y prévaut exactement, et sans équivoque de sa volonté de se prévaloir de la clause d’exigibilité anticipée à défaut de règlement des sommes dues par les emprunteurs passé un délai de 8 jours, et que ceux-ci y sont expressément sommés de régler les échéances impayés dans ce délai.

Le contenu de ce courrier vaut ainsi indubitablement mise en demeure des emprunteurs.

Mais la banque n’a pas versé d’accusé de réception de cette correspondance, de telle sorte qu’elle n’est pas en mesure de justifier de son envoi aux emprunteurs.

Le courrier de la banque du 24 février 2021 s’est borné à rappelé aux emprunteurs que celle-ci avait prononcé la déchéance du terme, et les a mis en demeure de lui régler la somme de 120 837,49 euros sous huitaine, à peine de saisie immobilière.

Ce courrier ne vaut donc pas mise en demeure avant déchéance du terme.

Le courrier du 15 avril 2019, dont la banque ne se prévaut pas, intime les emprunteurs de lui verser les échéances impayées, sous huitaine, à défaut de quoi elle se verrait contrainte de prononcer la déchéance du terme.

Mais ce courrier, qui n’indique pas qu’à défaut de règlement sous huitaine des échéances impayés, la déchéance du terme serait automatiquement prononcée, ne peut pas constituer une mise en demeure préalable à la déchéance du terme.

Et il d’ailleurs topique que la banque ne se prévale pas de ce courrier du 15 avril 2019, qu’elle qualifie de mise en demeure préalable (page 8 de ses écritures) mais de celui du 11 juillet 2019, pour souligner que c’est seulement ce dernier qui a prononcé la déchéance du terme.

Il s’en déduira que la banque n’a pas justifié de l’envoi d’une mise en demeure lui permettant de se prévaloir utilement de la déchéance du terme.

Il s’en déduira que la banque ne pourra pas solliciter la somme due au titre du capital restant dû, de l’indemnité d’exigibilité de 7 %, ou des frais de poursuite.

Sur la condamnation des emprunteurs :

Nonobstant la déchéance du prêteur immobilier de son droit aux intérêts contractuels, l’emprunteur reste néanmoins tenu aux intérêts au taux légal depuis la mise en demeure.

Mais la déchéance du droit aux intérêts conventionnels doit conduire à l’imputation du montant correspondant sur le capital restant dû par les emprunteurs (Cass. 1ère civ. 18 février 2009, n°08-12.584, publié).

Il est constant entre parties qu’au 11 juillet 2019 (date de déchéance des intérêts conventionnels) le montant total des échéances impayées s’élevait à 8561,20 euros.

Entre le 11 juillet 2019 et le 24 février 2021, date d’arrêté du décompte présenté par la banque, 19 échéances ont couru, pour un total de 14 440,57 euros.

Mais il conviendra d’en ôter le montant des intérêts conventionnels, par suite de la déchéance du droit de la banque y afférent, à hauteur de 6172,53 euros.

Ainsi, entre le 11 juillet 2019 et le 24 février 2021, le montant total des échéances auxquelles la banque pouvait prétendre était de 8268,04 euros (14 440,57 – 6172,53 euros).

Mais il conviendra d’ôter encore de cette somme le montant de 9559,86 euros euros, versés par les demandeurs pendant la période considérée, selon le propre décompte de la banque (page 11 de ses écritures).

Ainsi, les emprunteurs restent devoir à la banque la somme de 7269,38 euros (8561,20 + 8268,04 – 9559,86 euros).

Le courrier de la banque aux emprunteurs du 24 février 2021, comportant les accusés de réception attestant de leur envoi et réception par les emprunteurs, a mis ceux-ci en demeure de lui régler le montant des échéances impayées ayant couru jusqu’à sa date.

Sur l’anatocisme:

L’article L. 312-23 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux mentionnés au code de la consommation ne peuvent être mise à la charge de l’emprunteur dans le cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévue par ces textes, fait obstacle à l’application de la capitalisation des intérêts au taux conventionnel (Cass. 1ère civ. 9 février 2012, n°11-14.605, publié).

Mais ce texte ne s’oppose pas à la capitalisation des intérêts au taux légal (Cass. com., 4 juillet 2018, publié).

Il y aura lieu de condamner solidairement les emprunteurs à payer à la banque la somme de 7269,38 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2021, et avec anatocisme dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil, et le jugement sera infirmé de ces chefs.

* * * * *

Il sera rappelé que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la banque aux dépens de première instance, et l’a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance.

Les époux [J] seront déboutés de leurs demandes au titre des frais irrépétibles des deux instances,

Les époux [J] seront condamnés in solidum aux entiers dépens des deux instances ainsi qu’à payer à la banque la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Prononce la déchéance des intérêts conventionnels à compter du 1er juillet 2019 ;

Condamne Monsieur [D] [J] et à Madame [C] [N] épouse [J] à payer à la société anonyme Crédit Immobilier de France Développement, venant aux droit du Crédit Immobilier de France Ouest, la somme de 7269,38 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 février 2021 ;

Dit que les intérêts produits par la somme susdite seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil ;

Rappelle que le présent arrêt vaudra titre de restitution des sommes allouées en exécution du jugement déféré ;

Déboute Monsieur [D] [J] et à Madame [C] [N] épouse [J] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne in solidum Monsieur [D] [J] et Madame [C] [N] épouse [J] aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à la société anonyme Crédit Immobilier de France Développement, venant aux droit du Crédit Immobilier de France Ouest, la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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