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13 juillet 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
20/00229
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
2ème CHAMBRE CIVILE
————————–
ARRÊT DU : 13 JUILLET 2023
N° RG 20/00229 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LNAZ
[X] [V] épouse [H]
[F] [H]
c/
[K] [Y]
[G] [B] épouse [Y]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 novembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG : 17/06914) suivant déclaration d’appel du 15 janvier 2020
APPELANTS :
[X] [V] épouse [H]
née le 25 Juin 1963 à [Localité 3]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]
Représentée par Me Christophe RAFFAILLAC de la SELARL CABINET D’AVOCAT RAFFAILLAC, avocat au barreau de BORDEAUX
[F] [H]
né le 22 Décembre 1970 à [Localité 7]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]
Représenté par Me Christophe RAFFAILLAC de la SELARL CABINET D’AVOCAT RAFFAILLAC, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
[K] [Y]
né le 15 Janvier 1953 à [Localité 8]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me Frédéric GONDER de la SELARL GONDER, avocat au barreau de BORDEAUX
[G] [B] épouse [Y]
née le 02 Janvier 1949 à [Localité 4] (SENEGAL) (99)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
Représentée par Me Frédéric GONDER de la SELARL GONDER, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été examinée le 17 mai 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Président : Madame Paule POIREL,
Conseiller : Monsieur Alain DESALBRES
Conseiller : Madame Christine DEFOY
Greffier lors des débats : Mme Chantal BUREAU
Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 10 mars 2011, M. [K] [Y] et Mme [G] [Y], son épouse, ont vendu en viager un chalet situé [Adresse 6] à [Localité 5] à Mme [X] [H], laquelle a fait l’objet, avec son époux, M. [F] [H], d’une procédure de saisie immobilière engagée par l’Association Syndicale Libre Khélus Club, à défaut de règlement des charges de copropriété.
M. et Mme [Y] se sont acquittés en lieu et place de l’acquéreur des sommes dues au titre de l’arriéré de frais et charges, ainsi que des frais de saisie immobilière, soit la somme de 4 433,03 euros qui a donné lieu à une reconnaissance de dette enregistrée au SIE d'[Localité 2], le 12 juin 2015 et dont le remboursement devait intervenir par versements mensuels de 200 euros, interrompus en décembre 2016, tout comme ceux au titre de la rente viagère.
Deux autres reconnaissances de dette ont été enregistrées le 2 mai 2016 respectivement pour les sommes de 7 900 euros au titre de l’arriéré de la rente viagère, et de 6 395,98 euros (9 365,16 euros selon décompte définitif du notaire) en remboursement des frais notariés pour divers frais et rentes impayées. Elles n’ont jamais été honorées.
Par acte du 31 juillet 2017, M. et Mme [Y] ont assigné M. et Mme [H] devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de condamnation au paiement de la somme de 14 628,91 euros, en exécution des reconnaissances de dette, ainsi qu’à celle in solidum de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.
Par jugement du 12 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
– dit n’y avoir lieu à nullité des reconnaissances de dettes en date du 29 avril 2016,
– condamné M. et Mme [H] à payer solidairement à M. et Mme [Y] la somme de 14 628,91 euros avec les intérêts au taux légal à compter du 31 juillet 2017,
– les a déboutés du surplus de leurs demandes, fins et prétentions,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
– condamné M. et Mme [H] à payer solidairement à M. et Mme [Y] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– les a condamnés aux dépens.
M. et Mme [H] ont relevé appel du jugement le 15 janvier 2020 en ce qu’il n’a pas:
– prononcé la nullité des reconnaissances de dettes en date du 29 avril 2016,
– prononcé la nullité de l’acte portant résolution de la vente viagère et les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 23 mars 2020, M. et Mme [H] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1142, 1143, 1978 et 1240 du code civil, de :
– ordonner la réformation du jugement rendu le 12 novembre 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,
– prononcer la nullité des « reconnaissances de dette » en date du 29 avril 2016,
– condamner solidairement, ou l’un à défaut de l’autre, M. et Mme [Y] à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1240 du code civil,
– dire nul et de nul effet l’acte contenant « constatation de non-paiement des arrérages-résolution amiable de la vente rente viagère » rédigé par Maître [P] [S], notaire le 03 mai 2016,
– condamner M. et Mme [Y] à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en application de l’article 1240 du code civil, lau titre des frais, charges, impositions de toute nature exposés depuis lors demeurant à la charge de M. et Mme [Y],
– ordonner la publication du jugement à intervenir à la conservation des hypothèques aux frais et diligences de M. et Mme [Y], sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8 ème jour suivant la signification du jugement à intervenir,
– condamner M. et Mme [Y] à verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la perte de jouissance,
– les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
– les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Cabinet d’avocat Raffaillac, avocat au barreau de Bordeaux.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 30 avril 2020, M. et Mme [Y] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1134 ancien du code civil, ainsi que des articles 28 et 30 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955, de :
– confirmer le jugement du 12 novembre 2019 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
– rejeter l’ensemble des demandes de M. et Mme [H],
En tout état de cause,
– condamner in solidum M. et Mme [H] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux dernières conclusions pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2023.
L’affaire a été évoquée à l’audience du 17 mai 2023 et mise en délibéré au 30 juin 2023 puis prorogée au 13 juillet 2023.
MOTIFS :
Sur la demande nullité des reconnaissances de dettes du 29 avril 2016 et l’indemnisation du préjudice y afférent,
Il est acquis, au vu des pièces versées aux débats, que M. et Mme [H] ont procédé, le 29 avril 2016, à deux reconnaissances de dettes au profit des époux [Y], enregistrées le 2 mai 2016 en la forme authentique auprès du SIE d'[Localité 2].
Dans le cadre de leur appel, les époux [H] concluent à la nullité de ces reconnaissances, en application des aticles 1140 ert suivants du code civil, en arguant de ce que leur consentement a été surpris par la violence exercée par M. [Y] qui, selon eux, n’a pas hésité à faire preuve de pressions, de menaces, et d’un harcèlement quotidien à leur égard, alors qu’ils se trouvaient pour chacun d’eux dans un état dépressif, consécutif à des problèmes de santé.
En outre, ils contestent le bien-fondé des dettes invoquées, le remboursement de la première d’un montant de 7900 euros ayant débuté le 15 juin 2016 suivant des mensualités de 200 euros et la seconde égale à 6395, 88 euros étant incompréhrensible au regard de la résolution de la vente en viager qui a opéré extinction de toute dette in futurum.
Toutefois, s’il est acquis au vu des éléments médicaux versés aux débats que les époux [H] se trouvaient, au moment de la signature des reconnaissances de dettes, dans un état de vulnérabilité psychologique, il n’est pas pour autant démontré, au vu des attestations produites par les appelants, que M. [Y] a abusé de sa forte personnalité pour faire pression sur eux au moment de la signature des actes, ce d’autant plus qu’il ont donné lieu, quelques jours plus tard, à un enregistrement en la forme authentique.
En outre, le dépôt de plainte effectué par les appelants à l’encontre de M. [Y], le 6 juillet 2016, pour des faits de harcèlement, est parfaitement inopérant pour établir la matérialité des violences dont se prévalent aujourd’hui les époux [H], dès lors que ses suites demeurent inconnues.
Dans ces conditions, les reconnaissances de dette signées le 29 avril 2016 par les époux [H] au profit des époux [Y] ne pourront être annulées et les demandes indemnitaires formées par les appelants en application de l’article 1240 du code civil, ne pourront prospérer, aucun préjudice n’étant matériellement établi à leur endroit.
Sur la demande d’annulation de la résolution de la vente viagère et l’indemnisation du préjudice y afférent,
Les époux [H] contestent ensuite la résolution de la vente viagère intervenue entre les parties dont ils sollicitent l’annulation.
Pour ce faire, ils soutiennent que la cession en viager les liant à leurs adversaires répond aux conditions de la vente régies par les articles 1582 et suivants du code civil et qu’elle était donc parfaite, dès lors qu’il existait un accord des parties sur la chose et sur le prix dès le 10 mars 2011.
De plus, ils arguent du fait que dans ce type de vente la défaillance du débiteur n’entraîne pas de facto la résolution de la vente, conformément à l’article 1978 du code civil qui dispose que ‘le seul défaut de paiement des arrérages de la rente n’autorise point celui en faveur de qui elle est constituée à demander le remboursement du capital ou à rentrer dans le fonds par lui aliéné. Il n’a que le droit de faire vendre les biens de son débiteur et de faire ordonner ou consentir, sur le produit de la vente, l’emploi d’une somme suffisante pour le service des arrérages’.
Ils en déduisent que la clause 7 du contrat de vente, qui déroge à ces dispositions et qui prévoit ‘ qu’à défaut de paiement à son exacte échéance d’un seul terme de la rente viagère présentement constituée, la présente vente sera résolue de plein droit, sans qu’il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire, un mois, après un simple commandement de payer demeuré infructueux contenant déclaration par le créditrentier de son intention d’user du bénéfice de la présente clause’ est donc nulle et de nul effet.
A titre limniaire, il y a lieu de relever que cette demande en annulation de la résolution d’une vente en viager, qui tend à remettre en cause un droit réel immobilier doit être publiée, en application des dispositions de l’aritcle 28-4 et 30-5 du décret du 4 janvier 1955 sur la publicité foncière et que faute de l’avoir été par les appelants, elle s’avère inopposable aux tiers.
Au fond, la cour ne peut que confirmer l’analyse des premiers juges qui ont retenu que les dispositions de l’article 1978 du code civil n’avaient pas un caractère d’ordre public et qu’il pouvait donc y être dérogé par une disposition contractuelle donnant la possibilité au créditrentier de faire prononcer la résolution de la vente en cas de non-paiement de la rente.
En outre, il convient de souligner que ce sont les époux [H], eux-mêmes, qui par courrier du 20 mai 2015, ont sollicité auprès de leurs cocontractants la résolution de la vente en mentionnant ‘Je soussignée, Mme [H] [X] déclare par la présente mettre fin par abandon à l’acte de vente en viager du chalet [Adresse 6] à l’avantage de M. [Y] [K], le plus rapidement possible sans laisser de frais à ce dernier’.
En tout état de cause, ceux-ci n’allèguent dans cette correspondance aucun motif de nullité de leur engagement.
Par conséquent, au vu de l’ensemble de ces éléments la demande en annulation de la résolution de la vente viagère litgieuse formée par les époux [H] ne pourra qu’être déclarée mal fondée.
Enfin, la contestation des appelants quant au bien-fondé des dettes leur incombant n’est pas fondée.
La première créance des intimés, d’un montant de 7900 euros, correspond à un arriéré de rente viagère, dont les époux [H] ne démontrent nullement s’être acquittés au titre des mensualités de 200 euros leur incombant, en exécution de leur reconnaissance de dette depuis le 15 juin 2016.
La seconde égale à la somme 6395, 88 euros n’est nullement incompréhrensible, comme le soutiennent les époux [H], au regard de la résolution de la vente en viager qui a opéré extinction de toute dette in futurum. Elle correspond en effet, outre à divers frais, aux échéances de rentes viagères impayées des mois de décembre 2015 et de janvier à avril 2016.
Les époux [H] seront également déboutés de leur demande indemnitaire formée au titre du préjudice de jouissance à hauteur de 15 000 euros, la résolution de la vente viagère intervenue à bon droit entre les parties n’ayant entrainé à leur endroit aucune privation injustifiée de jouissance de l’immeuble en cause.
Le jugement déféré sera donc intégralement confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à annulation des reconnaissances de dette du 29 avril 2016, en ce qu’il a condamné les époux [H] à payer aux époux [Y] la somme de 14 628, 91 euros, conformément à leur décompte figurant dans l’assignation du 31 juillet 2017 et en ce qu’il les a déboutés du surplus de leurs prétentions..
Sur les autres demandes,
Enfin, il ne paraît pas inéquitable de condamner les époux [H], qui succombent en leurs prétentions, à payer à M. et Mme [Y] la somme de 3000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure.
Les époux [H] seront déboutés de leurs demandes formées à ces titres.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mme [X] [V], épouse [H] et M.[F] [H] à payer à M. [K] [Y] et à Mme [G] [B], épouse [Y], la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [X] [V], épouse [H] et M.[F] [H] aux entiers dépens de l’instance,
Déboute Mme [X] [V], épouse [H] et M.[F] [H] de leurs demandes formées à ces titres.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, président, et par Mme Chantal BUREAU, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,