Prêt entre particuliers : 13 avril 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00437

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Prêt entre particuliers : 13 avril 2023 Cour d’appel de Papeete RG n° 21/00437

13 avril 2023
Cour d’appel de Papeete
RG
21/00437

N° 137

MF B

————–

Copie exécutoire

délivrée à :

– Me Fong,

le 14.04.2023.

Copie authentique

délivrée à :

– Me Bouyssie,

le 14.04.2023.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D’APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 13 avril 2023

RG 21/00437 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 179, rg n° 14/00764 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 13 avril 2015 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 26 novembre 2021 ;

Appelante :

Mme [G] [Y] épouse [P], née le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant à [Adresse 6] ;

Représentée par Me Benoît BOUYSSIÉ, avocat au barreau de Papeete et la Selarl Dumons & Associés, avocats au barreau de Nouméa ;

Intimée :

La Société Nacc, société par actions simplifiées, au capital de 4 945 220,33 euros, inscrite au Rcs de Paris 16ème arrondissement, sous le n° 407 917 111 dont le siège social est sis [Adresse 3], venant aux droits et obligations de la Saem Socrédo, au capital de 22 000 000 000 FCP, insrite au Rcs de Papeete sous le n° 149/59, n° Tahiti 075390, siégeant au [Adresse 1], suivant acte de cession de créancez du 1er mars 2017 et attesté par l’étude notarial [E] [T], [A] [V], [O] [J], [U] [S], notaires associés à Paris, le 25 avril 2017 ;

Représentée par Me Caroline FONG, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 14 octobre 2022 ;

Composition de la Cour :

La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 9 février 2023, devant Mme BRENGARD, président de chambre, M. RIPOLL et Mme PINET-URIOT, conseillers, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme BRENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

Suivant jugement réputé contradictoire n° 179 rendu le 13 avril 2015 (14/00 764), le tribunal civil de première instance de Papeete saisi par la banque Socrédo à l’égard de Mme [Y], faisant droit à la demande introductive d’instance, a condamné la défenderesse à payer :

– au titre du prêt signé le 6 juillet 2011 (CRE 7200701), la somme de 5’584’408 Fcfp assortie des intérêts au taux contractuel de 5,5 % l’an à compter du 26 mars 2014 courant jusqu’à parfait paiement,

‘ au titre du solde débiteur du compte n° 2028 117 0000, la somme de 288’192 Fcfp en principal,avec intérêts conventionnels courant jusqu’à parfait paiement,

‘ la somme de 80’000 Fcfp représentant les frais non compris dans les dépens en plus des entiers dépens.

La banque Socrédo a fait procéder à la signification dudit jugement suivant procès-verbal de recherches établi le 16 juin 2015 par Maître [K] [F] huissier de justice à [Localité 7].

Aux termes d’une requête d’appel enregistrée au greffe le 26 novembre 2021, Mme [Y] a relevé appel du jugement dont elle sollicite l’infirmation. En ses dernières conclusions reçues le 28 juillet 2022, elle demande à la cour, statuant au vu de la loi du 10 janvier 1978 dite loi Scrivener codifiée dans le code de la consommation, de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 réformant la prescription, du code de procédure civile de Polynésie française,

Avant-dire droit, prononcer la nullité de l’acte de signification du 16 juin 2015 relatif au jugement du 13 avril 2015, et celui de l’assignation du 3 octobre 2014,

– dire et juger que l’action de la banque Socrédo et donc celle de la Nacc est forclose,

Subsidiairement, au fond,

– déclarer nulle la déchéance du terme prononcée au titre du prêt personnel du 6 juillet 2011,

– condamner la société Nacc venant aux droits de la Socrédo, au titre de sa responsabilité professionnelle, à lui payer la somme de 5’500’000 Fcfp pour défaut de conseil et de mise en garde, outre une amende de 200’000 Fcfp,

Subsidiairement,

– dire et juger que la créance de la société Nacc s’élève à 5’097’074 Fcfp après déduction des paiements effectués par l’emprunteuse entre 2011 et 2012,

– dire et juger prescrits les intérêts des années 2015 et 2016 relatifs à la somme précitée,

– en tout état de cause, débouter la société Nacc de ses demandes puis la condamner au paiement de la somme de 500’000 Fcfp pour les frais irrépétibles, outre les dépens qui demeureront à sa charge exclusive.

À l’appui de ses prétentions, Mme [Y], qui ne conteste pas avoir ouvert un compte à vue à la banque Socrédo et avoir souscrit plusieurs crédits à la consommation auprès de cet établissement, fait valoir les éléments suivants :

‘ sur la nullité du procès-verbal de recherches du 16 juin 2015 :

-elle a informé la banque Socrédo de ce qu’elle quittait la Polynésie pour [Localité 5] dans la semaine du 25 au 30 novembre 2013 ; d’ailleurs, l’huissier indique dans son procès-verbal de recherche, qu’il a contacté l’employeur de la destinataire pour apprendre qu’elle était partie en Nouvelle-Calédonie,

– d’ailleurs, la société Nacc cessionnaire de la créance de la banque Socrédo à la date du 25 avril 2017, lui a fait signifier sans difficulté à son domicile de [Localité 5] la cession de créance, par acte du 25 septembre 2019,

– elle a été condamnée par jugement du tribunal de Nouméa rendu le 21 mars 2022 qui a validé la saisie-arrêt pratiquée par la société Nacc sur son compte, ce qui confirme qu’elle réside officiellement sur le territoire calédonien,

-la signification doit être en principe, faite à personne selon l’article 395-1 du code de procédure civile de Polynésie française,

-l’huissier n’a pas effectué des investigations complètes pour retrouver son adresse et notamment ne s’est pas adressé aux services postaux et fiscaux,

-l’article 397 prévoit que la signification doit être réalisée à parquet quand le destinataire demeure dans une collectivité d’outre-mer comme la Nouvelle-Calédonie ; or, la signification du jugement qui est réputé contradictoire a été effectuée au visa de l’article 396-2 du code de procédure civile de Polynésie française et non 397,

– les avis d’imposition produits confirment qu’elle habite en Nouvelle-Calédonie depuis 2013 ;

‘ sur la nullité de l’assignation du 3 octobre 2014 :

cet acte est affecté des mêmes nullités que la signification du jugement car si l’huissier a noté que l’employeur de Mme [Y] avait signalé son déménagement en Nouvelle-Calédonie, les démarches nécessaires n’ont pas été faites pour signifier l’acte à sa personne;

‘ sur la forclusion biennale de l’action du créancier :

– elle résulte de l’article 27 de la loi 78-22 du 10 janvier 1978 codifié sous l’article L311-37 du code de la consommation,

-le délai de deux ans prévu par ce texte est un délai préfix qui court dès la première échéance impayée qui date en l’espèce, de septembre 2011 de sorte que l’action aurait dû être engagée au plus tard en septembre 2013 ; si la cour se base sur la première échéance totalement impayée non régularisée, soit celle d’août 2012, la forclusion serait tout de même acquise avant l’assignation délivrée le 3 octobre 2014.

Au fond,

‘ sur le surendettement du débiteur et le défaut de mise en garde et de conseil de la société Socrédo :

-le moyen est fondé sur l’article 1147 du code civil sur la base duquel la jurisprudence a institué une obligation de mise en garde et d’alerte à la charge du banquier à l’égard des emprunts ou cautions non averties lors de la phase de conclusion du contrat de prêt,

– Mme [Y] était employée à la société France Télévisions Publicité Inter Océans comme aide comptable, sans connaissance particulière en matière de prêt et de droit bancaire,

– aucune étude et recherche préalable n’a été faite par la banque sur sa situation financière réelle ; or la banque ne pouvait ignorer qu’elle était déjà engagée dans d’autres prêts et cautionnements dans son agence mais également auprès de la banque de Polynésie ; son taux de surendettement était très important,

– elle lui a fait perdre une chance de ne pas contracter et lui a causé des difficultés financières l’entraînant dans une spirale d’endettement et la faisant tomber dans un état de dépression.

‘ Sur les sommes payées par l’emprunteuse durant le prêt n° 7200701 01, soit la somme de 855’526 Fcfp :

– en vertu de l’article 2227 du code civil, il faut déduire les intérêts de 2015 et 2016 qui sont prescrits,

– le défaut de transmission du bordereau de rétractation relatif à l’offre de prêt préalable tel que requis par la loi Scrivener, ce bordereau est absent des communications faites par les sociétés Socrédo et Nacc,

– le non-respect des conditions de déchéance du terme,

la banque ne justifie pas avoir adressé un courrier de mise en demeure conforme à l’article 5 avant dernier alinéa des conditions générales du prêt, alors que de son côté, elle prouve lui avoir donné sa nouvelle adresse à [Localité 5] avant de partir, et ainsi la déchéance du terme doit être annulée.

En ses dernières conclusions du 4 octobre 2022, la société Nacc qui vient aux droits de la banque Socrédo entend voir la cour, vu l’article 284 du code de procédure civile de la Polynésie française et la cession de créances dont elle a bénéficiée,

‘ dire et juger qu’elle est régulièrement subrogée dans les droits de la société Socrédo, et donc recevable et fondée en son intervention,

‘ dire que le délai de l’appel formé par Mme [Y] est échu et donc irrecevable,

‘ débouter Mme [Y] de toutes ses demandes puis la condamner à lui verser la somme de 226’000 Fcfp au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

La société Nacc qui déclare venir aux droits de la banque Socrédo par suite de la cession de créance effectuée par acte sous seing privé du 1er mars 2017 réitéré par acte notarié du 6 avril 2017, réplique,

‘ sur l’irrecevabilité de l’appel de Mme [Y] :

Mme [Y] était domiciliée à [Localité 8] au moment où elle a souscrit le prêt du 6 juillet 2011 qui inclus une clause d’attribution de juridiction aux tribunaux de Papeete.

L’huissier de justice a notifié l’assignation et la signification du jugement conformément à l’article 396-2 du code de procédure civile et il a adressé un procès-verbal de recherches où il a décrit les diligences qu’il a effectuées, puis l’acte a été déposé à l’étude conformément à l’article 395-3; il a procédé aux diligences nécessaires et, en outre, Mme [Y] ne justifie pas avoir prévenu la banque de son changement d’adresse alors qu’elle communiquait régulièrement par mail avec son gestionnaire de compte ; pour rechercher sa débitrice, la banque a mandaté l’agence de recherche Flemings le 18 novembre 2014 qui n’a pas pu la retrouver; la Nouvelle-Calédonie n’est pas un pays étranger mais une collectivité française ; le délai d’appel est donc expiré au jour de la requête d’appel et un certificat de non-appel a été établi le 19 octobre 2015. ‘ sur la fin de non recevoir tirée de la forclusion,

la loi dite Scrivener ne s’applique pas à l’emprunt du 6 juillet 2011 en raison de son montant qui est de 5 millions, supérieur au seuil légal fixé à 21’500 € soit 2’565’632 Fcfp ;

‘ sur la fin de non recevoir tirée de la prescription,

la loi n° 2008 ‘ 561 du 17 juin 2008 n’est pas applicable en Polynésie française de sorte que la prescription raccourcie alléguée n’est pas acquise ;

‘ Sur le fond,

Mme [Y] est un emprunteur averti puisqu’elle exerce son métier dans la comptabilité et que d’après la directrice administrative et financière de France Télévisions publicité, elle gérait également les banques et rapprochements bancaires.

La banque n’a manqué à aucun de ces devoirs de conseil et d’information,

La créance est bien arrêtée et prend en compte la somme de 855’526 Fcfp que Mme [Y] indique avoir versée.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause, de la procédure, des prétentions des parties, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties. Se conformant aux dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, la cour répondra aux moyens par les motifs ci-après.

MOTIFS DE LA DECISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de ‘ dire et juger’ ou de ‘constater’ qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.

– Sur la recevabilité de l’appel de Mme [Y] :

La société Nacc intimée qui a obtenu gain de cause en première instance, soulève l’irrecevabilité de l’appel formé par Mme [Y], en raison de sa tardiveté puisque selon la concluante, l’appel a été formé au-delà du délai d’appel.

Mme [Y] entend échapper à l’irrecevabilité qui lui est opposée, en invoquant la nullité tant de l’assignation qui lui a été délivrée le 3 octobre 2014 devant le tribunal que celui de la signification du jugement querellé rendu le 13 avril 2015 effectué par acte d’huissier du 16 juin 2015.

Ceci étant, l’article 336 du code de procédure civile de Polynésie française dispose que le délai pour interjeter appel des jugements est de deux mois francs, se calculant de quantième à quantième en matière contentieuse .

L’article 337 du code de procédure civile de Polynésie française précise :

3° Pour les jugements par défaut non signifiés à personne, selon les conditions prévues par l’article 357 alinéa 2 du présent code, les délais d’appel et d’opposition se confondant ; cependant si l’exécution a eu lieu au vu et au su du défaillant, le délai court à dater de la date d’exécution.

Il est manifeste que pour examiner la recevabilité de l’appel de Mme [Y], la cour doit d’abord purger l’exception de nullité de l’acte de signification du 16 juin 2015 pour savoir si elle a fait appel dans le délai précité.

Au préalable, la cour observe que Mme [Y] qui invoque également la nullité de l’assignation qui lui a été délivrée le 3 octobre 2014, n’en tire pas les conséquences adéquates au niveau des prétentions qu’elle formule puisqu’elle se borne à solliciter l’infirmation du jugement et non son annulation. En effet, si l’assignation et la requête introductive d’instance étaient nulles, cela impliquerait que le tribunal n’était pas valablement saisi et que le jugement serait non avenu. Or Mme [Y] ne présente pas de telles prétentions et la cour n’est donc pas tenue de répondre au moyen

tiré de la nullité de l’assignation qui n’emporte aucune conséquence juridique.

Mais s’agissant de la nullité alléguée de la signification du jugement frappé d’appel, l’article 396-2 du code de procédure civile dispose que,

Lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.

Le même jour ou, au plus tard le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification.

Le jour même, l’huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.

Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d’un acte concernant une personne morale qui n’a plus d’établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.

***

S’agissant de la nullité de la signification du jugement rendu le 13 avril 2015, l’huissier énonce dans le procès-verbal de recherches avoir fait toutes les diligences pour retrouver l’adresse actuelle de Mme [Y] mais en vain, malgré ses recherches effectuées auprès de la brigade de renseignements et d’investigations judiciaires de Papeete. Il indique avoir appris de son ancien employeur qu’elle était partie à [Localité 5] depuis 2013 sans plus de précisions.

Mais l’huissier n’explique pas en quoi consistent les diligences qu’il aurait accomplies alors que déjà, lors de la signification de l’assignation délivrée le 3 octobre 2014, il avait obtenu ces mêmes renseignements et qu’il n’indique pas avoir procédé à de nouvelles investigations ni auprès de la banque mandante qui, pendant le laps de temps entre les deux significations, aurait d’ailleurs pu localiser Mme [Y] en Nouvelle-Calédonie, ni auprès d’autres organismes comme les services fiscaux calédoniens, par exemple.

En réalité l’huissier s’est borné à reprendre les mentions succinctes qu’il avait apposées sur le procès-verbal de recherches dressé pour signifier l’assignation, qui ne répondent pas aux exigences de l’article 396-2 précité.

En conséquence, quand bien même Mme [Y] ne rapporterait pas la preuve de ce qu’elle a avisé régulièrement la banque de son changement d’adresse, ce fait est indifférent à la régularité de l’acte d’huissier de sorte qu’il convient de prononcer la nullité de la signification du jugement du 13 avril 2015 ; dès lors le délai d’appel n’ayant pas couru et aucun autre moyen tenant à l’expiration dudit délai n’étant soutenu, l’appel de Mme [Y] formé le 26 novembre 2021 est recevable.

– Sur la forclusion de l’action de la banque Socrédo :

Mme [Y] soutient que l’action de la banque Socrédo à son égard était forclose en vertu de l’article 27 de la loi n° 78 ‘ 22 du 10 janvier 1978 dite loi Scrivener qui dispose que les actions doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance.

La loi Scrivener est applicable en Polynésie française et codifiée dans le code de la consommation en vigueur sur ce territoire (mention d’applicabilité article 33 et arrêté de promulgation n°625 DRCL du 1er juin 1992 ; JOPF du 11 juin 1992).

Le prêt en cause a été contracté le 6 juillet 2011 par Mme [Y]. Il portait sur une somme de 5 000 000 Fcfp prêtée au taux d’intérêt de 5,7080 % et remboursable en 60 mensualités de 95 506 Fcfp la première étant fixée au 31 août 2011.

La banque Socrédo a envoyé une mise en demeure à l’emprunteuse défaillante le 7 mars 2013 puis a engagé l’action à son égard le 3 octobre 2014.

La banque Socrédo a cédé à la société Nacc sa créance à l’égard de Mme [Y] suivant acte du 1er mars 2017 qu’elle a régulièrement notifiée à Mme [Y] à [Localité 5] par exploit du 25 septembre 2019. Cette cession de créances a eu lieu après que le tribunal ait, dans son jugement querellé du 13 avril 2015, condamné Mme [Y] à payer des sommes au titre des créances dont la Nacc est aujourd’hui cessionnaire.

La Nacc a répondu à la fin de non-recevoir tenant à la prescription de l’action en faisant valoir que la loi Scrivener ne s’appliquait pas au prêt litigieux en raison de son montant et de sa durée supérieurs aux conditions légales en vigueur quand il a été souscrit .

Cependant, la section 2 des conditions du prêt stipule expressément l’applicabilité de la loi Scrivener dès lors qu’il s’agit que le crédit relève de ses dispositions. La loi Scrivener est applicable aux prêts, contrats et opérations de crédit non professionnels d’une durée supérieure à 3 mois dont le montant est inférieur à un montant fixé par la loi et les règlements en vigueur en Polynésie française. Si le seuil était de 2 565 631 Fcfp à l’origine, il a été élevé à 8 953 718 Fcfp (75000 euros) en application des articles L311-3 2° et L315-1 du code de la consommation issus de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 (loi Lagarde) publiée au JOPF du 22 juillet 2010 page 3260. Ces dispositions étaient applicables aux offres émises après le 1er mai 2011. Le contrat litigieux relève bien de la loi Scrivener.

Pour autant, la cour relève que l’article 27 de ladite loi stipule que le tribunal d’instance connait des litiges nés de l’application de la présente loi et que les actions engagées devant lui doivent l’être dans les deux ans de l’évènement qui leur a donné naissance. Or,le tribunal de première instance de Papeete a été saisi une action en responsabilité contractuelle engagée par la banque Socrédo à l’égard du débiteur défaillant , de sorte que c’est la prescription de droit commun qui s’applique . En Polynésie française, elle est de 30 ans, selon l’article 2262 ancien du code civil non modifié par la loi n° 2008 ‘ 561 du 17 juin 2008.

L’action de la Nacc est donc recevable puisqu’aucune prescription n’affectait l’action engagée par sa cessionnaire, la banque Socrédo.

Au fond,

‘ Sur le défaut allégué de mise en garde et de conseil de la société Socrédo entraînant la responsabilité civile du banquier et le surendettement de l’emprunteuse :

L’article 1692 du code civil applicable en Polynésie française dispose que la cession de créance comprend les accessoires de la créance qui sont la caution, le privilège et l’hypothèque.

En l’espèce, Mme [Y] qui fait valoir que la banque Socrédo a commis des manquements à son égard lors de l’établissement du contrat de prêt, forme ainsi une action en responsabilité contractuelle.

Seule la société Nacc, cessionnaire de la créance à l’égard de Mme [Y], est intimée devant la cour.

La faute du banquier est personnelle. Il s’en déduit qu’en l’absence de la banque Socrédo à sa barre, la cour ne saurait examiner et retenir ses fautes contractuelles éventuelles à l’égard de Mme [Y] puis condamner sur ce fondement, sa cessionnaire, la société Nacc, à laquelle il n’est reproché aucune faute personnelle.

Il en résulte que les demandes de Mme [Y] à cet égard doivent être rejetées.

‘ Sur les sommes restant dues par Mme [Y] :

Elle indique avoir réglé entre le mois d’août 2011 et juin 2012 une somme de 855’526 Fcfp au titre du prêt litigieux.

La société Nacc réplique qu’elle justifie du montant de sa créance qui est celle qui a été arrêtée au 26 mars 2014. Il résulte de son décompte que les sommes réglées par Mme [Y] sont bien déduites du solde restant dû.

Mme [Y] fait valoir que des intérêts de 2015 et 2016 sont atteints par la prescription de l’article 2227 du Code civil mais sans développer d’argumentation pertinente puisque l’assignation a été délivrée en 2014.

En tout état de cause, le tribunal de première instance de Nouméa a, dans un jugement du 21 mars 2022, validé une saisie-arrêt des rémunérations de travail de Mme [Y] pour cette même créance résultant du prêt du 6 juillet 2011 et du solde débiteur de son compte bancaire n° 20281170000, à hauteur de 5’952’600 Fcfp au principal outre des intérêts de 1’880’748 Fcfp.

Mme [Y] ne produit pas d’éléments concrets pour remettre en cause le décompte produit par la société Nacc et ainsi, son argumentation au titre du montant de sa dette est inopérante.

– Sur le défaut de transmission du bordereau de rétractation relatif à l’offre de prêt préalable :

Mme [Y] n’a pas engagé d’action contre la banque Socrédo pour se plaindre du non-respect des dispositions de la loi Scrivener : ce n’est qu’en défense à une action en responsabilité contractuelle de droit commun qu’elle oppose que la banque ne lui aurait pas remis au moment de la signature du prêt du 6 juillet 2011 le bordereau de rétractation de son consentement.

A cet égard, elle réclame le paiement d’une amende qui est la seule sanction prévue par l’article 24 de la loi Scrivener. Mais elle demande 200 000 Fcfp à ce titre alors que le texte légal la limite à une fourchette comprise entre 2000 Fcfp et 5000 Fcfp de sorte qu’elle doit être déboutée de cette prétention.

– Sur le non-respect des conditions de déchéance du terme :

Mme [Y] fait valoir, en tout dernier lieu, dans ses écritures, que la banque Socrédo n’a pas respecté les conditions de la déchéance du terme.

A ce stade de l’analyse, la cour a déjà validé le décompte présenté par la banque après avoir observé que le tribunal indique dans sa décision querellée, que la banque Socrédo a justifié avoir adressé le 7 mars 2013, une mise en demeure à Mme [Y] par lettre recommandée avec accusé de réception.

Du reste, Mme [Y] qui ne conteste pas que la formalité de l’envoi de la mise en demeure ait été effectuée mais seulement l’adresse à laquelle elle lui a été envoyée, se borne à demander à la cour de ‘déclarer nulle la déchéance du terme prononcée au titre du prêt personnel du 6 juillet 2011’ sans en tirer d’autre conséquence et sans justifier qu’elle a poursuivi sans incident de paiement, le remboursement de l’emprunt litigieux.

En conséquence, Mme [Y] doit être déboutée de l’ensemble des prétentions et le jugement confirmé en toutes ses dispositions .

L’appelante succombant sur le fond de ses demandes, sera condamnée aux entiers dépens et au paiement d’une indemnité de procédure d’appel au bénéfice de la société Nacc.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;

Vu l’appel de Mme [G] [Y] épouse [P],

Déclare nulle la signification du jugement déféré faite par acte d’huissier du 16 juin 2015,

Dit que le délai d’appel n’a pas couru,

Déclare en conséquence recevable l’appel,

Déboute Mme [Y] de la fin de non-recevoir tenant à la prescription et de l’ensemble de ses autres prétentions,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Vu les articles 406 et 407 du code de procédure civile de Polynésie française,

Condamne l’appelante à supporter les entiers dépens, et à payer à la société intimée, une indemnité de procédure de 226 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles d’appel.

Prononcé à Papeete, le 13 avril 2023.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : MF BRENGARD

 


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