13 avril 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
22/00927
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00927 – N��Portalis DBVH-V-B7G-IL2G
MPF – NR
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE NIMES
14 décembre 2021
RG:11-20-0230
[R]
[E]
C/
S.A. BNP PARIBAS
Grosse délivrée
le 13/04/2023
à Me Philippe PERICCHI
à Me Bruno CHABADEL
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 13 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge des contentieux de la protection de NIMES en date du 14 Décembre 2021, N°11-20-0230
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,
Mme Séverine LEGER, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Avril 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTS :
Monsieur [N] [R]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 7] (38)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Madame [Y] [E] épouse [R]
née le [Date naissance 4] 1947 à [Localité 8] (43)
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentés par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Hassan KAIS, Plaidant, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉE :
S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Bruno CHABADEL de la SCP B.C.E.P., Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 13 Avril 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
[N] [R] et [Y] [E] épouse [R] ont souscrit auprès de la société BNP Paribas :
‘ le 15 septembre 2011, l’ouverture d’un compte de dépôt,
‘ le 25 avril 2014, un crédit personnel d’un montant de 21 500 euros remboursable en 60 mensualités au taux de 2,990 %,
‘ le 23 mai 2014, un crédit renouvelable Provisio pour un découvert autorisé d’un montant de 21 000 euros maximum au taux conventionnel de 9,75 %,
‘ le 10 mai 2017, une convention de découvert en compte de 80 000 euros adossée au compte de dépôt pour une durée d’un an.
A la suite d’incidents de paiement, la banque a mis en demeure les emprunteurs de régulariser leur situation par lettres recommandées du 2 juillet et du 9 octobre 2019.
Par lettres recommandées avec accusé de réception du 17 décembre 2019, la banque a notifié aux époux [R] la déchéance du terme des prêts et la clôture du compte de dépôt.
Par acte du 13 février 2020, la BNP Paribas a assigné les époux [R] devant le tribunal judiciaire de Nîmes afin de les voir condamnés à lui payer les sommes suivantes :
‘ 41 779,28 euros avec intérêts au taux conventionnel de 3%, avec capitalisation des intérêts, au titre du découvert en compte,
‘ 6 016,46 euros avec intérêts au taux conventionnel au titre du crédit personnel,
‘ 22 500 euros avec intérêts au taux conventionnel sur le principal de 20 726,36 euros, et au taux légal sur l’indemnité légale de 1 658,11 euros à compter du 17 décembre 2019 au titre du crédit renouvelable,
‘ 1 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 14 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nîmes a :
– constaté la déchéance du droit aux intérêts ;
– condamné solidairement M. [N] [R] et Mme [Y] [E] épouse [R] à payer à la société BNP Paribas les sommes suivantes :
‘ 41 799,28 euros avec intérêts au taux conventionnel de 3%, avec capitalisation des intérêts, au titre du découvert en compte,
‘ 6 016,46 euros avec intérêts au taux conventionnel au titre du crédit personnel,
‘ 22 500,65 euros avec intérêts au taux conventionnel sur le principal de 20 726,36 euros, et avec intérêts au taux légal sur l’indemnité légale de 1 658,11 euros compter du 17 décembre 2019 au titre du crédit renouvelable,
– rejeté la demande de dommages-intérêts de M. [N] [R] et Mme [Y] [E] épouse [R] pour défaut de l’obligation de mise en garde
– débouté M. [N] [R] et Mme [Y] [E] épouse [R] de leur demande de délais de paiement ;
– condamné in solidum M. [N] [R] et Mme [Y] [E] épouse [R] à payer les entiers dépens ;
– débouté M. [N] [R] et Mme [Y] [R] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté la SA BNP Paribas de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
Le tribunal a fait droit à l’action en paiement au titre du découvert en compte, du crédit personnel et du crédit renouvelable mais a cependant prononcé la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels en l’absence de justification de la consultation du FICP.
Par déclaration du 9 mars 2022, les époux [R] ont interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 12 octobre 2022, la procédure a été clôturée le 21 février 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 7 mars 2023.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS :
Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 juin 2022, les époux [R] demandent à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la banque et statuant à nouveau,
A titre principal,
– constater la forclusion de l’action en paiement engagée par la banque,
Subsidiairement,
– prononcer la déchéance du droit aux intérêts tant conventionnels que légaux envers le créancier,
– condamner la BNP Paribas à réparer leur préjudice de perte de chance et fixer ce préjudice à 50 %,
– prononcer la compensation en cas de condamnation,
En tout état de cause,
– leur accorder les plus larges délais de paiements à hauteur de 500 euros par mois pendant 23 mois et le solde à la 24ème échéance,
– dire n’y avoir lieu à capitalisation des intérêts,
– statuer ce que de droit sur l’article 700 du code de procédure civile.
Les appelants font valoir que les éléments versés aux débats par la banque ne permettent pas de vérifier pour l’ensemble des prêts la date exacte de la première échéance impayée de sorte qu’il convient de déclarer l’action de la BNP forclose sur le fondement de l’article L.311-37 du code de la consommation. A titre subsidiaire, la banque qui a manqué à son obligation de vérification sera déchue de son droit aux intérêts conventionnels. Enfin, ils disent qu’ils se trouvent dans une situation financière précaire permettant l’application des dispositions de l’article 1343-5 du code civil.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2022, la SA BNP Paribas demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner solidairement les époux [R] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimée demande à la cour d’écarter le moyen tiré de la forclusion opposé par les appelants dès lors que l’assignation délivrée le 13 février 2020 a été introduite dans le délai prévu à l’article L.311-52 ancien du code de la consommation applicable en l’espèce. Elle affirme qu’elle justifie parfaitement du principe et du montant de sa créance et que si elle n’est pas en mesure de retrouver l’interrogation au FICP justifiant de l’exécution de l’obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur prévue à l’article L.311-9 du code de la consommation pour les offres avant 2018, le principal de sa créance ne saurait en être affecté , la sanction étant seulement la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels. Elle souligne que les appelants ne rapportent pas la preuve du caractère excessif des emprunts souscrits le 25 avril 2014 puis le 23 mai 2014 et de leur préjudice de perte de chance de souscrire le crédit. Enfin, la banque rappelle que les époux [R] ne livrent aucune information sur leur situation patrimoniale et ont déjà bénéficié des plus larges délais de paiement seront déboutés de leur demande formulée à ce titre.
MOTIFS :
Sur la forclusion de l’action en paiement de la banque :
Le premier juge a estimé que le premier incident de paiement non régularisé se situant au mois d’avril 2018, le délai de forclusion de deux ans prévu par l’article L 311-52 du code de la consommation dans sa version applicable au litige ne s’était pas écoulé le 13 février 2020, date de l’assignation.
Les appelants soutiennent que la banque n’a justifié de la date de la première échéance impayée que pour un seul prêt et demandent à la cour de déclarer l’action en paiement de la banque forclose.
L’intimée réplique que pour les deux prêts souscrits par les époux [R], la date de la première échéance impayée est en avril 2018.
La banque produit pour le prêt renouvelable Provisio un historique des mouvements du compte ainsi que des relevés de compte qui établissent que le premier incident de paiement est apparu en avril 2018. Quant au prêt personnel, la première échéance impayée est le 4 avril 2018 ainsi qu’en atteste l’historique ainsi que le décompte de créance dont les appelants n’ont pas contesté la teneur (pièces 3, 6, 16,17 de la BNP Paribas).
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a déclaré non forclose l’action en paiement de la BNP Paribas.
Sur la déchéance du droit de la banque aux intérêts conventionnels :
L’article L. 311-9 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au présent litige dispose: « Avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 333-4, dans les conditions prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 333-5, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-6 ou au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier. »
Le prêteur, tenu de vérifier la solvabilité de l’emprunteur avant de conclure le contrat de crédit, doit consulter le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels, et conserver des preuves de la consultation de ce fichier, du motif de celle-ci et de son résultat, sur un support durable. La sanction en cas de non-respect de l’obligation de consultation du fichier consiste dans la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, en application de l’alinéa 2 de l’article L. 311-48 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige.
Le premier juge a prononcé la déchéance du droit aux intérêts après avoir relevé que la BNP Paribas ne justifiait pas avoir consulté le fichier national des incidents de paiement.
La banque explique qu’elle n’est pas en mesure de retrouver les consultations du FICP antérieures à 2018. Elle estime que la déchéance du droit aux intérêts n’est encourue qu’au titre du crédit renouvelable.
Les appelants demandent à la cour de prononcer la déchéance des intérêts tant conventionnels que légaux.
Qu’il s’agisse du prêt personnel souscrit le 25 avril 2014 ou du crédit renouvelable souscrit le 23 mai 2014, la banque ne justifie pas avoir satisfait à l’obligation édictée par l’article L 311-9 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige et lui imposant de vérifier la solvabilité de l’emprunteur et de consulter le fichier national des incidents de paiement.
Le tribunal a fait droit à la demande de la banque dans son intégralité alors pourtant qu’il a prononcé la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels.
La déchéance du droit aux intérêts s’entendant de la déchéance des intérêts conventionnels, l’emprunteur ne sera tenu qu’au remboursement du capital emprunté ainsi qu’aux intérêts moratoires au taux légal à compter de la mise en demeure.
Le capital emprunté au titre du prêt personnel souscrit le 25 avril 2014 s’élève à la somme de 21 500 euros.
Les échéances réglées par les emprunteurs s’élèvent à la somme totale de 17’815,95 euros.
( échéances de 395,91 euros payées du 4 juin 2014 au 4 mars 2018)
Les époux [R] seront donc condamnés à payer à la banque au titre de ce prêt la somme de 3’684,05 euros (21 500 – 17’815,95) avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019.
Le capital emprunté au titre du crédit renouvelable Provisio s’élevant à la somme de 20 726,36 euros, les époux [R] seront condamnés à payer cette somme à laquelle sera ajoutée l’indemnité égale à 8% du capital emprunté soit la somme de 1 658,11 euros. La somme totale de 22 384,47 euros produira intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019.
Suivant acte sous seing privé du 10 mai 2017, les époux [R] ont souscrit une convention de découvert bancaire d’un montant de 80 000 euros pendant une durée d’un an jusqu’au 15 février 2018.
En application de l’article 2 de l’arrêté du 26 octobre 2010 relatif au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, dans sa rédaction applicable au litige, les établissements et organismes assujettis à l’obligation de consultation du FICP doivent consulter ce fichier avant toute décision effective d’octroyer un crédit et avant tout octroi d’une’autorisation de découvert’remboursable dans un délai supérieur à un mois.
La BNP Paribas ne justifie pas avoir consulté le FICP avant d’octroyer le 10 mai 2017 aux époux [R] l’autorisation de découvert durant un an : la déchéance du droit aux intérêts conventionnels s’appliquera donc aussi à la somme de 41 779,28 euros, montant du découvert utilisé.
Sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde :
Le tribunal n’a pas fait droit à la demande reconventionnelle des époux [R] tendant à la réparation de leur préjudice causé par le manquement de la BNP Paribas à son devoir de mise en garde contre le risque d’endettement excessif. Il a en effet considéré que les emprunteurs présentaient une réelle capacité de remboursement comme en attestaient les revenus et des charges déclarés dans la fiche de dialogue.
Les appelants soutiennent qu’en l’état de leurs capacités financières, les crédits octroyés les exposaient à un risque d’endettement excessif de sorte que la banque était tenue d’un devoir de mise en garde à leur égard.
La cour relève que les appelants auxquels il incombe de prouver l’existence d’un risque d’endettement né de l’octroi des crédits litigieux se contentent d’affirmer que le risque d’endettement excessif était avéré sans en faire la démonstration alors que les premiers juges avaient comparé les revenus respectifs du couple et leurs charges déclarées dans la fiche de dialogue avec le montant total de leurs engagements.
A l’examen de cette fiche de dialogue, le revenu annuel du couple s’élevait à la somme de 297 720 euros et leurs charges à 88 404 euros de sorte que le tribunal a considéré à juste titre que les crédits octroyés les 25 avril et 25 mai 2014 ne les exposaient pas à un risque d’endettement excessif.
Les appelants n’ont pas démontré que l’autorisation de découvert consentie le 10 mai 2017 les a exposés à un risque d’endettement excessif.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande des époux [R] tendant à l’indemnisation du préjudice résultant du manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
Sur les délais de paiement :
Les appelants ne justifient pas de leur situation financière actuelle et n’ont versé aux débats aucune pièce justificative de leurs revenus et de leurs charges, les seuls procès-verbaux de saisie produits ne suffisant pas à apprécier les mérites de leur demande de délais de paiement. En effet, ces documents révèlent que les emprunteurs sont propriétaires d’un bien immobilier à usage locatif dont ils n’ont pas indiqué la valeur vénale. Le jugement sera aussi confirmé sur ce point.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il n’est pas inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Infirme partiellement le jugement entrepris sur le montant de la créance de la BNP Paribas,
Statuant à nouveau sur ce point,
Condamne [N] [R] et [Y] [E] épouse [R] à payer à la BNP Paribas:
– la somme de 3’684,05 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019 au titre du prêt souscrit le 25 avril 2014,
– la somme de 22 500, 65 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019 au titre du crédit renouvelable souscrit le 23 mai 2014,
– la somme de 41 779,28 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2019 au titre de la convention d’autorisation de découvert souscrite le 10 mai 2017,
Confirme pour le surplus le jugement entrepris,
Déboute les parties de leurs demandes respectives fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne [N] [R] et [Y] [E] épouse [R] aux dépens.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,