13 avril 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
22/00902
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00902 – N��Portalis DBVH-V-B7G-ILX5
MPF – NR
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
11 janvier 2022
RG:19/05513
[S]
C/
CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE JOFFRE
Grosse délivrée
le 13/04/2023
à Me Géraldine BRUN
à Me Jean-marie CHABAUD
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 13 AVRIL 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NIMES en date du 11 Janvier 2022, N°19/05513
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,
Mme Séverine LEGER, Conseillère,
GREFFIER :
Mme Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Avril 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [C] [S]
né le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représenté par Me Géraldine BRUN de la SELARL SELARL PLMC AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
CAISSE DE CRÉDIT MUTUEL NICE JOFFRE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN-CHABAUD-MARCHAL & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 13 Avril 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Par acte sous seing privé du 22 juillet 2014, la SARL Alpes Gard Expertises (ci-après Agex), a emprunté à la Caisse de Crédit Mutuel Nice Joffre (ci-après le Crédit Mutuel) la somme de 35 000 euros remboursable en 48 mensualité au taux de 2,60 % par an (prêt n°575703).
[C] [S], associé de la société Agex, s’est engagé en qualité de caution solidaire à garantir le remboursement du prêt à hauteur d’un montant de 42 000 euros incluant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard durant 72 mois.
Par acte sous seing privé du 21 avril 2015, la société Agex a conclu un prêt auprès du Crédit Mutuel d’un montant de 172 000 euros au taux annuel de 1,94 % remboursable en 84 mensualités et [C] [S] s’est engagé comme caution solidaire à hauteur de 51 600 euros, incluant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités et intérêts de retard, sur une durée de 108 mois (prêt n°575703).
Par jugement du 17 juillet 2016, le tribunal de commerce d’Antibes a ouvert à l’égard de la société Agex une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire par jugement du 3 juillet 2018. Par lettre du 2 septembre 2016, la banque a déclaré au passif de la procédure collective ses créances.
Le 29 juillet 2019, le Crédit Mutuel a mis en demeure la caution de procéder au remboursement des sommes de 20 430,77 euros et de 51 600 euros au titre des deux prêts consentis à la société Agex puis l’a assigné par acte du 13 novembre 2019 devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins de paiement.
Par jugement contradictoire du 11 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Nîmes a :
Sur le cautionnement du prêt d’un montant de 35 000 euros :
– condamné [C] [S] au paiement au Crédit Mutuel la somme de 19 408,92 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
– prononcé la déchéance des intérêts échus depuis l’engagement de la caution en date du 22 juillet 2014 ;
– rejeté la demande de capitalisation des intérêts,
– condamné [C] [S] au paiement de la société Caisse de Crédit Mutuel Nice Joffre de la somme de 970,45 euros au titre de l’indemnité de recouvrement avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision ;
– rejeté la demande de délais de paiement formulée par M. [C] [S] ;
Sur le cautionnement du prêt d’un montant de 172 000 euros :
– rejeté la demande de nullité de l’engagement de caution de M. [C] [S] en date du 21 avril 2015 ;
– condamné M. [C] [S] au paiement de la somme de 51 600 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
– prononcé la déchéance des intérêts échus depuis l’engagement de caution en date du 21 avril 2015 ;
– rejeté la demande de capitalisation des intérêts ;
– condamné M. [C] [S] au paiement à la Caisse de Crédit Mutuel Nice Joffre de la somme de 6 816,55 euros au titre de l’indemnité de recouvrement, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
– rejeté la demande de délais de paiement formulée par M. [C] [S] ;
Le tribunal tout en reconnaissant la créance du Crédit Mutuel a cependant estimé que la banque ne rapportait pas la preuve de l’exécution de son obligation d’information de la caution et a prononcé en conséquence la déchéance de son droit aux intérêts échus depuis l’engagement de la caution.
Par déclaration du 7 mars 2022, [C] [S] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 12 octobre 2022, la procédure a été clôturée le 21 février 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 7 mars 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS :
Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2022, [C] [S] demande à la cour d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a prononcé la déchéance des intérêts échus au titre des deux prêts, et, statuant à nouveau,
– juger que l’engagement souscrit le 21 avril 2015 est nul et débouter le Crédit Mutuel de toutes ses demandes relatives àce cautionnement,
– juger que les engagements de caution souscrit le 22 juillet 2014 et le 21 avril 2015 étaient manifestement disproportionnés à ses biens et ses revenus et débouter le Crédit Mutuel de l’ensemble de ses demandes au titre de ces cautionnements,
– à titre subsidiaire, juger qu’il ne peut être tenu au paiement des indemnités de recouvrement et d’exigibilité immédiate,
– juger qu’il y a lieu de lui accorder un délai de paiement de deux années,
– juger que les sommes correspondantes aux échéances reportées porteront intérêts seulement au taux légal et que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital,
En tout état de cause,
– rejeter l’intégralité des demandes, fins et prétentions du Crédit Mutuel tendant notamment à le voir condamner au paiement de quelque somme que ce soit,
– condamner le Crédit Mutuel à lui payer et payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure.
L’appelant soutient que l’engagement souscrit le 21 avril 2015 est nul car il ne respecte pas la mention manuscrite des articles L.331-1 et L.343-1 du code de la consommation et auusi en raison de la nullité du cautionnement solidaire de M. [H] lequel était une condition déterminante de son consentement. Il considère par ailleurs que le Crédit Mutuel ne peut se prévaloir des cautionnements en raison de leur caractère manifestement disproportionné au regard de son patrimoine au jour de la conclusion des contrats. A titre subsidiaire, l’appelant considère que la banque échoue à rapporter la preuve de l’exécution de son obligation d’information en cas de défaillance du débiteur conformément aux articles L. 333-1 et L. 343-5 du code de la consommation et qu’il ne saurait dès lors être tenu au paiement des indemnités de recouvrement et d’exigibilité immédiate.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 août 2022, le Crédit Mutuel demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation au paiement des intérêts au taux légal capitalisés et, statuant à nouveau sur ce point, de :
– condamner M. [S] en sa qualité de caution solidaire de la société Alpes Gard Expertises, au titre du prêt n° 575702, au paiement de 20 430,77 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2019, date de la lettre de mise en demeure, et ce jusqu’à complet paiement,
– le condamner au paiement de 51 600 euros au titre du prêt n° 575703, outre intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2019, date de la lettre de mise en demeure, et ce jusqu’à complet paiement,
– ordonner la capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-3 du code civil,
– le condamner au paiement de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimée demande à la cour d’écarter la nullité du cautionnement souscrit le 21 avril 2015, la mention manuscrite relative à l’engagement de la caution étant intégralement conforme aux dispositions légales et que les deux cautions, M. [H] et M. [S] se sont chacun engagées à garantir le remboursement du prêt sans stipulation de solidarité de sorte que [C] [S] ne démontre pas l’existence d’une erreur déterminante de son consentement. Selon le Crédit Mutuel, il ne démontre pas davantage le caractère manifestement disproportionné des engagements de caution. L’intimée n’entend pas contester le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance des intérêts mais sollicite la capitalisation de intérêts au taux légal. La banque enfin soutient qu’elle a exécuté son obligation d’information annuelle de la caution par l’envoi d’un courrier avec accusé de réception du 17 août 2016 et a donc droit de réclamer l’indemnité de recouvrement. Elle s’oppose enfin à l’octroi de délais de paiement à l’appelant qui ne justifie pas de sa situation financière actuelle.
MOTIFS:
Sur la nullité du cautionnement souscrit le 21 avril 2015 :
Sur le respect du formalisme légal :
L’article L341-2 dans sa version applicable au présent litige dispose que toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même. »
La mention manuscrite figurant dans le cautionnement souscrit le 21 avril 2015 reprend dans son intégralité les termes requis par la disposition susvisée mais contient la phrase supplémentaire suivante: « S’il s’agit d’une société en formation, ajouter la mention « en formation » étant précisé que dans ce cas, le cautionnement est donné sous condition suspensive de l’immatriculation du cautionné au registre du commerce et des sociétés ou, à défaut d’immatriculation, couvre les engagements des associés signataires du contrat de crédit ».
Le tribunal a écarté la nullité du cautionnement aux motifs que la mention manuscrite y figurant était conforme au formalisme exigé par l’article L 341-2 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige et que l’ajout de la phrase supplémentaire n’en avait affecté ni le sens ni la portée.
L’appelant maintient que la mention manuscrite ne correspond pas à la formule légale car elle comprend une phrase supplémentaire.
L’intimé fait observer à la cour que la mention manuscrite rédigée par la caution reprend l’intégralité des indications requises par les dispositions des articles L 341-2 et L 341-3 du code de la consommation dans leur version applicable au présent litige et que l’adjonction de la phrase supplémentaire litigieuse n’altère pas le sens du paragraphe précédent et ne le rend pas incompréhensible.
La cour constate que les indications apportées par la phrase supplémentaire n’ont vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse où la débitrice principale bénéficiaire du cautionnement est une société en formation, ce qui n’était pas le cas de la sarl Agex, dont le numéro d’immatriculation au Registre du commerce et des sociétés est mentionné dans le contrat de prêt qu’elle a conclu avec le Crédit Mutuel le 21 avril 2015. Cette phrase ajoutée à la mention manuscrite reprenant l’intégralité de la mention exigée par l’article L 341-2 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige, dénuée de toute utilité, n’est donc pas de nature à modifier le sens et la portée de la mention qui la précéde ( Cour de cassation Com 21 avril 2022 n°20-23 300).
Sur l’erreur portant sur l’étendue des garanties consenties au Crédit Mutuel :
[C] [S] soutient que son consentement a été vicié par l’erreur qu’il a commise sur l’étendue des garanties fournies à la banque. Il explique qu’il a consenti à se porter caution de la sarl Agex parce que le gérant de la société Agex, [B] [H], s’était aussi porté caution du remboursement de ce prêt et que la disparition ultérieure de cette garantie, jugée disproportionnée, lui permet de se prévaloir de la nullité du cautionnement qu’il a consenti.
Le tribunal a écarté la nullité pour erreur du cautionnement au motif qu’il n’était pas établi que le cautionnement donné par [B] [H], lequel portait sur une fraction de la dette différente de celle garantie par [C] [S], avait été une condition déterminante de son consentement.
[C] [S] fait valoir qu’il n’a jamais accepté de se retrouver seule caution de la société Agex et de perdre tout recours subrogatoire contre [B] [H], la deuxième caution, de sorte que l’impossibilité pour la banque de se prévaloir du cautionnement donné par [B] [H] entraîne la nullité du cautionnement qu’il a lui-même consenti.
Le Crédit Mutuel considère que l’erreur alléguée est inexistante dès lors que [B] [H] et [C] [S] ne se sont pas engagés à garantir la même dette mais se sont portés chacun caution d’une fraction distincte de la somme prêtée de sorte que l’impossibilité pour la banque de se prévaloir de la caution de [B] [H] est sans effet sur l’engagement de [C] [S].
Pour justifier l’annulation de la convention, l’erreur doit avoir été déterminante du consentement de la partie qui s’en prévaut. L’erreur commise par la caution sur l’étendue des garanties prises par le créancier peut constituer un vice du consentement si la preuve est rapportée que l’existence et l’efficacité desdites garanties étaient un motif déterminant de son engagement.
Le prêt consenti par le Crédit Mutuel à la sarl AGEX était d’un montant de 172 000 euros.
[B] [H], gérant de la sarl AGEX, s’est porté caution de ladite société dans la limite de la somme de 51 600 euros et pour la durée de 108 mois.
[C] [S] s’est porté quant à lui caution de ladite société dans la limite de la somme de 51 600 euros.
L’acte de prêt signé par les parties le 21 avril 2015 stipule qu’en cas de pluralité de cautions, si elles garantissent chacune un montant inférieur à celui du crédit, elles garantissent chacune une fraction distincte du crédit à hauteur de leur engagement et que dans un tel cas, elles ne s’engagent pas solidairement entre elles et les montants de leurs engagements s’ajoutent entre eux.
Les cautionnements consentis par [B] [H] et [C] [S] se juxtaposent et garantissent chacun une partie différente de la dette de la sarl AGEX. Ainsi que le précise l’acte de prêt, la pluralité de cautions n’implique pas nécessairement que leurs engagements respectifs ont le même objet: soit chacune des cautions s’est engagée personnellement à garantir une fraction donnée de la dette et leurs engagements respectifs n’ont pas le même objet, soit toutes les cautions se sont engagées ensemble à garantir la même dette et leur engagement a le même objet.
Les engagements de [C] [S] et de [B] [H] n’ayant pas le même objet, la caution consentie par [B] [H] n’était pas de nature à réduire le poids de l’engagement de [C] [S] ni à lui profiter par voie de subrogation dans les droits de la banque. L’impossibilité pour la banque de se prévaloir de la caution consentie par [B] [H], laquelle a été jugée disproportionnée par jugement du tribunal judiciaire de Gap du 3 juillet 2020, n’a pas eu pour effet d’aggraver sa situation puisqu’il s’était engagé à garantir une autre partie de la dette. La caution consentie par [B] [H] étant sans intérêt pour lui, l’appelant ne peut donc soutenir sérieusement qu’il la considérait comme la condition déterminante de son consentement.
Le tribunal a donc à bon droit écarté la nullité du cautionnement souscrit le 21 avril 2015 par l’appelant.
Sur le caractère disproportionné des cautionnements :
[C] [S] soutient sur le fondement de l’article L 331-1 du code de la consommation qu’il est impossible au Crédit Mutuel de se prévaloir des deux cautionnements qu’il a consentis les 22 juillet 2014 et 21 avril 2015 au motif que ces engagements étaient manifestement disproportionnés à ses biens et à ses revenus.
Le tribunal a considéré qu’en l’état des éléments de patrimoine figurant dans le document dénommé « Fiche patrimoniale caution » signé le 16 juin 2014 par [C] [S] laquelle laissait apparaître un revenu annuel charges déduites de 29 640 euros, un patrimoine immobilier de 400 000 euros à diviser entre quatre indivisaires et un patrimoine financier de 80 000 euros, le Crédit Mutuel n’avait pas de raison de douter que la caution avait les moyens d’assumer son engagement à hauteur de 42 000 euros et que le cautionnement souscrit le 22 juillet 2014 n’était pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus. Les premiers juges ont précisé que même s’il rapportait la preuve que sa situation financière et patrimoniale en 2014 était en réalité moins favorable que celle décrite dans la fiche patrimoniale, il ne pouvait s’en prévaloir dès lors qu’il avait apposé sur la fiche patrimoniale sa signature précédée de la mention « lu et approuvé » et que la banque n’était pas tenue de vérifier les éléments qu’il avait déclarés.
Quant au cautionnement souscrit le 21 avril 2015, le tribunal a considéré que le patrimoine immobilier déclaré dans la fiche patrimoniale de la caution, lequel avait été estimé à la somme de 100 000 euros, était suffisant pour garantir l’engagement de caution à hauteur de 51 600 euros outre celui souscrit le 22 juillet 2014 à hauteur de 42 000 euros et en a déduit que la preuve de sa disproportion manifeste n’était pas établie.
L’appelant fait observer à la cour que les deux fiches patrimoniales n’ont pas été remplies de sa main, que la fiche du 16 juin 2014 n’a visiblement pas été signée par lui car elle présente des divergences avec les autres signatures apposées sur la fiche patrimoniale du 14 février 2015 ainsi que sur les deux actes de cautionnement. Il ajoute que les données contenues dans la première page de cette fiche ne lui sont pas opposables car il ne l’a pas paraphée et que le montant du reliquat du prêt personnel restant à rembourser est erroné. Il en déduit que cette fiche patrimoniale du 16 juin 2014 est un faux établi par le Crédit Mutuel.
[C] [S] fait valoir par ailleurs que son endettement était plus important que celui figurant sur les fiches patrimoniales des 16 juin 2014 et 14 février 2015 et atteignait la somme totale de 266 486,78 euros car il avait souscrit de nombreux autres cautionnements auprès de diverses banques.
L’intimée précise qu’aucun texte n’exige que les fiches patrimoniales soient manuscrites et paraphées sur chaque page et relève que [C] [S] conteste l’authenticité de la signature apposée sur la fiche datée du 16 juin 2014 pour la première fois en cause d’appel et que la contestation ne vise pas la mention « lu et approuvé » rédigée à la main au-dessus de la signature arguée de faux. La banque considère que la fiche patrimoniale litigieuse ne comportait aucune anomalie apparente lui imposant de procéder à des vérifications complémentaires et que la caution, tenue de la renseigner avec loyauté, aurait dû révéler sa situation patrimoniale réelle.
Dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à celle résultant de l’ordonnance n 2016-301 du 14 mars 2016, l’article L. 341-4 du code de la consommation disposait : « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
La comparaison des signatures apposées sur les documents produits aux débats ‘ actes de prêt et de cautionnement des 22 juillet 2014 et 21 avril 2015, fiche patrimoniale datée du 14 février 2015 ‘ avec la signature figurant sur la fiche patrimoniale datée du 16 juin 2014 ne révèle aucune divergence flagrante. Les signatures concernées ne sont pas des signatures complètes mais des grandes boucles adossées à un trait vertical et leur graphisme est globalement similaire. Une seule variation se situe dans la partie inférieure de la boucle mais elle n’est pas en elle-même suffisamment significative pour caractériser une falsification de signature, la terminaison de la boucle n’étant pas exactement la même aussi sur les signatures dont l’appelant reconnaît être l’auteur.
La contestation de la signature manque par ailleurs de crédibilité dès lors que l’appelant ne conteste pas que la mention « lu et approuvé » située à un centimètre à peine au-dessus de la signature litigieuse a été rédigée de sa propre main.
L’argument selon lequel la banque ne justifie pas avoir recueilli des informations sur la situation patrimoniale de la caution avant de lui faire souscrire son engagement sera donc écarté.
Les autres critiques formulées – erreur sur le montant d’un prêt personnel et absence de paraphe – ne constituent pas des anomalies apparentes de nature à amoindrir la fiabilité des renseignements déclarés par la caution et à imposer à la banque un devoir de vérification complémentaire.
La disproportion manifeste s’apprécie au regard des biens et revenus déclarés par la caution dans les fiches patrimoniales, dont le créancier, en l’absence d’anomalies apparentes, n’a pas à vérifier l’exactitude et l’exhaustivité. [C] [S] ne peut donc pas soutenir que sa situation financière et patrimoniale à la date de la souscription de ses engagements les 22 juillet 2014 et 21 avril 2015 était en réalité bien moins favorable que celle déclarée dans les deux fiches patrimoniales qu’il a renseignées puis signées les 16 juin 2014 et 14 février 2015. Il ne peut notamment pas se prévaloir pour prouver la disproportion manifeste des cautionnements litigieux d’un endettement très important découlant de la souscription de plusieurs autres engagements de caution qu’il a omis de déclarer à la banque
La disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution au jour où il a été souscrit supposant que la caution soit à cette date dans l’impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus, les premiers juges ont à juste titre estimé que le revenu annuel charges déduites de 29 640 euros, son patrimoine immobilier de 400 000 euros à diviser entre quatre indivisaires et son patrimoine financier de 80 000 euros, éléments déclarés par [C] [S] dans la fiche patrimoniale du 16 juin 2014, lui permettait de faire face à son engagement de caution à hauteur de 42 000 euros. Ils ont pareillement considéré avec pertinence que le patrimoine immobilier de [C] [S] estimé à la somme de 100 000 euros était suffisant pour lui permettre de faire face à l’engagement de caution à hauteur de 51 600 euros souscrit le 21 avril 2015 ainsi qu’à celui souscrit le 22 juillet 2014 à hauteur de 42 000 euros.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de la caution tendant à déclarer ses engagements manifestement disproportionnés à ses besoins et à ses revenus.
Sur les indemnités de recouvrement de 5% :
[C] [S] considère qu’il n’est pas tenu de payer ces indemnités de recouvrement dès lors qu’il s’agit d’une pénalité sanctionnant la défaillance de la débitrice principale et que la banque a failli à son obligation d’information de la caution.
Le tribunal a retenu que le Crédit Mutuel justifiait de l’envoi en recommandé d’une lettre datée du 17 août 2016 adressée à la caution l’informant de ce que la sarl AGEX avait été placée en redressement judiciaire par jugement du 19 juillet 2016 et des dates des dernières échéances impayées. Il en a déduit que la banque avait accompli son obligation d’information de la caution telle que requise par l’article L 341-1 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige, peu important que la lettre recommandée ait été retournée avec la mention: « pli avisé mais non réclamé ».
L’appelant fait grief au tribunal d’avoir retenu que la banque avait respecté son obligation d’information de la caution concernant la défaillance de l’emprunteur en se fondant sur les courriers des 19, 25 juillet et 15 août 2016 pour mettre à sa charge l’indemnité de recouvrement alors qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la banque laquelle produisait des copies de lettres d’information qui ne permettaient pas d’établir la preuve qu’elle avait exécuté son obligation.
Comme le fait justement observer l’intimée, le tribunal ne s’est pas fondé sur les mêmes courriers pour déterminer si la banque avait rempli son obligation annuelle d’information de la caution et son obligation d’information en cas de défaillance de l’emprunteur, lesquelles sont deux obligations d’information distinctes.
Le tribunal s’est fondé à juste titre pour s’assurer que la banque avait satisfait à son obligation d’information requise par l’article L 341-1 du code de la consommation dans sa version applicable au présent litige sur la lettre datée du 17 août 2016 dont la banque justifiait de l’envoi en recommandé.
Le jugement sera donc aussi confirmé sur ce point.
Sur la capitalisation des intérêts :
L’intimée a formé dans le dispositif de ses conclusions appel incident contre la disposition du jugement rejetant sa demande de capitalisation des intérêts légaux mais dans sa discussion n’a développé aucun moyen à l’appui de cette prétention.
Aux termes du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyen qu’elle invoque.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de capitalisation des intérêts formée par le crédit Mutuel.
Sur les délais de paiement :
Si l’appelant verse aux débats les divers actes de cautionnement qu’il a souscrits, il ne justifie pas de l’état actuel détaillé de son endettement. Les cautionnements souscrits datent en effet de 2010 à 2013 et la cour n’est pas mise en mesure de vérifier si les sommes dues ont été partiellement ou totalement réglées. [C] [S] ne justifie pas non plus de ses revenus actuels et de ses charges, les avis d’imposition produits concernant les revenus des années 2013 et 2014.
La cour ne peut que constater que devant la cour comme devant les premiers juges, l’appelant n’a pas justifié de sa situation financière actuelle.
Le rejet de sa demande sera donc confirmée.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner [C] [S] à payer au Crédit Mutuel la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne [C] [S] à payer au Crédit Mutuel la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux dépens.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,