13 avril 2023
Cour d’appel de Metz
RG n°
21/02696
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/02696 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FTV5
Minute n° 23/00128
[I]
C/
[Y]
Jugement Au fond, origine Juge de l’exécution de METZ, décision attaquée en date du 28 Octobre 2021, enregistrée sous le n° 11-21-375
COUR D’APPEL DE METZ
3ème CHAMBRE – TI
ARRÊT DU 13 AVRIL 2023
APPELANT :
Monsieur [P] [I]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Patrick VANMANSART, avocat au barreau de METZ
INTIMÉ :
Monsieur [R] [Y]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 07 Février 2023 tenue par M. MICHEL, Conseiller, Magistrat rapporteur qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans leur délibéré pour l’arrêt être rendu le 13 Avril 2023
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme MALHERBE
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre
ASSESSEURS : Monsieur MICHEL, Conseiller
Monsieur KOEHL, Conseiller
ARRÊT :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme PELSER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE’:
Suivant acte notarié du 10 avril 2001 contenant une reconnaissance de dette et revêtu de la formule exécutoire, M. [R] [Y] a consenti à M. [P] [I] et Mme [L] [Z] épouse [I], un prêt d’un montant de 51.832,67 euros au taux de 10,50 % l’an, remboursable en une seule et unique échéance comprenant le capital et les intérêts fixée au 5 avril 2002.
Le 1er mars 2021, sur le fondement de cet acte, M. [Y] a fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne pour recouvrement de la somme de 130.543,28 euros, dénoncée à M. [I] le 3 mars 2021.
Par acte d’huissier du 31 mars 2021, M. [I] a fait assigner M. [Y] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Metz aux fins de voir constater que la dette est éteinte, ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 3 mars 2021 et constater la prescription de la créance d’intérêts, subsidiairement réduire le taux d’intérêts condamner le défendeur à lui verser une indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Y] a conclu au rejet des demandes et sollicité une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 28 octobre 2021, le juge de l’exécution a :
– débouté M. [I] de sa demande visant à voir déclarer la dette éteinte et de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 3 mars 2021
– déclaré prescrits les intérêts échus antérieurement au 6 juillet 2011 pour un montant de 43.621,77 euros
– débouté M. [I] de sa demande de réduction du taux d’intérêts applicable à la créance de M. [Y] en application de l’acte authentique du 10 avril 2001
– dit que les dépens seront supportés par moitié par M. [I] et par M. [Y]
– débouté les parties de toute autre demande.
Par déclaration d’appel déposée au greffe de la cour le 8 novembre 2021, M. [I] a relevé appel’de ce jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes tendant à voir déclarer la dette éteinte, ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 3 mars 2021, réduire le taux d’intérêt applicable à la créance détenue par M. [Y] en application de l’acte authentique du 10 avril 2011, de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens seront supportés par moitié par les parties.
Aux termes de ses dernières conclusions du 11 février 2022, il conclut à l’infirmation du jugement et demande à la cour de :
– constater la prescription de la créance éventuelle de M. [Y] et en conséquence ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 3 mars 2021 sur son compte ouvert dans les livres de la SA BPALC
– à titre subsidiaire rejeter l’appel incident et confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré prescrits les intérêts échus antérieurement au 6 juillet 2011 pour un montant de 43.621,77 euros
– réduire le taux d’intérêt contractuel réclamé
– lui accorder des délais de paiement en application de l’article 1244-1 du code civil
– condamner M. [Y] aux entiers dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à lui verser une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelant soutient que le dernier paiement qu’il a effectué date du 15 janvier 2005 pour un montant de 36.000 euros et qu’à défaut de tout acte d’exécution dans le délai de cinq ans, la créance est prescrite par application des dispositions de l’article 2224 du code civil. Il prétend que la créance est éteinte du fait des paiements opérés ( 6.000 euros le 25 novembre 2002, 1.500 euros le 19 janvier 2003, 36.000 euros le 15 janvier 2005) et de la remise à l’intimé du prix de vente d’un véhicule pour un montant de 21.342,86 euros, ainsi qu’il ressort des attestations produites démontrant la réalité de ce règlement.
A titre subsidiaire, il conclut à la confirmation du jugement en ce qu’il a déclaré prescrits les intérêts échus antérieurement au 6 juillet 2011 par application de l’article 2224 du code civil, la seule voie d’exécution pratiquée antérieurement à la saisie-attribution, objet du présent litige, datant du 6 juillet 2016, et sollicite par application des dispositions de l’article L. 313-2 du code monétaire et financier, la réduction du taux d’intérêt de 10,5 % l’an pratiqué, excessif par rapport au taux d’intérêt actuel, s’engageant à régler le solde de la créance qui serait éventuellement dû dans le délai de deux ans en application de l’article 1244-1 devenu L. 1343-5 du code civil.
Aux termes de ses dernières conclusions du 27 juillet 2022, M. [Y] conclut au rejet de l’appel et à l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré prescrits les intérêts échus antérieurement au 6 juillet 2011 pour la somme de 43.621,77 euros, partagé les dépens par moitié et rejeté sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et demande à la cour de :
– rejeter la demande de M. [I] au titre de la prescription des intérêts
– le condamner aux dépens de première instance et au paiement d’une indemnité de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance
– confirmer le jugement pour le surplus et rejeter l’ensemble des demandes de M. [I]
– le condamner aux dépens d’appel et au paiement d’une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimé expose que l’ensemble des paiements effectués par M. [I] s’élève à la somme de 43.500 euros et que la preuve n’est pas rapportée d’une dation en paiement par la production d’attestations de pure complaisance qui ne mentionnent aucune date ni aucun montant, étant précisé que M. [M], contre lequel il avait déposé plainte en 2006 pour vol, escroquerie et abus de confiance, a déclaré dans une précédente attestation du 2 novembre 2004 qu’il avait remis l’argent de la vente entre les mains de M. [I]. Il conteste que la créance soit éteinte et fait valoir que le 5 septembre 2002 un commandement de payer aux fins de saisie-vente a été notifié à l’appelant par huissier de justice et que la saisie a été effectuée le 2 octobre 2002 sans contestation du débiteur.
Sur la prescription des intérêts, il expose que la formule exécutoire a été délivrée le 19 avril 2002, qu’il a déposé une assignation en liquidation judiciaire en 2012 à l’encontre de M. [I] puis diligenté une mesure d’exécution forcée immobilière qui a donné lieu à un jugement rendu le 2 février 2018 par le tribunal d’instance de Metz, confirmant une ordonnance du 6 juillet 2016, et que l’appelant produit lui-même un commandement de payer aux fins de saisie vente en date du 25 février 2015.
Il conclut enfin au rejet de la demande de réduction du taux d’intérêt contractuellement prévu, inférieur au taux d’usure au jour de l’acte authentique, ainsi qu’au rejet de la demande de délais de grâce, aux motifs que l’appelant, qui ne produit aucun élément concernant ses revenus, charges et patrimoine, a pu, grâce au prêt qui lui a été consenti, préserver un patrimoine immobilier très important.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la mesure d’exécution forcée
Selon l’article L. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
Constituent des titres exécutoires en vertu des dispositions applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, aux termes de l’article L. 111-5 du même code dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 applicable au litige, et de la jurisprudence constante, les actes établis par les notaires de ces trois départements qui ont pour objet le paiement d’une somme d’argent déterminée et qui mentionnent au jour de leur signature, outre le consentement du débiteur à son exécution forcée immédiate, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant au jour de la poursuite d’évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi.
L’acte notarié du 10 avril 2001 revêtu de la formule exécutoire, qui porte l’indication du montant emprunté (51.832,67 euros), du taux nominal des intérêts (10,5 % l’an) ainsi que des modalités de remboursement (une échéance unique au 5 avril 2002) constitue un titre exécutoire, l’ensemble de ces éléments permettant de calculer la créance au jour des poursuites.
Selon l’article L. 236 du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit, et sont de nature à à remettre en cause les droits du créancier.
Sur la prescription de l’action en recouvrement forcé, il est rappelé que les actes notariés revêtus de la formule exécutoire sont soumis, pour leur exécution, au délai de prescription de la créance qu’ils constatent, soit en l’espèce, s’agissant d’un prêt consenti par un particulier à un autre particulier antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, au délai de trente ans, réduit à cinq ans par ladite loi, cette disposition qui réduit la durée de la prescription s’appliquant, selon l’article 2222 du code civil, aux prescriptions à compter du 19 juin 2008, date de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Selon les articles 2241 et 2244 du code civil, le délai de prescription est interrompu par une demande en justice, une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d’exécution ou par un acte d’exécution forcée.
Il est constant en l’espèce que la prescription n’était pas acquise à la date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, à partir de laquelle le délai de prescription de 5 ans s’est substitué au délai trentenaire. Si M. [Y] fait état d’un commandement aux fins de saisie signifié avec l’acte notarié au débiteur par huissier de justice le 25 février 2015 et d’une décision du tribunal de Metz du 2 février 2018, rappelant que par ordonnance du 6 juillet 2016 le tribunal a ordonné la vente par voie d’exécution forcée des immeubles de M. [I] inscrits au livre foncier de Metz et de Montigny les Metz, il ne justifie d’aucun acte interruptif de prescription antérieurement au 18 juin 2013. Il est relevé que si l’intimé prétend avoir déposé en 2012 devant le tribunal de grande instance de Metz une assignation en liquidation judiciaire à l’encontre de M. [I], il ne justifie pas de la signification d’une telle assignation au débiteur.
En conséquence, il convient d’infirmer le jugement et de déclarer prescrite l’action en recouvrement formée par M. [Y] à l’encontre de M. [I] et d’ordonner la mainlevée de la mesure de saisie-attribution pratiquée le 1er mars 2021 entre les mains de la SA BPALC en recouvrement de la somme de 130.543,28 euros.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
M. [Y], partie perdante, devra supporter les dépens de première instance et d’appel et il est équitable qu’il soit condamné à verser à l’appelant la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il convient en outre de le débouter de sa propre demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement rendu le 28 octobre 2021 par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Metz en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
DECLARE prescrite l’action en recouvrement forcé formée par M. [R] [Y] contre M. [P] [I] sur le fondement de l’acte notarié du 10 avril 2001 ;
ORDONNE la mainlevée de la mesure de saisie-attribution pratiquée le 1er mars 2021 à la requête de M. [R] [Y] entre les mains de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne pour recouvrement de la somme de 130.543,28 euros ;
CONDAMNE M. [R] [Y] à verser à M. [P] [I] une indemnité de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE M. [R] [Y] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [R] [Y] aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT