Prêt entre particuliers : 13 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/04493

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Prêt entre particuliers : 13 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/04493

13 avril 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG
21/04493

N° RG 21/04493 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LC2W

C8

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY

la SCP FICHTER TAMBE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 13 AVRIL 2023

Appel d’une décision (N° RG 2020J00314)

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 20 septembre 2021

suivant déclaration d’appel du 22 octobre 2021

APPELANTE :

S.A.R.L. ALSYS au capital de 15.244, 90 €, inscrite au RCS de Grenoble

sous le numéro 419 586 144, représentée par son dirigeant en exercice Monsieur [I] [B], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me David ROGUET de la SELARL GUMUSCHIAN ROGUET BONZY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Clémence KRIEGK, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

S.A.R.L. SIRAC au capital de 1.900.000 €, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° B 320 016 033, prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Julien TAMBE de la SCP FICHTER TAMBE, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 05 janvier 2023, Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour, après prorogation du délibéré.

Exposé du litige

La Sarl Sirac est spécialisée dans la distribution de produits et de solutions pour la sécurité des professionnels sur la route, appelées dispositif pour travailleur isolé (PTI).

La Sarl Alsys est spécialisée dans la vente et la location de systèmes de communications, de sécurité et notamment de solutions de géolocalisation à destination des transporteurs routiers. et a eu recours aux services de géocalisation .

En 2012, la Sarl Alsys a commandé à la Sarl Sirac plusieurs coffret ATEX et a eu recours aux services de sécurité géolocalisée proposés par la Sarl Sirac depuis cette date.

La Sarl Sirac a réclamé à plusieurs reprises à la Sarl Alsys le réglement de factures.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 octobre 2019, la Sarl Sirac a indiqué à la Sarl Alsys avoir pour instruction d’interrompre l’accès à la plateforme de logiciel et l’a invitée à trouver une solution rapidement.

La Sarl Sirac a assigné la Sarl Alsys en paiement par acte du 15 septembre 2020.

Par jugement du 20 septembre 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a:

– condamné la Sarl Alsys à payer à la Sarl Sirac la somme de 43.263,71 euros outre intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2019,

– débouté la Sarl Sirac de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– condamné la Sarl Alsys à verser 1.000 euros à la Sarl Sirac au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 22 octobre 2021, la Sarl Alsys a interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a condamné la Sarl Alsys à payer à la Sarl Sirac la somme de 43.263,71 euros outre intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2019 et en ce qu’il a condamné la Sarl Alsys à verser 1.000 euros à la Sarl Sirac au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

Prétentions et moyens de la Sarl Alsys

Dans ses conclusions remises le 11 juillet 2022, elle demande à la cour de:

A titre principal,

– déclarer recevable l’appel formé par la Sarl Alsys,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* condamné la Sarl Alsys à payer à la Sarl Sirac la somme de 43.263,71 euros outre intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2019,

* condamné la Sarl Alsys à verser 1.000 euros à la Sarl Sirac au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

Statuant à nouveau,

– juger que la demande de paiement de la somme de 43.263,71 euros au titre des prétendus arriérés de paiements depuis 2017 est infondée faute de preuve,

– débouter la Sarl Sirac de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l’encontre de la Sarl Alsys,

A titre subsidiaire,

– octroyer des délais de grâce à la Sarl Alsys en échelonnant le montant de la condamnation qui serait mis éventuellement à sa charge, sans intérêts, au moyen d’un règlement échelonné sur 10 mois,

A titre reconventionnel,

– juger que l’exception d’inexécution constituée par la rupture brutale du service lié au logiciel par la Sarl Sirac est injustifiée,

– condamner la Sarl Sirac à payer à la Sarl Alsys en réparation les conséquences de son inexécution à hauteur de la somme de 95.600 euros ht,

En tout état de cause,

– condamner la Sarl Sirac à verser la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Sarl Sirac aux entiers dépens.

Elle fait valoir que les seuls éléments comptables même audités par un commissaire aux comptes ne sauraient justifier l’existence d’une créance dont une partie réclame le paiement, de tels éléments étant des preuves constituées à soi-même; que le tribunal ne pouvait donc pas la condamner sur la base du document intitulé ‘consultation des comptes clients’; que la Sarl Sirac n’a produit aucun bon de commande ou bon de livraison de sorte qu’il est impossible de savoir si les prestations facturées correspondait bien à la réalité des éventuelles commandes de la Sarl Alsys ; que la Sarl Sirac sollicite le paiement de sommes qui lui ont déjà été versées et produit des factures pour des abonnements résiliés et une prestation de service qu’elle n’a pas fournie.

Elle relève qu’une reconnaissance de dette doit comporter un certain formalisme pour être valable juridiquement; que l’e-mail du 12 juillet 2017 émane d’un assistant administratif sans pouvoir pour représenter la Sarl Alsys ; qu’il est adressé à la société Rauwers qui est sans lien avec le présent litige; qu’il ne permet pas de connaître l’étendue de la créance de la Sarl Sirac contre la Sarl Alsys.

Sur la demande de délais de paiement subsidiaire, elle souligne qu’elle est un débiteur malheureux; que la Sarl Sirac n’est pas étrangère aux difficultés qu’elle connaît dès lors qu’elle a démarché le groupe Total ce qui a entraîné la perte de son principal client; qu’elle a rencontré des problèmes de fonctionnement du logiciel qui ont eu des conséquences sur le maintien de certains contrats.

Sur sa demande reconventionnelle, elle fait observer que la Sarl Sirac n’a pas hésité à procéder à la coupure brutale du logiciel entraînant des réclamations de ses clients; que le retard de paiement ne pouvait justifier la mise en oeuvre de l’exception d’inexécution; que cette coupure a entraîné pour elle des préjudices.

Prétentions et moyens de la Sarl Sirac

Dans ses conclusions remises le 13 décembre 2022, elle demande à la cour de :

– dire et juger1’appel de la Sarl Alsys recevable mais mal fondé,

– confirmer purement et simplement le jugement en ce qu’il a condamné la Sarl Alsys à payer à la Sarl Sirac la somme de 43.263,71 euros, avec intérêts légaux a compter du 31 octobre 2019, et la somme de 1.000 € au titre de 1’Artic1e 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Sarl Sirac de sa demande de dommages-intérêts au titre de la résistance abusive,

Statuant à nouveau,

– condamner la Sarl Alsys à payer à la Sarl Sirac la somme de 3.000 euros au titre de sa résistance abusive

En tout état de cause,

– débouter la Sarl Alsys de sa nouvelle demande de délais de paiement et de condamnation totalement infondée de la Sarl Sirac à lui payer la somme de 95.600 euros ht,

Y ajoutant,

– condamner la Sarl Alsys à payer à la Sarl Sirac la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

– condamner la Sarl Alsys aux entiers dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais de greffe.

Elle souligne qu’en matière commerciale, la preuve est libre, que ses demandes sont fondées sur les bons de commandes tamponnées et signées des 7 août et 4 décembre 2012 et 25 janvier 2013, sur le paiement d’une prestation pendant de nombreux mois et sur l’absence de contestations des factures, la Sarl Alsys mettant seulement en avant ses difficultés financières et n’ayant jamais remis en cause la réalité et la qualité de la prestation, ni le montant des factures au cours des échanges de mails entre les parties.

Sur la désorganisation de la comptabilité de la Sarl Sirac soulevée par la Sarl Alsys, l’intimée fait remarquer que les échanges datent de 2013 et 2014 et sont tout à fait étrangers au présent litige, que la Sarl Sirac a toujours fourni des boîtiers présentant une excellente fiabilité, que les problèmes techniques allégués font référence à une période où elle n’assurait plus sa prestation faut d’être payée, que rien ne démontre que le prétendu dysfonctionnement d’octobre 2017 lui soit imputable.

Sur la demande reconventionnelle, elle indique que la somme réclamée ne repose sur aucun élément.

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction est intervenue le 15 décembre 2022.

Motifs de la décision

1) Sur la demande de la Sarl Sirac en paiement de factures

Il résulte des dispositions de l’article 1315 (ancien du code civil) devenu 1353 du code civil qu’il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier du fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En application de l’article L 110.3 du code civil, à l’égard des commerçants les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit disposé autrement par la loi.

Aux termes de l’article L 123-23, la comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce.

Au vu des bons de commande signés versés aux débats, la Sarl Alsys a commandé auprès de la Sarl Sirac 50 coffrets ATEX, 50 gaines ADR et 50 connecteurs de liaison le 7 août 2012, 150 coffrets ATEX, 150 gaines ADR et 150 connecteurs de liaison le 4 décembre 2012, 100 coffrets ATEX, 100 gaines ADR et 100 connecteurs de liaison le 25 janvier 2013.

Ces bons de commandes établissent l’ancienneté de la relation d’affaire entre les parties.

La société Alys reconnaît en ses écritures page 3 qu’après avoir acquis les boîtiers informatiques, elle louait le logiciel de remontée des alarmes auprès de la Sarl Sirac.

Dans un mail du 4 août 2017 adressé à la Sarl Sirac, elle indique lui avoir payé la somme de 840.000 euros depuis le début de leur collaboration.

En dehors d’un rejet d’une facture pour double facturation en octobre 2013, la Sarl Alsys ne justifie pas avoir contesté les facturations émises par la Sarl Sirac antérieurement au présent litige.

La Sarl Sirac produit 16 factures pour la période d’août 2017 à novembre 2019 pour un montant total de 59.363,20 euros.

Certaines font état d’une facturation pour un abonnement cartes Sim en l’absence de restitution de cette carte ce qui apparaît tout à fait justifié contrairement à ce que soutient la Sarl Alsys.

Par ailleurs, la Sarl Sirac n’a pas facturé de prestation au-delà du mois de novembre 2019, moment où elle a interrompu sa prestation.

L’examen de la pièce comptable ‘Consultation des comptes clients concernant la Sarl Alsys’ fait apparaître un solde de 43.263,71 euros compte tenu des versements effectués par la Sarl Alsys.

Aucun élément ne permet d’écarter ce moyen de preuve admissible entre deux société commerciales.

Par ailleurs, ensuite des relances effectuées par la Sarl Sirac en raison des impayés, la Sarl Alsys a demandé soit d’être patient, soit s’est engagée à effectuer un règlement, soit a indiqué attendre la rentrée permanente pour effectuer le virement sans jamais contester ni la réalité, ni le montant de la prestation.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la cour considère que la Sarl Sirac justifie de sa demande.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné la Sarl Alsys à payer à la Sarl Sirac la somme de 43.263,71 euros outre intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2019.

2) Sur la demande en délai de paiement

La Sarl Alsys ne justifie pas de sa situation financière actuelle. Elle a déjà bénéficié de longs délais de procédure. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de délais.

3) Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La Sarl Sirac ne justifie pas d’un préjudice indépendant du retard dans le paiement déjà réparé par les intérêts moratoires.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté la Sarl Sirac de sa demande de dommages et intérêts.

4) Sur la demande reconventionnelle en dommage et intérêts

Une partie peut refuser d’exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

La Sarl Alsys considère que la Sarl Sirac s’est prévalue à tort de l’exception d’inexécution pour couper brutalement son logiciel.

Cependant, il ressort des échanges de mails entre les parties que la Sarl Sirac a rappelé à de multiples reprises, notamment les 28 janvier 2019, 17 juin 2019, 25 juillet 2019 et 20 septembre 2019, à la Sarl Alsys la nécessité de régler ses factures en lui rappelant qu’à défaut, elle cessera sa collaboration.

Par courrier du 31 octobre 2019, la chef de produit Sirac a indiqué à la Sarl Alsys qu’elle avait  pour instruction d’interrompre l’accès à la plateforme de logiciel entraînant l’impossibilité pour la société Alsys d’accéder au logiciel web Geoplus et l’invitait à trouver rapidement une solution pérenne dans un délai de 15 jours sous peine d’interruption définitive du service proposé.

L’absence de règlement de la prestation pendant plusieurs mois malgré les relances effectuées et les propositions de solutions amiables émanant de la Sarl Sirac constitue une inexécution suffisamment grave justifiant l’interruption de sa prestation par la Sarl Sirac.

En outre, cette inexécution n’a pas été brutale puisque la Sarl Alsys a reçu de multiples mises en demeure avant de voir le service s’arrêter.

En conséquence, la Sarl Alsys doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts en l’absence d’inexécution fautive.

5) Sur les mesures accessoires

La Sarl Alsys qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à la Sarl Sirac la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement rendu le 20 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Grenoble en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Y ajoutant,

Déboute la Sarl Alsys de sa demande de délais de paiement.

Déboute la Sarl Alsys de sa demande en dommage et intérêts.

Condamne la Sarl Alsys aux entiers dépens d’appel.

Condamne la Sarl Alsys à payer à la Sarl Sirac la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Signé par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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