Prêt entre particuliers : 12 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/02801

·

·

Prêt entre particuliers : 12 juillet 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/02801

12 juillet 2023
Cour d’appel de Paris
RG
23/02801

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 12 JUILLET 2023

(n° / 2023, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/02801 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHDBB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 janvier 2023 -Tribunal de commerce de MEAUX – RG n° 2022010146

APPELANT

Monsieur [W] [S]

Né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 8] (77)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté et assisté de Me Philippe LOUIS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 038,

INTIMÉS

S.E.L.A.R.L. GARNIER-[B], prise en la personne de Maître [Y] [B], ès qualités,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 478 547 243,

Dont le siège social est situé [Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée et assistée de Me Carole BOUMAIZA de la SCP GOMME et BOUMAIZA, avocate au barreau de PARIS, toque : J094,

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 3]

[Localité 6]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et Madame Constance LACHEZE, conseillère.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par florence DUBOIS-STEVANT, conseillère par suite d’un empêchement de la présidente de chambre, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

M. [S] exerce sous le régime de l’entreprise individuelle, une activité de brasserie, café, restaurant à [Localité 8] sous l’enseigne ‘La Marquise’. Il a ultérieurement constitué la SAS Le Diplomate le 1er septembre 2020 avec pour projet d’exploiter dans le cadre de celle-ci un second commerce de bar-restaurant à [Localité 8] sous l’enseigne ‘Le Diplomate’ acquis dans le cadre de la liquidation de M. [G]. Cette société a toutefois été placée en redressement judiciaire le 18 juillet 2022, puis en liquidation judiciaire le 3 octobre 2022.

Sur requête du ministère public et après enquête, le tribunal de commerce de Meaux a, par jugement du 26 septembre 2022, ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de M.[S], fixé la date de cessation des paiements au 27 mars 2021 et désigné la SELARL [J]-Bortolus en la personne de Maître [J] en qualité d’administrateur judiciaire, et la SELARL Garnier [B], en la personne de Maître [B], comme mandataire judiciaire.

Le 23 janvier 2023, le tribunal a mis fin à la période d’observation, a converti le redressement en liquidation judiciaire, désigné la SELARL Garnier [B] en la personne de Maître [B], comme liquidateur judiciaire.

Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que M.[S] avait créé des dettes durant la période d’observation à hauteur de 9.000 euros et qu’il n’existait pas de possibilité de présenter un plan de redressement permettant d’apurer le passif.

M. [S] a relevé appel de cette décision le 2 février 2023 en intimant la SELARL Garnier [B], ès qualités, et le ministère public.

L’exécution provisoire de la décision dont appel a été arrêtée par le délégataire du premier président le 13 avril 2023.

M. [S] a déclaré reprendre à titre personnel l’activité du bar-restaurant Le Diplomate.

Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 2 juin 2023, M. [S] demande à la cour de le recevoir en son appel, le déclarer bien fondé, infirmer le jugement, dire que la procédure de redressement judiciaire reprendra son cours sur la base du plan d’apurement proposé et statuer ce que de droit sur les dépens.

Par conclusions (n°5) déposées au greffe et notifiées par RPVA le 5 juin 2023, la SELARL Garnier [B], en la personne de Maître [B], ès qualités de liquidateur judiciaire, demande à la cour de débouter M. [S] de ses prétentions, fins et conclusions, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de statuer ce que de droit sur les dépens.

Le ministère public est d’avis que la cour confirme le jugement. Cet avis a été communiqué par RPVA le 4 avril 2023.

SUR CE

L’article L.631-15, II du code de commerce dispose que ‘à tout moment de la période d’observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, d’un contrôleur, du ministère public ou d’office, peut ordonner la cessation partielle de l’activité ou prononcer la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.’

Au soutien de sa demande de confirmation de la conversion du redressement en liquidation judiciaire, le liquidateur affirme que les éléments aux débats ne permettent pas de conclure à la poursuite de la période d’observation et à la faisabilité d’un plan de redressement, en ce que M. [S] ne justifie pas être assuré pour l’exploitation du fonds La Marquise au-delà du 28 mai 2023, a créé de nouvelles dettes au cours de la période d’observation en ne réglant pas les loyers pour le fonds de commerce La Marquise (9.000 euros), en ce que le passif comporte une créance de 27.243 euros des consorts [M], bailleurs des locaux dans lequel est exploité le commerce Le Diplomate repris par M. [S], en ce que le passif admis s’élève à ce jour à 176.954,06 euros et en ce que les dettes relevant de l’article L. 622-17 du code de commerce, évaluées au 15 mai 2023 à 43.285,91 euros, ne peuvent être prises en compte dans le plan de redressement et doivent être payées indépendamment des dividendes d’un plan. Le liquidateur considére que M. [S] ne démontre pas être en capacité de satisfaire à l’exécution de sa proposition de plan, qu’il s’agisse de l’option 1 (30 % dans les 180 jours) ou de l’option 2 (100 % sur 10 ans).

M. [S] réplique qu’un plan de redressement est tout à fait possible, que l’exploitation simultanée du bar-restaurant ‘La Marquise’et du bar-restaurant Le Diplomate, ainsi que son retour en bonne santé vont lui permettre de dégager des ressources suffisantes pour apurer le passif.

Il verse aux débats une proposition de plan de redressement en date du 6 juin 2023, visée par son expert-comptable et établie sur la base d’un passif provisoire de 146.536 euros, comportant deux options ( après paiement à l’arrêté du plan des éventuelles créances inférieures à 500 euros): – option 1: règlement d’un unique dividende de 30 % dans les 180 jours suivant l’adoption du plan, soit un montant de 43.960,80 euros, – option 2: paiement à 100 % de la totalité des créances définitivement admises sans intérêts en 10 annuités constantes (14.635,60 euros par an).

A ce stade de la procédure, il ne revient pas à la cour d’arrêter ou de rejeter un plan de redressement, mais seulement d’apprécier si un redressement est ou non manifestement impossible.

Il sera liminairement relevé que M. [S] justifie avoir souffert à partir du mois d’avril 2022 d’un état dépressif qui a été pris en charge médicalement, ce qui selon le certificat médical daté du 16 février 2023 a permis une stabilisation du tableau clinique et un retour à la vie active.

Il est acquis aux débats qu’outre l’exploitation du bar-restaurant ‘La Marquise’, M. [S] a repris en nom propre un second bar-restaurant ‘Le Diplomate’ sis [Adresse 2] à [Localité 8] (77) dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de M. [X], ainsi qu’il y avait été autorisé par ordonnance du juge-commissaire 15 novembre 2019.

L’activité du bar-restaurant La Marquise a pu être reprise dès l’arrêt de l’exécution provisoire le 13 avril 2023. Après des difficultés, M. [S] a par ailleurs pu récupérer auprès du commissaire-priseur fin avril 2023 les clés du commerce Le Diplomate qu’il avait été obligé de restituer dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société éponyme, et fait état dans ses écritures d’une prévision de réouverture de cet établissement à la mi-mai 2023.

La situation locative respective des commerces La Marquise et Le Diplomate est la suivante:

– le fonds de commerce La Marquise est exploité dans des locaux appartenant à la SCI Gorkem. M. [D] gérant de la SCI Gorkem atteste le 21 février 2023 que M. [S] est à jour des loyers (1.000 euros par mois) depuis le mois d’octobre 2022 jusqu’à février 2023 inclus, que l’arriéré locatif antérieur s’élève à 14.260,66 euros, montant dont il accepte le règlement échelonné à raison de 950 euros par mois en sus du loyer courant, n’entendant pas solliciter la résiliation du bail si les paiements sont respectés. Il est également produit une quittance de règlement du loyer du mois d’avril 2023 et d’un règlement de 900 euros au titre de l’échéancier. M. [S] fait valoir que l’arriéré locatif se limite désormais à 11.360 euros eu égard à ses versements totalisant 5.900 euros en sus du paiement des loyers courants.

– le fonds de commerce Le Diplomate est exploité dans des locaux donnés à bail par les consorts [M]. Suite à la reprise du fonds de commerce par M. [S] et aux difficultés ayant entouré la signature de l’acte de cession (projet initialement au nom de la société Le Diplomate), les consorts [M] ont obtenu par ordonnance de référé du 19 octobre 2022, la condamnation de M. [S] au paiement d’une provision de 27.258 euros au titre de l’arriéré d’indemnité d’occupation au 1er juin 2022 ( compte tenu des incertitudes existant alors sur le titulaire de la reprise du fonds de commerce), outre une indemnité d’occupation de 1.600 euros à compter du 1er juillet 2022. Un appel a été interjeté à l’encontre de cette ordonnance. Le débat ayant existé sur le point de savoir si cette dette relevait du passif de la société Le Diplomate ou du passif de M. [S] est désormais dépassé, M. [S], bien que contestant cette créance, acceptant de la provisionner dans le cadre de son projet de plan de redressement en attendant les décisions qui seront prises à ce sujet. Il a également décidé de provisionner la créance de 12.800 euros correspondant aux 8 mois écoulés depuis sa mise en redressement judiciaire, tout en maintenant sa contestation.

Des assurances ont été souscrites par M. [S] pour les deux commerces, même s’il appartiendra à M. [S] de justifier de la prolongation de l’assurance du commerce La Marquise, arrivée à échéance peu avant les débats devant la cour.

M. [S] et le liquidateur sont en désaccord sur le passif à prendre en compte dans le cadre d’un plan de redressement (146.536 euros / 176.954,06 euros).

Il sera relevé que le projet de plan intégre bien la créance déclarée par la société Guinand Phelizon Distribution pour un montant de 41.168,02 euros, et à titre provisionnel la créance déclarée par les consorts [M], dont fait état le liquidateur, de sorte qu’il n’y a plus de sujet sur ce point quant à l’appréciation de la possibilité d’un redressement. Quant à la différence entre les créances fiscales et sociales déclarées et celles prises en compte par M. [S] dans sa proposition de plan, elle repose sur des contestations du débiteur notamment à la suite de taxation d’office et les observations de l’expert-comptable.

La cour relève en tout état de cause que l’écart de l’ordre de 30.000 euros avec le passif à prendre en compte selon le liquidateur n’est pas d’un montant tel qu’il justifie en lui-même d’exclure toute possibilité de redressement.

Le prévisionnel d’activité établi par l’expert-comptable de M. [S] prend pour hypothèse un chiffre d’affaires de 275.000 euros pour 2024/2025, de 330.000 euros pour 2025/2026, de 346.500 euros pour 2026/2027, de 363.825 euros pour 2027/2028 et de 382.016 euros pour 2028/2029 permettant de dégager un résultat d’exploitation largement positif, respectivement de 21.670 euros, 54.341 euros, 60.000 euros, 65.953 euros et de 37.275 euros.

Le liquidateur conteste la pertinence de ce prévisionnel au regard des résultats des exercices antérieurs des deux fonds.

En 2021, le chiffre d’affaires réalisé par M. [S] pour le commerce La Marquise s’est élevé à 71.733 euros. Pour le même période le chiffre d’affaires du commerce Le Diplomate était de 147.436 euros, soit un chiffre d’affaires cumulé de 219.169 euros. Si les prévisions de chiffre d’affaires 2024/2025 sont supérieures aux chiffres d’affaires 2021, il doit toutefois être tenu compte de l’amélioration attendue de la reprise en mains par M. [S] de ses affaires après une période difficile sur le plan personnel lié à des problèmes de santé et sur le plan économique compte tenu de la crise sanitaire. Les difficultés liées à la formalisation de la reprise du fonds de commerce Le Diplomate ont par ailleurs retardé la montée en puissance de l’activité de ce commerce.

M. [S] justifie de la réalisation, après l’arrêt de l’exécution provisoire, d’un chiffre d’affaires pour le commerce La Marquise de 19.885 euros en à peine plus d’un mois ( 28/4 au 30/5/2023), ce qui témoigne d’une reprise d’activité prometteuse.

Enfin, s’agissant du paiement des dettes nées postérieurement au jugement d’ouverture que le liquidateur chiffre au 15 mai 2023 à 43.285,91 euros, la cour relève qu’il est justifié du règlement du loyer du mois de mai 2023 auprès de la SCI Gorkem, ainsi que du paiement le 2 juin 2023 de la créance des cafés Richard (665,31 euros) et de la créance d’Expression Service IDF (129,60 euros). Pour le surplus, M. [S] justifie avoir obtenu le 20 février 2023 de M.[N] [E] [T], avec lequel il est associé, un prêt personnel de 40.000 euros à titre gratuit, montant de nature à lui permettre de faire face aux dettes nées posterieurement au jugement d’ouverture et qui sont au demeurant en partie contestées. M. [S], qui est dirigeant et associé de la SAS La Commanderie, exploitant une activité de bar-restaurant, qu’il décrit comme florissante depuis sa réouverture après le confinement se dit par ailleurs en attente de dividendes en janvier 2024.

En l’état de cet ensemble d’éléments et de l’évolution de la situation, tout redressement n’apparait pas manifestement impossible.

Il s’ensuit que le jugement sera infirmé, sauf en ce qu’il a ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

La cour renverra les parties devant le tribunal de commerce de Meaux pour la poursuite des opérations de redressement judiciaire et fixera une nouvelle période d’observation d’une durée de 3 mois à compter du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a ordonné l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu de convertir le redressement judiciaire en liquidation judiciaire,

Renvoie les parties devant le tribunal de commerce de Meaux pour la poursuite des opérations de redressement judiciaire,

Fixe une nouvelle période d’observation d’une durée de 3 mois à compter du présent arrêt,

Dit que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

Pour la présidente empêchée,

Florence DUBOIS-STEVANT,

conseillère

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x