12 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/01743
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 10
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/01743 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFDCD
Décision déférée à la cour :
Jugement du 14 décembre 2021-Juge de l’exécution de PARIS-RG n° 21/81542
APPELANT
Monsieur [Y] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Dorothée LANTER, avocat au barreau de PARIS, toque : A640
INTIMÉE
S.A. EUROTITRISATION,
ès qualité de représentant du fonds commun de titrisation CREDINVEST, Compartiment CREDINVEST 2,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Cédric KLEIN de la SELAS CREHANGE & KLEIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C1312
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 1 décembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre
Madame Catherine LEFORT, conseiller
Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine LEFORT, conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT
-contradictoire
-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon jugement du 20 mai 2003, le tribunal d’instance de Paris 19e a condamné M. [Y] [Z] à payer à la société Cetelem les sommes de :
– 7.532,77 euros avec intérêts au taux de 13,92% l’an à compter du 11 septembre 2002, au titre du crédit Carte Aurore,
– 25.539,07 euros avec intérêts au taux de 9,02% l’an à compter du 11 septembre 2002, au titre du prêt personnel,
– 305 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La société Cetelem est devenue BNP Paribas Personal Finance, qui a cédé sa créance à l’encontre de M. [Z] au fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2, représenté par sa société de gestion, la SA Eurotitrisation (ci-après le FCT Crédinvest).
Suivant procès-verbal du 29 juin 2021, le FCT Crédinvest a fait pratiquer à l’encontre de M. [Y] [Z] une saisie-attribution entre les mains de la Banque Populaire Rives de [Localité 5], pour avoir paiement de la somme totale de 17.621,39 euros, en vertu du jugement du 20 mai 2003. La saisie a été dénoncée à M. [Z] par acte d’huissier du 6 juillet 2021.
Par assignation en date du 19 juillet 2021, M. [Z] a fait citer le FCT Crédinvest devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de mainlevée de la saisie-attribution.
Par jugement du 14 décembre 2021, le juge de l’exécution a :
rejeté la demande de M. [Z] de nullité de la saisie-attribution pratiquée le 29 juin 2021,
rejeté la demande de M. [Z] tendant à voir déclarer prescrite la créance d’un montant en principal de 25.539,07 euros due au titre du prêt personnel et constatée par le jugement rendu le 20 mai 2003 par le tribunal d’instance de Paris 19e arrondissement,
cantonné la saisie-attribution pratiquée le 29 juin 2021 à la somme de 10.856,63 euros, se décomposant comme suit :
principal : 7.532,77 euros
intérêts dus sur le principal au taux de 13,92% du 29 juin 2019 au 29 juin 2021 : 2.102,87 euros
article 700 : 305 euros
intérêts dus sur l’article 700 au taux légal majoré du 29 juin 2016 au 29 juin 2021 : 89,67 euros
provision pour intérêts à échoir : 87,63 euros
actes en cours de signification : 115,22 euros
frais exposés à ce jour : 396,33 euros
émolument art A444-31 : 140,69 euros
versements directs antérieurs : – 195,77 euros
provision pour frais et quittance à venir : 282,22 euros,
ordonné la mainlevée pour le surplus,
rejeté la demande de M. [Z] de fixation de sa créance à la somme de 8.029,90 euros,
rappelé que le tiers saisi paie le créancier sur présentation de la décision rejetant la contestation, après sa notification, conformément à l’article R.211-3 du code des procédures civiles d’exécution,
autorisé M. [Z] à s’acquitter du reliquat de sa dette de 8.856,22 euros en 23 mensualités de 369 euros et une 24e correspondant au solde, la première payable dans le mois suivant la signification de la présente décision et les suivantes à même date,
dit qu’à défaut de paiement d’une mensualité à bonne date, l’intégralité de la créance redeviendra exigible passé le délai de huit jours suivant la présentation d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception restée vaine,
rejeté les demandes des parties formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné M. [Z] aux dépens.
Le juge de l’exécution a retenu que le délai de prescription décennal du titre exécutoire de 2003 courait, en application de l’article 26 II de la loi du 17 juin 2008, à compter du 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la loi de 2008, que la prescription avait été interrompue par le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 23 mai 2018 qui avait fait courir un nouveau délai de dix ans en application de l’article 2244 du code civil, et que c’était l’exécution du titre dans son intégralité qui était interrompue. En revanche, il a estimé que les intérêts restaient soumis à la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil s’agissant de la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à la prescription biennale de l’article L.218-2 du code de la consommation pour la condamnation au titre du crédit Carte Aurore, et a donc cantonné la saisie-attribution. Il a par ailleurs refusé de prendre en compte les paiements postérieurs à la saisie-attribution.
Par déclaration du 20 janvier 2022, M. [Z] a formé appel de ce jugement en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à voir déclarer prescrite la créance d’un montant en principal de 25.539,07 euros au titre du prêt personnel et constatée par le jugement rendu le 20 mai 2003 par le tribunal d’instance de Paris 19e.
Par conclusions n°3 en date du 9 novembre 2022, M. [Y] [Z] demande à la cour d’appel de :
débouter le FCT Crédinvest de l’ensemble de ses prétentions,
infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande tendant à voir déclarer prescrite la créance d’un montant en principal de 25.539,07 euros au titre du prêt personnel et constatée par le jugement rendu le 20 mai 2003 par le tribunal d’instance de Paris 19e.
Statuant à nouveau,
prononcer la prescription du droit au FCT Crédinvest d’exécuter le jugement rendu le 20 mai 2003 par le tribunal d’instance de Paris 19e en ce qu’il l’a condamné au paiement de la somme de 25.539,07 euros,
En conséquence,
déclarer le FCT Crédinvest irrecevable en toutes ses demandes relatives au jugement rendu le 20 mai 2003 par le tribunal d’instance de Paris 19e en ce qu’il l’a condamné au paiement de la somme de 25.539,07 euros,
En toute hypothèse,
condamner le FCT Crédinvest au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que le délai de prescription de l’exécution d’un titre exécutoire a été réduit à dix ans depuis la loi du 17 juin 2008 selon l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution ; que les titres exécutoires obtenus avant l’entrée en vigueur de cette loi doivent faire l’objet d’une mesure d’exécution forcée avant le 19 juin 2018, pour échapper à la prescription ; que la prescription de l’article L.111-4 concerne non pas la créance mais le droit du créancier d’exécuter la condamnation ; qu’en l’espèce, seule la condamnation au paiement de la somme de 7.532,77 euros a fait l’objet d’une exécution interrompant la prescription, par le commandement de payer aux fins de saisie-vente du 23 mai 2018 et les saisies-attributions des 5 février 2020 et 29 juin 2021 ; que la condamnation au paiement de la somme de 25.539,07 euros n’a pas fait l’objet d’une exécution avant le 19 juin 2018, de sorte que l’intimé est prescrit ; que le juge de l’exécution ne pouvait considérer que les actes d’exécution avaient interrompu la prescription de cette condamnation. En réponse aux conclusions adverses, il soutient que si la créance de 25.539,07 euros n’a jamais fait l’objet de la saisie litigieuse, il appartenait à l’intimé d’invoquer en première instance l’incompétence du juge de l’exécution sur la question de la prescription, ce qu’il n’a pas fait, de sorte qu’il n’est pas recevable à soutenir que la cour ne pourrait pas être saisie de cette question. Il ajoute qu’il n’est pas justifié de la cession de la créance de 25.539,07 euros au FCT Crédinvest et que seule la créance de 7.532,77 euros a été cédée, de sorte que le titre exécutoire était donc bien divisible. Il estime que sa demande relative à la prescription constitue bien une prétention dont la cour est saisie et n’est pas nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile, mais la conséquence nécessaire de la prétention soumise au premier juge comme le prévoit l’article 566.
Par conclusions n°2 du 8 novembre 2022, la société Eurotitrisation, en qualité de représentant du FCT Crédinvest, compartiment Crédinvest 2, venant aux droits de la société BNP Paribas Personal Finance, demande à la cour de :
A titre principal,
déclarer la cour non saisie en raison de l’absence de prétentions de M. [Z],
A titre subsidiaire,
confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
En conséquence,
valider la saisie-attribution pratiquée le 29 juin 2021 sur les comptes bancaires de M. [Z] auprès de la Banque Populaire Rives de [Localité 5],
débouter M. [Z] de l’intégralité de ses demandes,
En tout état de cause,
condamner M. [Z] au paiement de la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec distraction.
A titre principal, elle estime que M. [Z] se borne à demander l’infirmation du jugement sans formuler de prétention sur les demandes tranchées dans le jugement, de sorte que la cour n’est saisie d’aucune prétention relative à ces demandes en application de l’article 954 du code de procédure civile ; que la prescription n’est pas une prétention mais un moyen ; que la demande de nullité et de mainlevée de la saisie, qui constituait une prétention, n’est plus formulée en appel. Elle ajoute que M. [Z] ne peut reformuler son dispositif en soumettant à la cour de nouvelles prétentions, ce qui est irrecevable en application de l’article 564 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, elle fait valoir que le titre exécutoire est unique et indivisible quand bien même il concerne deux créances ; que le juge de l’exécution ne peut connaître des difficultés relatives aux titres exécutoires que de façon incidente, à l’occasion de contestation de mesures d’exécution forcée ; que l’article L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution porte sur l’exécution du titre et non de la créance ; que le débat sur la divisibilité du titre n’a pas de fondement juridique, la prescription ne visant pas une créance mais un titre ; qu’en application des articles L.111-4 du code des procédures civiles d’exécution et 26 II de la loi du 17 juin 2008, la prescription du titre exécutoire n’aurait été acquise que le 19 juin 2018 si elle n’avait pas été interrompue ; que cependant, le 23 mai 2018, M. [Z] a reçu signification d’un commandement de payer aux fins de saisie-vente, qui a un effet interruptif de prescription selon la jurisprudence de la Cour de cassation ; qu’ainsi, la saisie a été pratiquée en vertu d’un titre exécutoire non prescrit.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l’article L.213-6 alinéa 1er du code de l’organisation judiciaire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que le juge de l’exécution ne peut être saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu’à l’occasion d’une mesure d’exécution forcée engagée sur le fondement de ce titre.
L’article L.211-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.
En l’espèce, le juge de l’exécution a été saisi d’une contestation portant sur une saisie-attribution du 29 juin 2021 fondée sur un jugement du 20 mai 2003 qui prononce deux condamnations à l’encontre de M. [Z] relatives à deux crédits à la consommation distincts : un prêt personnel et un crédit Carte Aurore.
Or il résulte du procès-verbal du 29 juin 2021 que la saisie litigieuse ne porte que sur la condamnation relative au crédit Carte Aurore (7.532,77 euros en principal). Il en est de même d’ailleurs s’agissant du commandement de payer du 23 mai 2018 et de la précédente saisie-attribution du 5 février 2020.
Dès lors, la cour, statuant avec les pouvoirs du juge de l’exécution, ne peut être saisie d’une fin de non-recevoir tirée de la prescription s’agissant de la condamnation relative au prêt personnel.
Force est de constater que la cour, à l’inverse du premier juge, n’est plus saisie d’une demande de mainlevée ou de cantonnement de la saisie-attribution. La fin de non-recevoir tirée de la prescription invoquée par M. [Z] s’agissant de la condamnation au titre du prêt personnel ne vient au soutien d’aucune demande.
Il en résulte que la cour n’est pas saisie valablement, la condamnation au titre du prêt personnel invoquée par l’appelant ne faisant l’objet d’aucune mesure d’exécution forcée.
Partie perdante en appel, M. [Z] sera condamné aux dépens d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’intimé.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONSTATE qu’elle n’est pas valablement saisie d’une prétention de M. [Y] [Z],
CONDAMNE M. [Y] [Z] à payer la somme de 1.000 euros au fonds commun de titrisation Crédinvest, compartiment Crédinvest 2, représenté par sa société de gestion, la SA Eurotitrisation, en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [Y] [Z] aux dépens d’appel.
Le greffier, Le président,