12 janvier 2023
Cour d’appel de Nancy
RG n°
21/02524
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 12 JANVIER 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/02524 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E3OY
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 17/03949, en date du 08 octobre 2021,
APPELANT :
Monsieur [Z] [B]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 7], de nationalité française, retraité, domicilié [Adresse 2]
Représenté par Me Maxime JOFFROY de la SCP JOFFROY LITAIZE LIPP, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me LIPP, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LORR AINE,
société coopérative à capital variable, agréée en tant qu’établissement de crédit – siège social situé au [Adresse 3] (adresse postale [Adresse 4]), immatriculée au RCS de METZ sous le n° 775 616 162
Représentée par Me Frédérique MOREL, avocat au barreau de NANCY et plaidant par Me Olivier COUSIN, avocat au barreau d’ EPINAL
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 01 Décembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 12 Janvier 2023, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre de prêt en date du 7 décembre 2006 acceptée le 19 décembre 2006, réitérée par acte authentique du 7 mars 2007, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Lorraine (ci-après la CRCAM de Lorraine) a consenti à M. [Z] [B] un prêt personnel d’un montant de 407 000 euros, remboursable en 12 échéances annuelles (144 mois) de 44 634 euros au TEG de 4,7694% et au taux d’intérêt fixe de 4,50% l’an, au titre duquel M. [Z] [B] a accepté de souscrire à l’assurance facultative et a signé le 19 décembre 2006 une demande d’adhésion au contrat ‘E’ d’assurance collective souscrit par le prêteur auprès de CNP Assurances-PREDICA en garantie du risque ‘ décès-perte totale et irréversible d’autonomie-incapacité temporaire totale ‘.
Ce prêt a été garanti par une hypothèque conventionnelle inscrite le 30 avril 2007 pour avoir paiement de la somme de 81 400 euros, portée à 190 000 euros par avenant du 20 avril 2012, sur son bien immobilier sis à [Localité 6]).
Par courrier du 27 février 2013 adressé à la CRCAM de Lorraine, M. [Z] [B] a indiqué que le TEG devait tenir compte de tous les frais obligatoires et a souhaité que le prêteur lui fasse part de sa proposition quant à son prêt et au non respect de la loi.
Par courrier du 17 avril 2013, la CRCAM de Lorraine a indiqué à M. [Z] [B] que le TEG était calculé au regard des frais de dossier (500 euros) et des frais d’hypothèque (5 700 euros), précisant que l’assurance décès-invalidité n’était pas intégrée au calcul du TEG, puis a évoqué le caractère facultatif de l’assurance par courriers adressés les 23 juillet 2013 et 20 août 2013.
Par courrier du 23 juillet 2013, la CRCAM de Lorraine a invité M. [Z] [B] à payer l’échéance annuelle du 5 mars 2013.
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 11 mars 2014, la CRCAM de Lorraine a mis M. [Z] [B] en demeure de s’acquitter des échéances impayées à hauteur de 93 807,25 euros dans le délai de quinze jours, sous peine de déchéance du terme.
Par courriers recommandés avec demande d’avis de réception des 4 juin 2014 et 4 décembre 2014, la CRCAM de Lorraine a notifié à M. [Z] [B] la déchéance du terme du prêt et l’a mis en demeure de lui payer la somme exigible de 315 410,44 euros.
Le 18 mars 2015, la CRCAM de Lorraine a fait délivrer à M. [Z] [B] un commandement aux fins de saisie immobilière de son bien sis à [Localité 6]) pour avoir paiement de la somme de 318 862,32 euros au titre du prêt.
La saisie immobilière initiée par la CRCAM de Lorraine sur son bien sis à [Localité 6] a conduit à son adjudication pour un montant de 482 000 euros.
Par courrier du 23 mars 2017, l’assurance maladie de Meurthe et Moselle a notifié à M. [Z] [B] sa prise en charge à 100% au titre d’une affection longue durée.
Par courrier du 14 avril 2017, la CRCAM de Lorraine a informé M. [Z] [B] de l’absence de garantie du risque ITT au delà de 60 ans.
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Par acte d’huissier du 18 juillet 2017, M. [Z] [B] a fait assigner la CRCAM de Lorraine devant le tribunal de grande instance de Nancy afin de voir à titre principal prononcer la nullité de la clause de stipulation d’intérêts contractuels emportant substitution du taux légal, et subsidiairement, la déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel et la substitution du taux légal, et en conséquence, de voir condamner la CRCAM de Lorraine à lui rembourser les intérêts indûment perçus, ainsi qu’à des dommages et intérêts pour manquement de la CRCAM de Lorraine à son devoir de renseignement et de mise en garde en réparation de son préjudice matériel (676 000 euros) et moral (50 000 euros).
M. [Z] [B] s’est prévalu d’un TEG erroné n’intégrant pas le coût de la souscription de parts sociales et des primes d’assurance invalidité-décès.
La CRCAM de Lorraine a conclu à titre liminaire à l’irrecevabilité de la demande principale de M. [Z] [B] en raison de la confirmation de l’acte nul, et à titre principal, à la prescription de l’action de M. [Z] [B] au titre de la contestation du TEG et en responsabilité. Subsidiairement, elle a conclu au débouté de sa demande au titre du TEG et à l’absence de devoir de mise en garde (emprunteur averti) et de faute. Très subsidiairement, elle a sollicité le rejet de la demande de déchéance automatique de la clause d’intérêts.
La CRCAM de Lorraine a expliqué que M. [Z] [B] avait effectué des versements réguliers au titre du prêt pendant plusieurs années et qu’il n’a pas fait valoir le caractère erroné du TEG lors de la procédure de distribution du prix d’adjudication de l’immeuble financé.
Par jugement en date du 8 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :
– débouté la CRCAM de Lorraine de ses fins de non-recevoir tirées de la confirmation d’acte nul et de la prescription,
– débouté M. [Z] [B] de l’ensemble de ses demandes,
– condamné M. [Z] [B] aux dépens,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Le tribunal a retenu que l’erreur affectant le TEG n’était pas sanctionnée par la nullité du prêt et que l’exécution du contrat ne saurait constituer une exécution volontaire de l’acte nul.
Il a jugé que l’action de M. [Z] [B] n’était pas prescrite dans la mesure où M. [Z] [B] avait eu connaissance de l’erreur invoquée affectant le TEG, liée à l’absence de prise en compte du coût de souscription de parts sociales et de l’assurance décès-invalidité dans l’assiette de calcul du TEG, par courrier du 27 février 2013 (la convention ne détaillant pas les frais effectivement pris en compte dans le calcul).
Il a retenu que M. [Z] [B] ne disposait pas d’une option entre la nullité et la déchéance.
Il a jugé que l’adhésion à l’assurance était facultative et ne conditionnait pas l’octroi du prêt, et que l’assurance ne s’était pas prononcée sur sa demande d’adhésion au jour de la mise à disposition des fonds, de sorte que son coût n’avait pas vocation à être intégré au TEG. Il a ajouté que la souscription de parts sociales n’était pas optionnelle (article 9 des conditions générales), bien que ne figurant pas comme une condition d’octroi du prêt, et que si les frais induits avaient vocation à figurer dans l’assiette de calcul du TEG, en revanche, M. [Z] [B] ne justifiait pas d’une erreur de calcul du TEG supérieure à la décimale.
Sur le devoir de renseignements et de mise en garde, le tribunal a jugé que M. [Z] [B] revêtait la qualité d’emprunteur averti excluant toute action en responsabilité à ce titre.
Sur le devoir de conseil relatif à l’assurance, le tribunal a constaté que l’adéquation des risques couverts à la situation personnelle de M. [Z] [B] faisait défaut (pas de couverture du risque ITT après 60 ans, soit le 4 mars 2011), et que la CRCAM de Lorraine avait manqué à son obligation de conseil à défaut d’avoir attiré l’attention de M. [Z] [B] sur cette inadéquation. Il a retenu néanmoins que M. [Z] [B] ne démontrait pas l’existence d’un préjudice indemnisable découlant de la perte de chance résultant de ce manquement du prêteur, en ce que M. [Z] [B] ne produisait pas d’offre d’assurance concurrente proposant une garantie au titre de l’ITT à la fois au delà du 60ème anniversaire mais aussi en cas de déchéance du terme, rappelant qu’elle avait été prononcée en décembre 2014 et que les problèmes de santé évoqués par l’emprunteur dataient de mars 2017.
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Par déclaration reçue au greffe le 20 octobre 2021, M. [Z] [B] a formé appel du jugement tendant à son infirmation en ce qu’il l’a débouté de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises le 13 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [Z] [B], appelant, demande à la cour :
– de juger son appel recevable et bien fondé,
– de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 8 octobre 2021 en ce qu’il a débouté la CRCAM de Lorraine de ses fins de non-recevoir relatives à la confirmation et à la prescription,
– d’infirmer pour le surplus le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nancy le 8 octobre 2021,
Statuant à nouveau,
– de juger erroné le TEG applicable à l’emprunt litigieux,
– de juger que la CRCAM de Lorraine a manqué à son obligation d’information, de conseil et de mise en garde,
– de prononcer, à titre principal, la nullité de la stipulation contractuelle contenue dans
l’acte authentique régularisé le 7 mars 2007 fixant le taux d’intérêt conventionnel et emportant substitution par le taux d’intérêt légal,
– de prononcer, à titre subsidiaire, la déchéance du droit aux intérêts au taux contractuel, tel que fixé dans l’offre préalable du 19 décembre 2006 et la substitution par l’intérêt au taux légal,
– de condamner en tout état de cause la CRCAM de Lorraine à lui restituer les sommes versées en trop en remboursement du prêt sur le capital et les intérêts,
– de condamner la CRCAM de Lorraine à lui verser les sommes suivantes :
– 676 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel,
– 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre
de la procédure de première instance.
– 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre
de la procédure d’appel,
– de débouter la CRCAM de Lorraine de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
– de condamner la CRCAM de Lorraine aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, M. [Z] [B] fait valoir en substance :
– qu’il a payé les échéances annuelles jusqu’au 5 mars 2012 inclus en raison de graves difficultés financières ;
– que la seule exécution du contrat jusqu’en mars 2012 ne constitue pas en soi la confirmation de la clause de stipulation d’intérêts, à défaut de connaissance de la cause de nullité ; que la question de l’assiette du TEG s’est posée par l’envoi du courrier du 27 février 2013 au prêteur ; que le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Draguignan statuant en matière de saisie immobilière, postérieurement à l’assignation délivrée dans le cadre de cette instance, a rejeté la demande d’annulation de la saisie sur ce motif, se déclarant incompétent à allouer des dommages et intérêts ;
– qu’il a eu connaissance de l’erreur affectant le TEG moins de cinq ans avant la saisine du tribunal judiciaire de Nancy dans le cadre des courriers échangés avec la CRCAM de Lorraine sur la question du TEG à compter du 27 février 2013 ; que l’offre donne l’illusion de l’intégration des primes d’assurance dans le calcul du TEG, et que les frais se rapportant au contrat de prêt n’ont pas été intégrés à l’assiette de calcul du TEG (parts sociales et frais notariés) ;
– que le point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité correspond au premier incident de paiement concrétisant la réalisation du dommage, soit à la date de l’échéance impayée du 5 mars 2013 ;
– que les frais de souscription de parts sociales et les primes d’assurance décès-invalidité à laquelle il a adhéré concomittament au contrat, constituant des conditions d’octroi du prêt, en ce qu’elles sont obligatoires, doivent être intégrées dans le TEG indiqué
dans l’acte de prêt ; que le TEG est erroné puisqu’il a omis des éléments devant entrer légalement dans le calcul du TEG et que son résultat s’en trouve modifié au-delà d’une décimale (5,49%) ; que si depuis l’ordonnance n°2019-740 publiée le 18 juillet 2019, la seule sanction applicable est la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, la sanction étant laissée à l’appréciation de ce dernier tant dans son principe que son montant, néanmoins, une option demeure pour les instances en cours au moment de la publication de ladite ordonnance ; que l’ordonnance du 17 juillet 2019 doit être écartée compte tenu de l’ancienneté du contrat ;
– que les conditions de ce prêt personnel sont exorbitantes de ce type de dispositif ; qu’aucune analyse concrète ne détermine qu’il dispose de compétences en matière bancaire et financière ; que la seule qualité d’associé ou d’actionnaire ne suffit pas à lui donner la qualité d’emprunteur averti et que dans ce cas, le prêteur doit vérifier l’adaptation du crédit à ses capacités financières et le risque d’endettement qui en résulte ; que le prêt a été souscrit par M. [Z] [B] à des fins personnelles ; que la CRCAM de Lorraine n’a procédé à aucune vérification de ses capacités financières ; qu’au jour de la régularisation de l’offre, il est âgé de 56 ans, n’est pas marié, a été licencié depuis un an et est bénéficiaire de l’aide au retour à l’emploi depuis le 3 avril 2006 ; que la fiche de renseignements datée du 28 mars 2006 a été remplie pour le compte de BNP Paribas, n’étant pas actualisée et pas remise par l’emprunteur ; que la CRCAM de Lorraine ne justifie d’aucune étude des risques d’endettement excessif par l’octroi de cet emprunt ; que les immeubles appartiennent à une SCI dans laquelle il est l’un des trois associés ; que le taux d’endettement moyen du tiers de ses revenus était très largement dépassé dès la première échéance ;
– que la CRCAM de Lorraine ne l’a pas éclairé par une information précise et claire sur l’adaptation de la garantie au risque (compte tenu de l’apparence trompeuse de la demande d’adhésion) et a manqué à son devoir de conseil alors qu’il a payé l’assurance jusqu’en 2019 ; que ni les conditions générales ou particulières, ni la notice d’assurance ne lui ont été remises avant de souscrire l’adhésion ; que la demande d’adhésion produite se rattache à l’offre antérieure régularisée le 23 août 2006 et que les conditions particulières ne sont pas signées ; qu’il est atteint d’une affection longue durée, et que l’assurance n’a pas vocation à couvrir le risque ITT au delà de son 60ème anniversaire correspondant aux trois dernières échéances de 133 902,42 euros ; qu’il a été induit en erreur quant aux risques garantis ; que seule la demande d’adhésion compose l’offre et la quotité assurée est de 100% ;
– que toute perte de chance ouvre droit à réparation ; que si son attention avait été attirée sur la présence d’une exclusion de garantie (en cas de déchéance du terme, survenue antérieurement à son affection longue durée) ainsi que sur la cessation partielle de la garantie au delà de 60 ans puis de 65 ans, il aurait recherché a souscrire une garantie notamment individuelle ; qu’il aurait pu négocier de lever l’exclusion et les causes de cessation partielle concernées moyennant une prime d’assurance plus élevée ; que la clause de cessation des garanties en cas de déchéance du terme du prêt n’est pas automatique ;
– que la faute de la banque l’a conduit à une procédure de surendettement ; qu’il n’a pas retrouvé de travail après son licenciement en 2005 et a perçu les allocations chômage puis l’AER jusqu’en 2010 et est depuis à la retraite ; qu’il a développé une affection longue durée de type cardiaque et un ulcère gastrique et que des troubles psychologiques de type syndrôme dépressif sévère sont diagnostiquées ; que la société Maldives est radiée depuis le 15 septembre 2017 et que les sociétés Kani, Faru et l’Orée du Bois font l’objet d’une liquidation ; que la vente de son bien immobilier par adjudication a provoqué une perte de 356 000 euros ; que le prêteur a perçu un total de 223 170,55 euros (paiement des échéances annuelles pendant cinq ans), outre 330 682,12 euros issus de la vente, soit la somme totale de 553 852,67 euros.
Dans ses conclusions transmises le 20 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CRCAM de Lorraine, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour sur le fondement des articles 2224 et 1181 et suivants du code civil :
– de déclarer l’appel de M. [Z] [B] mal fondé s’il est déclaré recevable,
– de déclarer son appel incident recevable et fondé,
– de confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d’Epinal le 8 octobre 2021 en
ce qu’il a débouté M. [Z] [B] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens,
– de l’infirmer en ce qu’il a débouté la CRCAM de Lorraine de ses fins de non-recevoir tirées de la confirmation d’acte nul et de prescription,
Statuant à nouveau,
A titre liminaire :
– de débouter M. [Z] [B] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions au motif qu’il est irrecevable à contester les dispositions contractuelles du prêt, l’acte de prêt ayant été confirmé,
A titre principal :
– de débouter M. [Z] [B] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions au motif que l’action de M. [Z] [B] est prescrite tant s’agissant de la contestation du TEG que de l’action en responsabilité,
A titre subsidiaire :
– de débouter M. [Z] [B] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions au motif que le taux effectif global indiqué dans l’acte de prêt authentique en date du 7 mars 2007 n’est pas erroné,
– de débouter M. [Z] [B] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions au motif que la CRCAM de Lorraine n’était tenue à aucun devoir de mise en garde à l’égard de M. [Z] [B], étant un emprunteur averti,
A titre infiniment subsidiaire,
– si la cour estimait que M. [Z] [B] n’est pas un emprunteur averti, de rejeter la demande de dommages et intérêts en retenant que la CRCAM de Lorraine n’a commis aucune faute dans l’octroi du prêt constaté par acte authentique en date du 7 mars 2007
– si une faute était retenue au titre du TEG s’agissant des frais de souscription de parts sociales, de rejeter la demande de déchéance de la clause d’intérêts contractuels aux motifs que :
* M. [Z] [B] ne justifie pas que l’erreur entraînerait une différence de taux supérieure à une décimale,
* la déchéance ne peut être prononcée que dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l’emprunteur,
– si une faute était retenue au titre du devoir de conseil s’agissant de l’assurance, de rejeter la demande de dommages et intérêts, faute d’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité,
– si une faute était retenue à son encontre au titre du devoir de mise en garde, de juger que
la perte de chance ne peut dépasser 5% de la somme sollicitée,
En tout état de cause :
– de condamner M. [Z] [B] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner M. [Z] [B] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Frédérique Morel sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la CRCAM de Lorraine fait valoir en substance :
– que l’acte confirmé ne peut plus être remis en cause ; que M. [Z] [B] a procédé à des versements réguliers au titre de ce prêt pendant plusieurs années de sorte que la seule exécution spontanée de l’acte par la partie titulaire de l’action en nullité relative s’apparente à une confirmation ; que M. [Z] [B] n’a pas soulevé cette contestation lors de la procédure de distribution dans laquelle elle intervenait en qualité de créancier inscrit au titre de ce prêt ; que lors de sa contestation du projet de distribution du 27 février 2018 concernant la créance de HSBC, il avait déjà engagé la présente procédure et avait connaissance d’une prétendue cause de nullité depuis les courriers échangés à compter du 27 février 2013, et a donné son accord exprès au règlement de la somme de 330 682 euros à la CRCAM de Lorraine en signant un procès-verbal en date du 15 juin 2018 ; que la créance a été soldée à l’issue de la procédure de distribution et le trop perçu restitué ;
– que l’action concernant le TEG est prescrite depuis le 7 mars 2012 ; qu’il ne faisait nul doute à la lecture de l’offre que le TEG n’intégrait pas l’assurance emprunteur facultative ; que le détail du calcul du TEG est sans équivoque à ce sujet et que le statut et les connaissances intellectuelles de M. [Z] [B] lui permettaient de se forger une conviction, de sorte que le point de départ de la prescription correspond au jour de l’offre ; que le point de départ de l’action en responsabilité, dont le dommage consiste en une perte de chance de ne pas contracter se manifestant dès l’octroi du crédit, est fixé au moment de l’octroi du crédit ;
– que le calcul du TEG n’est pas erroné ; que l’adhésion à l’assurance de groupe est facultative et que les primes ou cotisations ne conditionnent pas l’octroi du prêt, de sorte qu’elles ne sont pas intégrées dans le calcul du TEG ; que M. [Z] [B] ne justifie pas d’une erreur de calcul du TEG en intégrant les frais de souscription de parts sociales supérieure à une décimale, son calcul intégrant également le coût de l’assurance facultative ;
– qu’elle n’est pas tenue d’un devoir de conseil et de mise en garde à l’égard de M. [Z] [B] qui ne profite qu’aux emprunteurs non avertis ; que M. [Z] [B] était gérant de la SARL Maldives, de la SARL Kani, de la SCI Graham Bell, de la SARL Faru et de la SAS l’Orée du Bois, et disposait des capacités suffisantes pour apprécier le risque d’endettement résultant de la souscription du prêt litigieux ; que son parcours professionnel fait état de fonctions de directeur général, gérant, président directeur général depuis 1988 ; qu’il a travaillé dans des sociétés de crédit-bail, a procédé à des études financières, et est diplômé en matière bancaire ; qu’il disposait de revenus à hauteur de 150 000 euros annuels, d’une épargne de 841 000 euros et d’un patrimoine immobilier important évalué à 4 180 000 euros selon la fiche de renseignements datée du 28 mars 2006, s’agissant d’un document destiné à la BNP remis par M. [Z] [B] ; que M. [Z] [B] a perçu une indemnité de licenciement de 422 377 euros moins d’un an avant la souscription du prêt ; qu’il a honoré les cinq premières échéances sans difficultés ;
– qu’elle n’a pas manqué à son devoir de conseil quant aux garanties de l’assurance ; que les conditions particulières de l’assurance figurent sur le document d’adhésion signé par M. [Z] [B], et que les conditions d’application (limite d’âge de garantie à 60 ans) sont clairement établies ; que l’offre émise le 23 août 2006 a été ré-émise en décembre 2006 en raison de la durée de validité dépassée sans réalisation du prêt, mais qu’il s’agit d’un seul contrat ; qu’en tout état de cause, M. [Z] [B] n’aurait pas pu bénéficier de l’assurance dans la mesure où il a cessé de payer les échéances depuis 2013 et que la déchéance du terme a été prononcée en 2014, entrainant l’exigibilité du prêt, avant d’actionner l’assurance suite à son placement en affection longue durée le 8 novembre 2016 ; que le contrat d’assurance a prévu une cessation de la garantie en cas d’exigibilité anticipée du financement avant terme ;
– que M. [Z] [B] ne démontre pas que l’indication erronée du TEG constitue une cause de nullité de la stipulation des intérêts, parce qu’elle aurait provoqué un dol ou bien une erreur viciant le consentement de l’emprunteur ; que la déchéance du droit aux intérêts n’a qu’un caractère facultatif ; que l’article L. 341-1 du code de la consommation issu de l’ordonnance du 17 juillet 2019 prévoit une sanction unique caractérisée par la possibilité de déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard du préjudice subi par l’emprunteur consécutivement aux manquemens allégués, cette disposition s’appliquant aux crédits consentis antérieurement à sa date de publication ; que la cour n’est pas tenue de prononcer la nullité de la clause d’intérêts lorsque cette ordonnance n’est pas applicable ;
– que la mise en jeu de la responsabilité de la banque dans le cadre de l’octroi du crédit ne s’exprime que par la perte de chance de l’emprunteur de ne pas avoir contracté et ne peut être d’un montant supérieur au prêt accordé ; que M. [Z] [B] ne démontre pas qu’il aurait pu souscrire un prêt à de meilleures conditions auprès d’un autre établissement, de sorte que la perte ne saurait dépasser 5% de la somme encore due.
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La clôture de l’instruction a été prononcée le 12 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription de l’action fondée sur le caractère erroné du TEG
L’action en nullité de la clause de stipulation d’intérêts ou de déchéance du droit de la banque aux intérêts fondée sur le caractère erroné du TEG est soumise à la prescription quiquennale en vertu de la loi du 17 juin 2008 applicable à compter du 19 juin 2008 (selon l’article 2222 du code civil issu de cette loi), succédant à la prescription décennale de l’article L. 110-4 du code de commerce, dans sa version applicable au contrat.
Aussi, compte tenu de la réduction de la durée du délai de prescription, ce nouveau délai court à compter de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En outre, le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité de la clause de stipulation d’intérêts ou en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe au jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur affectant le taux effectif global dont se prévaut M. [Z] [B] résultant du défaut de prise en compte dans l’assiette de calcul du TEG du coût de souscription de parts sociales et de l’assurance décès-invalidité souscrite.
En effet, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l’examen de sa
teneur permet de constater l’erreur, ou lorsque tel n’est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l’emprunteur.
M. [Z] [B] soutient qu’il a eu connaissance de l’erreur affectant le TEG dans le cadre des courriers échangés avec la CRCAM de Lorraine sur la question du TEG à compter du 27 février 2013, et que l’offre donne l’illusion de l’intégration des primes d’assurance dans le calcul du TEG.
La CRCAM de Lorraine indique au contraire que la lecture de l’offre permettait de savoir que le TEG n’intégrait pas l’assurance emprunteur facultative.
En l’espèce, le crédit accordé à M. [Z] [B] suivant acte sous seings privés du 19 décembre 2016, annexé à l’acte authentique reçu le 7 mars 2007, a évalué le coût total du crédit à la somme de 134 809,65 euros, déterminant un TAEG de 4,7694%, détaillée comme suit :
– intérêts du crédit au taux de 4,5% l’an : 128 609,65 euros,
– frais d’hypothèque évalués à : 5 700 euros,
– frais fiscaux : 0 euros,
– de dossier : 500 euros.
Aussi, il résulte de la lecture du contenu détaillé de l’assiette de calcul du TEG repris à l’offre de prêt que ni le coût de l’assurance emprunteur, ni le coût de souscription de parts sociales, ne sont pris en compte dans ce calcul.
Or, l’examen de la teneur de l’offre permettait à M. [Z] [B] de constater le grief dont il se prévaut lié à l’absence de prise en compte du coût de l’assurance et de souscription de parts sociales dans le calcul du TAEG.
Aussi, le point de départ de la prescription quinquennale est la date de la convention, soit le 19 décembre 2006 réitérée par acte authentique le 7 mars 2007
Par suite, il y a lieu de constater que le nouveau délai de prescription applicable de cinq ans courant à compter de la publication de la loi nouvelle le 19 juin 2008 (soit jusqu’au 19 juin 2013) ne dépasse pas la durée totale de l’ancien délai de prescription de dix ans courant à compter du 7 mars 2007 (soit jusqu’au 7 mars 2017).
Dans ces conditions, l’action de M. [Z] [B] fondée sur le caractère erroné du TAEG était prescrite au jour de l’acte introductif d’instance délivré le 18 juillet 2017.
Au surplus, M. [Z] [B] a précisé dans son courrier du 27 février 2013 adressé à la CRCAM de Lorraine que la banque ‘ ne pouvait ignorer la réglementation en vigueur qui stipule que contrairement au taux nominal mis en avant par les établissements de crédit, le TEG tient compte de tous les frais obligatoires (frais de dossiers, assurances, parts sociales…). En réalité tout les frais qui sont imposés par le banquier (article L. 313-1 du code de la consommation). (…) Je souhaite que vous me fassiez part de votre proposition quant à mon prêt et au non respect de la loi, je vous rappelle ici pour mémoire l’article L. 331-48 du code de commerce ‘.
Il en résulte à titre surabondant que M. [Z] [B] ne peut utilement prétendre avoir découvert l’erreur affectant le TAEG dans le cadre des échanges avec la CRCAM de Lorraine à compter du 27 février 2013.
Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur la prescription de l’action en responsabilité pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde
Il ressort de l’article 2224 du code civil que l’action en responsabilité de l’emprunteur non
averti à l’encontre du prêteur au titre d’un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l’emprunteur d’appréhender l’existence et les conséquences éventuelles d’un tel manquement.
En l’espèce, il est constant que M. [Z] [B] ne s’est plus acquitté des échéances annuelles prévues au contrat de prêt à compter du 5 mars 2013.
Aussi, le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité pour manquement du prêteur à son devoir de mise en garde est fixé au 5 mars 2013.
Dans ces conditions, l’action de M. [Z] [B] engagée sur ce fondement à l’encontre de la CRCAM de Lorraine par acte introductif d’instance délivré le 18 juillet 2017 est recevable.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point en ce qu’il a statué sur le fond des demandes.
Sur la prescription de l’action en responsabilité pour manquement du prêteur à son devoir d’information et de conseil sur les risques couverts par l’assurance
Il ressort des dispositions des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil que lorsqu’un emprunteur a adhéré à un contrat d’assurance de groupe souscrit par le prêteur à l’effet de garantir l’exécution de tout ou partie de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité au titre d’un manquement du prêteur au devoir d’information et de conseil sur les risques couverts court à compter du jour où il a eu connaissance du défaut de garantie du risque qui s’est réalisé.
En l’espèce, l’assurance maladie de Meurthe et Moselle a notifié à M. [Z] [B] sa prise en charge à 100% pour affection de longue durée par courrier du 23 mars 2017.
Or, par courrier du 14 avril 2017, la CRCAM de Lorraine a informé M. [Z] [B] de l’absence de garantie contre la survenance de risque ITT en raison de son âge, l’incapacité se situant au delà de 60 ans.
Aussi, le point de départ de la prescription de l’action en responsabilité pour manquement du prêteur à son devoir d’information et de conseil sur les risques couverts par l’assurance est fixé au 14 avril 2017.
Dans ces conditions, l’action de M. [Z] [B] engagée sur ce fondement à l’encontre de la CRCAM de Lorraine par acte introductif d’instance délivré le 18 juillet 2017 est recevable.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point en ce qu’il a statué sur le fond des demandes.
Sur le devoir de conseil et de mise en garde
L’assujettissement du prêteur au devoir de mise en garde suppose, d’une part, un risque d’endettement excessif et, d’autre part, que l’emprunteur soit non averti, ces deux conditions cumulatives s’appréciant successivement et dans cet ordre.
Il appartient donc à l’emprunteur qui se prévaut du manquement au devoir de mise en garde, d’établir qu’à l’époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière justifiait l’accomplissement d’un tel devoir.
Le risque d’endettement excessif s’apprécie au jour de l’octroi du crédit et uniquement au regard des informations qu’il déclare au prêteur, sauf à ce que ce dernier dispose d’informations sur les revenus, le patrimoine et les facultés de remboursement de l’emprunteur que lui-même ignorait.
Aussi, si à la date de la conclusion du contrat, il apparaît que le crédit était adapté aux capacités financières de l’emprunteur et au risque d’endettement né de l’octroi du prêt, le banquier n’est tenu
d’aucun devoir de mise en garde.
En l’espèce, la CRCAM de Lorraine produit une fiche de renseignements signée par M. [Z] [B] le 28 mars 2006 comportant en bas de page ‘ BNP Paribas SA ‘, et indique qu’il s’agit d’un document destiné à la BNP qui lui a été remis par M. [Z] [B] dans le cadre de l’obtention du prêt litigieux.
Ce document mentionne que M. [Z] [B] disposait de revenus à hauteur de 150 000 euros annuels (professionnels en sa qualité de gérant de société et locatifs), d’une épargne de 841 000 euros (compte-épargne, valeurs mobilières et assurance-vie) et d’un patrimoine immobilier dont la valeur est détaillée comme suit :
– 490 000 euros pour sa résidence principale, financée au moyen d’un prêt à échéance du 15 juillet 2010 et un capital restant dû de 100 000 euros,
– 980 000 euros et 790 000 euros en résidences secondaires détenues par la SCI Graham, financées au moyen de prêts venant à échéance respectivement en juin 2016 et octobre 2014 comportant chacun un capital restant dû à hauteur de 640 000 euros et 390 000 euros,
– 2 000 000 euros pour un hôtel sis à [Localité 5] détenu par la SA Maldives, dont il détient 70% des parts, financé au moyen d’un prêt venant à échéance en septembre 2017 comportant un capital restant dû de 1 600 000 euros.
M. [Z] [B] a indiqué dans ce document, au titre des charges, les échéances du prêt immobilier de sa maison (résidence principale) d’un montant annuel de 15 000 euros (soit 1 250 euros par mois) et un engagement de caution à hauteur de 30 000 euros donné en mars 2006 jusqu’en mars 2011.
M. [Z] [B] conteste la remise de cette fiche et précise qu’elle n’est pas actualisée dans la mesure où il a été licencié le 20 décembre 2005, avec une fin de préavis au 20 mars 2006, tel que confimé par l’attestation ASSEDIC délivrée à cette date, et qu’il a bénéficié de l’allocation d’aide au retour à l’emploi à compter de cette date, ce dont il justifie.
Aussi, il est constant que la CRCAM de Lorraine ne pouvait ignorer au regard du curriculum vitae de M. [Z] [B], que le prêteur a produit aux débats, qu’il avait été licencié en 2005, déterminant une baisse de ses revenus par référence à la fiche de renseignements communiquée, M. [Z] [B] indiquant avoir perçu en 2006 des revenus annuels de 78 330 euros après impôts, soit 6 527,50 euros par mois.
Néanmoins, il ressort de l’attestation ASSEDIC délivrée le 20 mars 2006 que M. [Z] [B] a perçu à cette date des indemnités de licenciement de 422 377 euros.
Or, M. [Z] [B] indique lui-même dans ses conclusions que, compte tenu de son épargne, constituée des indemnités de rupture négociées avec son ancien employeur, il a cru pouvoir faire face à son endettement.
En effet, il convient de constater qu’au jour du prêt, ses revenus mensuels évalués à 6 527,50 euros après impôts en 2006 lui permettaient de faire face au paiement des échéances restant dues au titre du prêt immobilier jusqu’en juillet 2010 (15 000 euros annuels soit 1 250 euros mensuels), et que les douze mensualités du prêt litigieux d’un montant annuel de 44 634 euros, soit 3 719,50 euros mensuels, pouvaient être payées pour partie sur ses revenus
jusqu’au taux d’endettement de 35% de ses revenus (soit à hauteur de 1 034 euros par mois) et pour partie par le déblocage de l’épargne (soit à hauteur de 2 685,50 euros par mois pour un montant total de 386 712 euros pour 144 mois), ce qui permettait également à M. [Z] [B] de faire face le cas échéant à son engagement de caution à hauteur de 30 000 euros avec le montant de l’épargne restante (soit 35 665 euros).
Aussi, sans intégrer en valeur au patrimoine de M. [Z] [B] les deux immeubles qualifiés de ‘ résidence secondaire ‘ appartenant à la SCI Graham Bell ainsi que l’immeuble détenu par la SCI les Maldives, dans lesquels M. [Z] [B] détenait des parts et visés à la fiche de renseignements, ni la valeur du bien immobilier constituant sa résidence principale (dont il affirme par ailleurs dans ses conclusions que ce bien valait 838 000 euros), il en résulte qu’au jour du prêt litigieux, M. [Z] [B] bénéficiait de ressources et d’une épargne lui permettant de faire face à ses charges.
Au surplus, il y a lieu de constater que M. [Z] [B] a payé les cinq premières échéances annuelles du prêt litigieux.
A titre surabondant, il ressort du décompte produit par la CRCAM de Lorraine que la vente du bien immobilier de M. [Z] [B] dans le cadre de la procédure de saisie immobilière a permis de déduire de la créance un montant de 330 682,12 euros, permettant de solder le prêt litigieux.
Dans ces conditions, il apparaît que le crédit litigieux était adapté aux capacités financières de M. [Z] [B] et au risque d’endettement né de l’octroi dudit prêt, de sorte qu’il doit être débouté de sa demande en dommages et intérêts pour manquement de la CRCAM de Lorraine au devoir de mise en garde.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur le devoir de conseil quant aux garanties de l’assurance
Il ressort des dispositions de l’article 1147, devenu 1217 du code civil, que l’établissement de crédit qui propose à son client, auquel il consent un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d’emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire cette obligation.
Aussi, le banquier souscripteur d’une assurance de groupe est tenu envers les adhérents d’une obligation d’information et de conseil qui ne s’achève pas avec la remise de la notice.
En effet, il doit conseiller utilement l’emprunteur sur l’étendue des garanties et d’attirer plus spécialement son attention sur les exclusions et limites qu’elles comportent.
En l’espèce, il appartenait à la CRCAM de Lorraine d’éclairer M. [Z] [B] sur l’adéquation de la garantie proposée au risques auquels l’exposaient son âge et la durée du prêt.
En effet, les parties confirment que les conditions particulières de l’assurance du prêt, telles que versées aux débats, prévoient sous forme de tableau une exclusion de la garantie ITT après 60 ans, et de 65 ans concernant les autres risques couverts (décès, PTIA).
Or, le premier juge a relevé à juste titre que M. [Z] [B] était âgé de 55 ans et 8 mois au jour de l’offre, et qu’à la date de son 60ème anniversaire, soit le 4 mars 2011, il resterait devoir 8 échéances de 44 634 euros au titre du prêt, soit 357 072 euros.
Il en résulte que la durée de la garantie est largement inférieure à la durée du prêt, alors que l’offre comporte une ‘ quotité assurée ‘ de ‘ 100% par défaut ‘.
Aussi, la CRCAM de Lorraine devait attiré spécialement l’attention de M. [Z] [B] sur l’étendue de la couverture au regard de son âge.
Pour autant, la CRCAM de Lorraine ne rapporte pas la preuve de l’exécution de son obligation de conseil sur l’étendue des garanties souscrites par M. [Z] [B] au regard des exclusions et limites liées à son âge et de la durée du prêt.
Dans ces conditions, la CRCAM de Lorraine a manqué à son obligation d’information, de conseil et de mise en garde quant aux garanties de l’assurance et l’a privé de la chance de pouvoir souscrire une garantie du risque ITT couvrant une période allant au delà de 60 ans, soit en l’état jusqu’à 68 ans.
Pour le surplus, l’exclusion de la garantie en cas de déchéance du terme du prêt ne nécessitait pas d’information particulière de M. [Z] [B] dans la mesure où l’examen de la situation individuelle de l’emprunteur relève du devoir de mise en garde résultant du risque d’endettement excessif.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur l’évaluation des préjudices subis
Il y a lieu de constater en l’espèce que le prêteur a notifié à M. [Z] [B] la déchéance du terme du contrat de prêt avant la survenance du risque non couvert d’ITT après 60 ans, de sorte que les sommes prêtées étaient exigibles dans leur intégralité avant terme, ce qui constitue un cas de cessation des garanties, tel que figurant aux conditions générales de la notice d’assurance.
En effet, la déchéance du terme a été prononcée en 2014 (M. [Z] [B] étant âgé de 63 ans) et l’affection longue durée de M. [Z] [B] a été notifiée le 23 mars 2017 (à l’âge de 66 ans).
Le préjudice de l’assuré consécutif au manquement au devoir de conseil et de mise en garde en matière d’assurance s’analyse en une perte de chance d’être mieux assuré, c’est-à-dire de souscrire une autre assurance ou une assurance complémentaire mieux adaptée à la situation.
Or, toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que l’emprunteur ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé.
Néanmoins, la prise en charge des échéances impayées par l’assureur ne pouvait intervenir postérieurement à la déchéance du terme prononcée le 4 juin 2014 à l’âge de 63 ans.
Aussi, la perte de chance d’être mieux assuré s’apprécie sur la période allant du 4 mars 2011 (60 ans) au 4 juin 2014 (notification de la déchéance du terme), soit sur les échéances ayant couru de 2011 à 2014 inclus qui s’élèvent à un montant total de 178 536 euros.
Par suite, il y a lieu de considérer que la perte de chance de M. [Z] [B] d’être mieux assuré et pris en charge sur cette période au titre du risque ITT peut s’évaluer à 50% des mensualités dues sur ladite période.
Dans ces conditions, la perte de chance de M. [Z] [B] correspond à la somme de 89 268 euros qui lui sera allouée à titre de dommages et intérêts.
Dès lors, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a débouté M. [Z] [B] de sa demande en dommages et intérêts.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La CRCAM de Lorraine qui succombe partiellement à hauteur de cour sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, et sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [Z] [B] a dû engager des frais non compris dans les dépens afin de faire valoir ses droits, de sorte qu’il convient de lui allouer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et 2 000 euros à hauteur de cour.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,
DECLARE prescrite l’action de M. [Z] [B] au titre du caractère erroné du TAEG,
CONDAMNE la CRCAM de Lorraine à payer à M. [Z] [B] la somme de 89 268 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d’information et de conseil sur les garanties de l’assurance,
CONDAMNE la CRCAM de Lorraine à payer à M. [Z] [B] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la CRCAM de Lorraine aux dépens,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE la CRCAM de Lorraine de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la CRCAM de Lorraine à payer à M. [Z] [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la CRCAM de Lorraine aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en treize pages.