12 janvier 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/03654
ARRET
N°
[F]
C/
[Y]
PM/VB/SGS
COUR D’APPEL D’AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU DOUZE JANVIER
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/03654 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IFHR
Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SENLIS DU VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
Madame [L] [F]
domiciliée au cabinet de Maître Cyrielle DUFLOUX – [Adresse 2])
née le 29 Mai 1970 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Amélie ROHAUT, avocat au barreau d’AMIENS
Plaidant par Me BARILLÉ substituant Me Cyrielle DUFLOUX, avocats au barreau de PARIS
APPELANTE
ET
Madame [C] [Y]
née le 29 Mai 1982 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Antoine CANAL, avocat au barreau d’AMIENS
Plaidant par Me Amandine LABRO, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
DEBATS :
A l’audience publique du 03 novembre 2022, l’affaire est venue devant M. Pascal MAIMONE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE DE L’ARRET :
Le 12 janvier 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
* *
DECISION :
Par acte authentique du 3 juillet 2017, Mme [C] [Y] et Mme [L] [F] ont acquis en pleine propriété indivise, à concurrence de 50% chacune, une maison sise aux [Localité 6], au prix de 760.000 euros et y ont vécu en couple.
Le couple s’est séparé et Mme [C] [Y] a maintenu sa résidence dans l’immeuble indivis.Les parties sont en désaccord sur le sort de l’immeuble indivis: Mme [L] [F] souhaitant le vendre et Mme [C] [Y] s’y opposant en proposant de racheter la part de Mme [L] [F].
Par exploit d’huissier du 23 mars 2021, Mme [L] [F], exerçant en qualité d’avocat au barreau de Paris, a fait assigner Mme [C] [Y], au visa de l’article 47 du code de procédure civile devant le président du tribunal judiciaire de Senlis, statuant selon la procédure accélérée au fond au visa de l’article 815-6 du code civil.
Par ordonnance du 22 juin 2021, le président du tribunal judiciaire de Senlis a :
-Constaté que l’urgence et l’intérêt commun ne sont pas caractérisés au sens de l’article 815-6 du code civil ;
-Débouté en conséquence, Mme [L] [F] de ses demandes tendant à l’autoriser à passer seule la promesse et l’acte de vente, et aux fins de remise des clés sous astreinte ;
-Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Rejeté toute demande plus ample ou contraire ;
-Condamné Mme [L] [F] aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 10 juillet 2021, Mme [L] [F] a interjeté appel de cette ordonnance.
Une mesure de médiation a été ordonnée avec l’accord des parties mais a échoué.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 19 octobre 2022, Mme et bien fondé et ce faisant d’infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau, de:
-l’autoriser à passer seule l’acte de vente du bien,
-ordonner à Mme [C] [Y] de lui remettre un jeu de clés de la maison dans le but d’effectuer les visites nécessaires à la vente du bien, sous astreinte de 200 euros par jour de retard suivant les trois jours du prononcé du jugement (sic) à intervenir,
-ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir (sic),
-condamner Mme [C] [Y] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Amélie Rohaut en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions transmises par la voie électronique le 31 octobre 2022, Mme [C] [Y] demande à la Cour de confirmer l’ordonnance entreprise et de condamner Mme [L] [F] à lui verser la somme de 5000 euros au titre des frais de procédure, sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et de la condamner aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l’exposé de leurs prétentions et moyens.
Le 2 novembre 2022, par message RPVA le conseil de Mme [L] [F] a sollicité le report de l’audience de plaidoirie, compte tenu de la réception de conclusions de Mme [C] [Y] et de nouvelles pièces le 31 octobre 2022.
Par message RPVA du même jour, le conseil de Mme [C] [Y] a indiqué s’opposer au renvoi en précisant notamment que ses conclusions et pièces signifiées le 31 octobre 2022 ne faisaient que répondre à des conclusions tardives de Mme [L] [F] du 19 octobre 2022 accompagnées de 40 pièces auxquelles elle s’est efforcée de répondre et que le dossier est en état d’être plaidé, la demande de renvoi étant incompatible avec l’urgence invoquée par Mme [L] [F].
A l’audience du 3 novembre 2022, le conseil de Mme [L] [F] a réitéré sa demande de renvoi et le conseil de Mme [C] [Y] a réitéré son opposition au renvoi.
Après avoir relevé que les dernières conclusions de Mme [C] [Y] ne contenaient aucune prétention ou moyen nouveau, que les pièces nouvelles communiquées par Mme [C] [Y] ne visaient qu’à actualiser sa situation financière et que la nature de l’instance exigeait qu’il soit statué dans les meilleurs délais, la cour a rejeté la demande de renvoi.
La clôture de la procédure a été prononcée le 3 novembre 2022, date à laquelle l’affaire a été évoquée.
CECI EXPOSE, LA COUR,
Sur la demande principale :
Aux termes de l’article 815-6 alinéa 1er du code civil,(en matière d’indivision) le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l’intérêt commun.
Cette mesure prévue par l’article 815-6 est une mesure exceptionnelle qui nécessite que soit caractérisé l’intérêt commun des indivisaires lequel existe notamment lorsque le bien n’est plus entretenu, menace de disparaître ou lorsque qu’il existe un risque sérieux de mise en oeuvre d’une procédure de saisie immobilière à l’initiative d’un prêteur banque prêteuse.
Ainsi cet intérêt commun de vendre n’est pas caractérisé s’il n’est pas justifié d’une dégradation du bien exigeant une intervention immédiate ou lorsque la gestion courante de l’immeuble est assurée.
L’article 815-6 du code civil ne vise pas l’intérêt personnel et l’urgence qu’il vise concerne l’intérêt commun de l’indivision tel que la conservation du bien et non l’urgence pour l’un des indivisaires.
Il ne permet pas plus de faire cesser l’occupation par un indivisaire qui se maintient dans les lieux après la séparation dès lorsque l’intérêt commun n’est pas menacé. Lorsque l’un des indivisaires veut mettre fin à une indivision, il lui appartient de solliciter devant le tribunal judiciaire le partage de l’indivision en application des articles 815, 816 et 1378 du code civil et non d’agir sur le fondement de l’article 815-6 précité.
En l’espèce, après la séparation du couple, Mme [L] [F] a quitté l’immeuble commun et a dû se reloger.
Elle est fondée à vouloir vendre l’immeuble indivis pour se procurer les fonds nécessaires à l’acquisition d’un nouveau bien immobilier. Il n’est pas contestable que les années passant il lui sera difficile d’emprunter pour acquérir un nouveau bien.
Mme [L] [F] a donc un intérêt personnel évident à ce que le bien indivis soit vendu le plus rapidement possible.
Cependant, si Mme [C] [Y] a incontestablement une situation financière moindre que celle de Mme [L] [F] les factures et photographies produites démontrent que l’immeuble indivis est convenablement entretenu.
Les difficultés qu’elle a rencontrées à assumer le remboursement du prêt immobilier, d’un prêt personnel et des charges courantes afférentes à l’immeuble qui ont été réglées avec retard ne mettent nullement en péril la conservation du bien. Mme [C] [Y] justifie qu’elle a retrouvé un emploi, que le prêt immobilier et son prêt personnel sont remboursés et qu’elle acquitte les charges courantes. Le seul arriéré qui persiste concerne les factures d’eaux pour lesquelles elle a obtenu un échéancier qui est respecté.
Mme [C] [Y] justifie qu’elle n’est pas à ce jour fichée auprès de la Banque de France.
Contrairement à ce que soutient l’appelante, les achats de biens d’équipement effectués après la séparation et l’hébergement par Mme [C] [Y] d’une personne présentée comme un ami sont insuffisants pour démontrer qu’elle transformerait la destination du bien à des fins locatives: la seule crainte de Mme [L] [F] de cette transformation ne saurait justifier que l’immeuble soit vendu immédiatement.
La cour relève que Mme [C] [Y] a émis le souhait de racheter la part de Mme [L] [F] dans l’immeuble indivis: il appartiendra donc aux parties d’en discuter dans le cadre des opérations de compte liquidation partage de l’indivision.
Mme [C] [Y] étant seule juge de ce qui est de son intérêt, il ne saurait être estimé sans connaître la proposition de rachat qu’elle formulera dans le cadre des opérations de compte liquidation et partage de l’indivision, qu’elle est dans l’impossibilité financière de racheter la part de Mme [L] [F] dans l’immeuble indivis.
L’ordonnance sera donc confirmée en ce qu’elle a constaté que l’urgence et l’intérêt commun ne sont pas caractérisés au sens de l’article 815-6 du code civil et en ce qu’elle a débouté Mme [L] [F] de ses demandes tendant à être autorisée à passer seule la promesse et l’acte de vente du bien indivis et de sa demande subséquente de remise des clés sous astreinte.
Sur les frais irrépétibles :
Le sens du présent arrêt justifie que le jugement soit confirmé en ce qu’il a condamné Mme [L] [F] aux dépens et qu’elle soit condamnée aux dépens d’appel.
L’équité commande de faire application en appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de Mme [C] [Y] à hauteur de 3000 euros, le jugement étant confirmé en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne Mme [L] [F] à payer à Mme [C] [Y] la somme de 3000 euros par application en appel des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;
Condamne Mme [L] [F] aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE