12 décembre 2022
Cour d’appel de Colmar
RG n°
21/04245
MINUTE N° 22/636
Copie exécutoire à :
– Me Charline LHOTE
– Me Grégoire FAURE
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 12 Décembre 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 21/04245 – N° Portalis DBVW-V-B7F-HVZ4
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 juillet 2021 par le Juge des contentieux de la protection de MOLSHEIM
APPELANT :
Monsieur [C] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Charline LHOTE, avocat au barreau de COLMAR
Madame [Z] [P]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Charline LHOTE, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉE :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 4] / France
Représentée par Me Grégoire FAURE, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme MARTINO, Présidente de chambre, et Mme FABREGUETTES, Conseiller, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme MARTINO, Président de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
M. FREY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Selon offre acceptée le 8 juillet 2019, la Sa BNP Paribas Personal Finance a consenti à Monsieur [C] [P] et Madame [Z] [P] un prêt personnel destiné à regrouper des crédits, d’un montant de 14 184 €, remboursable en 73 échéances de 231,73 euros avec un taux d’intérêt de 5,91 %.
Les échéances de remboursement du prêt n’ayant pas été régulièrement honorées, la Sa BNP Paribas Personal Finance s’est prévalue de la déchéance du terme le 15 novembre 2020.
Elle a obtenu le 17 février 2021, auprès du tribunal de proximité de Molsheim, une ordonnance d’injonction de payer portant condamnation de Monsieur et Madame [P] à lui payer la somme de 12 044,89 € en principal, outre les intérêts et les frais accessoires.
Monsieur et Madame [P] ont formé opposition à cette ordonnance le 23 mars 2021.
La Sa BNP Paribas Personal Finance a demandé condamnation des défendeurs solidairement à lui payer la somme de 13 335,49 €, outre les intérêts au taux de 5,88 % l’an sur la somme de 12 424,66 € à compter du 15 novembre 2020, la somme de 800 € par application des dispositions de l’article 700 du code de
procédure civile, ainsi que leur condamnation en tous les frais et dépens, incluant les frais de l’ordonnance d’injonction de payer.
Monsieur [P], représentant également son épouse, a fait valoir qu’un dossier de surendettement avait été déposé ; qu’ils sont dans l’incapacité de rembourser le crédit.
Par jugement du 30 juillet 2021, le juge des contentieux de la protection de Molsheim a :
-déclaré régulière, recevable et mal fondée l’opposition formée par Monsieur [C] [P] et Madame [Z] [P] à l’encontre de l’ordonnance d’injonction de payer du 17 février 2021,
Statuant à nouveau,
-condamné solidairement Monsieur [C] [P] et Madame [Z] [P] à payer à la Sa BNP Paribas Personal Finance la somme de 13 335,49 € avec les intérêts au taux contractuel de 5,88 % l’an à compter du 15 novembre 2020 sur la somme de 12 424,66 €,
-dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-condamné in solidum Monsieur [C] [P] et Madame [Z] [P] aux entiers frais et dépens de la procédure, y compris ceux de la procédure d’injonction de payer,
-constaté le caractère exécutoire du jugement.
Monsieur [C] [P] et Madame [Z] [P] ont interjeté appel de cette décision le 30 septembre 2021.
Par écritures notifiées le 5 mai 2022, ils concluent à l’infirmation du jugement déféré sauf en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et demandent à la cour de :
-constater que la Sa BNP Paribas Personal Finance ne démontre pas avoir remis la fiche précontractuelle d’information aux époux [P],
-constater que la Sa BNP Paribas Personal Finance n’a pas remis le tableau d’amortissement aux époux [P] en même temps que l’offre de prêt,
-dire et juger que la Sa BNP Paribas Personal Finance a manqué à son devoir de mise en garde,
En conséquence,
-condamner la Sa BNP Paribas Personal Finance à payer aux époux [P] une somme de 12 500 € à titre de dommages et intérêts,
Subsidiairement,
-prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels pour la Sa BNP Paribas Personal Finance,
-dire et juger que le capital restant dû ne portera pas intérêts au taux légal,
En tout état de cause,
-accorder aux époux [P] un délai de 24 mois et à titre subsidiaire, leur octroyer les plus larges délais de paiement,
-confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-débouter la Sa BNP Paribas Personal Finance de toutes ses conclusions, fins et prétentions contraires formulées au titre de son appel incident,
-condamner la Sa BNP Paribas Personal Finance aux entiers frais et dépens des deux instances,
-condamner la Sa BNP Paribas Personal Finance à payer à Monsieur [C] [P] et Madame [Z] [P] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
-dire n’y avoir lieu à condamnation des époux [P] au titre de l’article 700 du code de procédure civile en faveur de la Sa BNP Paribas Personal Finance.
Ils font valoir que la banque ne rapporte pas la preuve de la remise de la fiche d’informations précontractuelles ; qu’il en est de même du tableau d’amortissement, dont la remise concomitante à l’offre de prêt est prévue aux dispositions de L’article L 313 -25 du code de la consommation ; que lors de la signature de l’offre de prêt, ils avaient déjà souscrit de nombreux crédits à la consommation, de sorte que la Sa BNP Paribas Personal Finance aurait dû les mettre en garde sur une telle accumulation ; que bien qu’il s’agisse d’une opération de regroupement de crédit, le coût total du prêt consenti est plus important, même si les échéances mensuelles ont baissé ; que ce regroupement a eu pour effet d’augmenter de trois ans la durée des crédits, alors que l’organisme prêteur ne pouvait ignorer que Madame [P], compte tenu de son âge, allait bientôt prendre
sa retraite et que ses revenus allaient considérablement diminuer ; que le manquement de la banque à son obligation justifie l’allocation de dommages et intérêts et subsidiairement, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et au taux légal.
Subsidiairement, ils sollicitent des délais de grâce sur le fondement des articles L 314-20 du code de la consommation ou 1343-5 du code civil.
Par écritures notifiées le 8 juin 2022, la Sa BNP Paribas Personal Finance a conclu au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions. Elle demande condamnation des appelants solidairement aux entiers frais et dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 2 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Subsidiairement, si la cour devait estimer que le prêteur a manqué à son obligation de mise en garde et que les emprunteurs justifient d’un préjudice en lien de causalité avec la faute commise, elle demande réduction à l’euro symbolique, ou à tout le mois à de plus justes proportions, les dommages et intérêts de manière à n’indemniser que la seule perte de chance de ne pas contracter le crédit litigieux.
Elle fait valoir qu’elle justifie de la remise effective d’une fiche d’information répondant aux exigences de l’article L 312-12 du code de la consommation ; que les dispositions visées par les appelants pour la remise du tableau d’amortissement sont relatives au crédit immobilier et que pour le crédit litigieux, il n’existe pas d’obligation de remettre un tableau d’amortissement simultanément à la remise de l’offre de crédit à la consommation ; qu’elle justifie en tout état de cause du détail des échéances selon tableau d’amortissement versé aux débats, qu’elle s’engageait à remettre à première demande aux emprunteurs, conformément aux conditions générales de l’offre de crédit ; que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ne concerne pas le défaut de remise simultanée du tableau d’amortissement à l’offre de crédit.
Concernant le manquement au devoir de mise en garde, elle fait valoir que les informations fournies par les emprunteurs en appel ne correspondent pas aux éléments qu’ils avaient déclarés lors de la souscription du contrat de crédit ; que s’agissant d’une opération de regroupement de crédit, substituant une échéance de 259,81 € à deux échéances d’un montant total de 381,77 euros avec un taux de crédit inférieur, l’opération n’avait pas pour conséquence d’augmenter l’endettement des époux [P], mais au contraire de le diminuer ; que le devoir de mise en garde du banquier n’existe qu’en cas de risque d’endettement excessif de l’emprunteur entraîné par l’opération de crédit en cause, ce qui n’est pas le cas d’un crédit
de restructuration ; que l’état d’endettement des époux [P] préexistait à l’octroi du crédit litigieux ; qu’il n’existe de même pas d’obligation de mise en garde au profit d’un emprunteur ayant fourni des renseignements sur la situation financière compatible avec l’octroi du crédit ; que les appelants lui ont dissimulé une partie de leur endettement, ce qui leur interdit d’arguer d’un quelconque manquement au prêteur à ses obligations en lien avec l’endettement dissimulé.
À titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir que la faute commise n’a pas de lien de causalité avec le préjudice invoqué, dans la mesure où les appelants présentaient déjà un état d’endettement équivalent avant la souscription du contrat litigieux ; que la mise en garde qui aurait pu leur être délivrée en sus de celles contenues dans les documents contractuels n’aurait pas fait renoncer les emprunteurs à leur projet de souscription d’un crédit qu’ils souhaitaient obtenir au point d’avoir dissimulé des éléments sur leur situation financière.
Elle fait valoir également que la substitution du taux d’intérêt légal au taux d’intérêt contractuel constituerait une sanction effective, dès lors que les intérêts courent depuis le 15 novembre 2020.
MOTIFS
Sur la remise de la fiche d’information précontractuelle et du tableau d’amortissement :
L’offre de crédit accepté par Monsieur et Madame [P] est soumise aux dispositions des articles L 312-1 et suivants du code de la consommation.
L’article L 312-12 de ce code prévoit que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
En l’espèce, la Sa BNP Paribas Personal Finance justifie avoir accompli cette formalité par la production de la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées établie le 8 juillet 2019 comportant la signature de Monsieur et Madame [P]. Ces derniers ne peuvent contester que cette pièce, qu’ils ont signée, leur a bien été fournie, dans la mesure où l’exemplaire versé aux débats par l’intimée est celui de l’organisme
prêteur, que les emprunteurs devaient lui retourner après signature ; qu’eux-même versent aux débats leur exemplaire emprunteur qu’ils ont conservé et sur lequel ils n’ont apposé ni date ni signature.
Concernant le défaut de remise simultanée du tableau d’amortissement, les époux [P] se réfèrent aux dispositions de l’article L 313-25 du code de la consommation qui ne régit pas la convention liant les parties.
Il convient de constater que l’offre de prêt qui leur a été remise est conforme aux dispositions des articles L 312-28 et R 312-10 du même code, de sorte qu’aucune déchéance du droit aux intérêts n’est encourue.
Sur le devoir de mise en garde :
Il est de jurisprudence que le devoir de mise en garde à la charge de l’organisme prêteur n’existe que lorsque la souscription du crédit envisagé risque d’entraîner un endettement excessif pour l’emprunteur.
En l’espèce, le crédit consenti par la Sa BNP Paribas Personal Finance consiste en un regroupement de deux autres prêts consentis par la société Cetelem, le premier étant remboursé par échéances de 73,11 € pour un capital restant dû de 1916,06 euros avec un taux d’intérêt débiteur de 19,14 % l’an et le deuxième étant remboursé par échéances de 307,10 € pour un capital restant dû de 12 266,74 € avec un taux d’intérêt débiteur de 5,70 % l’an, étant précisé que la durée restante pour le premier prêt était de 40 mois et de 42 mois pour le second.
Le crédit accordé par la Sa BNP Paribas Personal Finance n’a pas eu pour effet d’accroître l’endettement des emprunteurs, dans la mesure où il a substitué à des mensualités totales de 380,21 € une mensualité de 231,77 euros, avec un taux d’intérêt très inférieur à celui du premier prêt racheté et équivalent à celui du second.
Il sera relevé par ailleurs que dans la fiche de renseignements qui leur a été demandé de remplir, les époux [P] ont précisé percevoir des revenus mensuels de 1 300 € pour l’époux et de 1 500 € pour l’épouse, pour des charges de loyer de 580 € par mois et de 40 € pour les impôts. Ils n’ont déclaré, au titre des crédits en cours, que des échéances de 395 € pour des crédits BNP Paribas, ainsi qu’un crédit carte de 800 €, soit des charges totales de 1 815 €.
Ils n’ont fait aucune mention des crédits qu’ils disent avoir souscrits antérieurement au nouveau prêt, dont quatre auprès de Cofidis pour des échéances de 68 €, 123,63 €, 249,89 € et 199,91 €, un crédit de 15 000 € auprès de la société Ca Consumer Finance, un crédit
auprès de Cetelem de 14 000 € et un dernier prêt auprès de la Banque Revillon d’un montant de 22 869 €.
Les appelants ne peuvent donc faire reproche à l’organisme prêteur de ne pas les avoir mis en garde sur un risque d’endettement excessif lié à une situation préexistante dont ils lui ont caché l’existence.
Compte tenu de la nature du crédit, destiné à regrouper des prêts antérieurement souscrits et des éléments d’information portés à la connaissance de la Sa BNP Paribas Personal Finance, il convient de constater que cette dernière n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde, en ce que l’octroi du prêt n’aggravait pas la charge de remboursement mensuelle des époux, mais l’allégeait au contraire.
Madame [P] ne rapporte de plus aucune preuve de ce qu’elle serait à la retraite et de ce que sa situation financière aurait changé.
La demande indemnitaire formée par Monsieur et Madame [P] sera en conséquence rejetée.
Sur la demande en paiement du solde du prêt :
La demande étant justifiée par les pièces produites et les appelants ne critiquant pas les sommes allouées en première instance, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné les appelants au paiement d’une somme de 13 335,49 €, outre les intérêts contractuels.
Sur la demande de délai de paiement :
Les appelants ne versant aux débats que le justificatif de leur imposition sur le revenu pour 2019, une attestation de paiement de pension pour Monsieur [P] pour le mois d’août 2021 et un bulletin de salaire de Madame [P] pour le mois d’août 2021, l’opportunité de leur accorder des délais de paiement ne peut être appréciée, leur situation financière actuelle n’étant pas connue ni justifiée.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront confirmées.
Partie perdante, les appelants seront condamnés aux dépens de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile et seront déboutés de leur demande fondée sur l’article 700 du même code.
Il sera en revanche fait droit à la demande de l’intimée au titre des frais non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer pour faire valoir ses droits en appel, à hauteur de la somme de 500 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME le jugement déféré,
Y ajoutant,
DEBOUTE Monsieur [C] [P] et Madame [Z] [P] de leur demande en dommages et intérêts,
DEBOUTE Monsieur [C] [P] et Madame [Z] [P] de leur demande de délai de paiement,
CONDAMNE Monsieur [C] [P] et Madame [Z] [P] à payer à la Sa BNP Paribas Personal Finance la somme de 500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE Monsieur [C] [P] et Madame [Z] [P] de leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [C] [P] et Madame [Z] [P] aux dépens de l’instance d’appel.
La Greffière La Présidente,