12 avril 2023
Cour d’appel de Bastia
RG n°
22/00363
Chambre civile
Section 2
ARRÊT N°
du 12 AVRIL 2023
N° RG 22/00363
N° Portalis DBVE-V-B7G-CEB3
JD – C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Juge des contentieux de la protection de BASTIA, décision attaquée en date du 28 Mars 2022, enregistrée sous le n° 1121000458
S.A. COFIDIS
C/
[L]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
DOUZE AVRIL DEUX-MILLE-VINGT-TROIS
APPELANTE :
S.A. COFIDIS
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocate au barreau de BASTIA, Me Olivier HASCOËT de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOËT HELAIN, avocat au barreau d’ESSONNE
INTIMÉE :
Mme [D] [L]
née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 5] ([Localité 5])
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Jocelyne COSTA, avocate au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 9 février 2023, devant Judith DELTOUR, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s’y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Vykhanda CHENG, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Alléguant un prêt personnel portant regroupement d’autres prêts, de 25 400 euros au taux de 5,92 % l’an, dans les termes d’un prêt identique du 29 septembre 2017, le défaut de paiement des échéances à compter de février 2021, la mise en demeure et la déchéance du terme le 9 juillet 2021, par acte du 21 décembre 2021, la S.A. Cofidis a assigné Mme [D] [L] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal d’instance de Bastia pour obtenir notamment sa condamnation, avec exécution provisoire, au paiement de 20 945,90 euros avec intérêts au taux nominal conventionnel, capitalisation des intérêts, des dépens et de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 28 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bastia a :
– déclaré la déchéance du terme régulière et acquise,
– condamné Mme [D] [L] à payer à la SA Cofidis en deniers ou quittances la somme de 10 588,85 euros au titre du crédit N°28951000471142,
– dit que cette somme ne portera pas intérêts,
– fixé à un euro le montant de l’indemnité contractuelle,
– débouté la SA Cofidis de sa demande de capitalisation des intérêts,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [D] [L] aux dépens,
– rappelé que la décision est exécutoire de droit.
Par déclaration reçue le 31 mai 2022, la S.A. Cofidis a interjeté appel de la décision en ce qu’elle a condamné Mme [D] [L] à lui payer en derniers ou quittances la somme de 10 588,85 euros au titre du crédit N°28951000471142, dit que cette somme ne portera pas intérêts, fixé à un euro le montant de l’indemnité contractuelle, l’a déboutée de sa demande de capitalisation des intérêts et de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions communiquées le 10 août 2022, la SA Cofidis a sollicité de :
– déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence,
– d’infirmer le jugement en ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau,
– de condamner Mme [D] [L] à lui payer la somme de 20 945,90 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,92 % l’an à compter du jour de la mise en demeure du 19 juillet 2021,
Subsidiairement, si la Cour confirmait la déchéance du droit aux intérêts contractuels,
– condamner Mme [D] [L] à lui payer la somme de 10 588,85 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 juillet 2021, sans suppression de la majoration de 5 points,
En tout état de cause,
– condamner Mme [D] [L] à lui payer la somme de 1200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [D] [L] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Elle a fait valoir qu’à l’inverse de ce qui avait été retenu elle avait vérifié les éléments de solvabilité, que le juge avait ajouté aux dispositions de la loi et, à titre subsidiaire, que le juge des contentieux de la protection avait excédé sa compétence en supprimant la majoration prévue par l’article L313-3 du code de la consommation.
Par conclusions communiquées le 27 octobre 2022, Mme [D] [L] a demandé de :
– débouter la SA Cofidis de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer le jugement,
– condamner la SA Cofidis à lui verser la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SA Cofidis au paiement des dépens de première instance et d’appel.
Elle a soutenu l’obligation de vérification concrète de la solvabilité, qu’elle n’avait jamais touché 2 058 euros par mois contrairement à ce qui figure dans la fiche de dialogue, que le prêt conduit à un endettement supérieur à 40 % dépassant le taux habituellement admis. Elle a fait valoir que l’appelante déplaçait le débat, que la directive européenne, n°2008/48/CE demande aux États membres de prévoir en matière de crédit à la consommation des sanctions dissuasives et effectives contre les organismes prêteurs manquant à leurs obligations, que la sanction de l’article L 312-6 du code de la consommation, prévoit la déchéance du droit aux intérêts à défaut de vérification, que la sanction n’est pas dissuasive si le prêteur retrouve son droit aux intérêts au taux légal, que l’appelant ne critique pas la réduction de l’indemnité contractuelle.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 décembre 2022.
L’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 9 février 2023. L’affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe le 12 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le juge a recherché d’office les éventuelles causes de déchéance du droit aux intérêts et considéré que la banque n’avait pas vérifié la solvabilité de l’emprunteuse, ce qui justifiait la déchéance du droit aux intérêts, qui devait s’étendre aux intérêts au taux légal, ce qui réduisait les sommes dues, compte tenu des paiements, que l’indemnité contractuelle devait être réduite, qu’il n’y avait pas lieu à capitalisation en application des dispositions de l’article L 311-32 du code de la consommation.
L’opération litigieuse constitue un regroupement de crédits, soumise comme telle aux dispositions du chapitre II relatif aux crédits à consommation c’est-à-dire aux articles
L 312-1 à L 312-94 de ce code.
L’article L 312-16 du code de la consommation dispose avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l’article L. 751-1, dans les conditions
prévues par l’arrêté mentionné à l’article L. 751-6, sauf dans le cas d’une opération mentionnée au 1 de l’article L. 511-6 ou au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier. L’article D 312-8 du code de la consommation précise que les pièces justificatives de l’article L 312-17, relatif aux opérations de crédit conclues sur le lieu de vente ou au moyen d’une technique de communication à distance, sont tout justificatif du domicile de l’emprunteur ; tout justificatif du revenu de l’emprunteur ; et tout justificatif de l’identité de l’emprunteur, les pièces devant être »à jour au moment de l’établissement de la fiche d’information ».
Le premier juge a reproché à la créancière de n’avoir pas vérifié la solvabilité de l’emprunteuse à partir d’un nombre suffisant d’informations qui « ne peut se réduire à la production de deux bulletins de salaire. Il a relevé dans sa décision que la prêteuse produisait un bulletin de salaire de décembre 2016 portant le cumul imposable, un bulletin de salaire d’août 2017, un avis d’échéance relatif au loyer (comportant une provision sur charge) et une facture d’électricité outre une fiche de dialogue.
Or, à défaut d’avoir relevé l’invraisemblance des pièces et nonobstant la contradiction qui résulte de son constat et de la déduction consécutive, le premier juge n’a pas précisé quelle pièce déterminante aurait dû être produite pour pouvoir « vérifier complètement la solvabilité ». En outre, la fiche de dialogue indique que l’emprunteuse est célibataire, sans charge de famille, en contrat à durée indéterminée depuis 2016, cliente de sa banque depuis 2010 et mentionne les montants et les échéances des crédits à regrouper, sa carte d’identité. Mme [L] fait valoir qu’elle n’a jamais perçu 2 058 euros de salaire. Cependant, la fiche de dialogue a été signée par elle-même qui a certifié sur l’honneur l’exactitude des renseignements ; en absence d’anomalie apparente sur les informations déclarées, Mme [L] ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu’elle a déclarée. Surabondamment, le salaire de décembre 2016 repris dans le jugement a été calculé sur douze mois, alors que l’intéressée est entrée le 14 mars 2016 (2 089,14 euros mensuels au lieu de 1 653,90 retenus) et le bulletin de salaire de juillet 2017 met en évidence un salaire net imposable de 2 011 euros (au lieu de 1 896,76 retenu). Pour le surplus, la créancière a consulté le FICP.
Le jugement doit donc être réformé ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts. En dépit de son appel sur ces point, la S.A. Cofidis n’a ni contesté la réduction à 1 euro de l’indemnité contractuelle de 1 543,72 euros manifestement excessive, ni contesté le rejet de sa demande de capitalisation. Ces dispositions sont donc confirmées.
En conséquence, le jugement est confirmé sauf en ce qu’il a condamné Mme [D] [L] à payer à la S.A. Cofidis en derniers ou quittances la somme de 10 588,85 euros au titre du crédit n°28951000471142 et dit que cette somme ne portera pas intérêts, statuant de nouveau, Mme [D] [L] est condamnée à payer à la S.A. Cofidis la somme de 19 403,18 avec intérêts au taux contractuel de 5,92 % l’an à compter du jour de la mise en demeure du 19 juillet 2021, suivant décompte du 25 août 2021. La S.A. Cofidis est déboutée du surplus de ses demandes et Mme [L] est déboutée de ses demandes contraires.
Le jugement est confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. En cause d’appel, Mme [L] est condamnée au paiement des dépens. En considération de la décision sur les dépens, de l’équité et de la situation économique des parties il n’y a pas lieu de en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
– Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné Mme [D] [L] à payer à la S.A. Cofidis en derniers ou quittances la somme de 10 588,85 euros au titre du crédit n°28951000471142 et dit que cette somme ne portera pas intérêts,
Statuant de nouveau
– Condamne Mme [D] [L] est condamnée à payer à la S.A. Cofidis la somme de 19 403,18 avec intérêts au taux contractuel de 5,92 % l’an à compter du jour de la mise en demeure du 19 juillet 2021,
– Déboute la S.A. Cofidis du surplus de ses demandes,
Y ajoutant
– Déboute Mme [D] [L] de ses demandes contraires,
– Condamne Mme [D] [L] au paiement des dépens,
– Déboute Mme [D] [L] et la S.A. Cofidis de leurs demandes en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT