Prêt entre particuliers : 11 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03577

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Prêt entre particuliers : 11 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03577

11 mai 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG
22/03577

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03577 – N��Portalis DBVH-V-B7G-ITUC

MPF-AB

JUGE DE LA MISE EN ETAT DE NÎMES

13 octobre 2022 RG:20/01278

[W] VEUVE [Y]

C/

[L]

[L]

[C]

[S]

Grosse délivrée

le 11/05/2023

à Me Clotilde LAMY

à Me Jean-marie CHABAUD

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 11 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du Juge de la mise en état de NÎMES en date du 13 Octobre 2022, N°20/01278

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 28 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 11 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Madame [X] [W] veuve [Y]

née le 06 Novembre 1947 à [Localité 12] (ALGERIE)

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représentée par Me Clotilde LAMY de la SELEURL CABINET CLOTILDE LAMY – AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Madame [H] [L]

née le 27 Août 1996 à [Localité 10]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN CHABAUD MARCHAL ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Constance DUVAL-VERON de l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LIBOURNE

Monsieur [R] [L]

né le 17 Mai 1993 à [Localité 10]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN CHABAUD MARCHAL ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Constance DUVAL-VERON de l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LIBOURNE

Monsieur [A] [C]

pris en la personne de son représentant légal Monsieur [P] [N] [C],né le 19/01/1978 à [Localité 9]

né le 25 Août 2011 à [Localité 14]

[Adresse 11]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN CHABAUD MARCHAL ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Constance DUVAL-VERON de l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LIBOURNE

Monsieur [K] [S]

né le 10 Mars 1970 à [Localité 13]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean-marie CHABAUD de la SELARL SARLIN CHABAUD MARCHAL ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Constance DUVAL-VERON de l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LIBOURNE

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 11 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE:

[D] [S] a prêté à sa concubine Mme [X] [W] la somme de 80 000 euros, laquelle a établi le 6 décembre 2005 une reconnaissance de dette conditionnée à la vente de la maison dont elle était propriétaire sis [Adresse 8] à [Localité 4].

Le 17 mars 2014, cette reconnaissance de dette a été annexée au testament olographe de [D] [S].

Le 16 novembre 2015, [D] [S] a modifié son testament mais a laissé inchangée la clause d’exigibilité de remboursement de la dette de Mme [Y].

Le 30 novembre 2015, [D] [S] est décédé, laissant pour lui succéder ses enfants [Z] et [K] [S].

Le 28 février 2017, [Z] [S] est décédée, laissant pour lui succéder :

‘Mme [H] [L],

‘M. [R] [L],

‘M. [A] [C].

Par courrier du 21 mars 2019, les héritiers de [D] [S] ont mis en demeure [X] [W] veuve [Y] de procéder au remboursement de sa dette, précisant qu’ils avaient eu connaissance d’une donation effectuée par cette dernière au profit de ses enfants le 18 juillet 2016 et ayant pour objet le bien immobilier visé par la reconnaissance de dette.

Par acte du 13 février 2020, Mme [H] [L], M. [R] [L], M. [A] [C] agissant par son représentant légal M. [N] [C] et M. [K] [S], ont assigné Mme [X] [W] veuve [Y] devant le tribunal judiciaire de Nîmes aux fins de la voir condamner à payer :

‘la somme de 80 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 mars 2019,

‘la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

‘la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 21 décembre 2021, Mme [Y] a saisi le juge de la mise en état afin de voir juger les consorts [L]-[S]-[C] irrecevables car dépourvus d’intérêt à agir et prescrits en leurs demandes.

Par ordonnance contradictoire du 13 octobre 2022, le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de Nîmes a :

– déclaré recevable l’action de Mme [H] [L], M. [R] [L], M. [A] [C] agissant par son représentant légal M. [N] [C] et M. [K] [S] ;

– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 27 janvier 2023 ;

– condamné Mme [X] [Y] née [W] à payer à Mme [H] [L], M. [R] [L], M. [A] [C] agissant par son représentant légal M. [N] [C] et M. [K] [S] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné Mme [X] [Y] née [W] aux dépens.

Par déclaration du 7 novembre 2022, Mme [X] [Y] a interjeté appel de cette décision.

Par avis de fixation à bref délai du 5 décembre 2021 l’instruction de l’affaire a été déclarée close le 21 mars 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 28 mars 2023.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 mars 2023, Mme [X] [Y] demande à la cour d’infirmer l’ordonnance déférée, et, statuant à nouveau, de :

– déclarer irrecevables les consorts [L]-[S]-[C] en leur action,

– les débouter de l’intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

– condamner les consorts [L]-[S]-[C] à lui payer la somme de 2 500 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

L’appelante soutient que les intimés sont dépourvus d’intérêt à agir au sens de l’article 122 du code civil car la donation en nue-propriété de sa maison au bénéfice de ses enfants n’emporte pas vente du bien de sorte que l’événement stipulé dans la reconnaissance de dette comme emportant l’obligation de paiement n’est pas survenu. Elle estime que cette condition relative à la vente du bien immobilier ne constitue pas une condition potestative nulle au sens de l’article 1304-2 du Code civil mais bien une condition ‘ simplement potestative ‘ puisque la survenance de la vente de la maison, garantissant l’échéance de paiement de la reconnaissance de dette, relèvait à la fois de sa décision mais aussi de celle de [D] [S]. A titre subsidiaire, si la cour estime que la condition est potestative, la nullité ne saurait se limiter à ladite condition et emportera nullité de l’ensemble de la reconnaissance de dette. A titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait que la condition potestative n’avait pas pour effet d’annuler le contrat, l’action des consorts [L]-[S]-[C] resterait malgré tout irrecevable car prescrite. En effet, le délai quinquennal de l’article 2224 du Code civil ayant commencé à courir au jour de la reconnaissance de dette soit le 6 décembre 2005, l’action des consorts [L]-[S]-[C] est prescrite depuis le 17 juin 2013.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 janvier 2023, les consorts [L]-[S]-[C], intimés, demandent à la cour de confirmer l’ordonnance déférée dans l’ensemble de ses dispositions et de condamner l’appelante au paiement d’une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les intimés considèrent que la reconnaissance de dette est un acte unilatéral n’engageant que son auteur de sorte que le terme posé par l’appelante à l’exigibilité de sa dette et consistant en la vente de sa maison n’est pas de nature à faire obstacle à l’exercice par les requérants de leurs droits d’autant que son caractère potestatif le priverait de tout effet en exécution des dispositions de l’article 1305 du Code civil. Ils estiment qu’en donnant la nue-propriété de sa maison à ses enfants, l’appelante a volontairement rendu impossible l’exécution du terme convenu: dès lors, la fraude corrompant tout, la clause ne peut valablement leur être opposée. Les intimés soutiennent enfin que leur action n’est pas prescrite puisqu’ils ont eu connaissance de la donation et du refus de rembourser opposé par l’appelante en 2018, point de départ de la prescription valablement interrompu par l’assignation délivrée le 13 février 2020.

MOTIFS :

La reconnaissance de dette litigieuse est rédigée en ces termes : « Je m’engage à lui restituer ‘ à ses héritiers en cas de décès- la totalité de cette somme sans taux d’intérêt lorsque je vendrai ma maison située [Adresse 8] à défaut mes enfants [O] et [G] lorsqu’ils hériteront de mes biens ».

Sur l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir :

A l’appui de son exception d’irrecevabilité, [X] [W] veuve [Y] a soutenu en première instance que la demande de remboursement de la somme de 80 000 euros dont elle s’est reconnue redevable est prématurée car elle n’est pas encore exigible, sa date d’exigibilité étant la date de la vente de sa maison située à [Localité 4] ou la date de son décès de sorte que les héritiers du créancier ne peuvent agir en paiement.

Le premier juge a rejeté son exception d’irrecevabilité au motif que la condition de remboursement tenant à la vente par la débitrice de sa maison dépendait de sa seule volonté et que de surcroît elle avait rendu impossible l’exécution de cette condition en faisant donation à ses enfants de la nue-propriété de ladite maison.

L’appelante soutient que la condition n’est pas purement potestative, mais simplement potestative, car une vente dépend non seulement de la volonté du vendeur mais aussi de celle de l’acquéreur de sorte que la nullité de cette condition n’est pas encourue. Elle fait valoir en tout état de cause que les intimés ne sont pas recevables à se prévaloir de la nullité de ladite condition dès lors que le délai de prescription de l’action en nullité de cette clause a commencé a expiré depuis le 19 juillet 2013.

Les intimés soutiennent que le caractère potestatif du terme fixé par la débitrice au remboursement de sa dette le prive de tout effet en application de l’article 1305 du code civil. Ils soutiennent par ailleurs qu’ils n’ont découvert que le 18 juillet 2016 la fraude commise par la débitrice qui a donné la nue-propriété de la maison à ses enfants et a ainsi empêché la vente de sa maison, événement auquel était suspendu l’obligation de remboursement du prêt.

En application de l’ancien article 1186 du code civil applicable à la reconnaissance de dettes litigieuse souscrite le 6 décembre 2005, ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance du terme.

La débitrice aux termes de la reconnaissance de dettes du 6 décembre 2005 a fixé la date de l’exigibilité de la créance de [D] [U]-[S] à la date à laquelle elle vendra sa maison à [Localité 4] ou à défaut à la date de son décès.

Les héritiers du créancier pour justifier de l’exigibilité de la créance excipent de la nullité du terme qu’ils considèrent comme purement potestatif.

L’appelante fait valoir que leur demande fondée sur la nullité du terme prévu dans la reconnaissance de dette est prescrite. Le délai de prescription, d’une durée de trente ans à la date de l’acte litigieux, a été ramené à cinq ans par la loi du 19 juillet 2008 applicable aux contrats en cours et considèrent que la demande de nullité est prescrite depuis le 19 Juillet 2013.

L’assignation ayant été délivrée le 13 février 2020, alors que le délai de prescription de l’action en nullité du terme auquel était suspendu l’exigibilité de la créance était expiré, les héritiers du créancier ne peuvent se prévaloir de la nullité du terme pour justifier de l’exigibilité de la créance.

Ils soutiennent en second lieu que le terme prévu par l’acte litigieux ne peut pas leur être valablement opposé par la débitrice dès lors que la fraude qu’elle a commise le 18 juillet 2016 en donnant la nue-propriété de sa maison dans le dessein de rendre impossible la survenance de l’évènement rendant exigible son obligation de paiement a tout corrompu.

Toutefois, la fraude alléguée n’a pas été commise lors de l’insertion de la clause suspendant l’exigibilité de la créance à la vente de la maison, mais plus de dix ans plus tard, lors de la donation de la nue-propriété de ladite maison à ses enfants. Ainsi que l’a fait observer l’appelante, la fraude dont se plaignent les intimés est une fraude paulienne leur ouvrant seulement le droit de faire déclarer inopposable la donation litigieuse.

L’ordonnance entreprise sera donc infirmée et l’action en paiement de la créance de 80 000 euros jugée irrecevable pour défaut d’intérêt à agir de Mme [H] [L], M. [R] [L], M. [A] [C] agissant par son représentant légal M. [N] [C] et M. [K] [S].

Il n’est pas inéquitable de laisser la charge de ses frais irrrépétibles à l’appelante qui sera déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Déclare irrecevable pour défaut d’intérêt à agir l’action en paiement de la créance de 80 000 euros engagée par Mme [H] [L], M. [R] [L], M. [A] [C] agissant par son représentant légal M. [N] [C] et M. [K] [S] à l’encontre de [X] [W] veuve [Y],

Déboute [X] [W] veuve [Y] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens.

Arrêt signé par la présidente et par la greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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