10 mai 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
20/02820
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 20/02820 – N° Portalis DBVH-V-B7E-H237
MS/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES
15 octobre 2020
RG :19/00094
[X]
C/
[O]
Organisme UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]
Grosse délivrée le 10 MAI 2023 à :
– Me
– Me
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 10 MAI 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NIMES en date du 15 Octobre 2020, N°19/00094
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 02 Février 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 10 Mai 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [L] [X]
né le 18 Mai 1974 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER – JEROME PRIVAT – THOMAS AUTRIC, avocat au barreau d’AVIGNON
INTIMÉS :
Maître [U] [O] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SAS EVOSYS »assigné à personne habilitée
[Adresse 2]
[Localité 5]
Organisme UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NIMES
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 01 Décembre 2022
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [L] [X] a été engagé le 9 mai 2017 par la Sarl DBT PRO en qualité de commercial non exclusif.
M. [X] indique que son contrat de travail a été transféré au sein de la SAS Evosys le 1er juillet 2018, avec reprise d’ancienneté.
Suivant jugement du 19 octobre 2018, la société Evosys était placée en liquidation judiciaire et
Me [U] [O] était désignée es qualité de mandataire liquidateur.
Par courrier du 31 octobre 2018, le salarié était licencié pour motif économique.
Le 14 février 2019, M. [X] saisissait le conseil de prud’hommes de Nîmes en paiement de diverses indemnités pour non-paiement des salaires, non-paiement des congés payés dus, non-paiement des frais professionnels et absence de recherche loyale et sérieuse de reclassement.
Par jugement réputé contradictoire du 15 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :
– dit que le licenciement est pour motif économique,
– fixé la créance de M. [X] à l’encontre de la procédure collective de la SAS Evosys à la somme suivante : 1604,96 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– débouté M. [X] de ses autres demandes,
– condamné M. [X] à payer à l’AGS la somme de 2327,43 euros en application des articles 1302 et suivants du code civil,
– déclaré le jugement commun et opposable au CGEA de [Localité 4], gestionnaire de l’AGS,
– dit que la garantie de cet organisme interviendra dans les limites et plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l’absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective,
– dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective.
Par acte du 03 novembre 2020, M. [L] [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 11 décembre 2020, M. [L] [X] demande à la cour de :
– recevoir son appel
– le dire bien fondé en la forme et au fond
En conséquence,
– réformer le jugement en ce qu’il le déboute de ses demandes de rappel de salaire, de frais professionnels forfaitaires et de congés payés mais également en ce qu’il le condamne à payer aux AGS une somme de 2327.43 euros en application de l’article 1302 du code civil
– confirmer le jugement en ce qu’il fixe sa créance à l’encontre de la procédure collective de la SAS Evosys à la somme de 1604.96 euros à titre d’indemnité de licenciement
En conséquence,
– dire et juger que l’employeur n’a pas exécuté le contrat de travail de façon loyale
– dire et juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse en l’absence de recherche loyale et sérieuse de reclassement au sein du groupe
En conséquence,
– condamner Me [U] [O], es qualité de mandataire liquidateur à inscrire sur l’état des créances de la société Evosys sa créance qui s’établit comme suit :
* 4 807.80 euros au titre du mois de juillet 2018 ( montant figurant sur le bulletin de paie mais non payé outre 480.73 euros au titre des congés payés)
* 1979.06 euros au titre du mois de septembre 2018
* 197.90 euros de congés payés y afférents
* 25 jours de congés payés 2017/2018 soit la somme de 4055.85 euros
* 17 jours de congés payés 2018/2019 soit la somme de 3062.91 euros
* 2 700 euros frais forfaitaires non payés période mai 2017 à décembre 2017
* 2 700 euros frais forfaitaires non payés période janvier 2018 à novembre 2018
* 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail sur le fondement de l’article L 1222-1 du code du travail
* 8111.70 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents à hauteur de 811.17 euros
* 1 604.96 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement
* 20 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute de recherche loyale et sérieuse de reclassement au sens des dispositions de l’article L 1233-4 du code du travail
* 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir : une attestation Pôle emploi, solde de tout compte et certificat de travail conformes
– condamner les défenderesses aux entiers dépens
– rejeter les demandes de l’AGS.
Il soutient que :
– il était effectivement salarié de la société Evosys.
o Il recevait des bulletins de salaire de la part de la société Evosys
o Il était licencié par le liquidateur judiciaire de la société Evosys
– Sur le rappel des frais professionnels
– il bénéficiait d’un remboursement de ses frais kilométriques à titre forfaitaire d’un montant de 300 euros par mois
– il n’a pas perçu cette somme pour certains mois
– Sur le rappel de salaires
– il a reçu les bulletins de salaire pour les mois de juillet et septembre 2018 mais n’a pas reçu les sommes correspondantes
– Sur le rappel de congés payés
– il n’a perçu aucune indemnité de congés payés lors de la rupture de son contrat de travail
– Sur l’indemnité compensatrice de préavis
– il n’a perçu aucune indemnité compensatrice de préavis lors de la rupture de son contrat de travail pour motif économique
– Sur le rappel d’indemnité de licenciement
– il n’a perçu aucune indemnité de licenciement à la rupture du contrat de travail
– Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
– ces défauts de paiement fautifs lui ont causé un préjudice financier, s’étant retrouvé sans ressource sur une longue période
– Sur le licenciement
– le mandataire liquidateur n’a recherché aucune solution de reclassement possible dans le groupe auquel appartenait la société liquidée.
En l’état de ses dernières écritures en date du 19 février 2021, contenant appel incident, l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :
– réformer la décision rendue,
– dire et juger que M. [X] ne démontre pas avoir été salarié de la SAS Evosys,
– débouter M. [X] dans ces conditions de l’ensemble de ses demandes,
– confirmer la décision rendue qui a condamné M. [X] à lui payer une somme de 1604,96 euros en application des articles 1302 et suivants du code civil,
Subsidiairement, si la cour estimait que M. [X] était bien salarié de la SAS Evosys,
– confirmer la décision entreprise sauf à apprécier éventuellement le bien fondé des demandes
de M. [X] tendant au règlement de rappel de salaires, ainsi que le bien fondé de ses demandes de paiement d’indemnité compensatrice de congés payés, d’indemnité de licenciement et d’indemnité de préavis et de congés payés sur préavis,
– apprécier pour le surplus le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sera alloué à M. [X],
– débouter M. [X] de sa demande de paiement d’indemnité compensatrice de congés payés et
de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– faire application des dispositions législatives et réglementaires du code de commerce,
– lui donner acte de ce qu’il revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et décrets réglementaires applicables, tant au plan de la mise en ‘uvre du régime d’assurance des créances des salariés, que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément les articles L.3253-8, L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail.
Il fait valoir que :
– sur l’appel incident formulé par l’AGS tendant à voir retenir l’absence de lien de subordination entre M. [X] et la SAS Evosys
– aucun contrat de travail n’a été signé entre M. [X] et la SAS Evosys.
– malgré les demandes du mandataire liquidateur, M. [X] n’a jamais pu justifier de la prestation de travail qu’il aurait fournie, ni de l’existence d’un lien de subordination entre lui et son employeur.
– subsidiairement, si un contrat de travail devait être retenu
– Les frais professionnels
– dans le cadre du contrat signé, il apparaît qu’avait été remis à M. [X] un additif n° 4 concernant la mise à disposition d’un véhicule de service.
– l’appelant ne produit pas cet additif, ce qui laisse sous-entendre que ce dernier a bénéficié d’un véhicule de service.
– dans le cadre de l’article 6 du contrat intitulé « Frais professionnels », il était précisé que le taux des commissions incluait tous les frais professionnels engagés par le VRP.
– Les rappels de salaire
– M. [X] était embauché en qualité de commercial non exclusif.
Dans ces conditions, il ne peut solliciter l’application du minimum forfaitaire prévu
conformément aux dispositions de l’ANI du 03 octobre 1975.
– l’appelant considère simplement qu’à partir du moment où les sommes réclamées apparaissaient sur ses bulletins de paie, il pouvait prétendre au règlement de ses salaires.
Or, l’établissement d’un bulletin de paie n’a jamais constitué une reconnaissance de dette.
– L’indemnité compensatrice de congés payés
– à la lecture des bulletins de paie, il apparaît que, en septembre 2018, ont été réglées à M. [X] neuf heures de congés payés pour l’année N et 8 heures pour l’année N-1.
De même, concernant le mois de septembre 2018.
M. [X] a perçu, au titre de l’année N-1 quatre heures de congés payés en juin 2018.
Il a perçu 2 heures de congés payés sur l’année N en janvier 2018.
– Les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
– l’appelant ne démontre aucun préjudice à ce titre et devra dès lors être débouté de sa demande.
– Sur le licenciement
– le mandataire liquidateur étant défaillant, elle ne dispose d’aucun élément sur ce point et le salarié ne pourrait prétendre qu’à une indemnité d’un mois de salaire.
Me [U] [O], es qualité de mandataire liquidateur de la société Evosys n’a pas constitué avocat ni conclu.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 06 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 01 décembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 15 décembre 2022 puis renvoyée à l’audience du 05 janvier 2023.
MOTIFS
Sur l’existence d’un contrat de travail
Le 1er juillet 2018, la Sarl Groupe DBT a fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine à la SAS Evosys de sorte que le contrat de travail auprès de la société DBT PRO a été transféré à la SAS Evosys, et ce, par application de l’article L1224-1 du code du travail.
Il apparaît en outre que les bulletins de salaire de l’appelant ont été établis par la société Evosys à compter du mois de juillet 2018.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Aux termes de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. Il en résulte qu’un salarié peut engager la responsabilité contractuelle de son employeur lorsque ce dernier a manqué à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail. La bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe au salarié de rapporter la preuve que les faits qu’il allègue sont exclusifs de la bonne foi contractuelle.
Dès lors qu’un salarié recherche la responsabilité de son employeur pour exécution déloyale du contrat de travail, il lui incombe de préciser et d’établir les griefs au soutien de sa prétention d’une part et de prouver le préjudice qui en est résulté d’autre part.
M. [X] fait valoir que :
– il ne percevait pas tous les mois les frais professionnels forfaitaires :
M. [X] a été embauché en qualité de VRP.
Les frais professionnels correspondent aux sommes supportées par le VRP dans l’exercice de son activité.
Il est de principe que les frais engagés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent être supportés par ce dernier et doivent être remboursés au salarié sans qu’ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition, d’une part, que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés, et, d’autre part, que la rémunération proprement dite du travail reste chaque mois au moins égale au SMIC.
Le contrat de travail prévoit en son article 6 que ‘le taux de commissions visées à l’article précédent inclut tous les frais professionnels engagés par le VRP.’
Toutefois, le contrat de travail ne fixe aucune somme forfaitaire à la charge de l’employeur au bénéfice duVRP au titre de la prise en charge des frais professionnels. Ce dernier est par conséquent bien-fondé à obtenir le remboursement de tels frais à condition de justifier qu’il les a réellement engagés pour les besoins de son activité professionnelle.
M. [X] soutient à ce titre que la somme réclamée correspond à l’indemnisation de ses frais kilométriques.
Pour justifier de sa demande, l’appelant ne produit aucun élément, se contenant de solliciter le paiement de la somme ‘forfaitaire’ de 300 euros, sans établir la réalité des déplacements accomplis pour le compte de l’employeur.
M. [X] ne peut dès lors solliciter des sommes au titre du remboursement de ses frais professionnels, alors qu’il ne justifie pas des frais qu’il prétend avoir engagés.
Il sera débouté de sa demande, le jugement déféré devant être confirmé, les présents motifs se substituant à ceux des premiers juges.
– il n’a pas perçu le salaire des mois de juillet et septembre 2018, à savoir à compter du transfert de son contrat de travail au profit de la société Evosys :
Conformément à l’article 1353 du code civil, c’est à l’employeur, débiteur de l’obligation, de rapporter la preuve du paiement des salaires afférents au travail effectivement accompli.
La délivrance par l’employeur du bulletin de paie n’emporte pas présomption de paiement des sommes mentionnées : l’employeur est donc tenu, en cas de contestation, de prouver le paiement des salaires notamment par la production de pièces comptables.
Me [O] es qualité de mandataire liquidateur de la société Evosys n’étant pas constituée, la preuve du paiement effectif du salaire des mois de juillet et septembre 2018 n’est pas rapportée et le salarié peut ainsi prétendre à la somme de 7188,48 euros bruts soit celle de 6786,86 euros nets réclamée par le salarié, telle que figurant sur les bulletins de salaire, justifiant la réformation du jugement querellé de ce chef.
L’Unedic démontre avoir réglé la somme de 2327,43 euros pour le mois de septembre 2018, laquelle devra venir en déduction du montant réclamé par le salarié, de sorte que la somme devant revenir à M. [G] s’élève à 4861,05 euros bruts.
Le non paiement du salaire par l’employeur est fautif et constitue incontestablement une exécution déloyale du contrat de travail.
– il n’a perçu aucune indemnité de congés payés lors de la rupture de son contrat de travail :
Selon l’article L3141-1 du code du travail, tout salarié a droit chaque année un congé payé à la charge de l’employeur.
L’article 7 de la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail énonce que les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales et que la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.
Ces dispositions, telles qu’interprétées par la CJCE (devenue CJUE) dans ses arrêts des 6 avril 2006 et 16 mars 2006, consacrent un droit au repos qui doit être effectif et, par voie de conséquence, dont le salarié ne peut être privé et auquel il ne peut renoncer.
En application de l’article 31 § 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne la Cour de justice a considéré que l’employeur est notamment tenu, eu égard au caractère impératif du droit au congé annuel payé et afin d’assurer l’effet utile de l’article 7 de la directive 2003/88, de veiller concrètement et en toute transparence à ce que le travailleur soit effectivement en mesure de prendre ses congés annuels payés, en l’incitant, au besoin formellement, à le faire, tout en l’informant de manière précise et en temps utile pour garantir que lesdits congés soient encore propres à garantir à l’intéressé le repos et la détente auxquels ils sont censés contribuer, de ce que, s’il ne prend pas ceux-ci, ils seront perdus à la fin de la période de référence ou d’une période de report autorisée. La charge de la preuve à cet égard incombe à l’employeur (CJUE, 6 novembre 2018, C-684/16, Max Planck Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften eV, points 45 et 46).
La Cour de cassation a jugé que, « eu égard à la finalité qu’assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement » (Cass. soc., 21 sept. 2017, no 16-18.898).
Au cas d’espèce, il n’est justifié d’aucune mesure prise par l’employeur pour assurer à M. [X] la possibilité de bénéficier effectivement de son droit à congés payés pendant toute la relation de travail, hormis :
– 2 jours du 2 au 3 janvier 2018
– 4 jours du 7 au 12 mai 2018
– 17 jours du 6 au 25 août 2018,
non contestés par le salarié.
M. [X] a ainsi acquis pendant toute la relation de travail 42 jours de congés, desquels il y a lieu de déduire les 23jours de congés pris, de sorte qu’il est bien-fondé à réclamer l’indemnisation de 19 jours de congés payés à hauteur de la somme brute de 3082,45 euros.
Ce faisant, l’appelant sera débouté de sa demande de rappel de congés payés sur les rappels de salaires, les congés payés y afférents étant compris dans l’indemnité susvisée.
Le jugement critiqué sera réformé de ce chef.
Le non paiement des congés payés par l’employeur constitue une exécution fautive et déloyale du contrat de travail.
– il n’a perçu aucune indemnité compensatrice de préavis lors de la rupture de son contrat de travail pour motif économique :
L’Unedic s’en remet à l’appréciation de la cour sur le bien fondé de la demande ainsi présentée.
Aucune contestation n’étant formulée sur le mode de calcul et la somme réclamée par le salarié, M. [X] est bien fondé à solliciter la somme de 8111,70 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés y afférents à hauteur de 811,17 euros bruts.
Le jugement querellé sera réformé de ce chef.
Le non paiement de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents par l’employeur constitue une exécution fautive et déloyale du contrat de travail.
– lors de la rupture de son contrat de travail pour motif économique, il n’a perçu aucune indemnité de licenciement :
M. [X] se verra attribuer la somme de 1 604.96 euros dont le mode de calcul et le quantum ne sont pas contestés par l’Unedic qui s’en remet à l’appréciation de la cour.
Le jugement critiqué sera confirmé de ce chef.
Il résulte des pièces produites que l’AGS a refusé sa garantie au motif de l’absence de tout lien contractuel entre l’appelant et la société Evosys.
Me [O] es qualité de mandataire liquidateur ne pouvait dans ces circonstances procéder au paiement de l’indemnité de licenciement litigieuse.
M. [X] sollicite la somme de 5000 euros en réparation du préjudice subi au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.
Il est établi que l’employeur n’a pas réglé l’intégralité des salaires dus et n’a pas permis au salarié de prendre l’intégralité de ses congés.
Il sera ainsi alloué au salarié en réparation du préjudice occasionné par l’exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts .
Le jugement critiqué sera réformé de ce chef.
Sur le licenciement
Le salarié reproche à Me [O] es qualité de ne pas avoir respecté son obligation de reclassement dans le groupe.
Lorsque la société employeur a été placée en liquidation judiciaire sans maintien de l’activité, le fait que le licenciement des salariés a été autorisé et qu’un plan social a été établi, ne dispense pas le mandataire liquidateur de respecter l’obligation de reclassement individuel auquel il est tenu à l’égard de chaque salarié.
Ainsi, en application des dispositions de l’article L1233-4 du code du travail, dans sa version applicable à la présente cause, le licenciement économique d’un salarié ne peut intervenir que si le reclassement de l’intéressé dans l’entreprise ou dans le groupe dont il relève n’est pas possible.
Il appartenait donc au mandataire liquidateur de la société Evosys de rechercher s’il existait des possibilités de reclassement.
La lettre de licenciement précise seulement l’impossibilité de tout reclassement interne ni dans le groupe eu égard à la cessation totale d’activité de la société employeur.
Aucun élément n’étant produit sur ce point, le licenciement de M. [X] devra être déclaré sans cause réelle et sérieuse.
En application de l’article L 1235-3 du code du travail (modifié par ordonnance du 27 septembre 2017), en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un minimum et un maximum, à savoir en l’espèce compte tenu de l’ancienneté de M. [X] entre 1 et 2 mois de salaire brut, avec la précision que seules comptent les années complètes d’ancienneté.
Ce faisant, et tenant l’absence de tout élément sur la situation professionnelle de l’appelant depuis la rupture du contrat de travail, il lui sera alloué une indemnité de 1000 euros.
Sur les demandes accessoires
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’appelant et de mettre les dépens de première instance et d’appel à la charge de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt réputé contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 15 octobre 2020 par le conseil de prud’hommes de Nîmes en ce qu’il a :
– fixé la créance de M. [L] [X] à l’encontre de la procédure collective de la SAS Evosys à la somme de 1604,96 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– débouté M. [L] [X] de sa demande au titre des frais professionnels forfaitaires,
– déclaré le jugement commun et opposable au CGEA de [Localité 4], gestionnaire de l’AGS,
– dit que la garantie de cet organisme interviendra dans les limites et plafonds réglementaires applicables en la matière, au vu du relevé qui lui sera produit et du justificatif de l’absence de fonds disponibles au titre de ladite procédure collective,
– dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective.
Le réforme pour le surplus,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Dit le licenciement de M. [L] [X] sans cause réelle et sérieuse,
Fixe au passif de la SAS Evosys la créance de M. [L] [X] pour les sommes suivantes :
– 1000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 4861,05 euros bruts à titre de rappel de salaire des mois de juillet et septembre 2018,
– 3082,45 euros bruts à titre de rappel de congés payés,
– 8111,70 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 811,17 euros bruts pour les congés payés afférents,
– 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
– 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire liquidateur sur l’état des créances de la procédure collective ouverte à l’encontre de la SAS Evosys,
Dit que les créances de nature salariale produisent des intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de la demande (soit à compter de la date de la réception de sa convocation devant le bureau de conciliation) et jusqu’à la date du jugement d’ouverture de la procédure collective ayant arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels en vertu de l’article L.622-28 et L.641-8 du code de commerce,
Déboute l’UNEDIC délégation AGS CGEA de [Localité 4] de sa demande de remboursement de la somme de 2327,43 euros,
Donne acte à l’AGS – CGEA de son intervention et de ce qu’elle revendique le bénéfice exprès et d’ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en ‘uvre du régime d’assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 , L 3253-17 et D 3253-5 du Code du travail,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Dit que les dépens d’appel seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective,
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,