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1 décembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
20/17913
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 01 DÉCEMBRE 2022
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/17913 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCY3J
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 novembre 2020 – Juge des contentieux de la protection de LAGNY SUR MARNE – RG n° 11-20-001049
APPELANTE
La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège
N° SIRET : 394 352 272 00022
[Adresse 3]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
substitué à l’audience par Me Christine LHUSSIER de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173
INTIMÉ
Monsieur [R] [Z]
né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 7] (SÉNÉGAL)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Sandrine VERGONJEANNE de la SELARL ALBATANGELO-VERGONJEANNE, avocat au barreau de MEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon offre préalable acceptée le 19 mars 2015, la société Sogefinancement a consenti à M. [R] [Z] une offre de prêt personnel Expresso d’un montant en capital de 35 000 euros remboursable en 84 mensualités de 544,69,29 euros, incluant les intérêts au taux nominal de’5,40 %.
Par avenant du 1er février 2016, le crédit a fait l’objet d’un réaménagement prévoyant le remboursement des sommes dues en 76 mensualités de 545,04 euros, assurance comprise, à compter du 10 avril 2016.
À la suite d’impayés à compter de juin 2019, une mise en demeure lui a été adressée le 7 août 2019 et la déchéance du terme a été prononcée le 26 décembre 2019 et une mise en demeure lui a été adressée le 6 janvier 2020.
Saisi le 11 août 2020 par la société Sogefinancement d’une demande tendant principalement à la condamnation de l’emprunteur au paiement d’une somme de 18 134,29 euros outre une clause pénale, le tribunal de proximité de Lagny-sur-Marne, par un jugement contradictoire rendu le 16 novembre 2020 auquel il convient de se reporter, a :
– condamné M. [Z] à payer à la société Sogefinancement la somme de 6 903,79 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
– autorisé M. [Z] à s’acquitter de la somme due en 24 versement mensuels de 150 euros minimum,
– débouté la société Sogefinancement du surplus de ses prétentions.
Après avoir constaté la recevabilité de l’action, le premier juge a constaté que l’offre de crédit ne comportait pas dans l’encadré l’ensemble des mentions exigées par l’article L. 312-28 du code de la consommation de sorte que le prêteur devait être déchu de son droit aux intérêts.
Par une déclaration en date du 10 décembre 2020, la société Sogefinancement a relevé appel de cette décision.
Aux termes de conclusions remises le 26 juillet 2021, l’appelante demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et en ce qu’il a accordé des délais de paiement,
– de déclarer irrecevables comme prescrits les moyens tirés visant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts, subsidiairement, dire que la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue,
– en tout état de cause, de condamner M. [Z] à lui payer la somme de 19 527,27 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 5,40 % l’an à compter du 27 décembre 2019 sur la somme de 18 088,21 euros et au taux légal pour le surplus, en deniers ou quittance valables pour les règlements postérieurs au 27 décembre 2019, en remboursement du prêt personnel contracté,
– subsidiairement de condamner M. [Z] à lui payer la somme de 12 135,88 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de 6 janvier 2020,
– de débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,
– de condamner M. [Z] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
L’appelante vise les articles L. 110-4 du code de commerce et 2222 du code civil pour soutenir que le moyen tiré de la déchéance de son droit aux intérêts contractuels est irrecevable comme prescrit. Subsidiairement elle relève la conformité de l’encadré de l’offre de crédit aux prescriptions de l’article L. 311-18 du code de la consommation.
Elle précise que le « montant total dû par l’emprunteur » devant figurer dans l’encadré selon l’article R. 311-5 du même code ne comprend pas les frais facultatifs et qu’elle n’était pas tenue d’y indiquer le coût de l’assurance. Elle ajoute que le « montant des échéances » ne doit pas non plus comprendre le coût mensuel de l’assurance facultative. Elle conteste encourir la déchéance de son droit aux intérêts contractuels, produit un décompte de sa créance et se prévaut des dispositions des articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation ainsi que de l’article 5-6 des conditions générales.
Elle relève que le débiteur n’est pas fondé à contester la clause pénale et souligne le caractère proportionné de l’indemnité d’exigibilité anticipée. Elle souligne enfin que l’emprunteur a déjà bénéficié de larges délais de paiement et qu’il n’y a lieu de lui en accorder de nouveaux.
Par une ordonnance rendue le 6 juillet 2021, le conseiller chargé de la mise en état a constaté l’irrecevabilité des conclusions de M. [Z] à défaut d’acquittement du droit de timbre prévu par l’article 1635 P bis du code général des impôts.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience du 18 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.
Au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation résultant de la loi n° 2010-737 promulguée le 1er juillet 2010 et antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qui transcrit en droit interne les dispositions de la Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 (désormais articles L. 312-1 et suivants du même code).
Vérifiée par le premier juge, la recevabilité de l’action en paiement est acquise.
Sur la recevabilité du moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts
En application de l’article L. 141-4 devenu R. 632-1 du code de la consommation, le juge peut relever d’office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application. Il écarte d’office, après avoir recueilli les observations des parties, l’application d’une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat.
Ce texte confère au juge une simple possibilité de relever d’office toute violation des dispositions d’ordre public du code de la consommation tandis qu’il lui impose d’écarter d’office une clause abusive. En revanche, il ne pose aucune restriction à l’exercice des prérogatives ainsi conférées au juge pour autant que l’irrégularité résulte des faits litigieux dont l’allégation comme la preuve incombent aux parties.
Par ailleurs, au regard de sa date de conclusion, le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 qui a porté ratification de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil. Il a été dit pour droit par la Cour de justice de l’Union européenne que les articles 8 et 23 de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’ils imposent à une juridiction nationale d’examiner d’office l’existence d’une violation de l’obligation précontractuelle du prêteur d’évaluer la solvabilité du consommateur, prévue à l’article 8 de cette directive et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d’une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences dudit article 23.
Il s’induit que dans le rôle qui lui est conféré tant par la loi et le règlement internes que par le droit européen, le juge peut soulever d’office toute irrégularité heurtant une disposition d’ordre public et sanctionnée par la déchéance d’un droit qui fonde la demande d’une partie sans être enfermé dans quelque délai.
C’est donc à bon droit que le premier juge, en respectant le principe de contradiction, a examiné la conformité du contrat aux articles L. 312-28 et L. 312-29 et la société Sogefinancement est mal fondée à invoquer la prescription du moyen discuté.
Sur le bien-fondé de la déchéance du droit aux intérêts
À l’appui de son action, la société Sogefinancement produit la copie de l’offre de crédit initiale accompagnée du bordereau de rétractation, la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, la fiche de renseignements qui mentionne les ressources et charges de l’emprunteur, les justificatifs de revenus et la notice d’assurance. Elle justifie par ailleurs avoir procédé à une consultation du fichier des incidents de paiement des crédits aux particuliers le 26 mars 2015, soit avant la mise à disposition des fonds intervenue le 3 avril 2015.
L’article L. 311- 48 devenu L. 341-1 et L. 341-2 du code de la consommation dispose que le prêteur est déchu du droit aux intérêts, lorsqu’il ne satisfait pas aux conditions d’informations précontractuelles prévues par les articles énumérés et contenues dans le code de la consommation.
Aux termes de l’article L. 311-18 devenu L. 312-28 du code de la consommation, le contrat de crédit est établi par écrit et doit comporter un encadré, inséré au début du contrat, informant l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit.
L’article R. 311-5 devenu R. 312-10 précise que l’encadré mentionné à l’article L. 311-18 indique en caractères plus apparents que le reste du contrat, dans l’ordre choisi par le prêteur et à l’exclusion de toute autre information :
a) Le type de crédit ;
b) Le montant total du crédit et les conditions de mise à disposition des fonds ;
c) La durée du contrat de crédit ;
d) Le montant, le nombre et la périodicité des échéances que l’emprunteur doit verser et, le cas échéant, l’ordre dans lequel les échéances seront affectées aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement. Pour les découverts, il est indiqué le montant et la durée de l’autorisation que l’emprunteur doit rembourser ;
e) Le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux, le cas échéant tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d’adaptation du taux. Si différents taux débiteurs s’appliquent en fonction des circonstances, ces informations portent sur tous les taux applicables ;
[…]
f) Le taux annuel effectif global et le montant total dû par l’emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit. Toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées ;
g) Tous les frais liés à l’exécution du contrat de crédit, dont, le cas échéant, les frais de tenue d’un ou plusieurs comptes destinés à la mise à disposition des fonds ou au paiement des échéances de crédit et les frais liés à l’utilisation d’un instrument de paiement déterminé, ainsi que les conditions dans lesquelles ces frais peuvent être modifiés ;
h) Les sûretés et les assurances exigées, le cas échéant [‘].
Dès lors que l’assurance n’est pas imposée par le prêteur, ces dispositions légales et réglementaires n’imposent pas que le coût mensuel de l’assurance facultative soit indiqué dans cet encadré.
Au demeurant, il est précisé en première page du contrat : Assurance facultative : 43,40 euros.
C’est donc en ajoutant aux textes précités que le premier juge a retenu que la banque encourrait la déchéance du droit aux intérêts pour n’avoir pas mentionné le coût de l’assurance dans l’encadré prévu par l’article L. 311-18. Les pièces produites établissent que la banque justifie avoir rempli ses obligations précontractuelles. Il s’ensuit qu’aucune déchéance du droit aux intérêts n’est encourue. Partant, le jugement est infirmé sur ce point.
Sur la demande en paiement
Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et d’établir qu’il a satisfait aux formalités d’ordre public prescrites par le code de la consommation.
La société Sogefinancement se prévaut de la déchéance du terme du contrat au 26 décembre 2019. Elle produit une lettre recommandée de mise en demeure préalable du 7 août 2019 exigeant le règlement sous 15 jours de la somme de 1 827,61 euros, sous peine de déchéance du terme du contrat, une seconde dans les mêmes formes du 3 décembre 2019 puis d’une lettre recommandée en date du 6 janvier 2020 de mise en demeure du règlement du solde du contrat, adressée par huissier.
C’est donc de manière légitime que la société Sogefinancement se prévaut de l’exigibilité des sommes dues.
En application de l’article L. 311-24 (devenu L. 312-39), en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date de règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat, et sans préjudice des dispositions des articles 1152 et 1231 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
L’article D. 311-6 du même code dispose que le prêteur peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de défaillance.
En conséquence, la créance de l’appelante s’établit comme suit :
– mensualités échues impayées : 3 511,61 euros
– capital restant dû à la date de déchéance du terme du contrat : 14 576,60 euros
– intérêts de retard à la déchéance du terme : 46,08 euros
soit une somme totale de 18 134,29 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5,40 % à compter du 6 janvier 2020, date de la mise en demeure sur la somme de 18 088,21 euros et au taux légal pour le surplus.
Il est également réclamé une somme de 1 392,98 euros au titre de la clause pénale contractuelle de 8 % qui est conforme aux articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation. Cette clause pénale est susceptible d’être modérée par le juge, en application de l’article 1152 du code civil, si elle est manifestement excessive. Il apparaît en l’espèce que la clause a été calculée sur une assiette erronée et qu’elle apparaît manifestement excessive au regard du préjudice réellement subi par l’appelante. Il convient d’y faire droit dans la seule limite de la somme de 200 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du 6 janvier 2020.
Les versements effectués en exécution du jugement entrepris devront être déduits de la somme de 18 134,29 euros.
Sur les délais de paiement
En l’absence de tout justificatif concernant la situation actuelle du débiteur, au regard de l’ancienneté de la dette et de l’obtention de larges délais de fait, le jugement est infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de délais de paiement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions’sauf en ce qu’il a déclaré recevable l’action en paiement, en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 et en ce qu’il a condamné M. [R] [Z] aux dépens ;
Statuant de nouveau,
Condamne M. [R] [Z] à payer à la société Sogefinancement une somme de 18 334,29 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5,40 % à compter du 6 janvier 2020, date de la mise en demeure sur la somme de 18 088,21 euros et au taux légal pour le surplus ;
Y ajoutant,
Condamne M. [R] [Z] aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes-Gil, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffière La présidente