Prêt entre particuliers : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01312

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Prêt entre particuliers : 1 décembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01312

1 décembre 2022
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/01312

N° RG 21/01312 – N° Portalis DBVM-V-B7F-KZID

C1

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Marie-catherine CALDARA-BATTINI

la SELARL EYDOUX MODELSKI

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 01 DECEMBRE 2022

Appel d’une décision (N° RG 2019J43)

rendue par le Tribunal de Commerce de GRENOBLE

en date du 19 février 2021

suivant déclaration d’appel du 17 mars 2021

APPELANT :

M. [D] [K]

né le [Date naissance 2] 1952 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Marie-Catherine CALDARA-BATTINI, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

S.A. CAISSE D’EPARGNE PROVENCE ALPES CORSE – CEPAC Banque coopératives régie par les articles L512.85 et suivants du Code Monétaire et Financier, immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 775 559 404, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE, substituée par Me ALMY-AUBERT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 08 septembre 2022, Mme Marie Pascale BLANCHARD, Conseillère qui a fait rapport assistée de Alice RICHET, Greffier, a entendu les avocats en leurs conclusions, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour, après prorogation du délibéré

EXPOSE DU LITIGE :

Le 17 janvier 2014, la Sa Villas Energie de France a ouvert un compte dans les livres de la Caisse d’Epargne Provence Alpes Corse et le 6 août 2014, son président, M. [D] [K] s’est porté caution de tous ses engagements à l’égard de la Caisse d’Epargne, à concurrence de 14.300 euros pour une durée de 4 ans.

Par acte sous seing privé du 21 juin 2016, la société Villas Energie de France a contracté auprès de la Caisse d’Epargne un prêt de 40.000 euros remboursable en 59 mois moyennant un taux d’intérêts de 2,48 % l’an.

Par acte séparé du même jour, M.[K] s’est de nouveau engagé en qualité de caution de la société emprunteuse à concurrence de 50 % de l’encours du prêt dans la limite de 26.000 euros.

Par jugement du 20 juillet 2018, la société Villas Energie de France a été placée en redressement judiciaire, converti en liquidation le 7 septembre 2018.

La Caisse d’Epargne a déclaré sa créance au passif de la procédure collective et par lettre recommandée du 16 novembre 2018, elle a mis M. [K] en demeure d’exécuter ses engagements de caution, avant de le faire assigner en paiement par acte d’huissier du 6 février 2019.

Par jugement du 19 février 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a :

– jugé recevable et bien fondée l’action de la Caisse d’Epargne Provence Alpes Corse,

– jugé que M. [K] [D] ne justifiait pas que les deux engagements de caution octroyés respectivement les 6 août 2021 et 21 juin 2016 étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus au jour où il s’est engagé,

– condamné M. [K] à payer à la Caisse d’Epargne les sommes de :

. 12.842,13 euros selon décompte arrêté au 21 septembre 2018, outre intérêts postérieurs au taux contractuel majoré de 5,48 % l’an à compter du 22 septembre 2018,

. 10.440,90 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2018, date du décompte de créance,

– débouté M. [K] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– condamné M.[K] au paiement à la Caisse d’Epargne d’une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance,

– ordonné l’exécution provisoire de la décision.

Suivant déclaration au greffe du 17 mars 2021, M. [K] a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions, telles qu’elle les a énumérées dans son acte d’appel.

Prétentions et moyens de M. [K] :

Au terme de ses dernières écritures notifiées le 25 août 2022, M. [K] demande à la cour de :

– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– dire et juger que les engagements de caution consentis par M. [D] [K] étaient disproportionnés à ses biens et revenus,

– dire et juger que la Caisse d’Epargne ne rapporte pas la preuve que M. [D] [K] pouvait, au jour où il a été appelé, y faire face,

– dire et juger que ces cautionnements lui sont inopposables,

– débouter la Caisse d’Epargne de ses demandes,

– y ajoutant,

– condamner la Caisse d’Epargne au paiement d’une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés par M.[K] en première instance ainsi qu’aux dépens de l’instance,

– condamner la Caisse d’Epargne au paiement d’une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des frais engagés en appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

M. [K] soutient que ses engagements de caution étaient disproportionnés à ses biens et revenus aux motifs que :

– à la date du premier cautionnement, il ne disposait que d’un salaire modeste qui lui permettait juste de couvrir ses charges courantes, alors qu’il avait deux enfants à charge et n’était propriétaire d’aucun bien,

– à cette occasion, la banque n’a recherché aucune information sur sa situation financière de manière à vérifier l’absence de disproportion et ne peut se prévaloir des informations qu’elle a sollicité postérieurement à l’occasion du second cautionnement,

– la charge d’endettement résultant du premier cautionnement était de 40 %,

– lors de la souscription du second cautionnement, il disposait des mêmes revenus et était débiteur d’un prêt personnel, outre le précédent cautionnement,

– la fiche de renseignement a été remplie plus de deux mois avant le second cautionnement, que ses énonciations relatives à ses revenus ne correspondent pas à la réalité et constituent un faux, la mention de ses revenus ayant été ajoutée postérieurement à sa signature,

– étant client de la Caisse d’Epargne depuis de nombreuses années, cette dernière connaissait sa situation financière et le montant erroné des revenus déclarés constituait pour elle une anomalie flagrante qui devait la conduire à des vérifications,

– le cumul des deux engagements de caution générait un endettement excessif.

Il conteste qu’il puisse lui être imposé de faire la preuve négative de l’absence de tout patrimoine financier ou immobilier et avoir détenu un compte d’associé au sein de la société Villas Energie de France, ni au sein d’autres sociétés, comme de revenus à l’étranger, relevant que la banque ne produit aucune preuve de ses allégations.

Prétentions et moyens de la Caisse d’Epargne :

Selon ses dernières conclusions notifiées le 11 mars 2022, la Caisse d’Epargne entend voir :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– condamner M. [D] [K] au paiement d’une somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le même aux entiers dépens,

– donner acte à la Caisse d’Epargne Provence Alpes Corse de ce qu’elle joint à ses conclusions le bordereau de communication des pièces qui seront versées aux débats.

La Caisse d’Epargne soutient que la charge de la preuve de la disproportion des cautionnements incombe à M. [K] et considère que ce dernier est défaillant à en faire la démonstration à défaut de fournir des justificatifs suffisants de l’étendue de son patrimoine au jour de son engagement.

Elle fait valoir que le premier engagement était limité à une somme de 14. 300 euros qui n’apparaissait pas excessive au regard de ses revenus, qu’elle a recueilli des renseignements sur sa situation patrimoniale et financière et que le caractère disproportionné ne n’apprécie qu’au regard des déclarations faites par la caution, contestant la fausseté des informations relatives au montant des revenus.

Elle soutient que M. [K] disposait de revenus à l’étranger dont il a manqué de faire état, qu’il doit être tenu compte de la valeur de ses actifs détenus dans la société Villas Energie de France à la date de son engagement et que la disproportion n’a pas de caractère manifeste.

Subsidiairement, elle estime que M. [K] est en mesure de faire face à ses engagements, dès lors qu’il n’est recherché que pour une somme de 23.283 euros, que depuis 2016, il exerce des fonctions au sein d’une société étrangère et gère une société civile immobilière.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Selon l’article L.341-4 du code de la consommation applicable au litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

La charge de la preuve du caractère disproportionné de son engagement à la date de sa souscription pèse sur la caution et il appartient à l’établissement de crédit d’établir son retour à meilleure fortune à la date à laquelle la caution est appelée.

1°) sur le cautionnement du 6 août 2014 :

Cet engagement a été souscrit à hauteur de 14.300 euros pour une durée de quatre ans.

L’établissement de crédit ne justifie pas avoir, à cette occasion, recueilli des informations sur la situation patrimoniale de M. [K] et ne peut se prévaloir de sa carence pour imposer à ce dernier d’établir une preuve négative.

M.[K] produit l’intégralité de ses bulletins de salaire de l’année 2014, dont il ressort qu’il a perçu une rémunération annuelle nette de 19.000 euros, soit 1580 euros par mois en moyenne.

Ses avis d’imposition, bien que postérieurs à la date de son engagement puisqu’ils sont relatifs aux revenus 2015 et 2016, justifient de l’existence de deux enfants à charge et de sa contribution, à cette période, à leur entretien à hauteur d’une centaine d’euros par mois.

Il ne justifie pas d’autres charges.

Par ailleurs, si M. [K] était le président de la société Villas Energie de France, l’étendue et la valeur de ses droits sociaux à la date de souscription du cautionnement ne sont pas connus.

L’engagement de caution représentait environ 9 mois de salaire net cumulé et M. [K] ne démontre pas que ses charges absorbaient l’intégralité de sa rémunération moyenne mensuelle.

Dès lors, l’engagement de caution ne présentait pas à sa date de souscription, un caractère manifestement disproportionné à ses revenus au sens de l’article L.341-4 du code de la consommation, et la banque est bien fondée à s’en prévaloir, sans qu’il y ait lieu de rechercher si la caution se trouve, au jour où elle est appelée, en capacité de faire face à cet engagement.

2°) sur le cautionnement du 21 juin 2016 :

Cet engagement a été souscrit par M. [K] à hauteur de 26.000 euros pour une durée de 113 mois.

L’établissement de crédit justifie avoir recueilli des informations patrimoniales sur la caution au travers d’un document signé par M. [K] le 7 avril 2016. Si cette déclaration n’est pas immédiatement concomitante à la souscription du cautionnement, elle a été faite dans un temps suffisamment proche, moins de trois mois, pour que la Caisse d’Epargne puisse s’en prévaloir et que les informations qu’elle contient puissent être tenues, sauf preuve contraire, pour correspondre à la situation de la caution à la date à laquelle elle s’est engagée.

Contrairement à ce qu’affirme M. [K], ce document, dont il ne conteste ni la signature, ni la rédaction des autres mentions, ne présente aucune anomalie manifeste d’écriture pouvant alimenter son grief de faux. Ainsi, l’examen de la mention contestée: «42000 €» relative au montant de ses revenus annuels fait apparaître que la graphie des chiffres et du sigle monétaire est semblable à celle utilisée dans d’autres mentions non contestées du document.

Il résulte de cette déclaration patrimoniale que M. [K] s’est présenté comme célibataire avec deux enfants à charge et disposant d’une rémunération annuelle de 42.000 euros en 2015. Il a déclaré d’une part avoir une charge de remboursement mensuelle de 210 euros au titre d’un prêt souscrit auprès de la Caisse d’Epargne dont le solde restant dû s’élevait à 24.000 euros ; d’autre part, s’être précédemment porté caution à deux reprises au bénéfice de la même banque à hauteur de 11.000 euros et de 7.823 euros.

M. [K] n’a déclaré aucun patrimoine mobilier, comme immobilier alors que le procès-verbal de l’assemblée générale des associés de la société Villas Energie de France en date du 3 juin 2016 permet de constater qu’il en détenait 464 actions, chacune ayant une valeur de 57,5738 euros, soit une valeur de 26.714 euros.

La vérification du caractère proportionné de l’engagement pris par la caution devant s’effectuer à la date où il est souscrit, la perte de valeur de ces titres par l’effet de la liquidation judiciaire de la société Villas Energie de France est inopérante alors qu’à la date du cautionnement, cette société était encore in bonis.

A la date du second cautionnement, les engagements déclarés par M.[K] s’élevaient à la somme cumulée de 42.823 euros, représentant 1,6 fois son seul patrimoine mobilier constitué d’actions de sa société et 12 mois de sa rémunération mensuelle de 3500 euros.

L’accroissement de ses engagements de 26.000 euros porte leur cumul à environ 68.800 euros et à 19 mois de salaire net la charge d’endettement compte tenu de la valeur du patrimoine mobilier.

Ces éléments ne caractérisent pas une disproportion manifeste au sens de l’article L.341-4 du code de la consommation.

En conséquence, la Caisse d’Epargne peut se prévaloir à l’encontre de M.[K] des engagements de caution contractés à son bénéfice, sans qu’il y ait lieu de rechercher si la caution se trouve, au jour où elle est appelée, en capacité d’y faire face et la cour confirmera le jugement.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Grenoble du 19 février 2021 en ses chefs de dispositif soumis à la cour,

y ajoutant,

CONDAMNE M. [D] [K] à payer à la Caisse d’Epargne Provence Alpes Corse la somme complémentaire en cause d’appel de 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [D] [K] aux dépens de l’instance d’appel.

SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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