Prêt en devise étrangère : Analyse des clauses abusives et de la transparence contractuelle

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Prêt en devise étrangère : Analyse des clauses abusives et de la transparence contractuelle

Constitution du prêt

Le 16 mars 2009, [C] [U] et son épouse, Mme [M] [N], ont contracté un prêt en devise auprès de la Caisse de crédit agricole mutuel Alsace Vosges, d’un montant de 265 000 euros, équivalent à 398 772,02 francs suisses selon le taux de change du 26 janvier 2009. Mme [N] a également souscrit une assurance emprunteur auprès de CNP Assurances pour couvrir les risques de décès et de perte totale d’autonomie.

Évolution du prêt et décès de [C] [U]

Suite à leur divorce en octobre 2015, la Caisse de crédit agricole a accepté que le prêt soit repris par [C] [U] seul et a résilié l’assurance pour Mme [N]. [C] [U] est décédé le [Date décès 4] 2020, laissant sa fille [F] [U] comme héritière. En septembre 2021, la Caisse a informé Mme [N] qu’elle prendrait en charge 100 % du capital restant dû, soit 176 721,22 francs suisses.

Litige sur le montant dû

Après des échanges avec la Caisse, un second décompte a été envoyé à Mme [N] en septembre 2022, indiquant une déchéance du terme pour impayés et une dette totale de 50 853,28 euros. Contestant cette somme, Mme [N] a cité la Caisse et CNP Assurances devant le tribunal judiciaire de Paris en mars 2022.

Demandes de Mme [F] [U]

Dans ses dernières écritures, Mme [F] [U], devenue majeure, a demandé au tribunal de déclarer abusif le recours au franc suisse dans le contrat de prêt, de condamner la Caisse à restituer les sommes versées en trop, et de libérer Mme [F] [U] de toute obligation envers la Caisse. Elle a également demandé que CNP Assurances soit condamnée à payer le montant restant dû au titre de l’assurance.

Réponses des défenderesses

La Caisse de crédit agricole a demandé le déboutement de Mme [F] [U] de ses demandes, arguant que les clauses du contrat n’étaient pas abusives et que le choix du franc suisse était justifié par la situation professionnelle de [C] [U]. CNP Assurances a également demandé le déboutement de Mme [F] [U], précisant que sa prise en charge était limitée aux termes du contrat d’assurance.

Décision du tribunal

Le tribunal a déclaré abusives les clauses relatives au recours au franc suisse dans le contrat de prêt, les réputant non écrites. Il a ordonné à la Caisse de produire un tableau d’amortissement du prêt en euros et un décompte des sommes versées jusqu’au décès de [C] [U]. Le reste des demandes a été réservé, et l’affaire a été renvoyée pour la production des documents nécessaires.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

5 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG
22/04005
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

4ème chambre 1ère section

N° RG 22/04005
N° Portalis 352J-W-B7G-CWQCQ

N° MINUTE :

Assignations du :
25 Mars 2022

JUGEMENT
rendu le 05 Novembre 2024

DEMANDERESSE

Madame [F] [U]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Me Arnaud METAYER-MATHIEU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A0866

DÉFENDERESSES

Société coopérative à capital variable CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Bénédicte BURY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B192

S.A. CNP ASSURANCES
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentée par Me Virginie SANDRIN, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #115

Décision du 05 Novembre 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 22/04005 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWQCQ

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Julie MASMONTEIL, Juge
Pierre CHAFFENET, Juge

assistés de Nadia SHAKI, Greffier,

DÉBATS

A l’audience du 10 Septembre 2024 tenue en audience publique devant Monsieur CHAFFENET, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 16 mars 2009, [C] [U] et son épouse Mme [M] [N] ont souscrit auprès de la société coopérative à capital variable Caisse de crédit agricole mutuel Alsace Vosges (ci-après la Caisse de crédit agricole) un prêt en devise n° 63034519847 portant sur « la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 265 000,00 EUR (Euros) soit à titre indicatif 398 772,02 francs suisses selon le cours de l’Eurodevise en date du 26 janvier 2009 ».

Mme [N] a adhéré, via son prêteur, à l’assurance emprunteur proposée par la SA CNP Assurances aux fins de couvrir les risques de décès et de perte totale d’autonomie.

Dans le prolongement du divorce de [C] [U] et de Mme [N] le 26 octobre 2015, la Caisse de crédit agricole, par courrier du 31 mars 2016, a accepté que le prêt soit repris par [C] [U] seul. Elle a également notifié à Mme [N] la résiliation de l’assurance souscrite et à [C] [U], l’acceptation de la société CNP Assurances pour son adhésion à cette même assurance.

[C] [U] est décédé le [Date décès 4] 2020, laissant pour lui succéder sa fille [F] [U], née le [Date naissance 2] 2004 de son mariage avec Mme [N].

Par courrier du 10 septembre 2021, la Caisse de crédit agricole a indiqué à Mme [N], agissant dans les intérêts de sa fille, une prise en charge « à hauteur de 100 % » du capital restant dû, soit la somme de 176.721,22 francs suisses convertis à la somme de 116.012,09 euros.

Après différents échanges entre la Caisse de crédit agricole et Mme [N], un second décompte lui a été adressé le 6 septembre 2022, faisant état d’une déchéance du terme au 10 août 2022 pour échéances impayées, et d’une dette totale en conséquence de 50.853,28 euros, incluant les intérêts et pénalités de retard.

C’est dans ces circonstances que Mme [N], contestant cette somme, a fait citer, en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure [F] [U], la Caisse de crédit agricole ainsi que la société CNP Assurances devant le tribunal judiciaire de Paris, par actes d’huissier de justice en date du 25 mars 2022.

Par dernières écritures régularisées par la voie électronique le 29 août 2023, Mme [F] [U], devenue majeure en cours de procédure, demande au tribunal de :

« Vu l’ancien article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
Vu l’ancien article L. 312-6-1, devenu L. 313-10, du code de la consommation ;
Vu l’ancien article L. 312-9, devenu L. 313-29 du même code ;
(…)
A titre principal,
– DECLARER abusif le recours au franc suisse comme l’objet des obligations des parties au contrat de prêt conclu entre M. et Mme [U] et le Crédit Agricole ;
– REPUTER en conséquence non écrites les stipulations instaurant un remboursement en franc suisse, un risque de change à la charge exclusive de l’emprunteur et une variation de la dette par rapport au franc suisse ;
– ORDONNER que le Crédit Agricole produise, d’une part, un tableau d’amortissement du prêt de 265.000 euros pour une durée de 24 mois au taux CHF 3 mois + 1,15 points et d’autre part, du décompte total des sommes versées par les emprunteurs jusqu’au [Date décès 4] 2020 ;
– CONDAMNER le Crédit Agricole à restituer la différence entre les sommes versées et celles qui aurait du l’être si le prêt portait sur un capital en euro fixe ;
– CONDAMNER CNP à verser au Crédit Agricole l’intégralité des sommes restant dû au [Date décès 4] 2020 au titre du contrat d’assurance, déduction faite de la somme de 117.172,21 euros déjà versée ;
– DIRE que les intérêts et pénalité de retard ne sont pas dus ;
– CONSTATER que Mme [F] [U] est en conséquence libérée de toute obligation envers le Crédit Agricole ;

A titre subsidiaire :
– JUGER que CNP n’a pas exécuté les obligations à sa charge au titre du contrat d’assurance ;
– DIRE sinon non écrite la clause du contrat de prêt prévoyant que « le cours de change appliqué à tout règlement du sinistre sera celui en vigueur au jour de la réalisation du crédit » ;
– CONDAMNER en tout état de cause CNP Assurances à payer au Crédit Agricole l’intégralité des sommes restant dues au titre de l’emprunt au jour du jugement à intervenir ;
– CONSTATER que Mme [F] [U] est libérée de toute obligation envers le Crédit Agricole ;

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4ème chambre 1ère section
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A titre plus subsidiaire :
– CONDAMNER in solidum les sociétés CNP Assurances et le Crédit Agricole Alsace Vosges à payer à Madame [F] [U], l’intégralité des sommes réclamées par le Crédit Agricole au titre du remboursement de l’emprunt au jour du jugement à intervenir, à titre de dommages-intérêts, en indemnisation de son préjudice résultant de leurs manquements à leurs obligations d’information et de mise en garde ;
– JUGER, de manière subsidiaire, que s’il devait être considéré que le préjudice se limite à une perte de chance de bénéficier de la couverture, il y aurait lieu de considérer le taux de perte de chance ne pourrait être inférieur à 95 % et condamner les sociétés CNP Assurances et le Crédit Agricole Alsace Vosges au paiement de la somme de 48.310,61 euros à parfaire ;
– ORDONNER la compensation entre la créance indemnitaire de Mme [F] [U] et celle revendiquée par le Crédit Agricole ;

Si le montant des dommages-intérêts accordés était inférieur au montant réclamé par la banque :
– REDUIRE le montant de la clause pénale à un euro ;

En tout état de cause :
– REJETER l’ensemble des demandes, fins et prétentions des sociétés CNP Assurances et le Crédit Agricole Alsace Vosges ;
– CONDAMNER in solidum les sociétés CNP Assurances et le Crédit Agricole Alsace Vosges à verser à Madame [F] [U], la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER in solidum les défenderesses aux entiers dépens ».

Par dernières écritures régularisées par la voie électronique le 12 juillet 2023, la Caisse de crédit agricole demande au tribunal de :

« Débouter Madame [F] [U] de ses demandes tendant à voir déclarer illicites et/ou abusives les clauses de remboursement du prêt consenti par la la CAISSE REGIONALE DECREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES 16 mars 2009 à Monsieur et Madame [U].
Déclarer Madame [U] mal fondée en sa demande en responsabilité dirigée contre la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES,
La débouter de sa demande en toutes ses fins.
La condamner à payer à contre la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALSACE VOSGES la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens ».

Par dernières écritures régularisées par la voie électronique le 8 novembre 2023, la société CNP Assurances demande au tribunal de :

« A titre principal,
– Débouter Madame [F] [U] de l’ensemble de ses demandes,

Subsidiairement, si par impossible, la demande de la requérante prospérait,
– Juger que la prise en charge de CNP ASSURANCES ne peut s’effectuer que dans les termes et limites du contrat d’assurance,
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– Juger qu’une éventuelle prise en charge eu égard au taux de change ne pourra être calculée qu’en fonction du capital restant dû au décès,
– Rejeter toute demande de condamnation de CNP ASSURANCES à prendre en charge pénalités contractuelles et/ou intérêts de retard dus au titre du prêt,

Plus subsidiairement,
– Débouter Madame [F] [U] de toute demande de dommages intérêts,

En tout état de cause,
– Écarter en totalité l’exécution provisoire,

A titre plus infiniment subsidiaire, pour le cas où l’exécution provisoire ne serait pas écartée,
– Ordonner, en application de l’article 521 Code de procédure civile, la consignation des sommes dues le cas échéant par CNP ASSURANCES sur un compte séquestre jusqu’à la fin de la procédure et l’épuisement des voies de recours, le tiers dépositaire pouvant être Maître Virginie SANDRIN, avocat de CNP ASSURANCES,
Ce à quoi Madame [U] consent,

A titre plus infiniment subsidiaire encore,
– Ordonner, à la charge de Madame [U], la constitution d’une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations, sur le fondement de l’article 514-5 du Code de procédure civile,
– Condamner Madame [U] à verser à CNP ASSURANCES la somme de 2.400 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– La condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Virginie SANDRIN ».

La clôture a été ordonnée le 14 novembre 2023.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la nullité des clauses du prêt n° 63034519847

A titre liminaire, Mme [U] soutient que les documents contractuels produits établissent que l’euro est la monnaie de compte du prêt, seule permettant donc d’évaluer la dette contractée par son père, et que le franc suisse constitue la monnaie de paiement, de sorte que les décomptes transmis en francs suisses par la Caisse de crédit agricole sont erronés.

Invoquant ensuite la jurisprudence européenne en matière de clause abusive, elle conclut que, même à suivre la banque en ses explications sur le franc suisse comme monnaie de compte du prêt, les clauses relatives aux devises sont nulles.

Elle se prévaut à cette fin d’un défaut de transparence et de clarté du contrat, notamment quant aux risques attachés à la variation du taux de change, et expose que ces clauses créent un déséquilibre significatif entre les obligations des parties, l’emprunteur n’ayant pas été avisé du risque pris en lien avec la dépréciation de l’une des monnaies par rapport à l’autre. Elle souligne à cet égard les variations chaotiques depuis l’origine entre les deux devises en cause.

Elle ajoute que la nullité peut également être prononcée en raison de l’illicéité des clauses en litige au regard de l’interdiction constante, et désormais édifiée à l’article 1343-3 du code civil, d’effectuer un paiement dans une monnaie autre que celle reconnue par la loi nationale lorsque le contrat porte sur une opération interne à la France, tel le prêt en cause.

Elle déduit de cette nullité l’impossibilité pour la Caisse de crédit agricole de s’appuyer, au jour du décès de [C] [U], sur un montant de capital restant dû en francs suisses avant de convertir ce montant en euros. Elle estime qu’il revient alors à la Caisse de crédit agricole d’éditer un nouveau tableau d’amortissement du prêt uniquement en valeur euro et de produire la liste des montants versés à titre de remboursements. Elle considère, cette production faite, qu’il y aura lieu soit de condamner la défenderesse à lui restituer le trop-perçu, soit de la renvoyer, avec l’assureur, à se rapprocher pour que le second s’acquitte de tout montant restant dû.

Elle souligne enfin que ces mêmes circonstances ayant conduit à une mise en oeuvre irrégulière de la déchéance du terme, elle ne peut non plus être redevable d’aucune somme en raison du défaut de paiement allégué par le prêteur, ni d’intérêts de retard en conséquence.

En réponse, la Caisse de crédit agricole fait essentiellement valoir que les clauses du contrat de prêt ne sont pas abusives car rédigées en des termes clairs et compréhensibles ; que ces clauses rappellent en effet de manière répétée que l’emprunteur subira seul le risque de change et que le contrat est conclu en franc suisse, avec une obligation de rembourser dans cette même devise, la référence à l’euro étant donnée à titre purement indicatif. Elle ajoute que ce choix de soumettre le contrat au franc suisse était parfaitement cohérent avec la situation de [C] [U], travaillant en Suisse à cette époque et percevant donc ses revenus dans cette devise.

Elle rappelle par ailleurs que l’interdiction formulée à l’article 1343-3 du code civil et aux articles L. 312-3-1 et L. 313-64 du code de la consommation de tout paiement dans une devise étrangère pour des opérations internes à la France est entrée en vigueur postérieurement au contrat en cause, de sorte que la nullité invoquée ne peut pas prospérer sur ce fondement.

En réponse également, la société CNP Assurances, rappelant que le contrat d’assurance a été souscrit en euros pour couvrir un montant dû en euros, considère avoir entièrement satisfait à ses obligations en payant à la Caisse de crédit agricole le reliquat dû en euros de la dette tel qu’il ressortait du tableau d’amortissement joint au prêt et libellé en euros, et qu’elle n’est alors en rien responsable de la conversion ensuite opérée par la Caisse de crédit agricole en qualité de prêteur.

Sur ce,

Sur le caractère abusif des clauses du prêt

L’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que :
« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

(…)

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. Il en est ainsi notamment des bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies.

Sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses.

Les dispositions du présent article sont d’ordre public.».

En l’espèce, sont notamment prévues, au sein du contrat, dans la partie « conditions financières et particulières du prêt », les clauses suivantes :

« DÉSIGNATION DU CREDIT
Opération Devise MLT
Montant : la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 265 000,00 EUR (Euros) soit à titre indicatif 398 772,02 CHF selon le cours de l’Eurodevise à la date du 27/01/2009.

Taux d’intérêt annuel initial révisable : 1,6900 %
Durée : 240 mois hors anticipation
Durée maximum de l’anticipation : 24 mois
Le taux d’intérêt du prêt sera révisable ; il sera celui du taux du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds augmenté de la marge. Le taux du CHF est de 0,5400 % au 23/01/2009. La marge est de 1,15000 points.
Echéance fixe de principe : la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 3.917,53 EUR (Euros) soit à titre indicatif 5 895,10 CHF selon le cours de l’Eurodevise à la date du 27/01/2009.

(…)

COÛT TOTAL DU CRÉDIT

Intérêts du crédit au taux de 1,6900 % l’an : la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 47 857,13 EUR (Euros) soit à titre indicatif 72 015,41 CHF selon le cours de l’Eurodevise à la date du 27/01/2009.
(…)
Frais de dossier : 800,00 EUR (Euros) soit à titre indicatif 1 203,84 CHF selon le cours de l’Eurodevise à la date du 27/01/2009.
(…)
Coût du crédit : la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 70 281,13 EUR (Euros) soit à titre indicatif 105 759,05CHF selon le cours de l’Eurodevise à la date du 27/01/2009.

Taux effectif global : 2,4336 % l’an
Taux effectif global en fonction de la périodicité trimestrielle 0,6084 %
Coût maximum de l’anticipation : la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 11 119,44 EUR (Euros) soit à titre indicatif 16 732,53 CHF selon le cours de l’eurodevise à la date du 27/01/2009.
Coût total maximum du crédit : la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 81 400,57 EUR (Euros) soit à titre indicatif 122 491,58 CHF selon le cours de l’eurodevise à la date du 27/01/2009.
Taux effectif global tenant compte de l’anticipation maximum : 2,3743 % l’an
Le taux effectif global est calculé sur la base du taux d’intérêt annuel initial considéré fictivement comme fixe.

(…)

CONDITIONS DE REMBOURSEMENT

Périodicité : trimestrielle
Nombre d’échéances : 80 Jour d’échéance retenu le : 10
Montant des échéances sans assurance décès invalidité :
intérêts de l’anticipation : 8 échéance(s) de : la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 1 119,63 EUR (Euros) soit à titre indicatif 1684,82 CHF selon le cours de l’eurodevise à la date du 27/01/2009.
capital et intérêt(s) : 79 échéance(s) de : la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 3 910,72 EUR (Euros) soit à titre indicatif 5 884,85 CHF selon le cours de l’eurodevise à la date du 27/01/2009.
capital et intérêt(s) : 1 échéance(s) de : la contre-valeur en CHF (Franc suisse) de la somme de 3 910,25 EUR (Euros) soit à titre indicatif 5 884,14 CHF selon le cours de l’eurodevise à la date du 27/01/2009.
Les intérêts sont payables à terme échu.
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S’agissant d’un prêt à échéances constantes, le montant de l’échéance est ici précisé en capital et intérêts.
Ce montant n’est qu’indicatif. Il a été calculé sur la base du taux d’intérêt initial précisé ci-dessus. Le montant de l’échéance constante définitive sera déterminé sur la base du taux du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds.

(…)

TAUX DU PRET
Le taux est celui de la devise sur le marché des changes à Paris, majoré d’une marge. Ce taux est révisable à chaque échéance en fonction des conditions du moment.
Ce taux génère le paiement d’intérêts à terme échu à la périodicité stipulée. Les intérêts sont calculés sur le montant restant dû en capital du prêt en devises et sur la base d’une année égale à 360 jours (sauf pour la Livre Sterling : 365 jours), conformément aux usages commerciaux.

(…)

REMBOURSEMENT
Les remboursements s’effectueront dans la devise figurant dans l’offre :
– Par utilisation de devises préalablement disponibles sur le compte en Devises de l’Emprunteur.
L’approvisionnement du compte en Devises devra être effectué au plus tard trois jours ouvrés avant la date d’échéance.
– Ou à défaut, par achat de devises au comptant ou à terme par débit du comptes en Euros de l’Emprunteur.
Il supportera donc intégralement en cas d’achat de devises au comptant ou à terme, le risque de change.
Si le compte en Euros n’est pas suffisamment approvisionné pour permettre l’achat des devises, le Prêteur transformera le montant de l’échéance en Euros au cours du jour de l’échéance.
Cette créance en Euros produira un intérêt de retard au taux contractuel majoré de trois points, jusqu’à complet remboursement.

REMBOURSEMENT ANTICIPE
Les remboursements anticipés s’effectueront dans la devise figurant dans l’offre:
– Par utilisation de devises préalablement disponibles sur le compte en Devises de l’Emprunteur.
L’approvisionnement du compte en Devises devra être effectué au plus tard trois jours ouvrés avant la date de remboursement anticipé.
– Ou, à défaut, par achat de devises au comptant ou à terme par débit du compte en Euros de l’Emprunteur.
Il supportera donc intégralement en cas d’achat de devise au comptant ou à terme, le risque de change.

(…)

DISPOSITION PARTICULIERE RELATIVE AU RISQUE DE CHANGE
Il est expressément convenu que le risque de change sera supporté en totalité par l’Emprunteur, conformément aux dispositions de la réglementation des changes et qu’en conséquence, le présent prêt ne pourra faire l’objet d’une couverture du risque de change par achat à terme par l’Emprunteur, du capital à rembourser et des intérêts à régler, que dans la mesure où la réglementation des changes l’autorise. Il reconnaît à cet égard avoir été informé par le Prêteur l’avisant du risque particulier lié à ce type de prêt notamment par la notice d’information sur le prêts en devises, ci-annexée

DÉFAILLANCE DE L’EMPRUNTEUR AVEC DÉCHÉANCE DU TERME
Dans les cas d’exigibilité du prêt, le Prêteur transformera le montant total de la créance de Euros , au cours de change du jour de la déchéance du terme.

FRAIS
Toute opération en devises donnera lieu à la perception par le Prêteur de la commission de change, selon les barèmes en vigueur au jour de l’opération.

ANNULATION DE RÉALISATION
Toute annulation de réalisation du prêt donnera lieu à la conversion de son montant en Euros au cours du jour de l’annulation.
L’Emprunteur supportera intégralement le risque de change majoré des pénalités applicables en la matière.
Leur montant ne pourra lui être communiqué que lors de la demande ».

Au vu des clauses susvisées, il est manifeste que le prêt a été libellé en devise étrangère, le franc suisse en constituant la monnaie de compte dès lors que l’ensemble des montants y figurant ont été fixés en contre-valeur de cette devise par rapport à l’euro.

Si la Caisse de crédit agricole soutient alors que les emprunteurs percevaient leur rémunération en francs suisses, étant travailleurs transfrontaliers, et qu’ils s’étaient engagés à rembourser l’emprunt uniquement dans cette devise, elle ne rapporte toutefois aucune preuve de ces circonstances ou d’un tel engagement.

Le tribunal observe au contraire que le contrat définit la monnaie de paiement par référence aux devises figurant à l’offre, laquelle mentionne tant l’euro que le franc suisse. Il se déduit en outre de la teneur des clauses de remboursement, offrant la possibilité d’un paiement des échéances par achat de devises depuis un compte en euros, mais également des tableaux d’amortissement théoriques mis aux débats, dont l’un était annexé au prêt et sur lesquels l’ensemble des remboursements sont libellés en euros, que l’intention des parties était de considérer cette devise comme l’une des monnaies de paiement du crédit.

En conséquence, le contrat en cause constitue bien un prêt libellé en devise étrangère et remboursable en euros.

Les stipulations reproduites ci-dessus, en particulier celles relatives au remboursement de l’emprunt, définissent alors l’objet principal du contrat puisqu’elles décrivent et déclinent l’obligation principale de l’emprunteur.

Décision du 05 Novembre 2024
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En application des dispositions susvisées du code de la consommation, il convient donc d’examiner si ces stipulations sont rédigées de façon claire et compréhensible et, en cas contraire, d’apprécier si elles créent un déséquilibre significatif au détriment de l’emprunteur.

A ce premier égard, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit, notamment dans son arrêt C-609/19 du 10 juin 2021 et son ordonnance C-288/20 du 24 mars 2022, que « l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans le cadre d’un contrat de prêt libellé en devise étrangère, l’exigence de transparence des clauses de ce contrat, qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de payement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change sur l’emprunteur, est satisfaite dès lors que le professionnel a fourni au consommateur des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives ».

Il ressort également de cet arrêt que la charge de la preuve de ce caractère clair et compréhensible incombe au prêteur.

Les différentes stipulations litigieuses contiennent une énonciation compréhensible sur le plan formel et grammatical des conditions et modalités d’exécution du prêt, permettant aux époux [U] de comprendre la nature du prêt et leur indiquant leur acceptation en tous les cas des risques associés au taux de change.

Pour autant, au-delà de cette description simplifiée faite par le tribunal, la complexité du mécanisme financier de ce prêt, résultant de la formulation particulière des clauses susvisées relatives à ses modalités d’exécution et de remboursement, est flagrante.

En effet, outre l’option précédemment relevée quant à la monnaie de paiement des échéances, le contrat ne fait pas état du montant exact du prêt, la somme en franc suisse n’étant donnée qu’à titre indicatif, ni non plus du montant de l’échéance définitive, celle-ci étant à fixer « sur la base du taux du CHF à 3 mois en vigueur au jour de la mise à disposition des fonds ». En outre, le contrat prévoit différents cas de conversion des sommes dues depuis le franc suisse vers l’euro  en cas de défaillance des emprunteurs, tant lors d’une déchéance du terme – le taux de change étant alors celui du jour de cette déchéance – qu’en cas de défaut de paiement d’une échéance faute de provision suffisante du compte libellé en euros – le montant étant alors converti au taux de l’euro à la date de l’échéance.

Cette complexité ressort d’ailleurs des propres déclarations de la Caisse de crédit agricole postérieurement au décès de [C] [U], laquelle a exposé dans un courriel du 10 septembre 2021 que le capital restant, soit 176.721 francs suisses, avait été pris en charge en totalité par l’assureur, puis a notifié, non sans une contradiction certaine, un décompte le 6 septembre 2022 faisant état d’une déchéance du terme liée à un défaut de paiement des échéances depuis le 12 octobre 2020, réclamant en conséquence le paiement de la somme de 21.662,01 euros au titre du capital échu, désormais calculé en contre-valeur à hauteur de 20.990,92 francs suisses.
Décision du 05 Novembre 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 22/04005 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWQCQ

En l’absence de plus amples explications données aux emprunteurs sur ces mécanismes présentant ainsi une technicité évidente, en ce compris pour le professionnel lui-même, il s’en déduit un manque de transparence du prêteur à l’égard de ses clients.

Plus particulièrement, les potentiels effets sur l’exécution du prêt de l’évolution de la parité entre les deux devises ne sont aucunement mis en relief, notamment par le biais d’exemples concrets. S’il est fait mention d’une notice d’information sur le risque de change devant être annexée au contrat, ce document n’est toutefois pas produit, de sorte que le tribunal ne peut pas apprécier la portée des informations qu’elle contient.

De même, si l’attention des emprunteurs est attirée à plusieurs reprises sur la charge leur incombant du risque de change, cette seule formule concise et sommaire ne permet pas de retenir qu’ils auraient été à même de prendre conscience des effets d’une variation au regard des différents mécanismes du prêt.

Par ailleurs, la circonstance que les époux [U] résidaient, au jour du contrat, dans une région frontalière de la Suisse ne fait aucunement présumer qu’ils avaient une connaissance particulière du risque de change, et cette circonstance ne les exclut pas, en toute hypothèse, de la protection accordée par la loi à tout consommateur.

Ainsi, les époux [U] ne disposaient pas des informations nécessaires pour envisager l’impact économique que pouvait avoir cette évolution sur leurs obligations, notamment en cas de forte dépréciation d’une devise par rapport à l’autre pendant la durée du contrat, ni donc évaluer en toute connaissance de cause le risque auquel ils acceptaient de s’exposer, consistant en une variation de la valeur du capital de leur prêt, ce risque étant encore renforcé par la durée du contrat, initialement prévu pour vingt ans hors anticipation.

Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que les clauses litigieuses ne forment pas un ensemble clair et compréhensible au sens de l’article ci-avant visé du code la consommation.

Il convient dès lors d’examiner si elles ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties au contrat au détriment de l’emprunteur.

A ce second égard, la Cour de justice de l’Union européenne a également dit pour droit, dans les décisions précitées, que l’article 3, paragraphe premier, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que les clauses d’un contrat de prêt, qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans prévision d’un plafond, sur l’emprunteur, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

Il résulte des stipulations ci-avant rappelées que les emprunteurs s’exposaient à un risque financier, en corrélation avec la parité des monnaies de compte et de paiement, et ce, sans que ce risque ne soit plafonné, étant de manière constante énoncé au contrat que « l’Emprunteur supportera intégralement le risque de change ». Le prêt ne prévoit ainsi aucune mesure pour limiter les effets liés au risque d’accroissement significatif du capital à rembourser pour les emprunteurs en fonction du cours du change durant l’exécution du contrat ou encore, en cas de défaut de paiement.

Or, en respectant l’exigence de transparence à l’égard des emprunteurs, la Caisse de crédit agricole ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce que les époux [U] acceptent un tel risque. L’existence d’un déséquilibre significatif est d’autant plus caractérisée que le prêteur n’est quant à lui exposé à aucun risque de change, à défaut d’effectuer une opération de change pour son propre compte, et perçoit en outre, selon les cas, une commission de change.

En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de déclarer abusives toutes les clauses reproduites ci-dessus qui sont indivisibles car déclinant le mécanisme d’exécution par remboursement du prêt souscrit.

Sur les conséquences du caractère abusif

Conformément aux alinéas 6 et 8 de l’article L. 132-1 suscité, les clauses abusives sont réputées non écrites et le contrat restera applicable dans ses autres stipulations, à la condition qu’il puisse subsister sans les clauses ainsi écartées.

Il est alors constant que compte tenu du caractère essentiel des clauses de remboursement au regard du mécanisme du prêt, l’emprunteur peut être fondé à solliciter qu’il soit procédé à des restitutions réciproques, ce dernier devant verser à la banque la somme prêtée en euros, selon le taux de change à la date de mise à disposition des fonds, en échange pour la banque de lui restituer les sommes perçues en exécution du prêt, soit la contre-valeur en euros de chacune des sommes versées selon le taux de change applicable au moment de chacun des paiements.

Néanmoins, en application de l’article 4 du code de procédure civile, le périmètre du litige tel que fixé par les prétentions et moyens de Mme [U] se limite à déterminer le montant restant dû en exécution du prêt au jour du décès de [C] [U] au regard des remboursements d’ores et déjà effectués par ce dernier et/ou son épouse.

Cette évaluation est en effet de nature à permettre d’apprécier le bien-fondé des demandes formées à titre principal par Mme [U], qu’il s’agisse de sa demande en restitution d’un trop-perçu ou de celle en vue d’une prise en charge d’un éventuel reliquat par la société CNP Assurances au titre de l’assurance décès contractée par [C] [U].

Il est alors de principe, au visa des articles 11, 138 et 142 du code de procédure civile, que le tribunal dispose en matière de production forcée de pièces d’une simple faculté dont l’exercice est laissé à son pouvoir discrétionnaire.
Décision du 05 Novembre 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 22/04005 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWQCQ

Au cas présent, les pièces versées à ce stade, s’appuyant sur les clauses du prêt désormais réputées non écrites, ne mettent pas le tribunal ou les parties en état de se prononcer sur les prétentions de Mme [U].

Il est également certain que la Caisse de crédit agricole, en qualité de professionnelle et au regard des mentions portées à son contrat, est en mesure de calculer le montant prêté en euros et de retracer l’historique des paiements effectués à titre de remboursements de l’emprunt.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de Mme [U] en production forcée de documents. La Caisse de crédit agricole sera ainsi enjointe à produire :

– d’une part, un tableau d’amortissement du prêt n° 63034519847 pour la somme de 265.000 euros, remboursable sur une durée de vingt ans au taux de 1,69 % et selon une échéance trimestrielle fixée en euros,
– d’autre part, un décompte des sommes versées par Mme [N] et/ou [C] [U] jusqu’au [Date décès 4] 2020 en remboursement du prêt n° 63034519847, avec la contre-valeur de chacune de ces sommes en euros selon le taux de change applicable au moment de son paiement.

Il y a lieu de réserver le reste des demandes des parties dans l’attente de la production de ces documents, d’ordonner la réouverture des débats et de renvoyer l’affaire à la mise en état pour en permettre la production régulière et accorder aux parties un délai afin de conclure en conséquence.

Sur les autres demandes

L’instance se poursuivant, les dépens ainsi que les demandes des parties au titre des frais irrépétibles seront réservés.

L’exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l’espèce à compter du 1er janvier 2020.

Si la société CNP assurances sollicite que l’exécution provisoire soit écartée ou subordonnée à la constitution préalable de garanties compte tenu des montants sollicités par Mme [U] et de son jeune âge, ces circonstances ne sont pas, en toute hypothèse, de nature à fonder sa demande. La nature de l’affaire et le sens de la présente décision étant compatibles avec l’exécution provisoire, celle-ci sera donc maintenue.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

Déclare abusives les stipulations relatives au recours au franc suisse au sein des clauses suivantes du contrat de prêt n° 63034519847 conclu le 16 mars 2009 entre [C] [U] et Mme [M] [N], d’une part, et la société coopérative à capital variable Caisse de crédit agricole mutuel Alsace Vosges, d’autre part :
– désignation du crédit,
– coût total du crédit,
– conditions de remboursement,
– taux du prêt,
– remboursement,
– remboursement anticipé,
– disposition particulière relative au risque de change,
– défaillance de l’emprunteur avec déchéance du terme,
– frais,
– annulation de réalisation,

Dit que ces clauses seront en conséquence réputées non écrites,

Ordonne à la société coopérative à capital variable Caisse de crédit agricole mutuel Alsace Vosges de produire :
– un tableau d’amortissement du prêt n° 63034519847 pour la somme de 265.000 euros, remboursable sur une durée de vingt ans au taux de 1,69 % et selon une échéance trimestrielle fixée en euros,
– un décompte des sommes versées par Mme [N] et/ou [C] [U] jusqu’au [Date décès 4] 2020 en remboursement du prêt n° 63034519847, avec la contre-valeur de chacune de ces sommes en euros selon le taux de change applicable au moment de son paiement,

Réserve le reste des demandes tant principales que subsidiaires formées par les parties,

Réserve les dépens et les demandes des parties au titre de leurs frais irrépétibles,

Ordonne la réouverture des débats,

Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du 4 février 2025 à 13 heures 40 avec présence impérative des conseils des parties lors de l’audience et, dans cette attente, pour production par la société coopérative à capital variable Caisse de crédit agricole mutuel Alsace Vosges des documents ci-avant listés,

Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit attachée au présent jugement.

Fait et jugé à Paris le 05 Novembre 2024.

Le Greffier La Présidente
Nadia SHAKI Géraldine DETIENNE


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