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Dans le cadre d’un contrat de prestation de services ou le prestataire est en contact avec vos clients, toujours prévoir une clause de non démarchage comme celle-ci :
“Le Prestataire s’interdit toute pratique de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle. Sauf accord exprès et préalable, le prestataire ne peut accepter les missions qui pourraient lui être confiées à titre personnel par les Clients de la Société, pendant la durée d’exécution du contrat et dans le délai de deux années après la fin de celui-ci ; il s’engage à cette fin à fournir à la Société tout document ou pièce utile permettant de justifier le respect de cet engagement, ainsi qu’une édition trimestrielle de sa balance clients.(…) » En cas de suspicions de détournement de clients, pensez à l’article 145 du CPC : si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur. Nos Conseils: – Il est important de démontrer l’existence d’un motif légitime pour demander une mesure d’instruction en vertu de l’article 145 du code de procédure civile. Il est nécessaire de présenter des faits crédibles et plausibles, pertinents et utiles pour la résolution d’un litige potentiel futur. – Les tiers peuvent être contraints de produire des pièces en leur possession en vertu de l’article 138 du code de procédure civile. Il est donc possible de demander la communication de pièces détenues par un tiers au litige. – Il est recommandé de justifier d’un intérêt légitime à diriger une demande de mesure d’instruction à l’égard de tiers neutres, comme une entreprise de gestion de logiciels, pour obtenir des informations objectives nécessaires à la résolution du litige. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne un litige entre la société d’expertise comptable de France (Secofra) et la société Nemurio, fondée par un ancien employé de Secofra, M. [X]. Secofra accuse Nemurio d’avoir détourné sa clientèle, notamment en travaillant avec des sociétés concurrentes et en manipulant des données comptables. Secofra a demandé au tribunal de commerce de Bobigny de désigner un commissaire de justice pour enquêter sur ces allégations. Le tribunal a initialement rejeté la demande de Secofra, mais cette dernière a interjeté appel. Les parties ont formulé diverses demandes et contre-demandes, notamment en matière d’astreintes et de frais de procédure. L’affaire est en attente de jugement de la cour d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 06 JUIN 2024
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/18092 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIP7F
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 31 Octobre 2023 -Président du TC de BOBIGNY – RG n° 2023R00397
APPELANTE
S.A.S. SOCIETE D’EXPERTISE COMPTABLE DE FRANCE (SECOFRA), RCS de Paris sous le n°347 280 141, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 8]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Ayant pour avocat plaidant Me Jonathan AYACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1706
INTIMEES
S.A.S. CEGID, RCS de Lyon sous le n°410 218 010, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231
Ayant pour avocat plaidant Me Simona MATTA, avocat au barreau de PARIS, toque : C4019
S.A.S.U. NEMURIO, RCS de Bobigny sous le n°829 294 644, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représentée par Me Antoine CHÉRON de la SELAS ACBM Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C2536
S.A.S. TAKADOU, RCS de Bobigny sous le n°891 075 095, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 10]
Représentée par Me Antoine CHÉRON de la SELAS ACBM Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C2536
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 02 Mai 2024, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l’article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
Le 17 septembre 2007, M. [U] [X] a été embauché en qualité de comptable par la société d’expertise comptable de France (Secofra).
Les parties ont signé une rupture conventionnelle le 3 février 2017, M. [X] souhaitant créer sa propre société : la société Nemurio, ayant pour objet le conseil et l’assistance opérationnelle aux entreprises.
Le 8 février 2017, les sociétés Secofra et Nemurio ont conclu un contrat de prestations de service, la société Nemurio s’engageant à exécuter le suivi de la comptabilité pour le compte de la société Secofra d’un portefeuille de clients déterminé et annexé au contrat.
Exposant avoir fait l’objet d’un détournement de sa clientèle par la société Nemurio, de manière directe ou indirecte via la société Takadou (dirigée par le cousin de M. [X]) et le cabinet d’expertise comptable ZAC (pour lequel la société Nemurio a travaillé), et souhaitant établir l’ampleur de ce détournement avant d’engager une action en responsabilité contractuelle et en concurrence déloyale, la société Secofra, par acte du 15 septembre 2023, a assigné les sociétés Takadou, Nemurio et Cegid (société exploitant le logiciel utilisé par les sociétés Secofra et Takadou) devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny, aux fins de voir :
désigner un commissaire de justice avec mission de :
*se faire remettre par la société Cegid, dans le délai impératif de 8 jours à compter du prononcé de l’ordonnance, les informations suivantes :
à partir de la totalité des sauvegardes que la société Cegid conserve pour le seul compte de la société Nemurio, indiquer si ces données comportent les dénominations sociales de la liste annexée au contrat Nemurio, à l’exclusion de toute autre information ;
mentionner toutes interventions de la société Nemurio, entre juillet 2023 et le jour de la réalisation de la mesure d’instruction, ayant eu pour objet ou pour effet d’affecter lesdites données sauvegardées (en particulier, si ces demandes ou tentatives de suppression ou de modification ont eu lieu en lien avec les comptes des dénominations sociales susmentionnées) ;
*se faire remettre, par le sociétés Nemurio et Takadou, dans le délai impératif de 8 jours à compter du prononcé de l’ordonnance, les informations et documents suivants :
extraits de livre-journal et grand livre, relatifs aux comptes des tiers (classe 4) et aux comptes des produits (classe 7), pour la période 2017 à 2023, certifiés conformes par un professionnel du chiffre ;
les relevés bancaires et factures émises pour la période allant de 2017 à 2023 ;
*à partir des documents remis par les sociétés Cegid, Takadou et Nemurio, relever toutes les occurrences, y compris les occurrences approchantes ou les acronymes, relatives :
(i) aux dénominations sociales de la liste annexée au contrat Nemurio ;
(ii) aux sociétés Nemurio, Takadou, Zac et à M. [X] ;
anonymiser les données non relatives à ces occurrences ;
*de toute cela remettre une copie au tribunal et à la société d’expertise comptable de France dans les 15 jours de la remise des informations et documents par les sociétés Cegid, Nemurio et Takadou après avoir procédé à l’anonymisation des données et préciser le cas échéant les retards dans les remises des documents ;
juger que l’obligation de remettre au commissaire de justice des informations et documents susvisés dans le délai de 8 jours à compter du prononcé de l’ordonnance, est prononcée à peine d’astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à la charge de la société défaillante, la liquidation de l’astreinte étant réservée au juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny ;
ordonner à la société Cegid de conserver et d’assurer l’intégrité, à titre conservatoire pendant une durée de 6 mois, de la sauvegarde la plus ancienne des données de la société Nemurio dont la société Cegid dispose.
Par ordonnance contradictoire du 31 octobre 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny a :
dit n’y avoir lieu à référé pour l’ensemble des demandes des parties demanderesses et défenderesses et les a invitées à mieux se pourvoir au fond ;
dit n’y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
dit que les entiers dépens sont à la charge de la société d’expertise comptable de France ;
liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 75,96 euros TTC (dont 12,44 euros de TVA).
Par déclaration du 9 novembre 2023, la société d’expertise comptable de France a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 8 avril 2024, la société Secofra demande à la cour de :
la déclarer recevable en son appel ;
infirmer l’ordonnance déférée en ce que, après avoir à tort estimé :
«Attendu la contestation sérieuse de ce litige»,
«Attendu que dans les demandes de mesures in futurum, notamment vu l’article 145 du code de procédure civile, la condition relative à l’absence de procès au fond n’est pas remplie, la procédure de la société Secofra sera déclarée irrecevable»,
elle a statué par les chefs suivants :
«disons n’y avoir lieu à référé pour l’ensemble des demandes des parties demanderesses et défenderesses et les invitons à mieux se pourvoir au fond ;
disons n’y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
disons que les entiers dépens sont à la charge de la société d’expertise comptable de France ;
liquidons les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 75,96 euros TTC (dont 12,44 euros de TVA) »,
Et statuant à nouveau :
A titre principal :
la déclarer recevable en ses demandes ;
désigner tel commissaire de justice qu’il plaira à la cour avec mission de :
1) Se faire remettre par la société Cegid, dans le délai impératif de 8 jours à compter du prononcé de l’ordonnance, les informations suivantes :
à partir de la totalité des sauvegardes que la société Cegid conserve pour le seul compte de la société Nemurio, indiquer si ces données comportent les dénominations sociales (ou leurs acronymes) des sociétés listées ci-après, et ce, à l’exclusion de toute autre information :
ESQUISSE RH,
EVIDENCE RH,
MALIK AFRO COSMETIQUES,
AWAN IMPORT-EXPORT,
SULTAN TEXTIL,
DANIEL COM,
MICRO DANIEL SERVICE,
BHANU TRANSPORT,
FU SENG,
NKM,
BEST EXEC CONSULTING,
O MIDI,
Geoffrey BELONY,
SISSOKO,
VTK EXOTIQUE,
PREFERENCE SEARCH,
BELLA CONSULTING,
RUBIS CAB PRESTIGE,
TIS CONSULTING,
SBLANCHARD CONSULTING,
SM TEXTILE,
LAN SUPERMARCHE
mentionner toutes interventions de la société Nemurio, entre juillet 2023 et le jour de la réalisation de la mesure d’instruction, ayant eu pour objet ou pour effet d’affecter lesdites données sauvegardées (en particulier, si ces demandes ou tentatives de suppression ou de modification ont eu lieu) ;
2) Se faire remettre, par le sociétés Nemurio et Takadou, dans le délai impératif de 8 jours à compter du prononcé de l’ordonnance, les informations et documents suivants :
extraits de livre-journal et grand livre, relatifs aux comptes des tiers (classe 4) et aux comptes des produits (classe 7), pour la période 2017 à 2023, certifiés conformes par un professionnel du chiffre ;
les relevés bancaires et factures émises pour la période allant de 2017 à 2023 ;
3) A partir des documents remis par les sociétés Takadou et Nemurio, relever toutes les occurrences (y compris les occurrences approchantes ou les acronymes), relatives :
(i) aux 22 dénominations sociales de la liste annexée au contrat Nemurio et ci-dessus reproduite ;
(ii) aux sociétés Nemurio, Takadou, Zaidi audit conseil (ou ZAC) et à M. [X] ;
Anonymiser toutes les données non relatives à ces occurrences ;
4) De toutes les informations recueillies au titre du point 1) et celles recueillies conformément aux modalités du point 3), il sera dressé un constat dans les 3 mois de l’arrêt à intervenir, dont une copie sera remise à la cour ainsi qu’à elle, avec mention, le cas échéant, des retards constatés dans le remise des informations et documents demandés ;
dire que le commissaire de justice pourra se faire assister d’un professionnel du chiffre de son choix ;
assortir l’obligation de remettre au commissaire de justice les informations et documents susvisés dans le délai de 8 jours à compter du prononcé de l’arrêt, d’une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à la charge des sociétés Nemurio et Takadou ;
ordonner à la société Cegid de conserver et d’assurer l’intégrité, à titre conservatoire pendant une durée de 6 mois, de la sauvegarde la plus ancienne des données de la société Nemurio dont elle dispose ;
condamner la société Nemurio à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens dont les frais de la mesure d’instruction sollicitée ;
dire que la mesure d’instruction pourra être réglé aux frais qu’elle avancera ;
débouter les parties adverses de toutes leurs demandes ;
A titre très subsidiaire :
ordonner la mesure d’instruction visée à titre principal après y avoir apporté tous les aménagements nécessaires, et en particulier étendre le cas échéant la mesure d’anonymisation des données aux quantum des salaires que la société Nemurio aurait pu verser à M. [X] ainsi qu’à toute donnée que la cour estimera nécessaire à la sauvegarde des intérêts en jeu ;
A titre encore plus subsidiaire :
ordonner à la société Nemurio la remise à celle-ci de sa balance client depuis 2017 en application de l’obligation contractuelle de l’article 10 du contrat, certifiée par un expert-comptable, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
En tout état de cause :
débouter les parties adverses de toutes leurs demandes en ce comprises celles formées par voie d’appel incident ;
les condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 11 janvier 2024, la société Cegid demande à la cour, au visa des articles 122 et 145 du code de procédure civile, de :
A titre principal :
déclarer la société d’expertise comptable de France irrecevable en toutes ses demandes formulées à son encontre ;
débouter la société d’expertise comptable de France en toutes ses demandes formulées à son encontre ;
confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit que :
« disons qu’il n’y a pas lieu à référé» pour les demandes de la société d’expertise comptable de France ;
disons que les entiers dépens sont à la charge de la société d’expertise comptable de France »;
infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a dit qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau sur ce point :
condamner la société d’expertise comptable de France à lui régler la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance ;
condamner la société d’expertise comptable de France à lui régler la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d’appel ainsi qu’aux dépens ;
A titre subsidiaire, si par impossible, la cour d’appel déclarait recevable et fondée la demande formulée contre elle, il lui est demandé de :
condamner la société d’expertise comptable de France à lui payer la somme de 1.400 euros HT par jour de travail et salariés à titre d’indemnisation en cas d’exécution des mesures d’instructions éventuellement ordonnées à son encontre ;
condamner tous succombant solidairement, autre qu’elle, au paiement en sa faveur de la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 22 avril 2024, la société Nemurio demande à la cour, au visa des articles 145 et 842 du code de procédure civile, de :
déclarer la société d’expertise comptable de France irrecevable en toutes ses demandes formulées à son encontre ;
débouter la société d’expertise comptable de France en toutes ses demandes formulées à son encontre ;
confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a dit que :
« disons qu’il n’y a pas lieu à référé» pour les demandes de la société d’expertise comptable de France ;
disons que les entiers dépens sont à la charge de la société d’expertise comptable de France » ;
infirmer l’ordonnance en ce qu’elle n’a pas fait droit relative à la procédure abusive ;
infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a dit qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et statuant à nouveau sur ce point ;
condamner la société d’expertise comptable de France à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de la procédure abusive ;
condamner la société d’expertise comptable de France à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société d’expertise comptable de France aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Cheron, du barreau de Paris.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 6 mars 2024, la société Takadou demande à la cour, au visa des articles 145 et 872 du code de procédure civile, de :
confirmer l’ordonnance du tribunal de commerce de Bobigny en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande de condamnation de la société d’expertise comptable de France pour procédure abusive et au paiement des frais et dépens ;
rejeter l’ensemble des demandes de la société d’expertise comptable de France ;
Par conséquent,
condamner la société d’expertise comptable de France à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de la procédure abusive ;
condamner la société d’expertise comptable de France à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société d’expertise comptable de France aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Cheron, du barreau de Paris.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2024.
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
L’article 145 suppose l’existence d’un motif légitime c’est à dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.
Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et justifier que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec et que la mesure est de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
Les mesures de production de pièces peuvent être prescrites sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, et selon l’article 138 du code de procédure civile, il peut être sollicité la communication de pièces détenues par un tiers au litige.
Ni l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse n’étant des conditions d’application de l’article 145 du code de procédure civile, sont inopérants les moyens soulevés par la société Nemurio tirés du défaut de preuve de l’urgence et de l’existence d’une contestation sérieuse sur la validité de la clause de loyauté prévue au contrat de prestations de service conclu entre elle et la Secofra.
En l’espèce, il convient d’abord de rappeler qu’aux termes du contrat de collaboration qu’elles ont conclu le 8 février 2017, après la rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [X], la société Nemurio (gérée par M. [X]) s’est engagée à fournir à la société Secofra des prestations de suivi comptable, fiscal et social pour une partie de sa clientèle, soit 22 clients dont la liste est annexée au contrat, lequel contient à son article 10 une clause dite de loyauté (article 10) ainsi rédigée : « Le Prestataire s’interdit toute pratique de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle. Sauf accord exprès et préalable, le prestataire ne peut accepter les missions qui pourraient lui être confiées à titre personnel par les Clients du Cabinet, pendant la durée d’exécution du contrat et dans le délai de deux années après la fin de celui-ci ; il s’engage à cette fin à fournir au Cabinet tout document ou pièce utile permettant de justifier le respect de cet engagement, ainsi qu’une édition trimestrielle de sa balance clients.(…) »
Il convient ensuite de préciser que ce contrat de collaboration a été conclu pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction, et qu’il est toujours en vigueur à ce jour faute d’avoir été dénoncé par l’une ou l’autre des parties, de sorte que la société Nemurio reste tenue au respect de la clause de loyauté.
Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Nemurio et Takadou, les éléments produits par la société Secofra, pour rendre crédibles les faits de détournement de sa clientèle qu’elle dénonce, sont bien réels et non fabriqués de manière artificielle, et ils sont susceptibles d’engager la responsabilité contractuelle de la société Nemurio mais aussi la responsabilité délictuelle de la société Takadou bien que tiers au contrat de collaboration.
Il est ainsi justifié par la production de lettres de résiliation que neuf clients faisant partie de la liste de ceux gérés par la société Nemurio ont mis fin à leur relation contractuelle avec la société Secofra entre le 1er avril 2018 et le 8 février 2022 : les sociétés O Midi, NKM, Fu Seng, Bhanu Transport, Daniel Com, Evidence RH, Preference Search, Esquisse RH, Sblanchard Consulting.
Il est aussi établi que la société Lan Supermarché, elle aussi comprise dans cette liste, confie désormais la gestion de sa comptabilité à M. [X] comme elle l’a expressément déclaré en réponse à une sommation interpellative qui lui a été délivrée le 6 décembre 2022 par la société Secofra, cette dernière l’ayant appris en recevant par erreur le 27 juin 2022 un mail adressé par la société Lan Supermarché à M. [X] au sujet de sa comptabilité.
La société Secofra a aussi reçu par erreur le 27 septembre 2022 un mail de la société Daniel Com adressé à M. [X] au sujet de sa comptabilité.
Elle a en outre découvert auprès du registre du commerce et des sociétés que les documents comptables des sociétés O Midi et NKM, établis postérieurement à leur départ de la société Secofra, portent l’écriture et la signature de M. [X], qu’elle a soumis à l’examen d’un expert graphologue requis à titre privé, lequel a conclu à une concordance avec l’écriture et la signature de M. [X]. Cette expertise extrajudiciaire non contradictoire constitue bien un indice sérieux contrairement à ce que soutiennent les intimées, étant rappelé qu’à ce stade la société Secofra n’a pas à faire la preuve des détournements qu’elle invoque et qu’au demeurant, une telle expertise n’est pas dépourvue de valeur probante sur le fond dès lors qu’elle est corroborée par des éléments extrinsèques.
Les éléments qui précèdent, ajoutés à ceux qui suivent, constituent des indices sérieux de détournement de clients de la société Secofra par la société Nemurio :
– aucun repreneur de la comptabilité des sociétés ayant quitté Secofra ne s’est manifesté auprès de cette dernière pour se voir transmettre la comptabilité de ces clients ;
– la société Nemurio a souscrit en janvier 2021 pour son propre compte (comme indiqué par la société Cegid dans ses conclusions), à l’acquisition d’une licence d’accès au logiciel de comptabilité Cegid, également utilisé par la société Secofra, alors que dans le cadre de son contrat de collaboration avec Secofra Nemurio avait déjà accès à ce logiciel ;
– la société Nemurio n’a plus adressé de factures de prestations à Secofra à compter du mois de septembre 2021.
Par ailleurs, la possible participation de la société Takadou aux faits reprochés ressort des indices suivants :
– cette société est dirigée par M. [R] [R], lequel est en relation d’amitié avec le dirigeant de la société Nemurio comme l’indiquent elles-même les sociétés intimées, voire de cousinage comme le soutient la société Secrofra en se fondant sur un mail de M. [X] en date du 31 octobre 2012 qui adresse le CV de M. [R] [R] qu’il qualifie de cousin pour une demande de stage au sein de la société Secofra ;
– il est constant que M. [R] [R] a bien été stagiaire chez Secofra ;
– la société Takadou a été créée par M. [R] [R] le 1er décembre 2020, à une période concomitante aux faits litigieux, et elle a pour objet social le conseil en gestion des entreprises ;
– Secofra indique avoir appris le 7 janvier 2022 que la société Takadou effectuait des prestations comptables pour la société Daniel Com (ayant quitté Secofra le 3 juillet 2020) et a interrogé M. [X] sur ce point : « Nous avons appris que M. [R] [R], ancien stagiaire chez nous, aurait fondé une structure Takadou SAS, et que Daniel Com, ancien client de la Secofra dont vous assurez le suivi comptable, serait désormais client chez lui : pourriez-vous confirmer’ » ;
– la société Nemurio ne répondra pas à cette question ;
– la relation commerciale entre les sociétés Takadou et Daniel Com n’est pas niée dans les conclusions des sociétés Nemurio et Takadou, et en première instance, lesdites sociétés ont fourni une attestation de la société Daniel Com (que l’appelante produit en pièce 26).
La société Secofra apparaît ainsi fondée à diriger sa demande de mesure d’instruction in futurum non seulement à l’égard de la société Nemurio mais aussi à l’égard de la société Takadou.
Il est constant qu’aucune action en responsabilité contractuelle ou délictuelle n’a été engagée par la société Secofra à l’encontre des sociétés intimées relativement aux faits litigieux, la seule action au fond dont font état les sociétés Nemurio et Takadou ayant un objet distinct, s’agissant d’une action prud’homale engagée par M. [X] aux fins de voir requalifier en contrat de travail le contrat de prestations de service du 8 février 2017, de se voir reconnaître la qualité de salarié et de se voir allouer des salaires, congés payés et prime d’intéressement.
L’action en responsabilité pour manquement à l’obligation de loyauté et concurrence déloyale que la société Secofra a l’intention d’engager est sans lien avec cette instance prud’homale et n’est pas susceptible d’être formée à titre reconventionnel dans le cadre de cette instance, le conseil de prud’hommes n’ayant pas compétence pour statuer sur une telle action.
La société Secofra justifie également d’un intérêt légitime à diriger sa demande à l’égard de la société Cegid, laquelle, gestionnaire du logiciel de comptabilité utilisé tant par Secofra que Nemurio, est un tiers neutre à la relation entre les deux sociétés, la nécessité pour la société Secofra d’obtenir des informations objectives sur l’existence ou non d’une relation commerciale entre ses anciens clients et ceux de la société Nemurio résultant du refus jusqu’alors opposé par cette dernière de répondre à ses demandes d’information bien qu’elle soit tenue d’une obligation contractuelle de communiquer toutes pièces utiles, ce comportement étant de nature à faire craindre que des éléments utiles ne soient soustraits par la société Nemurio à l’examen de sa cocontractante, à la faveur du temps écoulé depuis la naissance du litige et de la voie contradictoire qui a été choisie.
L’obligation de confidentialité à laquelle est tenue la société Cegid envers ses clients, et dont elle allègue pour s’opposer à la mesure, ne constitue pas un obstacle à celle-ci, cette obligation devant céder devant le droit à la preuve comme le précisent d’ailleurs les Conditions générales d’utilisation de services dont se prévaut la société Cegid, lesquelles prévoient à leur article 9.5 « Sécurité des données client » que Cegid s’engage à respecter la confidentialité et ne pas divulguer les données clients à d’autre personnes sauf si cette divulgation est exigée par la loi ou une autorité judiciaire ou administrative compétente ou est nécessaire dans le cadre d’une action judiciaire. La société Cegid ne contrevient donc pas à l’obligation de confidentialité due à ses clients en répondant à une injonction judiciaire.
La demande indemnitaire formée par la société Cegid à titre reconventionnel sera rejetée, les tiers étant tenus d’une obligation légale de concourir à la manifestation de la vérité.
En outre, ce qui est demandé par la société Secofra est nécessaire à la solution du litige, comme précédemment exposé, et proportionné à son objet en étant strictement circonscrit à celui-ci. Il est en effet seulement demandé à la société Cegid d’indiquer si dans les données qu’elle sauvegarde pour le compte de la société Nemurio figurent les dénominations sociales ou acronymes des 22 sociétés listées en annexe au contrat de collaboration conclu entre Secofra et Nemurio, et de signaler toutes interventions qui auraient été effectuées sur le logiciel par Nemurio entre juillet 2023 et le jour de la réalisation de la mesure en lien avec les comptes des dénominations sociales listées.
La mesure sollicitée est également proportionnée concernant les sociétés Nemurio et Takadou, contrairement à ce qu’elles soutiennent, étant rappelé que l’atteinte au secret des affaires ne fait pas obstacle à la mesure d’instruction in futurum dès lors que les éléments recherchés sont utiles à la preuve des faits allégués et strictement circonscrits à celle-ci.
Tel est bien le cas en l’espèce, les documents étant recherchés sur une période limitée de 2017 à 2023 correspondant à la durée de la relation contractuelle entre les sociétés Secofra et Nemurio, et afférents aux seuls 22 clients gérés par Nemurio dans le cadre de son contrat de collaboration avec Secofra et susceptibles d’avoir été détournés à son profit ou celui de la société Takadou. Les documents recherchés sont aussi utiles quant à leur nature, les extraits des livres-journaux et grands livres de compte des sociétés Nemurio et Takadou pour les comptes des tiers (classe 4) et les comptes des produits (classe 7) étant propres à identifier les prestataires ainsi que les clients et à permettre ainsi de déterminer le cas échéant si Nemurio a exécuté des prestations pour la société Takadou ou le Cabinet ZAC, ce dernier étant susceptible d’être intervenu en tant que sous-traitant de Nemurio, le tampon de ce cabinet apparaissant sur les documents comptables d’un client potentiellement détourné, la société Lan Supermarché. Les relevés bancaires et factures sur la période considérée permettront, eux, de déterminer la réalité du paiement de prestations entre les sociétés Nemurio et Takadou ou leur sous-traitant ZAC et les 22 clients concernés.
Le caractère proportionné de la mesure résulte encore de ce que la recherche des documents impartie au commissaire de justice est limitée aux 22 dénominations sociales de la liste annexée au contrat de Nemurio ainsi qu’aux sociétés Nemurio, Takadou, Zaidi Audit Conseil (ZAC) et à M. [U] [X], et qu’il est demandé au commissaire de justice d’anonymiser toutes les données non relatives à ces occurrences.
La société Secofra justifie en conséquence d’un motif légitime à voir ordonner la mesure d’instruction telle que sollicitée et précisée au dispositif ci-après, sans que toutefois il n’y ait lieu, comme elle le demande, d’ordonner à la société Cegid de conserver et d’assurer l’intégrité, à titre conservatoire pendant une durée de 6 mois, de la sauvegarde la plus ancienne des données de la société Nemurio dont elle dispose.
Le prononcé d’une astreinte apparaît nécessaire compte tenu de la résistance opposée par les intimés. Il n’y a pas lieu pour la cour de se réserver sa liquidation.
L’ordonnance entreprise sera donc infirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé.
L’action de la société Secofra étant jugée bien fondée, les demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive formées par les sociétés Nemurio et Takadou seront rejetées.
La mesure étant prononcée dans l’intérêt de la société Secofra, celle-ci supportera la charge des entiers dépens de première instance et d’appel, l’ordonnance étant confirmée de ce chef.
La nature du litige commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu’en appel, l’ordonnance étant confirmée sur ce point.
Infirme l’ordonnance entreprise, sauf sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
Désigne en qualité de commissaire de justice :
la société Asperti-Duhamel
(tribunal de commerce de Paris – [Adresse 2] –
[XXXXXXXX01] – [Courriel 11]),
laquelle pourra se faire assister d’un professionnel du chiffre de son choix, avec mission de :
1) Se faire remettre par la société Cegid, dans les 8 jours de la signification du présent arrêt, les informations suivantes :
à partir de la totalité des sauvegardes que la société Cegid conserve pour le seul compte de la société Nemurio, indiquer si ces données comportent les dénominations sociales (ou leurs acronymes) des sociétés listées ci-après, et ce, à l’exclusion de toute autre information :
ESQUISSE RH,
EVIDENCE RH,
MALIK AFRO COSMETIQUES,
AWAN IMPORT-EXPORT,
SULTAN TEXTIL,
DANIEL COM,
MICRO DANIEL SERVICE,
BHANU TRANSPORT,
FU SENG,
NKM,
BEST EXEC CONSULTING,
O MIDI,
Geoffrey BELONY,
SISSOKO,
VTK EXOTIQUE,
PREFERENCE SEARCH,
BELLA CONSULTING,
RUBIS CAB PRESTIGE,
TIS CONSULTING,
SBLANCHARD CONSULTING,
SM TEXTILE,
LAN SUPERMARCHE ;
mentionner toutes interventions de la société Nemurio, entre juillet 2023 et le jour de la réalisation de la mesure d’instruction, ayant eu pour objet ou pour effet d’affecter lesdites données sauvegardées (en particulier, si ces demandes ou tentatives de suppression ou de modification ont eu lieu) ;
2) Se faire remettre, par les sociétés Nemurio et Takadou, dans le délai de 8 jours à compter de la signification du présent arrêt, les informations et documents suivants :
extraits de livre-journal et grand livre, relatifs aux comptes des tiers (classe 4) et aux comptes des produits (classe 7), pour la période 2017 à 2023, certifiés conformes par un professionnel du chiffre ;
les relevés bancaires et factures émises pour la période allant de 2017 à 2023 ;
3) A partir des documents remis par les sociétés Takadou et Nemurio, relever toutes les occurrences (y compris les occurrences approchantes ou les acronymes) relatives :
aux 22 dénominations sociales de la liste annexée au contrat de collaboration conclu entre Secofra et Nemurio et ci-dessus reproduite ;
aux sociétés Nemurio, Takadou, Zaidi audit conseil (ou ZAC) et à M. [X] ;
Anonymiser toutes les données non relatives à ces occurrences ;
4) De toutes les informations recueillies au titre du point 1) et celles recueillies conformément aux modalités du point 3), dresser un constat dans les 3 mois de la signification du présent arrêt aux parties intimées, dont une copie devra être remise à chacune des parties, avec mention, le cas échéant, des retards constatés dans la remise des informations et documents demandés ;
Dit qu’à défaut de remise au commissaire de justice désigné des informations et documents susvisés dans le délai de 8 jours à compter de la signification du présent arrêt, il courra une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à la charge des sociétés Nemurio et Takadou, pendant un délai de trois mois passé lequel il pourra être à nouveau fait droit,
Dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de cette astreinte,
Dit que la mission du commissaire de justice sera financée par la société Secofra,
Y ajoutant,
Dit que la société Secofra supportera la charge des entiers dépens,
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes autres demandes des parties.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE