Presomption d’innocence

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Presomption d’innocence

L’auteur du Blog « Stratégie » de Challenge a été condamné pour diffamation à l’encontre des Laboratoires Servier. Les propos publiés sur le Blog (1) affirmaient que les laboratoires Servier étaient coupable des faits sur lesquels enquêtent les juges d’instruction dans le cadre de l’information judiciaire ouverte.
Les juges ont considéré que l’auteur avait exprimé de façon péremptoire cette conclusion définitive manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité les Laboratoires Servier quant aux infractions d’obtention indue d’autorisation, d’escroquerie et de tromperie aggravée lors de la commercialisation et de la mise sur le marché du médicament Médiator. Lesdits propos constituaient une atteinte à la présomption d’innocence de la société en vertu de l’article 9-1 du Code civil. La société a obtenu l’allocation de la somme de 2 000 euros à titre de dommage et intérêts.
La présomption d’innocence qui bénéficie également aux personnes morales est un droit consacré par l’article préliminaire du Code de procédure pénale et par l’article 6-2 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les atteintes à ce droit peuvent être réparées dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 9-1 du Code civil.
Ce texte suppose qu’une personne qui fait “l’objet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire” soit présentée publiquement comme coupable des faits objets de cette enquête ou de cette instruction, la protection ainsi instituée demeurant même si l’enquête ou l’instruction ont cessé et qu’une juridiction de jugement est saisie, jusqu’à l’éventuelle intervention d’une condamnation pénale devenue irrévocable.
L’atteinte à la présomption d’innocence est caractérisée à la double condition que i) l’existence de l’enquête ou de l’instruction soit rappelée dans les écrits concernés (à moins qu’elle ne soit notoire), et que ii) les propos incriminés contiennent des conclusions définitives manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne concernée pour les faits objets de l’enquête ou de l’instruction.
L’atteinte à la présomption d’innocence ne doit pas être confondue avec la diffamation dès lors, qu’au delà de la protection de l’honneur et de la considération de la personne visée, la présomption d’innocence tend essentiellement à sauvegarder le caractère juste et équitable de la procédure dont la personne (physique ou morale) fait l’objet ainsi que, de façon plus générale, à préserver la sérénité et l’impartialité de l’autorité judiciaire.
Il n’est cependant pas interdit à la presse d’évoquer un fait divers ou une affaire pénale, de faire une présentation des faits strictement objective ou équilibrée, ou de mettre davantage en lumière les éléments à charge qu’à décharge. La présentation des faits reprochés ne doit simplement pas être dénaturée. La seule contrainte imposée par le dispositif légal est de s’abstenir de toute conclusion définitive manifestant un préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne visée avant que celle-ci ne soit jugée par une décision de justice irrévocable.

(1) Les Laboratoires Servier “sont des orfèvres de la surpromesse lançant molécule après molécule au bénéfice thérapeutique supplémentaire inexistant, achetant politiques ou mandarins de la médecine pour obtenir autorisations de mise sur le marché et surtout remboursement masquant délibérément les effets secondaires parfois mortels comme dans le cas du Médiator”.

Mots clés : Presomption d’innocence

Thème : Presomption d’innocence

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Tribunal de Grande instance de Paris | Date : 4 avril 2012 | Pays : France


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