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N° F 21-87.121 F-D
N° 00436
ODVS
5 AVRIL 2023
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 AVRIL 2023
M. [I] [R] et M. [T] [G] ont formé des pourvois contre l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 5-1, en date du 23 novembre 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 18 mars 2020, n° 18-86.491), pour blanchiment, a condamné le premier à deux ans d’emprisonnement avec sursis et 25 000 euros d’amende, le second à un an d’emprisonnement et 25 000 euros d’amende, et a prononcé une mesure de confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits.
Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [I] [R], et de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [T] [G], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l’audience publique du 8 mars 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 25 mars 2014, sur l’autoroute A9, à la barrière de péage de [Localité 2], dans le sens nord-sud, les agents des douanes ont procédé au contrôle d’un véhicule automobile immatriculé en Espagne, conduit par M. [H] [X]. Ce dernier a expliqué qu’il se rendait en Espagne. Bien qu’il ait déclaré ne pas détenir de somme supérieure à 10 000 euros, les douaniers ont découvert plusieurs liasses de billets dissimulées sous la banquette arrière et dans l’optique arrière droit du véhicule. Le montant total des sommes transportées s’élevait à 76 000 euros.
3. M. [X] a déclaré que les fonds lui avaient été remis par M. [T] [G], qui l’avait contacté sur les instructions de M. [I] [R].
4. M. [G], domicilié à [Adresse 1], a ultérieurement revendiqué la propriété des 76 000 euros. M. [R] a quant à lui attesté lui avoir remis des fonds, notamment pour acheter un appartement en Espagne, et lui avoir demandé de verser une somme de 76 000 euros à un notaire espagnol.
5. MM. [R] et [G] ont été poursuivis du chef de blanchiment, pour avoir apporté leur concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit indirect d’un crime ou d’un délit, en l’espèce la somme de 76 000 euros en numéraire, cette somme étant issue d’une fraude fiscale.
6. Par jugement du 27 juin 2017, le tribunal correctionnel a condamné les prévenus pour cette infraction.
7. Les prévenus et le ministère public ont fait appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur le moyen proposé pour M. [R], pris en sa seconde branche
8. Il n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen proposé pour M. [R], pris en sa première branche, et le premier moyen proposé pour M. [G]
Énoncé des moyens
9. Le moyen proposé pour M. [R], pris en sa première branche, critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [R] coupable de blanchiment par concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d’un délit de fraude fiscale et l’a condamné de ce chef à une peine de deux ans d’emprisonnement et à une amende de 50 000 euros, alors :
« 1°/ que la partie poursuivante doit démontrer, en matière de blanchiment de fraude fiscale, que sont caractérisés les éléments constitutifs de l’infraction d’origine ; qu’en entrant de ce chef en voie de condamnation à l’encontre de Monsieur [R], au motif que « les investigations, les débats et les pièces versées par les prévenus n’ont pas permis de déterminer l’origine licite de la somme de 76 000 euros en numéraire retrouvée dissimulée dans le véhicule conduit par [H] [X] en direction de l’Espagne », quand il appartenait à la partie poursuivante de démontrer positivement que ces fonds étaient le produit d’une fraude fiscale, la cour d’appel a violé les articles 6 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 324-1 et 324-1-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
10. Le premier moyen proposé pour M. [G] critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a déclaré M. [G] coupable du chef de blanchiment de fraude fiscale, alors :
« 1°/ que l’origine frauduleuse des biens blanchis doit être établie et l’infraction initiale caractérisée dans tous ses éléments constitutifs ; qu’en l’espèce, la cour d’appel s’est contentée de retenir que les sommes blanchies avaient été importées sur le territoire français sans avoir été déclarées ni à l’administration douanière ni à l’administration fiscale française et qu’il n’était pas établi qu’elles aient été déclarées l’administration fiscale algérienne ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que les sommes concernées étaient sujettes à l’impôt et que le contribuable qui en était redevable s’y était frauduleusement soustrait, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’élément matériel du délit de fraude fiscale, a violé les articles 1741 du code général des impôts, 324-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que l’origine frauduleuse des biens blanchis doit être établie et l’infraction initiale caractérisée dans tous ses éléments constitutifs ; qu’en l’espèce, la cour d’appel s’est contentée de retenir que « la parfaite connaissance de l’origine frauduleuse des fonds résulte de leur dissimulation en plusieurs endroits du véhicule, du mode opératoire de leur transfert (triangulation entre l’Algérie, la France et l’Espagne via plusieurs individus) en lieu et place notamment d’un virement international (a fortiori s’agissant de la remise de ces fonds à un notaire dans le cadre d’une acquisition immobilière), et des contradictions observées dans les déclarations des trois protagonistes sur l’origine des fonds » (arrêt, p. 10 § 4) ; qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que le contribuable auquel il était reproché les faits de fraude fiscale avait volontairement éludé un impôt dont il était redevable par un moyen frauduleux, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé l’élément moral du délit de fraude fiscale, a violé les articles 1741 du code général des impôts, 324-1 du code pénal et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ qu’en matière de blanchiment, la partie poursuivante a l’obligation de démontrer l’existence d’un lien direct ou indirect unissant l’objet des faits de blanchiment et le produit lié à la commission d’un crime ou d’un délit ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui s’est contentée de retenir que « les investigations, les débats et les pièces versées par les prévenus n’ont pas permis de déterminer l’origine licite de la somme de 76 000 euros en numéraire retrouvée dissimulée dans le véhicule conduit par [H] [X] en direction de l’Espagne » (arrêt, p. 9 § 2) et que « l’enquête et les explications fournies par [I] [R] n’ont pas davantage permis d’établir l’origine des fonds [ ] » (arrêt, p. 10 § 3), a violé les articles 324-1 et 324-1-1 du code pénal, ensemble avec le principe de la présomption d’innocence, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article préliminaire et l’article 593 du code de procédure pénale. »