Présomption d’innocence : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/04092

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Présomption d’innocence : 25 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/04092

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 25 JANVIER 2023

(n° 2023/ 12, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04092 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFKYC

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 Janvier 2022 -Juge de la mise en état de MELUN – RG n° 20/06500

APPELANTE

Madame [X] [T] épouse [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

née le 26 Décembre 1963 à [Localité 5]

représentée et assistée de Me Gloria CASTILLO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0468

INTIMÉE

S.A. ASSURANCES DU CRÉDIT MUTUEL ACM IARD en qualité d’assurance souscrite par madame [X] [F]

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 352 40 6 7 48

représentée et assistée de Me Catherine KLINGLER, avocat au barreau de PARIS, toque: E1078

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Mme Laurence FAIVRE, Présidente de chambre

M Julien SENEL, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Dorothée RABITA

ARRÊT : Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par, Mme Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Laure POUPET, greffière, présente lors de la mise à disposition.

********

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par ordonnance en date du 21 novembre 2017, [Y] [Z], fils mineur de Mme [X] [F] épouse [T], a été renvoyé devant le tribunal pour enfants de CRETEIL, statuant en matière criminelle, pour avoir, à SAINT MAUR DES FOSSES (94) entre le 1er janvier 2006 et le 31 août 2008 :

– par violence, contrainte, menace ou surprise commis des actes de pénétration sexuelle sur la personne de [B] [A], mineure de moins de 15 ans, en l’espèce des actes de pénétration pénienne buccale et anale ;

– commis une atteinte sexuelle avec violence, contrainte, menace ou surprise, sur la personne de [B] [A], mineure de moins de 15 ans, en l’espèce en procédant sur elle à des attouchements de nature sexuelle.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 26 mars 2018, Mme [X] [F], civilement responsable de son fils, a mis en cause la société ACM-IARD (ci-après dénommée ACM), en sa qualité d’assureur de sa responsabilité civile ‘chef de famille’, au visa de l’article 338-2 du code de procédure pénale, devant le tribunal pour enfants de CRETEIL.

Le 6 avril 2018 la compagnie d’assurance a opposé à Mme [F] un refus de garantie.

Par lettre du 18 mai 2018, le conseil de Mme [F] a informé l’assureur du renvoi de l’affaire à une audience et a contesté le refus de garantie. La compagnie d’assurances a été représentée à l’audience pénale du 1er juin 2018.

Par jugement du 26 octobre 2018, le tribunal pour enfant de CRETEIL a notamment:

Sur l’action publique :

– déclaré [Y] [Z] coupable des faits qui lui sont reprochés ;

– condamné celui-ci à un emprisonnement criminel de 36 mois, assorti d’un sursis partiel pour une durée de 28 mois ;

Sur la responsabilité civile :

– déclaré Mme [X] [F] et [N] [Z] civilement responsables de leurs fils [Y] [Z] ;

Sur l’action civile :

– déclaré recevable la constitution de partie civile de [B] [A] ;

– déclaré [Y] [Z] responsable, in solidum avec ses civilement responsables du préjudice subi par [B] [A], partie civile ;

– renvoyé l`affaire sur intérêts civils à l’audience du 26 avril 2018 à 13h30 ;

– ordonné une expertise médicale ;

– condamné [Y] [Z], in solidum avec ses civilement responsables, à payer à [B] [A], partie civile, la somme de 800 euros au titre des frais d’expertise ;

– condamné [Y] [Z], in solidum avec ses civilement responsables, à payer à [B] [A], partie civile, la somme de 5.000 euros à titre de provision ;

– condamné [Y] [Z], in solidum avec ses civilement responsables, à payer à [B] [A], partie civile, la somme de 1.000 euros au titre de l’article 475-l du code de procédure pénale ;

– déclaré recevable la constitution de partie civile de [I] [J], mère de [B] [A] ;

– déclaré [Y] [Z] responsable, in solidum avec ses civilement responsables du préjudice subi par [I] [J], partie civile ;

– débouté [I] [J] de sa demande d’expertise ;

– condamné [Y] [Z], in solidum avec ses civilement responsables, à payer à [I] [J], partie civile, la somme de 1.000 euros au titre de l’article 475-l du code de procédure pénale ;

– déclaré [Y] [Z] responsable, in solidum avec ses civilement responsables du préjudice subi par [S] [A], père de [B] [A], partie civile ;

– condamné [Y] [Z], in solidum avec ses civilement responsables, à payer à [S] [A], partie civile, la somme de 250 euros en réparation de son préjudice moral ;

– condamné [Y] [Z], in solidum avec ses civilement responsables, à payer à [S] [A], partie civile, la somme de 1.000 euros au titre de l`article 475-1 du code de procédure pénale,

– rejeté la demande de mise hors de cause de la société ACM ;

– déclaré recevable sa mise en cause dans l’affaire ;

– déclaré le jugement opposable à la société ACM.

Le 5 novembre 2018, la société ACM a régulièrement interjeté appel des dispositions civiles du jugement, conformément aux dispositions des articles 388-1 et 509 du code de procédure pénale.

Par arrêt du 6 octobre 2020, la cour d’appel de PARIS a infirmé le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de mise hors de cause de la société ACM, déclaré recevable sa mise en cause et dit le jugement opposable à son égard, et a statué à nouveau, en disant la mise en cause de la société ACM-IARD irrecevable en application de l’article 388-1 du code de procédure pénale et le jugement non opposable.

Le 2 août 2020, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (ci-après dénommé FGTI) a adressé à Mme [F] une demande de paiement valant mise en demeure de payer la somme de 5.000 euros correspondant à la provision ordonnée par le tribunal pour enfants de CRETEIL. Le 19 octobre 2020, Mme [F] a réglé ladite somme au FGTI.

Par acte d’huissier en date du 20 novembre 2020, Mme [X] [F] a assigné la société ACM devant le tribunal judiciaire de CRETEIL aux fins suivantes :

– dire et juger que la société ACM est tenue de la garantir des condamnations civiles prononcées par le jugement du tribunal pour enfants de CRETEIL le 26 octobre 2018 à son encontre en qualité de civilement responsable et avancées par elle à la demande du fonds de garantie soit :

* 800 euros à [B] [A] au titre des frais d’expertise,

* 5.000 euros à [B] [A] à titre de provision ;

* 1.000 euros au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale ;

* 1.000 euros à Mme [I] [J] au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale,

* 250 euros à M. [S] [A] au titre de son préjudice moral ;

– dire et juger que la société ACM devra garantir les condamnations civiles dues après l’expertise ordonnée par le jugement du 26 octobre 2018.

Par conclusions d’incident la SA ACM a soulevé la prescription de l’action de Mme [X] [F] en ce qu’elle a été engagée au-delà du délai de deux ans prévus par l’article L.114-1 du code des assurances. Mme [F] s’y est opposée par conclusions d’incident en réponse.

Par ordonnance du 11 janvier 2022 le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de CRETEIL, a :

– dit l’action de Mme [X] [F] irrecevable ;

– condamné Mme [X] [F] aux dépens ;

– rejeté les demandes formées en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration électronique du 21 février 2022, enregistrée au greffe le 8 mars 2022, Mme [X] [T] épouse [F] a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 18 mars 2022, l’appelante, demande à la cour, de :

‘au visa des articles L 114-1 et L 114-2 du code des assurances,de l’article 11 du code de procédure pénale, des articles 9-1 du code civil, de l’article préliminaire du code de procédure pénale, des articles 2241 et 2242 du code civil, du contrat “Privilege Habitat” signé par Mme [X] [F], du jugement rendu par le tribunal pour enfants de CRETEIL le 26 octobre 201 8 et de l’arrêt rendu le 6 octobre 2020 par la cour d’appel de PARIS,

– INFIRMER l’ordonnance rendue le 11 janvier 2022 par le juge de la mise en état du tribunal

judiciaire de CRETEIL en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

– rejeter l’exception de prescription soulevée par la SA ACM ;

– dire que l’action de Mme [X] [F] n’est pas prescrite ;

– condamner la SA ACM à payer à Mme [X] [F] la somme de 2.000 euros au titre

de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.’

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 10 avril 2022, la société intimée ACM, demande à la cour, de :

« Vu l’ordonnance rendue le 11 janvier 2022 par le juge de la mise en état de la 4ème chambre civile du tribunal judiciaire de VERSAILLES (en réalité CRETEIL),

Vu l’appel de Mme [X] [F],

Vu l’article 122 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances,

Vu les articles 2241, 2242 et 2243 du code civil,

– juger l’appel de Mme [X] [F] mal fondé ;

Ce faisant,

– CONFIRMER l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

– condamner Mme [X] [F] à verser à la société ACM la somme de 2 000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile, et la condamner aux dépens d’appel. »

Pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter aux conclusions ci-dessus visées conformément à l’article 455 du code de procédure civile

Les parties ont été convoquées à bref délai conformément aux dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Mme [F] demande à la cour d’infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état et de la déclarer recevable en son action qui n’est pas prescrite, faisant essentiellement valoir, sur le fondement des articles L114-1, L114-2 du code des assurances, que :

* le point de départ du délai de prescription ne peut être fixé à la date du 4 août 2015, à laquelle elle a été auditionnée par les services de police, dès lors que durant la procédure d’enquête et d’instruction son fils bénéficiait de la présomption d’innocence ; elle n’aurait pu informer l’assureur des faits qui lui étaient reprochés sans violer le secret de l’instruction;

* l’évènement qui a donné naissance à l’action est l’ordonnance de non lieu partiel rendu par le magistrat instructeur le 27 novembre 2017 qui a été notifiée à son fils le même jour; le point de départ de la prescription doit être fixé au 20 février 2018, date à laquelle le renvoi devant la juridiction lui a été personnellement signifié par mandement de citation ; en saisissant son assureur par lettre recommandée du 26 mars 2018, moins d’un mois après le mandement de citation et moins de deux ans après l’ordonnance de renvoi, elle a interrompu le délai de prescription ;

* la prescription a ensuite été interrompue entre le 26 mars 2018 et l’arrêt de la cour d’appel du 6 octobre 2020 ; elle indique ne pas s’être désistée, ni avoir laissée périmée sa demande ; l’article 2243 du code civil, selon lequel l’interruption de la prescription est non avenue en cas de demande définitivement rejetée, n’a pas vocation à s’appliquer et a été appliqué à tort par le juge de la mise en état, puisque la juridiction répressive précédemment saisie s’est en réalité uniquement déclarée incompétente ; or, l’incompétence de la juridiction saisie permet de conserver l’effet interruptif attaché au temps de la procédure ;

* subsidiairement, l’action engagée devant le tribunal judiciaire de CRETEIL est motivée par le recours du FGTI contre Mme [F] le 2 août 2020, permettant à cette dernière d’invoquer l’article L. 114-1 alinéa 3 du code des assurances qui prévoit que le délai de prescription biennale ne court qu’à compter du recours du tiers.

L’intimée sollicite la confirmation de la décision faisant essentiellement valoir que :

* au visa des articles L.114-1, L.114-2 et R.112-1 du code des assurances, les actions dérivant d’un contrat d’assurance se prescrivent par deux ans ;

* la plainte pénale a été déposée le 27 novembre 2013 par Mme [I] [J], mère de la jeune victime ; [Y] [Z] a été placé en garde à vue le 3 août 2015 et sa mère, Mme [X] [F], a été entendue par les services de police dès le lendemain ; à cette date, elle avait donc eu connaissance des faits reprochés à son fils, et de ce que celui-ci, bien que les minimisant les reconnaissaient ; dès lors l’existence du sinistre était connue de Mme [F] dès le 4 août 2015 et il lui appartenait d’interrompre la prescription avant le 4 août 2017 ; il ne s’agit pas de prétendre à la culpabilité du prévenu dès la première audition, mais a minima de faire état de la connaissance du sinistre ; en conséquence le courrier adressé à l’assureur le 26 mars 2018 l’a été après l’acquisition de la prescription et ne pouvait avoir d’effet interruptif ; l’article L. 114-1 du code des assurances vise la connaissance du sinistre, indépendamment d’une décision judiciaire définitive de condamnation ;

* en tout état de cause, même si un effet interruptif pouvait être attaché au courrier du 26 mars 2018 au visa des articles 2241, 2242 et 2243 du code civil, l’interruption du délai est non avenue car la demande a été considérée comme irrecevable par la cour d’appel dans son arrêt définitif du 6 octobre 2020 ; s’agissant d’une infraction volontaire, aucune mise en cause de l’assureur ne pouvait être effectuée ; la demande présentée devant le tribunal judiciaire n’est pas identique à celle présentée devant le tribunal pour enfant de CRETEIL, où elle sollicitait l’opposabilité de la décision et non la condamnation de l’assureur ; la demande est donc bien irrecevable ;

Sur ce,

Selon l’article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale de l’action de Mme [F]

Vu l’article L 114-1 du code des assurances dans sa version applicable au litige qui dispose que:

‘ Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.

Toutefois, ce délai ne court :

1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l’assureur en a eu connaissance ;

2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s’ils prouvent qu’ils l’ont ignoré jusque-là.

Quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier. (…)’.

Vu l’article L.114-2 du même code dans sa version applicable au litige qui énonce que :

‘ La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d’interruption de la prescription et par la désignation d’experts à la suite d’un sinistre. L’interruption de la prescription de l’action peut, en outre, résulter de l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l’assureur à l’assuré en ce qui concerne l’action en paiement de la prime et par l’assuré à l’assureur en ce qui concerne le règlement de l’indemnité’.

Il résulte également des dispositions des articles 2241 à 2243 du code civil (L. n° 2008-561 du 17 juin 2008) que :

‘ La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure.’

‘ L’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance’.

‘L’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée’.

Il n’est pas contesté que le délai biennal de prescription des actions dérivant du contrat d’assurance est rappelé dans les conditions générales du contrat (page 6 des conditions générales) conformément aux dispositions de l’article R. 112-1 du code des assurances.

Le désaccord porte sur le point de départ de ladite prescription et sur son interruption éventuelle.

Tout d’abord, le juge de la mise en état, par des motifs pertinents que la cour adopte, a considéré que dès lors qu’un mis en examen bénéficie de la présomption d’innocence, et que les faits qui lui sont reprochés sont susceptibles d’évoluer au cours de l’instruction, ce qui a été le cas en l’espèce puisque le mineur, [Y] [Z], a bénéficie d’un non-lieu partiel, l’évènement qui donne naissance à l’action ne peut être la date de l’infraction, pas plus que celle de la mise en examen ou des différentes auditions devant les services de police ou le magistrat instructeur; que les poursuites ont été engagées à l’égard du jeune [Y] au terme de l’information, par ordonnance de renvoi rendue par le magistrat instructeur le 27 novembre 2017 qui qualifie les infractions et précise les charges retenues à son encontre ; que cette ordonnance a été notifiée au jeune [Y] [Z] le 27 novembre 2017 mais n’a pas été notifiée à cette date à sa représentante légale, Mme [F], qui n’en a eu seulement connaissance que par le mandement de citation délivré le 28 février 2018, date qui constitue l’évènement qui donne naissance à son action à l’encontre de son assureur et le point de départ de la prescription biennale.

Mme [F] soutient ensuite que la prescription biennale a été interrompue par la lettre recommandée du 26 mars 2018 et par la procédure engagée par la citation en justice du 20 février 2018 qui a pris fin avec l’arrêt du 6 octobre 2020 en application des articles 2241 et 2242 du code civil.

Il résulte de l’article 9 intitulé ‘prescription’ des conditions particulières ainsi que des conditions générales du contrat d’assurance souscrit par Mme [X] [F] (assurances Tous risques Habitation Corail 3000), reprenant les termes de l’article L 114-2 du code des assurances et y ajoutant, que :

‘ La prescription peut être interrompue par une des causes ordinaires d’interruption ainsi que dans les cas ci-après :

– désignation d’experts à la suite d’un sinistre,

– envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception,

– citation en justice,

– commandement ou saisie signifié à celui que l’ont veut empêcher de prescrire.’

Ainsi, l’envoi d’une lettre recommandée avec avis de réception par laquelle l’assuré demande le paiement de l’indemnité d’assurance est interruptif de la prescription biennale.

Mme [F] a adressé à son assureur une lettre recommandée avec accusé de réception le 26 mars 2018. Ce courrier a donc interrompu la prescription conformément aux dispositions dérogatoires prévues à l’article L.114-2 du code des assurances. En conséquence de cette interruption, le délai de prescription biennale expirait le 26 mars 2020.

Aux termes de son arrêt du 6 octobre 2020, définitif, la 4ème chambre du pôle 2 de la cour d’appel de PARIS a jugé que :

« Les alinéas 1 et 2 de l’article 388-1 du code de procédure pénale disposent que :

“La personne dont la responsabilité civile est susceptible d’être engagée à l’occasion d’une

infraction d’homicide ou de blessures involontaires qui a entraîné pour autrui un dommage

quelconque pouvant être garanti par un assureur doit préciser le nom et l’adresse de celui-ci, ainsi que le numéro de sa police d’assurance. Il en est de même pour la victime lorsque le dommage qu’elle a subi peut être garanti par un contrat d’assurance. Ces renseignements sont consignés dans les procès-verbaux d’audition.

Lorsque des poursuites pénales sont exercées, les assureurs appelés à garantir le dommage

sont admis à intervenir et peuvent être mis en cause devant la juridiction répressive, même

pour la première fois en cause d’appel ; ils doivent se faire représenter par un avocat.”

Il résulte de ce texte qu’en l’absence de poursuites pour homicide ou blessures involontaires, l’intervention de l’assureur est irrecevable. Or, en l’espèce, [Y] [Z] a été poursuivi et condamné pour des faits volontaires de viol et d’agression sexuelle. Il s’ensuit que la SA ACM Iard est fondée à soutenir que sa mise en cause par [X] [F] est irrecevable.

Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ses dispositions ayant rejeté la demande de mise hors de cause de la société ACM-Iard, ayant déclaré recevable sa mise en cause et lui ayant dit le jugement opposable ».

Cette décision a bien fait perdre à la mise en cause de la société ACM IARD par Mme [F] son effet interruptif. Le juge de la mise en état a ainsi justement relevé qu’en application des dispositions de l’article 2243 du code civil, l’interruption est non avenue si la demande est définitivement rejetée, le texte ne distinguant pas selon que la demande est définitivement rejetée par un moyen de fond ou par une fin de non recevoir et qu’ainsi du fait de cet arrêt d’irrecevabilité l’interruption de la prescription par l’envoi de la lettre recommandée du 26 mars 2018 est devenue non avenue.

En cause d’appel, Mme [F] ajoute que son action n’est pas définitivement éteinte, de sorte qu’elle ne relève pas de l’article 2243 du code civil attachant un effet non avenu à l’interruption de la prescription en cas de demande définitivement rejetée ; la cour d’appel, aux termes de son arrêt du 6 octobre 2020, a uniquement retenu une irrecevabilité de son action ayant pour cause la saisine d’une juridiction incompétente ; la prescription a été interrompue par Mme [F] par son courrier du 26 mars 2018 visant à mettre en cause l’assureur devant le tribunal pour enfants de CRETEIL, et l’article 2241 prévoyant que la saisine d’un tribunal incompétent interrompt la prescription s’applique ainsi que l’article 2242 du même code selon lequel les effets de l’interruption de la prescription se poursuivent jusqu’à l’extinction de l’instance, soit jusqu’à l’arrêt du 6 octobre 2020.

Cependant :

* aux termes de son arrêt du 6 octobre 2020, la cour d’appel de PARIS ne s’est pas déclarée incompétente au profit d’une juridiction civile. Elle a statué, de façon expresse, dans le sens d’une irrecevabilité de la mise en cause par Mme [F] de la société ACM-IARD devant la juridiction répressive ;

*la demande de Mme [F] devant le tribunal pour enfants de CRETEIL ayant été articulée au visa des articles 388-1, 388-2 et 388-3 du code de procédure pénale, qui prévoient, en cas d’infraction involontaire, la possibilité d’une mise en cause de l’assureur, volontaire ou forcée, en vue, uniquement, d’une opposabilité à son égard de la décision rendue sur intérêts civils ; il s’agit donc d’une action à l’égard de l’assureur, prévue par le code de procédure pénale, et dont le régime est spécifique et autonome, puisqu’une mise en cause ne peut intervenir qu’en cas d’infraction involontaire et ne peut aboutir qu’à une opposabilité et non à une demande de condamnation.

* l’action engagée par Mme [F] devant le tribunal judiciaire de CRETEIL le 20 novembre 2020 a un fondement et une fin différents ; elle est en effet fondée sur le code des assurances, et non sur le code de procédure pénale, et vise à obtenir la condamnation de la société ACM à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, et non à une opposabilité. La demande d’opposabilité articulée par Mme [F] contre son assureur la société ACM devant le tribunal pour enfants de CRETEIL, fondée sur les articles 388-1 et suivants du code de procédure pénale, a été, en l’absence de pourvoi, définitivement rejetée par la cour d’appel de PARIS aux termes de l’arrêt du 6 octobre 2020, et ne pourra jamais être articulée à nouveau devant la juridiction civile. Aucune incompétence ne peut donc être valablement soutenue puisque la demande articulée devant la juridiction civile, de condamnation, est distincte.

A titre subsidiaire, Mme [F] fait valoir que le FGTI a réglé l’indemnité de 5 000 euros à [B] [A] en vertu du jugement du tribunal pour enfants du 26 octobre 2018, qu’il en a réclamé le remboursement à Mme [F] le 2 août 2020, et que celle-ci y a procédé le 19 octobre 2020 ; que le délai de prescription n’a couru qu’à compter du remboursement effectué le 19 octobre 2020 au bénéfice du FGTI, qui a la qualité de tiers.

Cependant, contrairement à ce qu’elle soutient Mme [F] ne peut invoquer les dispositions de l’article L 114-1 alinéa 3 du code des assurances. Le FGTI n’a en effet pas la qualité de tiers au sens dudit article, l’action de Mme [F] contre la société ACM ayant pour cause le recours de la victime, [B] [A], dans les droits de laquelle le FGTI est uniquement subrogé, par application des articles L. 422-1 du code des assurances et 706-11 du code de procédure pénale. D’ailleurs, à aucun moment l’intervention du FGTI n’est mentionnée dans l’assignation délivrée à la requête de Mme [F] le 20 novembre 2020 qui évoque uniquement l’action de la victime.

En conséquence, la compagnie ACM sera accueillie en sa fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale de l’action introduite par Mme [F] devant le tribunal de grand instance de CRETEIL le 20 novembre 2020, plus de deux ans après le mandement de citation du 28 février 2018.

La décision sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

La décision sera confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens de première instance.

En cause d’appel, Mme [X] [F] sera condamnée à verser à la société ACM la somme de 1.000 euros du chef de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant en dernier ressort, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

CONFIRME l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de CRETEIL en date du 11 janvier 2022 ;

Y ajoutant,

Condamne Mme [X] [F] à payer à la SA ACM IARD la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure d’appel;

Rejette toutes autres demandes. 

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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