Présomption d’innocence : 21 février 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-84.069

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Présomption d’innocence : 21 février 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 22-84.069
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N° J 22-84.069 F-D

N° 00211

MAS2
21 FÉVRIER 2023

REJET

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 FÉVRIER 2023

Mme [M] [V], MM. [I] [P], [E] [W] et [X] [D] [S] [O], ont formé des pourvois contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, 2e section, en date du 16 juin 2022, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 4 janvier 2022, n° 18-86.741), dans l’information suivie contre les deux premiers des chefs de présentation de comptes annuels inexacts, diffusion d’informations trompeuses, et contre le troisième des chefs de complicité de ces délits, a infirmé l’ordonnance de refus de mesure d’instruction complémentaire rendue par les juges d’instruction.

Par ordonnance en date du 17 octobre 2022, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat.

Des mémoires et des observations complémentaires ont été produits.

Sur le rapport de M. Seys, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [I] [P], les observations de la SAS Hannotin Avocats, avocat de M. [E] [W], les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [X] [D] [S] [O], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [M] [V], et les conclusions de M. Croizier, avocat général, après débats en l’audience publique du 24 janvier 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Seys, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Après enquête du parquet national financier, sur signalement du procureur général de la Cour des comptes, portant sur la comptabilité de la société [1] afférente à son activité liée à la société [3], une information a été ouverte le 19 mai 2015 des chefs de présentation ou publication de comptes annuels inexacts et infidèles, diffusion d’informations fausses ou trompeuses, faux et usage de faux et abus de pouvoir.

3. Les trois juges d’instruction ont procédé aux mises en examen, le 13 mai 2016, de Mme [M] [V], présidente du directoire d’Areva, pour présentation de comptes annuels inexacts et diffusion d’informations trompeuses, le 20 septembre 2016, de M. [E] [W], directeur financier du groupe [1], des chefs de complicité des délits précédents et, le 23 février 2017, de M. [I] [P], directeur général délégué du groupe [1] et membre du directoire, pour les mêmes faits que Mme [V].

4. M. [X] [D] [S] [O] (M. [S]) directeur du pôle d’activité « business group mines » a été, le 8 juin 2016, placé sous le statut de témoin assisté du chef de diffusion d’informations trompeuses.

5. Le dossier a été communiqué au règlement le 23 mars 2017.

6. Par réquisitions supplétives du 5 mai 2017, le procureur national financier a demandé notamment la mise en examen de Mme [V] et de MM. [P], [W], [S] et de MM. [K] [A] et [Y] [J], d’autres chefs de complicité de présentation ou publication de compte annuels inexacts et infidèles, complicité de diffusion d’informations trompeuses et entrave à la mission des commissaires aux comptes.

7. Par ordonnance du 19 mai 2017, les juges d’instruction ont refusé d’accomplir ces mesures.

8. Sur appel du ministère public, par arrêt du 29 octobre 2018, la chambre de l’instruction a infirmé cette décision et dit y avoir lieu à l’accomplissement des mesures d’instruction sollicitées.

9. Cet arrêt a été cassé par celui, précité, du 4 janvier 2022, la Cour de cassation renvoyant l’affaire devant la même juridiction, autrement composée.

Examen des moyens

Sur les deuxième, troisième, quatrième moyens, proposés pour Mme [V], le premier moyen, pris en sa seconde branche, et les deuxième et troisième moyens proposés pour M. [S], le premier moyen, pris en sa seconde branche, et les deuxième et troisième moyens proposés pour M. [P] et sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, proposé pour M. [W]

10. Ils ne sont pas de nature à permettre l’admission du pourvoi au sens de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le premier moyen, proposé pour Mme [V], le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [S], le premier moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [P] et le moyen, pris en sa première branche, proposé pour M. [W]

Enoncé des moyens

11. Le moyen proposé pour Mme [V] critique l’arrêt attaqué en ce qu’il mentionne qu’à l’audience, en chambre du conseil, ont été entendus Mme Carbonaro, Présidente en son rapport, M. Mackowiak, avocat général, en ses réquisitions, Me Colin, avocat de Mme [V], personne mise en examen, en ses observations, Me [C], substituant Me Levy, avocat de M. [P], personne mise en examen, en ses observations, Me [B], substituant Me Veil, avocat de M. [W], personne mise en examen, en ses observations, Me Maisonneuve, avocat de M. [S] [O], témoin assisté, en ses observations, Me Courrege, avocat de M. [J], en ses observations, Me Reynaud, avocat de M. [A], en ses observations, les avocats des personnes mises en examen et du témoin assisté présents ont eu la parole en dernier, les autres avocats régulièrement avisés de la date d’audience, ne se sont pas présentés, alors :

« 1°/ que seules peuvent être convoquées à l’audience devant la Chambre de l’instruction et consulter le dossier d’instruction les personnes ayant la qualité de partie ; qu’au cas d’espèce, l’arrêt mentionne que les avocats de MM. [A] et [J] ont été avisés de la date à laquelle l’affaire serait appelée à l’audience et que le dossier contenant le réquisitoire a été tenu à leur disposition ; qu’il constate toutefois que MM. [A] et [J] n’étaient pas parties à la procédure, pour n’être ni mis en examen, ni témoins assistés, ni parties civiles ; que leur convocation et la mise à leur disposition du dossier d’instruction ayant causé un grief à Mme [V], l’arrêt a été rendu en violation de l’article 197 du Code de procédure pénale, ensemble les articles préliminaire et 11 du Code de procédure pénale et l’article 6 §2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ;

2°/ que devant la chambre de l’instruction, les débats se déroulent en chambre du conseil, ce qui exclut toute publicité ; qu’il résulte des mentions de l’arrêt, qui constate pourtant que MM. [A] et [J] n’étaient pas parties à la procédure, que leurs avocats ont assisté à l’audience ; que cette présence à l’audience au cours de laquelle les faits et charges ont été discutées ayant causé un grief à Mme [V], l’arrêt a été rendu en violation de l’article 199 du Code de procédure pénale, ensemble les articles préliminaire et 11 du Code de procédure pénale et l’article 6§2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme ;

3°/ que devant la chambre de l’instruction, après le rapport du conseiller, seuls le procureur général et les avocats des parties ou des témoins assistés peuvent présenter des observations ; que l’arrêt, qui constate que MM. [A] et [J] n’étaient pas parties à la procédure, mentionne que leurs avocats ont été entendus en leurs observations ; que de ce point de vue encore, les observations orales formulées, à l’audience au cours de laquelle les faits et charges ont été discutées, par des personnes n’étant pas parties à la procédure ayant causé un grief à Mme [V], l’arrêt a été rendu en violation de l’article 199 du Code de procédure pénale, ensemble les articles préliminaire et 11 du Code de procédure pénale et l’article 6 §2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. »

12. Le moyen proposé pour M. [S] critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a infirmé l’ordonnance entreprise de refus de nouvelles mesures d’instructions complémentaires et ordonné un supplément d’information pour interrogatoire aux fins de sa mise en examen, alors :

« 1°/ que, devant la chambre de l’instruction, les débats se déroulent en chambre du conseil et, après le rapport du conseiller, seuls le procureur général et les avocats des parties ou des témoins assistés peuvent présenter des observations ; que dès lors, en convoquant puis en entendant les avocats de MM. [J] et [A] en leurs observations (arrêt, p. 3), quand ceux-ci n’avaient ni la qualité de partie ni celle de témoin assisté, la chambre de l’instruction a méconnu les principes du secret de l’instruction, de non-publicité des débats, de la présomption d’innocence et le droit à une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties,
en violation des articles préliminaire, 11, 197, 199, 591 et 593 du Code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. »

13. Le moyen proposé pour M. [P] critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a convoqué et entendu en leurs observations les avocats de MM. [J] et [A] qui ne sont pas parties à la procédure, alors :

« 1°/ que seuls les parties à la procédure et leurs conseils sont convoqués à l’audience, peuvent consulter le dossier de la procédure et sont entendus par la chambre de l’instruction ; que cette règle a notamment pour but de garantir le secret de l’instruction, la présomption d’innocence et le droit à une procédure juste et équitable garantissant l’équilibre des droits des parties ; que la chambre de l’instruction a établi que M. [J] et M. [A] « n’avaient pas le statut de partie » ; que cependant ces personnes ont été convoquées à l’audience, leurs conseils ont pu consulter le dossier et ont été entendus en leurs observations lors de l’audience ; que dès lors la chambre de l’instruction a méconnu les principes du secret de l’instruction, de la présomption d’innocence, de la non-publicité des débats, et le droit à une procédure juste et équitable, ainsi que les articles 6 de la convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 11, 197, 199, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

14. Le moyen proposé pour M. [W] critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a infirmé l’ordonnance entreprise et, évoquant, a ordonné un supplément d’information pour interrogatoire aux fins de mise en examen de M. [W] pour des faits d’entrave à la mission des commissaires aux comptes, alors :

« 1°/ que devant la chambre de l’instruction statuant en chambre du conseil, les avocats des seules parties à la procédure sont admis à être présents et présenter des observations, à l’exclusion des avocats de justiciables n’étant pas parties ; qu’au surplus, parmi les avocats dument convoqués, ce sont les avocats des mis en examen qui doivent avoir la parole en dernier ; qu’au cas présent, l’arrêt attaqué a infirmé l’ordonnance entreprise et, évoquant, ordonné la convocation de l’exposant à un interrogatoire aux fins de mise en examen supplétive, après une audience à laquelle les conseils de MM. [J] et [A] avaient été convoqués, ont été entendus dans leurs observations et ont eu la parole en dernier ; qu’en se déterminant ainsi, à l’issue d’une audience en chambre du conseil où les avocats de justiciables qui n’étaient, par suite des arrêts rendu le 4 janvier 2022 par la chambre criminelle de la Cour de cassation, ni mis en examen, ni témoins assistés, ni parties civiles ont pu non seulement assister aux débats mais encore y participer au point d’y avoir la parole en dernier (contrairement à ce que l’arrêt pourrait laisser accroire en affirmant à tort que « les avocats des personnes mises en examen et du témoin assisté présents ont eu la parole en dernier »), la chambre de l’instruction de [Localité 2], qui s’est affranchie des règles légales protectrices du secret de l’information, des intérêts des parties, du contradictoire, de la présomption d’innocence, de l’équité de la procédure et des droits de la défense, en privant l’exposant et les autres mis en cause de la protection du principe de non-publicité des débats et du droit de voir leurs conseils avoir la parole en dernier au profit de justiciables qui n’auraient pas dû être présents à l’audience, a violé les articles préliminaire et 199 du code de procédure pénale, ensemble l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. »

 


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