Présomption d’innocence : 16 mai 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/00803

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Présomption d’innocence : 16 mai 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 22/00803

ARRET

[X]

C/

[L]

VA/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/00803 – N° Portalis DBV4-V-B7G-ILLI

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [T] [X]

né le 29 Mai 1955 à [Localité 7] ([Localité 5])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Marc BACLET de la SCP MARC BACLET AVOCATS, avocat au barreau de BEAUVAIS

APPELANT

ET

Monsieur [C] [L]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Assigné à étude le 21/04/2022

INTIME

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L’affaire est venue à l’audience publique du 14 mars 2023 devant la cour composée de M. Pascal BRILLET, Président de chambre, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l’audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

Sur le rapport de M. [N] [F] et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 mai 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 16 mai 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

* *

DECISION :

Selon deux devis datés du 18 juillet 2017 et acceptés le 20 juillet 2017, M. [X], propriétaire d’une demeure à [Localité 6] (60), a confié à M. [L], entrepreneur :

-1° devis : la création d’une allée de 85 m² en enrobé et la réalisation d’une dalle de 20 m² pour installer un abri jardin: 6 380,95 € TTC,

-2° devis : fouille, démontage, ferraillage devant et derrière le portail, redressement des deux piliers, creusement d’une tranchée en continuité avec le mur d’agglos sur environ 10 m : 1 400,80 € TTC.

-soit un total de 7 781,75 €.

Il a été établi au cours de l’expertise, et non contesté, que M. [L] avait bénéficié de trois versements : 2 500 € le 17 août 2017, 2 000 € et 3 570 € le 23 octobre 2017, soit 8 070 €.

Les parties se sont disputées. Selon les mentions du jugement, M. [X] a mis en demeure le 25 octobre 2017, M. [L] ‘de reprendre le décapage du seuil d’entrée et l’apport de cailloux et tout venant’ (pièce non produite en appel).

M. [L] a mis fin au chantier en novembre 2017, avant la pose de l’enrobé, lequel devait être réalisé par un sous-traitant, et avant la réalisation de la dalle de 20 m².

Le 24 mai 2018, M. [L], par l’intermédiaire de son conseil, a fait valoir un 3° devis du 18 juillet 2017, signé par M. [X], concernant la réalisation d’un mur en parpaings enduits, pour un montant de 6 569,54 €, avec facture correspondante du 10 novembre 2017 et a réclamé une somme de 4 569,54 € sur cette facture (pièce Foucchet 5, 6 et 7).

M. [X] a qualifié ce devis signé de montage, de ‘faux grossier’ et la facture de faux anti-daté.

Par acte du 19 juillet 2018, M. [X] a assigné M. [L] devant le tribunal d’instance de Beauvais aux fins de condamnation de M. [L] à lui payer diverses sommes.

Par un premier jugement du 24 juin 2019, le tribunal a désigné un expert en la personne de M. [B] [I].

La mesure d’expertise a été étendue deux fois par ordonnances. Le rapport a été déposé le 26 août 2021. L’expert a noté un « flou complet », a éclairci certains points mais a noté l’impossibilité de savoir ce qui avait été exactement convenu entre les parties.

D’après lui, M. [L] a produit un faux devis (le 3° devis daté du 18 juillet 2017) et M. [X] a produit au cours de l’expertise une fausse facture GEDIMAT d’achat de matériaux relatifs à l’édification du mur.

Au fond, M. [X] a sollicité :

-10 108,63 € au titre des travaux non terminés sur les deux devis du 18 juillet 2017 et ‘au titre d’ un trop perçu’ (non chiffré dans l’exposé des demandes par le jugement),

-4 000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral et de jouissance,

-5 000 € de frais irrépétibles.

De son côté, M. [L] a demandé :

-le rejet des demandes faites par M. [X],

-4 569,54 € au titre du solde de sa facturation pour la réalisation du mur d’entrée de la propriété,

-2 000 € pour ‘atteinte à la présomption d’ innocence’,

-1 000 € pour ‘résistance abusive’ de M. [X],

-1 000 € pour ‘procédure abusive’ de M. [X],

-1 000 € ‘pour exécution déloyale de la convention’,

-la condamnation de M. [X] aux dépens.

Par jugement du 17 janvier 2022, dont M. [X] a relevé appel, le tribunal judiciaire a :

-condamné M. [L] à payer à M. [T] [J] la somme de 5 720 € au titre des désordres et non-façons sur les travaux annoncés dans le premier devis du 18 juillet 2017, conformément à la proposition de l’expert,

-débouté M. [X] de sa demande au titre d’un trop versé de 288,28 €,

-débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et de jouissance (4 000 €), non étayé,

-condamné M. [X] à payer à M. [L] la somme de 297,90 € au titre du paiement du solde des travaux réalisés avec intérêts au taux légal à compter du 27 mai 2019,

-condamné M. [X] à payer la somme de 1 000 € au titre de sa résistance abusive, du fait de résistance à payer les travaux relatifs au mur notamment par la production au cours de l’expertise d’une fausse facture GEDIMAT d’achat de matériaux pour la construction de ce mur,

-ordonné la compensation des sommes,

-débouté M. [L] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts au titre de la violation de la présomption d’innocence, ‘de l’exécution déloyale de la convention’ et ‘de la procédure abusive’,

-condamné M. [L] et M. [X] aux dépens,

-condamné M. [X] aux frais d’expertise judiciaire,

-écarté la demande de M. [X] pour frais irrépétibles,

-ordonné l’exécution provisoire.

Par conclusions d’appelant du 15 avril 2022, M. [X] sollicite :

-la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné M. [L] à payer à M. [X] la somme de 5 720 € au titre des travaux de réparation (relatifs aux travaux prévus aux deux devis du 18 juillet 2017),

-l’infirmation du jugement :

– en ce qu’il l’a débouté :

– de sa demande relative à un trop perçu de 288,28 €,

-de sa demande de dommages et intérêts (4 000 €) pour préjudice moral et de jouissance,

-en ce qu’il l’a condamné à payer la somme de 297,90 € au titre du paiement du solde des travaux,

-condamné au partage des dépens et à l’intégralité des frais d’expertise.

Il demande la condamnation de M. [L] à lui payer la somme de 10 108,63 € correspondant d’une part à un trop perçu de 4 388,63 € et d’autre part au montant des désordres estimés par l’expert à la somme de 5 720 €.

Il conteste le jugement qui a suivi l’expert sur la construction du mur d’entrée de la propriété et qui a admis une créance de M. [L] pour un montant de 2 297,90 € TTC selon l’estimation faite par M. [I].

Ces conclusions ainsi que la déclaration d’appel ont été signifiées le 21 avril 2022, à domicile, à M. [L], lequel n’a pas constitué intimé devant la cour.

Faute de signification à personne, l’arrêt sera rendu par défaut.

L’instruction a été clôturée le 9 novembre 2022.

MOTIFS

M. [L], à défaut de comparaître en appel, est censé s’approprier les décisions du tribunal et les motifs du jugement qui lui sont favorables.

La compréhension du litige est sérieusement obscurcie par certaines imprécisions des parties, de l’expert et du jugement. Comme le relève celui-ci, M. [X] se contente de solliciter la somme de 10 108,63 € ‘au titre des désordres mis en évidence par l’expert judiciaire’ sans expliciter les fondements des diverses créances incluses dans cette somme globale, laquelle est la reprise d’ un décompte fort mal présenté par l’expert judiciaire page 31 de son rapport.

La cour doit reprendre le litige.

1. Confirmations.

Plusieurs points ne sont pas contestés par M. [X] en appel et conduisent la juridiction à confirmer le jugement en ce qu’il a :

-chiffré les malfaçons relatives au premier devis de création de l’allée en enrobé, stoppée avant la réalisation de l’enrobé par le sous-traitant envisagé, la Sarl Reynald Bienaimé, fond de forme de l’allée à refaire entièrement en amont et en aval du portail, dalle de l’abri jardin non exécutée, à la somme de 5 720 € (TTC).

-relevé que ni l’expert, ni les parties, ne remettaient en cause les travaux indiqués au 2° devis du 18 juillet 2017 concernant des travaux de stabilisation, fouille, etc. autour du portail, pour un montant de 1 400,80 € (TTC),

-confirmé le règlement par M. [X], en trois fois, d’une somme de 8 070 €,

-confirmé la production par M. [L] d’un faux devis et par M. [X] d’une fausse facture.

2. Sur la construction du mur.

C’est par des motifs pertinents que la cour s’approprie que le premier juge a écarté la sincérité du 3° devis écrit relatif à la réalisation d’un mur d’entrée, en amont du portail, conformément à la demande, reprise en appel, de M. [X].

Il n’en reste pas moins qu’au terme de ses investigations, examinant les photographies, les degrés de professionnalisme dans la réalisation (photographie page 26), des attestations, que l’expert a pu conclure à la véracité des affirmations de M. [L], selon lesquelles celui-ci avait participé, au vu et au su de M. [X], en collaborant avec lui, à la réalisation de ce mur.

Le jugement qui a repris ces éléments doit être confirmé.

En appel M. [X] reprend son argumentation centrée sur le seul caractère de faux du devis, ce qui n’a plus été contesté.

Le contrat d’entreprise n’est pas un contrat solennel.

En matière de contrat d’entreprise, le défaut d’indication du prix d’une prestation contractuelle ne fait pas obstacle à l’évaluation de celle-ci par les cours et tribunaux (voir la jurisprudence citée note 32 sous l’article 1787 du code civil Dalloz).

Le travail de M. [L], sur le fondement d’un accord verbal, voire sur le fondement de la gestion d’affaires, doit recevoir une rémunération, que l’expert a correctement chiffrée à la somme de 2 297,90 €.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a inclus ces sommes dans les créances de M. [L].

3. Sur le compte entre les parties au titre des travaux réalisés et des règlements effectués.

Le 1° devis, pour 6 380,95 € TTC, doit être amputé par compensation du montant des malfaçons et non-façons, soit une somme de 5 720 €, laissant une créance de 660, 95 € à M. [L].

Le deuxième devis engendre une créance de 1 400,80 € TTC au bénéfice de M. [L].

La participation de M. [L] à la réalisation du mur d’entrée lui ouvre une créance de 2 297,90 €.

Soit 4 359,65 € au crédit de M. [L].

M. [X] a réglé 8 070 €.

Il s’ensuit qu’ il est fondé à réclamer, après compensations, une somme de 3 710,35 € et non une somme de 10 108,63 €.

4. Sur le préjudice moral et le préjudice de jouissance de M. [X].

Certes, la rupture des relations entre les parties a interrompu la réalisation de l’allée d’enrobé et ce jusqu’au dépôt du rapport d’expertise en juillet 2021, à partir duquel M. [X] ne prenait plus de risque en faisant réaliser les travaux par un tiers, soit, de novembre 2017 à juillet 2021, près de 4 ans.

Cet inconfort mérite une certaine indemnisation à hauteur du préjudice subi.

Toutefois, la complexité des relations entre les parties, où les non-dits et les torts sont manifestement partagés, ne saurait faire imputer la totalité de la réalité de ce préjudice à M. [L].

Il sera alloué une somme de 1 000 € à ce titre à M. [X].

Il n’est pas justifié d’ un préjudice spécifiquement moral.

5. Sur les autres demandes de dommages et intérêts.

M. [L], non comparant, ne reprend pas ses demandes de dommages et intérêts formées en première instance sur lesquelles le tribunal lui a alloué la seule somme de 1 000 € au titre de d’une résistance abusive de M. [X] à payer les travaux relatifs au mur d’entrée.

‘M. [T] [X], qui ‘conteste énergiquement’ le fait que M. [C] [L] ait édifié le mur litigieux jusqu’à produire à l’expert judiciaire une facture dont il a été démontré ci-dessus la fausseté, a agit de manière déloyale. Il a ainsi commis un abus dans le refus de payer la prestation réalisée par M. [C] [L]’ (page 5).

M. [X], qui sollicite l’infirmation de ce chef du jugement reste totalement taisant sur ce point.

La motivation du tribunal est exacte.

Il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

6. Sur les dépens et les frais d’expertise.

Au regard des décisions prises ci-dessus, il y a lieu de confirmer le jugement qui a partagé les dépens de première instance et de l’infirmer en ce qu’il a mis la totalité des frais d’expertise à la charge de M. [X], lesquels seront également partagés par moitié.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par défaut,

Confirme le jugement rendu le 17 janvier 2022 en ce qu’il a :

-chiffré les malfaçons et non-façons relatives au premier devis de création de l’allée en enrobé et d’une dalle pour un abri jardin, à la somme de 5 720 € (TTC),

-relevé que ni l’expert, ni les parties, ne remettaient en cause les travaux indiqués au 2° devis du 18 juillet 2017 concernant des travaux de stabilisation, fouille, etc. autour du portail, pour un montant de 1 400,80 € (TTC),

-confirmé le règlement par M. [X], en trois fois, d’une somme de 8 070 €,

-confirmé la production par M. [L] d’un faux devis et par M. [X] d’une fausse facture,

-jugé que le travail de M. [L] pour la réalisation du mur d’entrée devait recevoir une rémunération à hauteur de la somme de 2 297,90 €,

-partagé les dépens,

L’infirme pour le surplus et statue à nouveau sur l’ensemble des condamnations à prononcer,

Condamne M. [C] [L] à payer à M. [T] [X] la somme de 3 710,35 € après compensation et comptes faits entre les parties au titre des travaux réalisés par M. [L] et des règlements faits par M. [X],

Rejette toute autre demande à ce titre,

Condamne M. [C] [L] à payer à M. [T] [X] la somme de 1 000 € au titre d’un préjudice de jouissance,

Condamne M. [T] [X] à payer à M. [C] [L] la somme de 1 000 € au titre d’ une résistance abusive,

Condamne M. [T] [X] aux dépens de première instance y compris les frais d’expertise,

Condamne M. [L] aux dépens d’appel,

Rejette la demande faite par M. [X] au titre des frais irrépétibles en appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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