Présomption d’innocence : 15 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/19643

·

·

Présomption d’innocence : 15 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/19643
Ce point juridique est utile ?

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 15 JUIN 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/19643 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGXKD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2022 -Président du TJ de PARIS – RG n° 21/52880

APPELANT

M. [B] [T]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assisté à l’audience par Me Victor STEINBERG-COULAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : E0596

INTIMEE

LA VILLE DE [Localité 4], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 4], Mme [I] [H], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée et assistée par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Mai 2023, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l’article 804, 805 et 905 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*******

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 18 mars 2021, la Ville de [Localité 4] a fait assigner M. [T] devant le président du tribunal judiciaire de Paris, saisi selon la procédure accélérée au fond, aux fins de le voir condamner au paiement d’amendes civiles sur le fondement des articles L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation et L. 324-1-1 V du code du tourisme, concernant un appartement situé [Adresse 1] à [Localité 5] (bâtiment A, 5ème étage, porte 1, lot 19).

M. [T] a sollicité la transmission à la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de l’article L. 324-1-1 IV et V du code du tourisme au principe de légalité des délits et des peines, à la présomption d’innocence et au droit de se taire, garantis par les articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789.

Le 29 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris a transmis la question à la Cour de cassation et sursis à statuer dans l’attente de la décision.

Par une décision du 26 janvier 2022, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu de transmettre la question posée au Conseil constitutionnel.

L’affaire a été rétablie devant le tribunal judiciaire.

La Ville de [Localité 4] a demandé :

A titre principal,

condamner M. [T] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 4] conformément aux dispositions de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation,

A titre subsidiaire,

condamner M. [T] à une amende civile de 10.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 4] conformément aux dispositions de l’article L. 324-2-1 du code du tourisme,

En tout état de cause,

condamner M. [T] à payer une amende civile de 10.000 euros conformément à l’article L. 324-1-1 V du code du tourisme et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 4],

ordonner le retour à l’habitation de l’appartement situé dans le bâtiment A, 5ème étage, porte 1 de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 6] (constituant le lot 19) transformé sans autorisation, sous astreinte de 2.200 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au tribunal de fixer,

se réserver la liquidation de l’astreinte,

le débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

condamner M. [T] au paiement de la somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner M. [T] au paiement des entiers dépens.

M. [T] a conclu au débouté et sollicité la condamnation de la demanderesse aux dépens et à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement 9 novembre 2022, rendu selon la procédure accélérée au fond, le tribunal judiciaire de Paris a :

– condamné M. [T] au paiement d’une amende civile de 45.000 euros, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 4] ;

– ordonné le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 1] à [Localité 5] (bâtiment A, 5ème étage, porte 1, lot 19), appartenant à M. [T], sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision à M. [T], pour une durée maximale de douze mois ;

– dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte ;

– condamné M. [T] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 4] ;

– condamné M. [T] à payer à la Ville de [Localité 4] la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [T] aux dépens.

Par déclaration du 22 novembre 2022, M. [T] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 14 février 2023, il demande à la cour, de :

A titre principal,

– dire et juger que l’appartement situé [Adresse 1] à [Localité 5] (bâtiment A, 5ème étage, porte 1, lot 19) est la résidence principale de M. [T] de sorte qu’il n’a fait l’objet d’aucun changement d’usage illicite ;

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 9 novembre 2022 en ce qu’il a condamné M. [T] au paiement d’une amende civile de 45.000 euros ;

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 9 novembre 2022 en ce qu’il a ordonné le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 1] à [Localité 5] (bâtiment A, 5ème étage, porte 1, lot 19), appartenant à M. [T], sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision à M. [T], pour une durée maximale de douze mois ;

A titre subsidiaire,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 9 novembre 2022 en ce qu’il a fixé à 45.000 euros le montant de l’amende civile prononcée contre M. [T] et fixer le montant de cette amende à la somme symbolique de 1 euro ;

En tout état de cause,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 9 novembre 2022 en ce qu’il a condamné M. [T] à payer à la Ville de [Localité 4] la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme ;

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 9 novembre 2022 en ce qu’il a condamné M. [T] à payer à la Ville de [Localité 4] la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

– débouter la Ville de [Localité 4] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

– exonérer M. [T] de toute condamnation ;

– condamner la Ville de [Localité 4] à verser à M. [T] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

M. [T] soutient en substance :

– que la preuve de l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 n’est pas rapportée par la Ville de [Localité 4] ;

– que le local litigieux constitue sa résidence principale comme l’attestent les nombreuses pièces qu’il produit et plusieurs témoignages ;

– que le seuil des 120 jours n’a été dépassé qu’en 2019, pour des motifs professionnels ;

– que le quantum de l’amende doit être réduit pour défaut d’enrichissement personnel, les sommes perçues lui ayant permis d’assumer les importantes charges financières que représente un tel logement ;

– qu’il n’y a pas eu violation de l’article L.324-1-1 IV et V du code de tourisme, la demande de la Ville ayant excédé le périmètre de ce texte en sollicitant d’autres éléments que le nombre de jours de location du meublé, M. [T] ayant en outre fait preuve de bonne foi en communiquant plusieurs documents et en sollicitant un délai supplémentaire pour en fournir d’autres.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 16 janvier 2023, la Ville de [Localité 4], demande à la cour, de :

– statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel de M. [T] ;

– juger la Ville de [Localité 4] recevable en son appel incident et en ses conclusions et l’y en juger bien fondée ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

condamné M. [T] au paiement d’une amende civile, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 4],

ordonné le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 1] à [Localité 5] (bâtiment A, 5ème étage, porte 1, lot 19), appartenant à M. [T], sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision à M. [T], pour une durée maximale de douze mois ;

dit n’y avoir lieu de se réserver la liquidation de l’astreinte,

condamné M. [T] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 4],

condamné M. [T] à payer à la Ville de [Localité 4] la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [T] aux dépens,

– infirmer le jugement en ce qu’il a fixé à 45.000 euros le quantum de l’amende devant être versé à M. [T] pour la violation des dispositions de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

Statuant de nouveau,

A titre principal,

– condamner M. [T] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 4] conformément aux dispositions de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation ;

A titre subsidiaire,

– juger que M. [T] a enfreint les dispositions de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme en offrant pendant plus de 120 jours par an et pour de courte durée l’appartement situé dans le bâtiment A, 5ème étage, porte 1 de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 5] (constituant le lot 19) ;

– condamner M. [T] à une amende civile de 10.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 4] conformément aux dispositions de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme ;

Et y ajoutant,

– débouter M. [T] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– le condamner à verser à la Ville de [Localité 4] une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

La Ville de [Localité 4] soutient en substance :

– qu’elle démontre que le local est à usage d’habitation au 1er janvier 1970 ;

– que ce local ne constitue pas la résidence principale de M. [T], les pièces produites par l’appelant ne l’établissant pas, et a fait l’objet de locations de courte durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, l’appelant ayant ainsi enfreint les dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation en changeant l’usage du bien sans autorisation préalable ;

– que l’amende prononcée à hauteur de 45.000 euros soit être portée à 50.000 euros pour être dissuasive ;

– que s’il était considéré que le local constituait la résidence principale de M.[T], sa mise en location de courte durée excède la limitation à 120 jours de location par année civile telle qu’exigée par l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme ;

– que M. [T], qui a enregistré le bien comme étant sa résidence principale, a contrevenu aux obligations résultant de l’article L. 324-1-1 IV du code du tourisme en ne transmettant que partiellement le nombre de jours de location de son bien.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l’infraction principale de changement d’usage sans autorisation

Sur le rappel des textes applicables, il convient de se référer à la décision de première instance qui en a fait un exposé exhaustif, la cour rappelant simplement :

– qu’en application des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation et conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à la ville de [Localité 4] d’établir :

– l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

– un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ;

– que selon l’article L. 631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation, ‘[…] Lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986, l’autorisation de changement d’usage prévue à l’article L.631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n’est pas nécessaire pour le loueur pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.’ ;

– que selon l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la consommation et de l’habitation.

En l’espèce, M. [T] conteste l’infraction dans ses deux conditions, soutenant :

– à titre principal, que la preuve de l’usage d’habitation du bien au 1er janvier 1970 n’est pas faite par la Ville de [Localité 4] ,

– à titre subsidiaire, qu’il démontre que le bien constitue sa résidence principale.

Sur l’usage d’habitation

La preuve de l’usage d’habitation du bien au 1er janvier 1970, qui n’était pas discuté en première instance, est en tout état de cause établi par la Ville de [Localité 4] par la production des documents suivants :

– les calepins de propriété bâtie desquels il résulte que le logement considéré relevait d’une taxe d’habitation de 1965 à 1974 ;

– la déclaration modèle R, établie le 15 janvier 1971, qui décrit le 5ème étage de l’immeuble comme étant un ‘logement ou appartement’, occupé par M. [V] ;

– le règlement de copropriété , enregistré le 8 août 1949, qui décrit l’immeuble comme étant à usage d’habitation s’agissant des étages, notamment le 5ème, qui comprend ‘entrée, salle à manger, grand salon donnant sur l’avenue, deux chambres sur cour, salle de bains, water-closet, chambre en aile, cuisine, petit office, deuxième petit office au fond du couloir, couloir de dégagement, water-closet dans l’escalier de service’ ;

– un extrait de l’annuaire téléphonique des années 1968 et 1970, duquel il ressort que M. [V] est titulaire d’une ligne téléphonique dans l’appartement en cause.

Le relevé de propriété, la fiche cadastrale et un avis de taxe d’habitation 2020 confirment que le bien a conservé son usage d’habitation.

La première condition de l’infraction est ainsi remplie. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la résidence principale

Si M. [T] produit des factures, notamment de charges qui sont libellées à l’adresse du bien en cause, des avis d’imposition et des témoignages selon lesquels il aurait fait du 4 avenue du Président Wilson sa résidence principale, la domiciliation sur les factures n’est significative que de la qualité de propriétaire de M. [T], et les documents fiscaux et attestations sont purement déclaratifs comme l’a relevé le premier juge, alors par ailleurs qu’il n’est pas contesté et qu’il résulte d’un abonnement téléphonique et internet que M. [T] a une adresse à Ixelles en Belgique.

Surtout, le caractère de résidence principale du [Adresse 1] , au sens de l’article 2 de la loi susvisée du 6 juillet 1989, se trouve démenti, d’une part par le contrat de location de locaux meublés que M. [T] a conclu avec la société OscarBNB sur cet appartement, à effet du 1er août 2017 jusqu’au 9 décembre 2022 pour un loyer mensuel de 6.000 euros, société présentée par M. [T] comme étant une société de conciergerie active dans le domaine de la location meublée touristique, d’autre part et surtout, par les relevés du nombre de locations de courte durée qui ont été transmis par les sites Airbnb et Booking.com à la Ville de [Localité 4] les 3 janvier 2020, 10 janvier 2021 et 29 avril 2021, desquels il résulte que sur l’année 2019 le bien a été loué 202 nuitées à une clientèle de passage et que sur l’année 2020 il a été loué 140 nuitées, en sorte que les 120 jours ont été largement dépassés contrairement à ce que soutient M. [T], au-delà desquels le bien ne peut plus être considéré comme étant la résidence principale du loueur.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a conclu que le logement ne constituait pas la résidence principale de M. [T].

Sur l’infraction de changement d’usage sans autorisation et le montant de l’amende

Il n’est pas contesté que M. [T] a loué le bien considéré pour de courtes durées à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, l’appelant opposant seulement avoir réalisé ces locations dans la limite de 120 jours par an, ce qui est démenti par les éléments précédemment exposés.

Comme relevé par le premier juge, il ressort des constats dressés par l’agent assermenté de la Ville de [Localité 4] les 13 janvier 2021, 30 juin 2021 et 7 juillet 2022 et des relevés transmis par les sites Airbnb et Booking.com que le bien été proposé à la location de courte durée pour une période s’étendant à minima du 23 novembre 2018 au mois de juin 2022 ; qu’ainsi le bien était encore loué irrégulièrement après la mise en demeure adressée par la Ville à M. [T] le 8 octobre 2020 et après l’assignation qui lui a été délivrée le 18 mars 2021 ; qu’aucun élément n’est venu établir en première instance et vient davantage établir en appel que le bien aurait été rendu à la location classique, la résiliation du contrat conclu avec la société OscarBNB, au demeurant unilatéralement formalisée par M. [T] en tant que propriétaire du bien et gérant de la société OscarBNB, ne suffisant pas à l’établir ; que si M. [T] expose certes des charges importantes pour ce type d’appartement vu sa surface (164 m²) et sa situation géographique (à proximité de la tour Eiffel), les gains qu’il a tirés de la location illicite sont très conséquents , le logement étant loué en moyenne 1.100 euros par nuit comme constaté par le contrôleur de la Ville, et largement supérieurs aux gains qui auraient été tirés d’une location classique, alors en outre que le prix de la compensation que M. [T] aurait dû acquitter pour obtenir une autorisation de changement d’usage se serait élevé à 328.000 euros.

Compte tenu de ces données, en l’absence d’éléments en faveur de la bonne foi du contrevenant et au regard de l’objectif d’intérêt général de la réglementation, qui est de lutter contre la pénurie de logements offerts à la location classique à [Localité 4], la Ville est fondée à voir fixer l’amende à son montant maximum de 50.000 euros, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné le retour à l’habitation sous astreinte.

Sur l’infraction aux dispositions de l’article L.324-1-1 IV et V du code du tourisme

L’article L. 324-1-1 du code du tourisme dispose notamment que :

II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme.

La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

IV.-Dans les communes ayant mis en ‘uvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La commune peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d’un mois, en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration.

V.- Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 5.000 euros.

Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 10.000 euros.

En l’espèce, s’agissant de l’infraction aux dispositions de l’article L.324-1-1 IV du code du tourisme, à savoir le défaut de transmission relative au nombre de jours loués, il sera relevé que l’obligation de transmission de l’article L.324-1-1 IV alinéa 2 du code du tourisme ne peut concerner que les locations visés à l’article L.324-1-1 IV alinéa premier, à savoir les locations d’un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale, étant rappelé :

– que les textes relatifs à une infraction civile, pouvant conduire au prononcé d’une amende, doivent s’interpréter strictement ;

– que l’article L. 324-1-1 IV, constitué de deux alinéas, doit s’analyser en son ensemble ;

– que la transmission du nombre de jours vise à établir si la limite des 120 jours a été dépassée, de sorte que cette disposition concerne bien logiquement les résidences principales, astreintes à cette limite.

Le logement en cause n’est pas ici la résidence principale de l’appelant, comme il a été jugé ci-avant.

Les conditions pour prononcer une amende en application de l’article L.324-1-1 IV du code du tourisme ne sont donc pas remplies.

Est par suite sans objet le moyen soulevé par M [T] tiré du respect du périmètre de la demande de communication qui lui a été adressée par la Ville de [Localité 4].

L’ordonnance entreprise sera infirmée de ce chef et la Ville de [Localité 4] déboutée de sa demande d’amende civile à ce titre.

Sur les mesures accessoires

Le tribunal a justement réglé le sort des dépens et frais de première instance.

Perdant partiellement en appel, M. [T] sera condamné aux entiers dépens de cette instance et à payer à la Ville de [Localité 4] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris sur le quantum de l’amende prononcée au titre de l’infraction principale, et en ce qu’il a prononcé une amende au titre de l’infraction aux dispositions de l’article L.324-1-1 IV et V du code du tourisme,

Le confirme pour le surplus, sauf à actualiser le point de départ de l’astreinte assortissant l’obligation de retour à l’habitation,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne M. [T] à payer au profit de la Ville de [Localité 4] une amende civile de 50.000 euros au titre de l’infraction principale,

Déboute la Ville de [Localité 4] de sa demande en paiement d’une amende civile au titre de l’infraction aux dispositions de l’article L.324-1-1 IV et V du code du tourisme,

Dit que l’astreinte provisoire de 800 euros assortissant l’obligation de retour à l’habitation courra à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt,

Y ajoutant,

Condamne M. [T] aux entiers dépens de l’instance d’appel,

Le condamne à payer à la Ville de [Localité 4] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x