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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-9
ARRÊT AU FOND
DU 13 AVRIL 2023
N° 2023/324
Rôle N° RG 22/01205 N° Portalis DBVB-V-B7G-BIYCV
[L] [M]
C/
[K] [B] épouse [N]
[D] [N]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Béatrice ZAVARRO
Me Agnès ERMENEUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l’exécution de Marseille en date du 13 Janvier 2022 enregistré au répertoire général sous le n° 21/05500.
APPELANT
Monsieur [L] [M]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 8] (08)
de nationalité Française,
demeurant chez son avocat, Me B. ZAVARRO, [Adresse 5]
représenté et plaidant par Me Béatrice ZAVARRO de la SELARL B. ZAVARRO – SELURL, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Madame [K] [B] épouse [N]
agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentante légal de son fils mineur, [W] [N], né le [Date naissance 6] 2006 à [Localité 9],
née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 10], (06),
demeurant [Adresse 3]
Monsieur [D] [N]
agissant en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal de son fils mineur, [W] [N], né le [Date naissance 6] 2006 à [Localité 9],
né le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 7], (13),
demeurant [Adresse 3]
Tous deux représentés par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistés de Me Pascal CERMOLACCE de la SELARL CABINET CERMOLACCE-GUEDON, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 01 Mars 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Evelyne THOMASSIN, Président
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2023,
Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES
Au titre de l’exécution d’une ordonnance sur requête du 9 avril 2021 du juge de l’exécution de Marseille, monsieur et madame [N], agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fils, [W], faisaient pratiquer, le 20 avril 2021, entre les mains de Maître [Z] [V], notaire à [Localité 11], une saisie conservatoire des sommes détenues pour le compte de monsieur [L] [M] aux fins de garantie de paiement des sommes de 8 000 € pour chacun des parents et 30 000 € pour leur fils. Le 26 avril 2021, la saisie précitée était dénoncée à monsieur [M].
Le 26 mai 2021, monsieur [M] faisait assigner les époux [N] en qualité de représentants légaux de leur fils, [W], devant le juge de l’exécution de Marseille aux fins de rétractation de l’ordonnance du 9 avril 2021 et de condamnation à lui payer une indemnité de 2 000 € au titre de ses frais irrépétibles.
Par jugement du 13 janvier 2022, le juge de l’exécution de Marseille rejetait la demande de rétractation et condamnait monsieur [M] à payer aux époux [N] une indemnité de 1 000 € au titre de leurs frais irrépétibles ainsi que les entiers dépens.
Le premier juge retenait qu’il résulte de la mise en examen de monsieur [M] pour des faits de tentative de viol incestueux et d’agression sexuelle incestueuse sur mineur de 15 ans, pour lesquels les époux [N] sont constitués parties civiles, des indices de participation aux faits précités de nature, en cas de déclaration de culpabilité, à l’obliger à réparer les préjudices causés aux victimes. Il affirmait que la mise en oeuvre d’une saisie conservatoire ne préjugeait pas de la culpabilité de monsieur [M] mais assurait la sauvegarde des intérêts pécuniaires des époux [N], lesquels justifiaient d’une créance paraissant fondée en son principe. Par ailleurs, il considérait que le montant de la retraite mensuelle de monsieur [M] dix fois inférieur à celui de la créance garantie et grevé de charges courantes, l’absence de justificatif d’un patrimoine immobilier ou mobilier disponible pour assumer une potentielle dette indemnitaire représentaient un risque de non recouvrement des éventuelles indemnités allouées.
Par déclaration reçue le 26 janvier 2022 au greffe de la cour d’appel, monsieur [M] formait appel du jugement précité.
Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, monsieur [M] demande à la cour de :
– réformer le jugement déféré,
– en conséquence, rétracter l’ordonnance du 9 avril 2021 portant saisie conservatoire de créances,
– débouter les consorts [N] de leurs demandes, fins et conclusions,
– condamner les consorts [N] au paiement d’une indemnité de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Il soutient qu’une créance paraissant fondée en son principe signifie qu’elle doit être suffisamment assurée pour que le juge du fond soit amené à la reconnaître et affirme selon les termes d’un arrêt du 22 février 2012 de la chambre criminelle de la Cour de cassation que la mise en mouvement de l’action publique par une constitution de partie civile devant le juge d’instruction ne suffit pas à rendre la créance fondée en son principe, aussi longtemps que l’instruction n’a pas établi les faits.
Il conteste l’existence d’un péril dans le recouvrement de la créance dont les intimés ont la charge de la preuve. Il conteste tout risque d’insolvabilité en l’état de ressources constituées par une pension de retraite Edf d’un montant qu’il qualifie de très confortable.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 25 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, les époux [N] demandent à la cour de :
– confirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
– débouter monsieur [M] de toutes ses demandes,
– condamner monsieur [M] au paiement d’une indemnité de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Ils rappellent devoir seulement établir une apparence de créance laquelle est caractérisée par la mise en examen de monsieur [M], détenu provisoirement puis placé sous contrôle judiciaire, pour des faits de tentative de viol incestueux commis les 15 février et 2 mars 2019 et du 1er septembre au 31 décembre 2019 ainsi que d’agression sexuelle incestueuse du 1er septembre 2018 au 31 octobre 2019, sur la personne de [W] [N], mineur de moins de 15 ans, et le montant des indemnisations habituellement allouées à des victimes de tels faits.
Ils rappellent que la présomption d’innocence, règle de procédure pénale, ne fait pas obstacle à ce qu’un créancier, pour assurer la sauvegarde de ses intérêts pécuniaires, puisse, s’il dispose d’une telle créance, prendre, comme tout autre créancier, des mesures purement conservatoires qui ne supposent pas l’existence d’un principe certain de créance.
Par ailleurs, ils soutiennent que le montant de la pension de retraite mensuelle de monsieur [M] ne suffit pas, en l’absence d’autres éléments de patrimoine, à établir sa capacité financière à réparer leurs préjudices, et permet de caractériser une menace de non-recouvrement de leur créance indemnitaire.
L’instruction de l’affaire était close par ordonnance du 15 novembre 2022.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
L’article L 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, dispose que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.
Les époux [N] sont tenus de rapporter la preuve de l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe et d’une menace affectant le recouvrement de cette créance.
– Sur l’existence d’une créance paraissant fondée en son principe,
L’existence d’une créance paraissant fondée en son principe suffit pour autoriser une saisie conservatoire et cette apparence peut résulter d’indices concordants.
L’article L 511-1 précité ne limite pas la saisie conservatoire aux créances d’origine contractuelle de sorte qu’elle peut avoir pour objet une créance d’origine délictuelle dont le principe et l’étendue n’auraient pas encore été constatés par une décision juridictionnelle.
Enfin, la décision du juge de l’exécution n’a qu’un effet provisoire et ne s’impose pas au juge pénal de sorte qu’elle ne heurte pas le principe du respect de la présomption d’innocence.
En l’espèce, les époux [N] justifient de la mise en examen de monsieur [M] par un juge d’instruction de Marseille pour des faits, de tentative de viol incestueux commis sur un mineur, [W] [N], du 15 février au 2 mars 2019 et du 1er septembre au 31 décembre 2019, et d’atteinte sexuelle sur mineur de 15 ans du 1er septembre 2018 au 31 octobre 2019.
Il n’est pas contesté que les époux [N] se sont constitués parties civiles en leur propre nom et en qualité de représentants légaux de leur fils, [W].
La mise en examen de monsieur [M] résulte de l’existence d’indices graves et concordants de participation aux faits précités. Sa responsabilité délictuelle sera, en cas de déclaration de culpabilité par la juridiction de jugement, mise en oeuvre pour réparer les préjudices subis par [W] [N] et ses parents.
Ainsi, les intimés disposent d’une créance paraissant fondée en son principe à l’égard de monsieur [M] dont la présomption d’innocence, règle de procédure pénale sans incidence sur les pouvoirs du juge de l’exécution, ne fait pas obstacle à ce que les premiers puissent, comme tout autre créancier, prendre une mesure conservatoire pour sauvegarder leurs intérêts pécuniaires.
Le montant de la créance des époux [N] paraissant fondé en son principe, il peut être évalué en se référant à celui des indemnisations habituellement allouées par les juridictions pénales pour des faits de même nature, à un montant de 8 000 € pour chacun d’eux et de 30000€ en qualité de représentants légaux de leur fils, [W]. (cf consultation cabinet Allegrini du 10 décembre 2019 ).
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a admis l’existence d’une créance des époux [N] paraissant fondée en son principe d’un montant cumulé évalué à 46 000 €.
– Sur l’existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance,
Les époux [N] établissent que le montant de la pension de retraite mensuelle de monsieur [M] de 4 000 €, selon bulletin de pension de mai 2021, est insuffisant à lui seul pour lui conférer la capacité financière d’assurer, à première demande ou en tout cas rapidement, le paiement des créances à garantir, alors qu’un créancier n’est pas tenu d’accepter un paiement longuement échelonné de sa créance.
De plus, ils invoquent à juste titre une réduction de son revenu disponible par le montant incontournable de ses charges courantes ( impôt, hébergement, assurances..) non justifiées par l’appelant en leur montant exact.
Enfin, ils constatent que monsieur [M] n’est pas propriétaire de bien immobilier ou d’une épargne disponible, de nature à garantir le paiement d’une créance évaluée provisoirement à 46 000 €.
Ainsi, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a retenu l’existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance.
En définitive, le jugement déféré sera confirmé dans toutes ses dispositions.
– Sur les demandes accessoires,
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [M], partie perdante, supportera les dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après débat en audience publique et après en avoir délibéré, conformément à la loi, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement déféré dans toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE monsieur [L] [M] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE