Présomption d’innocence : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08874

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Présomption d’innocence : 12 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/08874

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 12 JANVIER 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/08874 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFYSW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Avril 2022 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021044005

APPELANTE

Madame [T] [S] [R] épouse [U]

née le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 13] (CONGO BRAZAVILLE)

[Adresse 6]

[Localité 12]

Représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753, substitué par Me Dominique MUNIZAGA, avocat postulant et plaidant

INTIMES

Monsieur LE PROCUREUR GENERAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 5]

[Localité 11]

S.E.L.A.R.L. AXYME, en la personne de Me Didier COURTOUX

en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS BELGRAND IMMOBILIER

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représentée par Me Edouard TRICAUD de l’AARPI SAINT-LOUIS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 804 et suivants du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant :

Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Déborah CORICON, Conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de: Madame Sophie MOLLAT, Présidente

Madame Isabelle ROHART, Conseillère

Madame Déborah CORICON, Conseillère

GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats

MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Monsieur François VAISSETTE, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

– contradictoire

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière.

************

Exposé des faits et de la procédure

La SAS Belgrand Immobilier anciennement 3L Partners a été créée en avril 2006 et exerçait une activité d’administration de biens ou d’immeubles et principalement de syndic de copropriété.

Son gérant était Monsieur [M] [U].

Par jugement en date du 11.10.2018, la procédure ayant été ouverte sur assignation du syndicat des copropriétaires de la résidence Les Jardins d’Arcadie déposée le 8 juin 2018, le tribunal de commerce de PARIS a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné la SELARL Axyme en qualité de liquidateur.

La date de cessation des paiements a été fixée au 24.07.2017.

Par requête en date du 3.09.2021 le ministère public a saisi le tribunal de commerce pour voir prononcer une sanction à l’encontre de Monsieur [U] en sa qualité de gérant de droit au titre des fautes commises par lui dans le cadre de sa gestion.

Par requête en date du 28.09.2021 le ministère public a saisi le tribunal de commerce pour voir dire que Mme [T] [S] [R] épouse de Monsieur [U] était dirigeante de fait de la SAS Belgrand Immobilier et pour la voir également condamnée à une sanction personnelle.

Par jugement du 6.12.2021 le tribunal correctionnel de Paris, 11ème chambre, a condamné Monsieur [U], en qualité de gérant de droit, et Madame [T] [S] [R] épouse [U], en qualité de gérante fait après avoir caractérisé la qualité de gérante de fait, sous la prévention de :

– Escroquerie,

– Soustraction frauduleuse à l’établissement ou au paiement de l’ impôt: dissimulation de

sommes et fraude fiscale,

– Blanchiment : concours à une opération de placement, dissimulation, ou conversion du

produit d’un délit puni d’une peine n’excédant pas 5 ans,

– Abus des biens ou du crédit d’une société par actions par un dirigeant à des fins

personnelles,

– Abus de confiance par personne recouvrant des fonds ou des valeurs pour le compte de

tiers,

– Faux : Altération frauduleuse de la vérité dans un écrit,

– Banqueroute : tenue d’une comptabilité incomplète ou irrégulière,

– Usage de faux en écriture,

chacun à une peine de 4 ans dont deux ans assorti du sursis probatoire pendant une durée d’épreuve de 3 ans avec exécution provisoire et une interdiction définitive d’exercer la fonction de syndic et d’exercer toute profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société.

Le tribunal a également prononcé la confiscation de plusieurs biens mobiliers et immobiliers appartenant aux époux.

Par jugement en date du 5.04.2022 le tribunal de commerce a prononcé la faillite personnelle de Monsieur [M] [U] et a fixé la durée de cette mesure à 15 ans.

Monsieur [U] a formé appel par une procédure séparée.

Par jugement en date du 5.04.2022 le tribunal de commerce a retenu que Mme [U] était dirigeante de fait de la société et a prononcé à son encontre une faillite personnelle d’une durée de 15 ans.

Il a retenu:

– un montant d’insuffisance d’actif retraité à la somme de 1.499.752 euros, hors garantie financière d’AXA, hors créances des syndicats de copropriété non fixées définitivement et hors créances contestés.

– que Mme [U] devait être qualifiée de gérante de fait au regard de l’enquête pénale confiée à la BRDE rapportée dans le jugement correctionnel du 6 décembre 2021 de la 11ème chambre correctionnelle qui établissait qu’elle avait exercé des actes positifs de gestion et de direction, qu’elle avait le pouvoir d’agir au nom de la société 3L Partners et d’engager la société et qu’elle s’est comportée comme une dirigeante de fait

– et au titre des griefs:

*une comptabilité incomplète, une absence de comptabilité et une comptabilité irrégulière

* un détournement d’actif et une augmentation frauduleuse du passif.

Le grief d’absence de déclaration de cessation des paiements, qui était établi, n’a pas été retenu car ne pouvant donner lieu qu’au prononcé d’une interdiction de gérer.

Madame [U] a formé appel par déclaration d’appel du 3.05.2022.

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 26.10.2022 Madame [T] [S] [R] épouse [U] demande à la cour de:

Déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par Madame [T] [U],

Y faisant droit,

Réformer le jugement entre pris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

Vu l’article L.653-1 du Code de commerce,

Déclarer irrecevable comme prescrite l’action engagée par le Ministère public,

Subsidiairement,

Dire et juger que Madame [U] n’a pas la qualité de dirigeante de fait,

Dire n’y avoir lieu de prononcer une sanction à l’encontre de Madame [U],

Débouter le Ministère public et la SELARL Axyme, prise en la personne de Maître [Z] [C], ès qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société BELGRAND IMMOBILIER, de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

Condamner le Trésor public à payer à Madame [U] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner le Trésor public aux dépens.

Dans son avis signifié le 7.07.2022 le ministère public invite la cour à confirmer la décision du 5.04.2022 concernant Madame [U].

Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 26.07.2022, la SELARL Axyme demande à la cour de:

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5.04.2022 par le tribunal de commerce de PARIS

– en conséquence de condamner Madame [U] à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription de l’action du ministère public concernant Mme [U]

Madame [U] soutient que l’action du ministère public est prescrite car il s’est écoulé plus de trois ans entre la liquidation prononcée le 11.10.2018 et l’assignation en sanction délivrée le 12.10.2021.

En réponse à l’avis du ministère public elle indique que, contrairement à ce que celui ci affirme, l’acte interruptif de prescription est l’assignation à comparaitre devant le tribunal et non le dépôt de la requête du parquet au greffe.

Le ministère public expose que sa requête a été déposé au greffe du tribunal de commerce le 5.10.2018, qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le dépôt de la requête du parquet au greffe constitue l’un des modes de saisine du tribunal aux fins de prononcé d’une sanction personnelle, que s’agissant d’une demande en justice il constitue un acte interruptif de prescription au sens de l’article 2241 du code civil, que cet article n’exige pas que l’acte interruptif de prescription soit porté à la connaissance du débiteur dans le délai de la prescription, qu’il importe donc peu que Mme [U] n’ait été ensuite assignée que le 12.10.2018.

Axyme indique qu’il a été jugé que la requête déposée par le ministère public pour demander une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer interrompt la prescription.

Sur ce

L’article 2241 du code civil dispose dans son premier alinéa que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

La requête déposée par le ministère public au greffe du tribunal de commerce pour voir prononcer une mesure de faillite personnelle à l’encontre du dirigeant de fait, constitue une demande en justice.

Il résulte de la jurisprudence que l’article 2241 du code civil n’exige pas que l’acte interruptif de prescription soit porté à la connaissance du débiteur dans le délai de prescription mais qu’il suffit, pour que la prescription soit interrompue, que la requête soit déposée au greffe du tribunal.

En l’espèce il n’est pas contesté que la requête du ministère pubblic a été déposée au greffe du tribunal de commerce avant l’expiration du délai de prescription.

Il s’ensuit que le moyen tiré de la prescription de l’action en responsabilité engagée par le ministère public n’est pas fondé.

Sur la gérance de fait de Mme [U]

Madame [U] conteste avoir eu la qualité de dirigeante de fait et indique qu’elle n’a aucun mandat social et avait la simple qualité de salariée de la société 3L Partners HOLDING et non de la SAS Belgrand Immobilier, qu’elle occupait le poste de directrice des ressources humaines et travaillait au siège social de la holding à [Localité 15] et non à [Localité 14] siège social de la société Belgrand Immobilier.

Elle expose qu’elle n’exerçait aucune activité de syndic et ne faisait que de la gestion locative, qu’elle n’avait pas accès au compte bancaire des copropriétés, ne faisait pas de rapprochements bancaires et n’avait aucun contact avec la clientèle de copropriété, qu’elle ne s’occupait pas de la comptabilité de la société, qu’elle n’a jamais pris de décision relevant du pouvoir du représentant légal de la société, qu’elle n’ajamais dirigé, géré ou contrôlé la société Belgrand Immobilier.

Elle souligne qu’elle n’a pas été poursuivie au titre de la liquidation judiciaire de la holding par le procureur de la république du tribunal judiciaire de Pontoise.

S’agissant de la condamnation pénale prononcée par le tribunal correctionnel de Paris du 6 décembre 2021 elle précise avoir formé appel et rappelle qu’elle bénéficie de la présomption d’innocence exposant que l’enquête pénale est critiquable, qu’elle n’a pas été assistée d’un avocat lors de sa garde à vue, et qu’elle conteste les propos figurant dans les procès-verbax de police qui ne correspondent pas à ce qu’elle a déclaré.

Elle fait valoir qu’en mai 2016 elle a accouché de son quatrième enfant et que ses obligations familiales lui prenaient beaucoup de temps, qu’elle était donc matériellement dans l’impossibilité totale de s’occuper de la gestion et de la direction de la société, que c’est son époux avec l’aide d’un expert-comptable, d’un commissaire aux comptes, du garant financier AXA, du cabinet KPMG qui était mandaté pour auditer les comptes chaque année, qui dirigeait la société.

Le ministère public expose que l’enquête pénale a établi que Mme [U] a exercé des actes positifs de gestion et de direction et qu’elle avait le pouvoir d’agir au nom de la société et d’engager la société et qu’elle s’est comportée comme une dirigeante de fait avec tous les pouvoirs de direction, de décision et de contrôle, qu’en effet elle est décrite par les anciens experts comptables et le commissaire aux comptes comme leur interlocuteur privilégié et comme tenant la comptabilité, que M. [N] [A] ancien cogérant de la société 3L Partners avec [M] [U] depuis 2011 déclarait qu’elle gérait le personnel et intervenait dans les tâches des salariés gestionnaires, que M. [L] [P] [H] associé de l’entreprise de bâtiment la société [H] qui avait travaillé un an et demi avec la société 3L Partners rapportait qu’il avait toujours eu affaire à elle et que ‘c’est elle qui a tout foutu en l’air, elle ne pensait qu’à l’argent’, que par ailleurs Mme [U] avait procuration sur les comptes du syndicat des copropriétaires [J] depuis le 26 janvier 2016, que par mail du 6 mars 2014 adressé aux salariés de la société 3L Partners elle était présentée par [M] [U] comme membre de la direction, apparaissait dans l’organigramme de 3L Partners et AB Syndic et Gestion comme directrice adjointe et DRH, que de fait M. [M] [U] reconnaissait son rôle décisionnaire et ajoutait qu’elle était son bras droit, qu’elle même reconnaissait être en capacité de faire la comptabilité et avoir été l’interlocuteur des experts comptables, qu’elle admettait aussi avoir géré seule l’agence de [Localité 15], qu’elle précisait s’être occupée pour la société des assurances, comptes bancaires et de la paie, qu’elle reconnaissait avoir joué un rôle décisionnaire au sein de la société et avoir secondé son mari dès 2012 et mouvementé les comptes avec lui, qu’ainsi il apparaît qu’elle avait le pouvoir d’agir au nom de la société 3L Partners et les moyens d’exercer la gestion et d’engager la société, qu’elle avait accès aux moyens de paiements, avait procuration sur les comptes et disposait de la signature bancaire sur l’ensemble des comptes bancaires, et qu’elle a donc commis des actes de gestion et de direction en toute indépendance faisant d’elle la dirigeante de fait de la société 3L Partners devenue Belgrand Immobilier.

Axyme expose que l’enquête pénale a permis d’étabIir que Monsieur [U] était assisté de son épouse Madame [T] [S] [R] épouse [U] qui exerçait dans les faits un rôle de directrice adjointe, disposant de pouvoirs de gestion déterminants dans la conduite des missions de syndic

Sur ce

La jurisprudence a défini la notion de dirigeant de fait comme celui qui, en toute souveraineté et indépendance, exerce une activité positive de gestion et de direction.

Le jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris le 6 décembre 2021 décrit les éléments de l’enquête pénale permettant de retenir la qualification de dirigeant de fait de Mme [U] s’agissant de son rôle essentiel dans la gestion financière de la société liquidée.

Ainsi il est fait état des auditions des experts comptables et du commissaire aux comptes qui tous les trois indiquent que Mme [U] était leur interlocuteur privilégié mais en outre prenait des décisions concernant la gestion de la société. Or en qualité de directrice des resosurces humaines de la société liquidée l’appelante n’avait pas de pouvoir dans le domaine de la gestion comptable et financière de la société et n’avait pas à avoir de relations avec les experts comptables qui se sont succédés et le commissaire aux comptes.

A ce titre, Monsieur [X], l’expert comptable qui a démissionné par courrier du 19.07.2016 après avoir constaté d’importants détournements de fonds et des mouvements injustifiées sur les comptes de la société et avoir constaté que le comportement des dirigeants ne lui permettait plus de poursuivre sa mission, indique avoir eu comme interlocuteur principale [T] [S] [R] laquelle assurait le rôle de co-gérant et que celle ci lui avait spontanément indiqué avoir modifié les déclarations de TVA que le cabinet d’expertise comptable établissait pour le compte de la société. La réalité de déclarations sous dimensionnées de TVA est établie par la vérification fiscale qui a été opérée pour les exercices clos au 30.06.2015, au 30.06.2016 et au 30.06.2017 et qui a abouti, entre autres, à une rectification concernant t la TVA de 165.155 euros hors majoration, pénalités et intérêts.

L’expert comptable du cabinet Virtus, Monsieur [G], qui a succédé à Monsieur [X], explique que son interlocuteur privilégié était [T] [S] [R].

Monsieur [D], commissaire aux comptes de la société indique également que son interlocuteur priviligié était [T] [S] [R] qui, indique t-il, tenait la comptabilité et supervisait le comptable, enregistrait et règlait les factures et s’occupait des encaissements.

Ces déclarations sont confirmées par le fait que Madame [U] disposait de la signature bancaire sur l’ensemble des comptes bancaires des syndicats de copropriété ainsi que l’a constaté l’auditeur de KPMG dans son rapport des 29 et 30 novembre 2017 (page 34 du jugement pénal).

Ainsi l’enquête a permis d’établir que Madame [U] avait signé un chèque de 41.023 euros tiré sur le compte du syndicat des coproprétaires [J], qui a été crédité sur le compte du syndicat des copropriétaires [Adresse 9] alors que les deux copropriétés n’ont pas de relations contractuelles ou contentieuses expliquant ce transfert de fond. (Page 21 du jugement faisant référence aux fuillets 406-461, 458, 460 et suivants de la procédure d’enquête).

Elle a également permis d’établir que Mme [U] avait également signé un chèque tiré sur le compte du Syndicat des copropriétaires [Adresse 2]. (Page 21 du jugement)

Sans même faire état des déclarations de Mme [T] [S] [R] épouse [U] en garde à vue, que celle ci conteste, la preuve est rapportée que Mme [U] a effectué des actes positifs de gestion de la société liquidée, s’agissant en particulier de la modification des déclarations de TVA et de la gestion des comptes des syndicats de copropriétaires pour lesquels la société Belgrand Immobilier exerçait un mandat de syndic.

Il convient donc de retenir que Mme [U] a été gérante de fait de la société Belgrand Immobilier.

Sur les griefs

Madame [U] ne conclut pas sur les griefs.

sur la comptabilité

Le mandataire judiciaire expose qu’en dépit des demandes adressées par le liquidateur judiciaire de la SAS Belgrand Immobilier au dirigeant de droit, les documents comptables prévus à l’article L. 123-12 et suivants du Code de Commerce, à savoir : les journaux, grands livres bilans, comptes de résultat et annexes, n’ont pas été communiqués pour l’exercice 2017/2018, que par ailleurs, l’expert-comptable a répondu à la SELARL Axyme es qualité qui l’interrogeait sur l’état de la comptabilité et sur les pièces et documents comptables en sa possession que les comptes postérieurs à l’exercice 2017 n’avaient pas été établis faute d’éléments, que d’autre part, la comptabilité de la société a fait l’objet d’une vérification par l’Administration fiscale pour la période comprise entre le 01/07/2014 au 30/06/2017 qui a abouti à une proposition de rectification en date du 29/11/2018 démontrant le caractère irrégulier de la comptabilité.

Le ministère public expose concernant les époux [U] qu’en dépit des demandes adressées, ils n’ont pas remis au liquidateur l’intégra1ité des documents prévus par l’article L- 123-12 et suivant du code de commerce à savoir : les joumaux, grands livres, bilans, comptes de résultat et annexes pour l’exercice 2017/2018, qu’interrogé l’expert comptable a indiqué que les comptes postérieurs à l’exercice 2017 n’avaient pas été établis faute d’éléments, qu’il y a donc lieu de considérer que la comptabilité est incomplète, que d’autre part, la comptabilité de la société a fait l’objet d’une vérification par l’administration fiscale pour la période comprise entre le 01/07/2014 et le 30/06/2017 qui a abouti à une proposition de rectification fiscale en date du 29/ ll/2018, que les vérifications opérées sur les exercices 2015 au 30/02/2017 par l’inspecteur des impôts ont mis en évidence :

– une minoration de TVA collectée de 163.155€

– des frais kilométriques de M. [U] non justifiés passés en charges `

– un compte courant créditeur de M. [U] non justifié .

– des encaissements de fonds provenant de la copropriété [Adresse 3] pour un montant de 110.919 € non déclarés en produits,

qu’ainsi concernant ces exercices les dirigeants n’ont pu justifier d’une comptabilité régulière et à jour, qu’enfin ils ont été condamnés le 6 décembre 2021 notamment pour fraude fiscale et banqueroute par tenue d’une comptabilité incomplète ou irrégulière à 4 ans d’emprisonnement dont deux avec sursis probatoire.

Sur ce

L’article L 653-5 dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l’article L 653-1 contre laquelle a été relevé l’un des faits ci-après:

6° Avoir fait disparaitre des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

La liquidation judiciaire a été prononcée le 11.10.2018 et l’exercice ayant été clôturé le 30.06.2018 les documents comptables pour l’exercice 2017-2018 n’étaient pas encore établis. Il ne peut donc être reproché à Mme [U] de ne pas voir remis le compte de résultat et le bilan pour l’exercice 2017-2018. Cependant la comptabilité se tenant quotidiennement par la passation des écritures, les grands livres et journaux de l’exercice auraient du être tenus et remis au mandataire judiciaire, alors qu’ils ne l’ont pas été.

Cette absence de remise caractèrise le grief d’absence de tenue de comptabilité.

Pour les exercices précédents la comptabilité a été établie pour chaque exercice et remise au liquidateur.

Elle a été également remise à l’administration fiscale lors des opérations de vérification.

Cependant les opérations de vérification réalisées ont démontré que la comptabilité pour les exercices clos le 30.06.2015, le 30.06.2016 et le 30.06.2017 était irrégulière au sens de la jurisprudence qui retient, comme démontrant le caractère irrégulier de la comptabilité, l’absence de pièces justificatives de dépenses ou l’enregistrement d’opérations non justifiées.

En effet de nombreuses irrégularités ont été constatées par l’administration fiscale qui ont amené l’envoi d’une proposition de rectification fiscale s’agissant en particulier:

– de charges non engagées dans l’intérêt de l’entreprise s’agissant de remboursements kilométriques injustifiées au regard de l’activité de la société. L’administration fiscale a ainsi retenu que:

*pour l’exercice clos le 30.06.2016 10 déplacements sur 163 concernaient la province et correspondaient à 90% du montant des remboursements de frais de déplacements alors que la société ne gérait pas de bien dans les villes dans lesquelles des déplacements avaient eu lieu. Il était constaté que le tableau de remboursement kilométrique d’une part ne mentionnait pas de date, ce qui ne permettait pas de vérifier la réalité des déplacements et d’autre part indiquait une ligne ‘divers’ avec 26.200 kms et 21.012 euros ce qui était incohérent avec les autres mentions du tableau.

* pour l’exercice clos au 30.06.2017 12 des 91 déplacements concernaient la province et correspondaient à 63% du remboursement total inclus dans les comptes pour l’exercice 2016-2017 alors que la société ne gérait pas de patrimoine dans les villes.

Les éléments réclamés par l’administration fiscale s’agissant des cartes grises des véhicules autre que le véhicule Kia immatriculé le 9.11.2016 et le véhicule Nissan immatriculé le 12.06.2017 et donc utilisé du 20.06.2016 au 9.11.2016, les factures d’entretien, les tickets de péage et les mandats de gestion pour les biens concernés situés dans les villes de province n’ont pas été communiqués.

– des crédits injustifiées au crédit de compte courant de Monsieur [U]:

pour l’exercice clos le 30.06.2016 le compte courant de Monsieur [U] présente 18 montant au crédit sans que la société ne soit en mesure de produire des justificatifs c’est à dire la preuve que Monsieur [U] aurait versé des sommes à la société ou payé des dépenses pour le compte de celle ci.

– des encaissements de fonds provenant de la copropriété du [Adresse 3] pour un montant de 110.919 euros qui n’ont pas été déclarés en produits.

Il ressort donc des constatations de l’administration fiscale que la comptabilité de la société Belgrand Immobilier n’était pas régulière pour les exercices clos les 30.06.2015, 30.06.2016 et 30.06.2017.

Le grief est donc retenu.

sur le fait d’avoir fait du bien ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement

Le ministère public expose qu’à l’occasion de la vérification de comptabilité diligentée en 2018 sur les comptes de la SAS 3L Partners l’administration fiscale a relevé des avances injustifiées enregistrées en comptes courant d’associé , n°45510000 de M . [U] dont des remboursements de frais kilométriques injustifés, qu’un autre compte courant d’associé n°45500000 était ouvert au nom de [M] [U] au sein de la SAS sur lequel apparaissaient également des opérations douteuses au crédit et que sur la période de 2015 à 2018 des opérations ont été portées au crédit de ces deux comptes sans être manifestement justifiées, apparaissant pour certaines comme de simples écritures comptables (créances fictives) pour d’autres comme des créances indues (telles que les indemnités kilométriques perçues sans justification), que ces comptes étaient mouvementés par des prélèvements conséquents sur cette période (retraits d’espèces, virement ou règlements de frais personnels par la société 3L Partners); qu’en déduisant de ces prélèvements les seules opérations de crédits qui apparaissaient justifiées , ces comptes courants apparaissent débiteurs pour l’un à hauteur de 178.388 euros et pour le second de 204.120,13 euros, que par ailleurs, un compte courant d’associé au nom de 3L Partners HOLDING a été ouvert en 2017 au sein de la société 3L PARNERS lequel présentait un solde débiteur de 18.948,89 € sans qu’il soit démontré une convention de trésorerie à jour ou une politique de groupe entre la société 3L Partners et 3L Partners HOLDING susceptible de justifier les prélèvements effectués.

Il conclut que le montant des différents prélèvements sur ces comptes courants, susceptibles de constituer des abus de biens sociaux sur les exercices 2016 à 2018 s’élève à 401.457,02 euros.

Il expose qu’en outre les investigations ont permis d’établir qu’entre le 15 septembre 2018 et le 4 octobre 2018 des virements d’un montant de 101.726 euros étaient effectués au profit de AB Syndic et Gestion sans justificatif et manifestement sans intervenir dans l’intérêt social de SAS Belgrand Immobilier.

Il conclut que les époux [U] ont sciemment fait du bien ou du crédit de la société Belgrand Immobilier un usage contraire à l’intérêt de celle ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale, la société AB Syndic et Gestion, dans laquelle ils étaient directement intéressés, que ces faits ont été mis en lumière dans le cadre de l’enquête pénale et partiellement reconnus par les intéressés qui en ont été déclarés coupables par jugement du tribunal judiciaire de Paris lleme chambre correctionnelle du 6 décembre 2021.

Axyme indique:

– que l’analyse d’éléments récupérés auprès des services fiscaux de la comptabilité de la société 3L Partners, Belgrand Immobilier, et des comptes bancaires des époux [U] et de la société ont permis de mettre en lumière des mouvements constitutifs d’abus de biens sociaux sur les comptes courants d’associés ouverts au nom de Monsieur [M] [U] au sein de sa société s’agissant d’avances non justifiées en compte courant ou des remboursement de frais kilométriques non justifiés, pour un montant au total de 401.457,02 euros,

– que par ailleurs des virements pour un montant de 101.726 euros étaient effectués au profit de la société AB Syndic et Gestion dirigée par [T] [U] sans justificatif et manifestement sans intervenir dans l’intérêt social de la SAS Belgrand Immobilier

– qu’enfin Monsieur [H] entrepreneur qui est intervenu pour réaliser des travaux au domicile des époux [U] a corroboré des actes de détournement d’actfs puisqu’il indiquait aux enquêteurs avoir encaissé deux chèques de 15.000 euros chacun émis par la société 3L Partners devenue Belgrand Immobilier en règlement d’une partie des travaux réalisés dans la maison des époux [U].

Madame [U] n’a pas conclu.

Sur ce

L’article L 653-4 du code de commerce dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après:

3°) avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l’intérêt de celle ci à des fins personnelles ou pour favorise une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

S’agissant de Mme [U] il a été établi dans le cadre de l’enquête pénale diligentée que quelques jours avant le prononcé de la liquidation judiciaire de la société Belgrand Immobilier plusieurs transferts de fond ont eu lieu de la société liquidée vers la société AB Syndic et Gestion, nouvellement créée au mois de septembre 2018 par Madame [T] [S] [R] épouse [U], pour un montant de 101.726 euros entre le 15.09 et le 1.10.2018 (page 27 du jugement faisant référence au feuillet 542 bis de l’enquête).

Madame [U] ne rapporte pas la preuve du bien fondé de ces virements de fonds entre les deux sociétés en pleine période dite suspecte au détriment de la société liquidée et au bénéfice d’une société dont elle était gérante.

Par ailleurs dans le cadre de l’enquête pénale réalisée Monsieur [H] entrepreneur a indiqué avoir réalisé des travaux d’agrandissement du pavillon des époux [U] d’octobre 2016 à juin 2017 et avoir été payé par chèque émis par la société 3L Partners et par des chèques de copropriétés en deux fois 26.000 euros puis 15.000 euros (jugement correctionnel page 27 faisant référence au feuillet 177 de l’enquête).

Ces déclarations de Monsieur [H] rapportent la preuve que les dirigeants de droit et de fait de la société Belgrand Immobilier ont fait un usage personnel des fonds de de la société.

Il s’ensuit que le grief est retenu.

Sur le fait d’avoir détourné tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale

Le ministère public expose qu’à la suite du contrôle fiscal la société a fait l’objet d’un redressement en matière de TVA pour la somme de 165.155 euros en droits et 66.062 euros au titre des pénalités, que dans la mesure où dans le cadre d’un précédent contrôle, la société Belgrand Immobilier avait déjà été reconnue redevable de pénalités pour un montant de 39.632 euros le trésor public a appliqué de très forte pénalités entraînant une augmentation frauduleuse du passif à hauteur de 105.694 euros, qu’en outre l’enquête pénale a mis en évidence des détournements de fonds dans le cadre de la gestion de trois copropriétés pour un montant estimé au minimum de 313.725,92 euros, que les syndicats ont déclaré les sommes détournées et qu’il en résulte une augmentation frauduleuse du passif au minimum de 313.725,92 €, sous réserve d’éventuels détournements de fonds dans d’autres copropriétés qui revendiquent des sommes très importantes sans que les faits soient établis avec certitude à ce jour.

La société Axyme conclut dans le même sens que le ministère public

Sur ce

L’article L 653-4 5° dispose que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel a été relevé l’un des faits ci-après:

5°avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Il ressort de la procédure de vérification fiscale et de la lettre de rectification adressée par l’administration fiscale que la société Belgrand Immobilier a été redressée au titre de la TVA déclarée qui avait été volontairement minorée par les dirigeants de droit et de fait puisque Madame [U] a reconnu devant l’expert comptable, Monsieur [X], avoir modifié les télédéclarations faites par l’expert comptable pour les minorer.

A ce titre l’administration fiscale a opéré un redressement de TVA d’un montant total sur trois années de 165.155 euros et a appliqué la majoration pour manquement délibéré en visant le fait que l’infraction de défaut de déclaration de la totalité des produits imposables avaient été répétées sur trois exercices vérifiés, que la minoration correspondait à plus de 31% du chiffre d’affaire pour l’exercice clos le 30.06.2015, à plus de 30% pour l’exercice clos le 30.06.2016 et à 11% pour l’exercice clos le 30.06.2017, que la TVA collectée représente une partie très importante de la TVA nette à payer par la société: 46% du chiffre d’affaire pour l’exercice clos au 30.06.2015, 44% pour l’exercice clos au 30.06.2016, et 12,5% pour l’exercice clos au 30.06.2017, qu’enfin la société avait fait l’objet, antérieurement, de deux vérifications de comptabilité qui avaient donné lieu à une proposition de rectification pour les mêmes infractions et qu’elle était donc parfaitement informée de ses obligations à ce titre, démontrant le caractère volontaire de la rétention de TVA collectée.

En minorant volontairement les déclarations de TVA, en toute connaissance de cause de l’infraction fiscale ainsi constituée, les gérants de droit et de fait de la société ont augmenté le passif de la société des pénalités appliquées par l’administration fiscale.

Par ailleurs l’enquête pénale a révélé des détournements de fonds commis par la société Belgrand Immobilier au détriment des copropriétés dont elle assurait la gestion en qualité de syndic. Les fonds ainsi détournés ont été déclarés au passif de la société, étant précisé que le tribunal correctionnel a statué sur leur principe et leur montant:

par les copropriétés victimes qui sont:

– la copropriété du [Adresse 1] pour 365.821,64 euros

– la copropriété du [Adresse 2] pour la somme de 65.928,94 euros

– la copropriété du [Adresse 7] pour la somme de 41.681,39 euros

et par les copropriétaires victimes qui sont:

– Monsieur [F] pour 20.000 euros

– Monsieur [O] pour 3700 euros

– Monsieur [I] pour 800 euros

– Monsieur [Y] [V] pour 826,11 euros.

Le grief est donc caractérisé.

Sur la nature et la durée de la sanction

La nature de la sanction, une faillite personnelle, et la durée, 15 ans, sont proportionnées à l’importance des fautes commises par Mme [T] [S] [R] épouse [U] et à leur conséquence sur le passif de la société de telle sorte qu’il convient de confirmer la décision entreprise.

Sur les autres demandes

Il est inéquitable de laisser la société Axyme, es qualités, supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et Madame [U] est condamnée à lui payer la somme de 3000 euros à ce titre.

Les dépens sont laissés à la charge de l’appelante.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 5 avril 2022

Et y ajoutant

Condamne Mme [T] [S] [R] épouse [U] à payer à la Selarl Axyme es-qualités de liquidateur de la société Belgrand Immobilier la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme [T] [S] [R] épouse [U] aux dépens.

La greffière La présidente

 


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