Présomption d’influence du groupe sur sa filiale 
Présomption d’influence du groupe sur sa filiale 

Présomption réfragable

Il ressort d’une jurisprudence constante, que lorsqu’une société mère détient, directement ou indirectement, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence de l’Union européenne, il existe une présomption réfragable selon laquelle cette société mère exerce effectivement une influence déterminante sur sa filiale (CJUE, 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C-521/09 P, point 56, 5 mars 2015, Commission e.a./Versalis e.a., C-93/13 P et C-123/13 P, point 41 ; Com. 6 janvier 2015, pourvoi n° 13-22.477, 13-21.305, Bull. n° 1 ).

Application combinée des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce

Certes, ce régime probatoire, issu de la jurisprudence européenne, ne s’impose à l’Autorité de la concurrence que lorsqu’elle fait une application combinée des articles 101 TFUE et L. 420-1 du code de commerce, puisque la notion d’entreprise et les règles d’imputabilité relèvent des règles matérielles du droit de l’Union de la concurrence et que l’interprétation qu’en donnent les juridictions européennes s’impose à l’autorité nationale de concurrence, ainsi qu’aux juridictions qui la contrôlent, lorsqu’il est fait application du droit de l’Union. 

Cependant, ni le principe d’autonomie ni aucune règle de procédure nationale n’interdit à l’Autorité de s’inspirer des principes issus du droit de l’Union, dans un souci de cohérence, afin de ne pas faire varier le standard de preuve retenu en droit interne selon que les règles du droit de l’Union sont ou non simultanément appliquées. 

Au travers de la mise en oeuvre homogène des règles d’imputabilité, lorsque l’Autorité applique le seul droit interne de la concurrence et lorsqu’elle l’applique simultanément avec le droit de l’Union, l’Autorité concourt à la prévisibilité et à l’effectivité du droit de la concurrence dont elle est garante au niveau national. Aucune des critiques liées au cadre processuel du dossier n’est donc fondée et ne justifie l’annulation de la décision attaquée.

Preuve à la charge de l’Autorité de concurrence  

Aux termes d’une jurisprudence toute aussi constante, il suffit que l’Autorité de concurrence prouve que la totalité ou la quasi-totalité du capital d’une filiale est détenue, directement ou indirectement, par sa société mère pour considérer que ladite présomption s’applique, à moins que la société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (Com. 6 janvier 2015, pourvoi n° 13-22.477, 13-21.305, Bull. n° 1).

En vertu de cette présomption, l’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère sur sa filiale est considéré comme établi et l’Autorité est fondée à tenir la première responsable du comportement de la seconde, sans avoir à produire aucune preuve supplémentaire. C’est donc à tort que les requérantes soutiennent qu’il incombe à l’Autorité, dans une telle situation, d’établir l’exercice effectif d’une telle influence déterminante sur la base d’un ensemble d’éléments factuels concrets. C’est en effet sur la société mère, qui invoque l’autonomie d’une filiale dont elle détient la totalité ou la quasi-totalité du capital, que pèse la charge de la preuve.

En l’espèce, c’est en vain que les sociétés mères en cause invoquent les décisions n° 11-D-02 et n° 11-D-13 et entendent se prévaloir de la définition de l’« unité économique » retenue à l’occasion desdites affaires dans la mesure où elles concernaient des périodes et des filiales différentes. 

Les éléments qu’elles invoquent pour renverser la présomption précitée doivent nécessairement être contemporains des pratiques, propres à la filiale concernée et être ainsi opérants pour apprécier le lien existant entre les sociétés considérées à la date des pratiques litigieuses. 

La décision n° 11-D-02 précitée, rendue le 26 janvier 2011, portait ainsi sur des pratiques intervenues en 1999/2001 et ne concernait pas Santerne mais d’autres filiales. De même, la décision n°11-D-13 du 05 octobre 2011, relative à des pratiques intervenues en 2005, ne concerne pas non plus Santerne. Elle n’a par ailleurs pas donné lieu à sanction à l’égard des filiales du groupe Vinci, mises hors de cause, et n’a pas conduit l’Autorité à apprécier l’influence déterminante des sociétés mères sur leurs filiales. Ainsi, outre la différence portant sur les entités en cause, les décennies séparant ces pratiques ne permettent aucune comparaison utile sur le fonctionnement interne d’un groupe qui indique lui-même avoir fait l’objet de restructuration dans le temps. 

Notification des griefs à la société mère 

En outre, l’Autorité n’est pas tenue de notifier des griefs à une société mère, pour des pratiques commises par l’une de ses filiales, de sorte que le choix de ses services de ne pas exercer cette faculté, dans d’autres procédures, ne saurait constituer, en lui-même, la reconnaissance de l’autonomie de la filiale concernée. 

Le jeu des présomptions de fait et de droit

En troisième lieu, aux termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, la présomption d’innocence n’exclut pas la possibilité de recourir à toute présomption dans la mesure où « tout système juridique connaît des présomptions de fait et de droit, la Convention n’y met évidemment pas obstacle en principe, mais en matière pénale elle oblige les États membres à ne pas dépasser à cet égard un certain seuil » (arrêt du 7 octobre 1988, requête 10519/83 Salabiaku c/ France, § 28 et suivants). 

En l’espèce, le fait qu’il soit difficile de renverser une présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante n’implique pas, en soi, que celle-ci soit en fait irréfragable. En outre, les entités à l’égard desquelles la présomption opère sont les mieux à même de rechercher, dans leur propre sphère d’activités, les preuves permettant d’établir l’autonomie de leur filiale. Le grief tenant à l’atteinte portée à la présomption d’innocence par le recours à la présomption d’influence déterminante n’est pas fondé. 

Preuve à la charge de la société mère

Il incombe à la société mère de démontrer que sa filiale dispose du pouvoir de définir sa propre stratégie industrielle et commerciale. La simple existence de procédures d’information et de contrôle au sein des différentes entités du groupe Vinci, loin de renverser la présomption, tend au contraire à démontrer l’existence d’une influence déterminante de chacune des sociétés mères. 

La circonstance que les seuils actuellement définis pour le déclenchement de ces procédures soient au-dessus du montant de l’appel d’offres en cause est indifférente. En effet, l’imputation du comportement infractionnel d’une filiale à sa société mère ne requiert pas que la société mère ait eu un rôle direct dans les pratiques litigieuses. Il est donc vain d’invoquer le rôle des pôles de management, déchargeant les sociétés holdings, concernant les décisions relatives aux activités des filiales opérationnelles.

De la même manière, l’application au sein du groupe d’un modèle d’organisation fondé sur une philosophie de délégation aux filiales ne constitue pas en lui-même un élément de preuve susceptible de démontrer l’autonomie de ces dernières : d’abord, parce qu’il tend à établir l’existence d’une stratégie définie au niveau de la société mère appliquée par les filiales, traduisant une influence déterminante de la holding sur ces dernières, ensuite, parce que le caractère effectif de la délégation est relatif. 

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