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Des catalogues commerciaux sont des éléments de preuve propres à établir l’accomplissement par une société des actes d’exploitation de ses modèles prétendument contrefaits
Aux termes de l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée. L’article L. 113-5 du même code dispose : « L’oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur. »
L’article L. 113-1 instaure certes une présomption légale mais au profit du seul auteur, personne physique dont le nom est porté à la connaissance du public lors de la divulgation de l’oeuvre.
En revanche, l’exploitation non équivoque d’une oeuvre par une personne physique ou morale, sous son nom et en l’absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre, qu’elle soit ou non collective, du droit de propriété incorporelle de l’auteur (Com., 20 juin 2006, no 04-20.776 ; 1re Civ., 10 juil. 2014, no 13-16.465).
La présomption de titularité des droits d’exploitation dont peut se prévaloir à l’égard des tiers poursuivis en contrefaçon la personne qui commercialise sous son nom un objet protégé par le droit d’auteur, suppose, pour être utilement invoquée, que soit rapportée la preuve d’actes d’exploitation.
Pour bénéficier de cette présomption, il appartient donc à la personne morale d’identifier avec précision l’oeuvre qu’elle revendique, de justifier de sa première commercialisation, et d’établir que les caractéristiques de l’oeuvre revendiquée sont identiques à celles de l’oeuvre dont la preuve de la première commercialisation sous son nom est rapportée. À défaut, elle doit justifier du processus de création et des conditions dans lesquelles elle est investie des droits d’auteur.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 JUIN 2022
N° RG 19/06541 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LLRI
SARL HD GRAVURES
c/
SARL GRAVURE DURANDEAU
[L] [F]
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 29 octobre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 15/05113) suivant déclaration d’appel du 13 décembre 2019
APPELANTE :
SARL HD GRAVURES, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]
représentée par Maître Nicolas WEISSENBACHER, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
SARL GRAVURE DURANDEAU, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée par Maître DUCHADEAU substituant Maître Silvère MARVIE de la SELARL JURIDIAL, avocats au barreau de BORDEAUX
INTERVENANT sur appel provoqué :
[L] [F], exerçant une activité de création artistique sous le numéro SIREN 500 094 248
demeurant [Adresse 1]
non représenté, assigné selon dépôt de l’acte à l’étude d’huissier
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 mai 2022 en audience publique, devant la cour composée de :
Roland POTEE, président,
Vincent BRAUD, conseiller,
Bérengère VALLEE, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
ARRÊT :
— par défaut
— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La société H. D. Gravures, dont le siège se situe à [Localité 4] (Gironde), est une société spécialisée dans la gravure sur pierre, et particulièrement sur le marbre et le granit, et des articles funéraires.
La société Gravure Durandeau est une société concurrente de la société H. D. Gravures, ayant pour activité déclarée la gravure d’articles funéraires, ainsi que la photogravure sur des objets publicitaires.
Indiquant avoir découvert que la société Gravure Durandeau offrait à la vente des plaques funéraires reprenant à l’identique l’ensemble des éléments originaux de la plupart de ses créations et contrefaisant ainsi les droits d’auteur attachés aux dessins gravés sur les plaques funéraires qu’elle commercialise, la société H. D. Gravures, autorisée par ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 17 mars 2015, a fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège de la société Gravure Durandeau à Bègles (Gironde) le 2 avril 2015, à l’occasion de laquelle [R] Durandeau, son gérant, a notamment déclaré à l’huissier instrumentaire qu’à l’exception du modèle FL-15, « les autres modèles et dessins reprochés ont été dessinés par [L] [F], qui travaille en tant que dessinateur depuis de nombreuses années pour ma société ».
Au vu des constatations effectuées lors des opérations de saisie-contrefaçon, ayant selon elle confirmé la reproduction à l’identique, sans son autorisation, de dix-sept de ses oeuvres de gravure et leur proposition à la vente sous la forme de plaques funéraires, la société H. D. Gravures a, par exploit du 29 avril 2015, assigné la société Gravure Durandeau devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en contrefaçon de droits d’auteur et en concurrence parasitaire.
La société Gravure Durandeau a assigné en intervention forcée [L] [F] par exploit d’huissier régulièrement signifié en Belgique le 16 octobre 2015, et la procédure correspondante a été jointe.
Par ordonnance du 19 février 2018, le juge de la mise en état, faisant droit à la demande présentée par la société H. D. Gravures sur le fondement de l’article L. 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle au titre du droit d’information, a fait injonction à la société Gravure Durandeau de communiquer, sous astreinte, d’une part, les documents de comptabilité (chiffre d’affaires, résultat net, etc.) pour les exercices 2010 à 2015 et, d’autre part, les documents de comptabilité analytique (factures, chiffre d’affaires, marges brutes, marges nettes, etc.) relatifs aux plaques funéraires dénoncées comme contrefaisantes, modèles DI 33, DI 24, SP 11, CA 09, et FL 15.
Par jugement réputé contradictoire en date du 29 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :
‘ Ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture qui sera fixée au jour des plaidoiries et dit que les conclusions et pièces nos 32, 33 et 34 signifiées le 25 avril 2019 par la société Gravure Durandeau sont recevables ;
‘ Rejeté la demande de nullité de la saisie-contrefaçon pratiquée au siège social de la société Gravure Durandeau le 2 avril 2015 ;
‘ Déclaré irrecevables, faute de qualité à agir, les demandes de la société H. D. Gravures au titre de la contrefaçon de droits d’auteur ;
‘ Débouté la société H. D. Gravures de ses demandes au titre de la concurrence parasitaire ;
‘ Condamné la société H. D. Gravures à payer à la société Gravure Durandeau la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Condamné la société H. D. Gravures aux dépens de l’instance ;
‘ Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement ;
‘ Rejeté toutes autres demandes comme non fondées.
La société H. D. Gravures a relevé appel de ce jugement par déclaration du 13 décembre 2019, en intimant uniquement la société Gravure Durandeau.
Par acte d’appel provoqué signifié par dépôt de l’acte en l’étude du 29 avril 2020, la société Gravure Durandeau a assigné [L] [F] aux fins notamment de la relever et garantir de toute condamnation éventuelle qui pourrait être prononcée contre elle.
Aux termes de ses conclusions d’appelant no 1 déposées le 13 mars 2020, la société à responsabilité limitée unipersonnelle H. D. Gravures demande à la cour de :
Sur la contrefaçon de droits d’auteur :
‘ Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a « déclaré irrecevables, faute de qualité à agir, les demandes de la société H. D. Gravures au titre de la contrefaçon de droits d’auteur » ;
Et corrélativement, statuant à nouveau :
‘ Dire que les plaques funéraires gravées référencées « K24 », « K57 », « K30 », « A34 », « B04 », « F21 », « F24 », « K58 », « M01 », « M08 », « M44 », « S40 », « W10 », « W30 », « W44 », « W20 » et « M13 » de la société H. D. Gravures constituent des oeuvres de l’esprit originales couvertes par la protection offerte par le droit d’auteur, sur le fondement de laquelle la société H. D. Gravures a qualité pour et est corrélativement recevable à agir ;
‘ Dire que les plaques funéraires gravées référencées « DI-47 », « DI-33 », « DI-35 », « DI-67 », « Mer-09 », « FL-15 », « DI-24 », « DI-32 », « DI-69 », « DI-48 », « DI-38 », « SP-11 », « CA-09 », « DI-37 », « DI-36 », « DI-34 » et « DI-45 » de la société Gravure Durandeau constituent des contrefaçons des plaques funéraires gravées référencées « K24 », « K57 », « K30 », « A34 », « B04 », « F21 », « F24 », « K58 », « M01 », « M08 », « M44 », « S40 », « W10 », « W30 », « W44 », « W20 », et « M13 » de la société H. D. Gravures ;
‘ Condamner la société Gravure Durandeau à payer à la société H. D. Gravures la somme de 256 402,60 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon de droits d’auteur, décomposée comme suit :
— 137 379 euros, au titre des conséquences économiques négatives de la contrefaçon ;
— 15 000 euros, au titre du préjudice moral ;
— 104 023,60 euros, au titre des bénéfices réalisés par le contrefacteur ;
‘ Ordonner à la société Gravure Durandeau de cesser toute commercialisation de plaques funéraires reproduisant les oeuvres de gravure originales de la société H. D. Gravures, et ce sous astreinte de 2 000 euros par infraction constatée et par jour de retard, à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;
‘ Ordonner la destruction de l’ensemble des plaques funéraires contrefaisantes ;
‘ Ordonner la publication de l’arrêt à intervenir, dans son intégralité ou par extraits, au choix de la société H. D. Gravures, dans 5 journaux ou publications professionnelles au choix de cette dernière, et aux frais avancés de la société Gravure Durandeau, sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 5 000 euros hors taxe, soit la somme totale de 25 000 euros hors taxe ;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire :
‘ Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a « débout[é] la société H. D. Gravures de ses demandes au titre de la concurrence parasitaire » ;
Et corrélativement, statuant à nouveau :
‘ Juger que la société Gravure Durandeau a construit l’ensemble de son activité dédiée aux plaques funéraires selon un véritable « effet de gamme » renforçant le risque de confusion créé, d’une part, et a profité, sans bourse délier, de l’ensemble des investissements intellectuels, commerciaux et financiers de la société H. D. Gravures, d’autre part ;
‘ Juger que la société Gravure Durandeau s’est ainsi rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société H. D. Gravures ;
‘ Condamner la société Gravure Durandeau au paiement au profit de la société H. D. Gravures de la somme de 343 000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire, décomposée comme suit :
— 313 000 euros, au titre du manque à gagner ;
— 30 000 euros, au titre des pertes subies ;
En tout état de cause :
‘ Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
« – condamn[é] la société H. D. Gravures à payer à la société Gravure Durandeau la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
— condamné la société H. D. Gravures aux dépens de l’instance ;
— rejeté toutes autres demandes comme non fondées » ;
Et corrélativement, statuant à nouveau :
‘ Condamner la société Gravure Durandeau au paiement de la somme de 20 000 euros au profit de la société H. D. Gravures, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Condamner la société Gravure Durandeau au remboursement des frais de saisie-contrefaçon exposés par la société H. D. Gravures, soit la somme de 768,56 euros ;
‘ Condamner la société Gravure Durandeau aux entiers dépens ;
‘ Confirmer le jugement entrepris pour le surplus.
Le 11 avril 2022, la société H. D. Gravures a déposé des conclusions d’appelant no 2, dont le dispositif est identique au précédent, accompagnées de deux nouvelles pièces :
no 36 : ensemble des factures de vente des plaques H. D. Gravures contrefaites de 2004 à 2015 ;
no 37 : attestation de [U] [O] du 8 avril 2022.
Aux termes de ses conclusions d’intimée no 1 déposées le 23 avril 2020, la société à responsabilité limitée Gravure Durandeau demande à la cour de :
Sur la contrefaçon de droit d’auteur
À titre principal,
‘ Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
‘ Débouter la société H. D. Gravures de toutes ses demandes fins et conclusions ;
À titre subsidiaire,
‘ Déclarer la société H. D. Gravures irrecevables en ses demandes fondées sur la présomption de titularité de l’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle ;
‘ Déclarer la société H. D. Gravures irrecevable et mal fondée en ses demandes, faute de justifier de sa qualité d’auteur des dessins A 34, B 04, F 21, F 24, K 24, K 30, K 57, K 58, M 01, M 08, M 13, M 44, S 40, W 10, W 20, W30, et W44 ;
‘ La déclarer irrecevable et mal fondée faute de démontrer que les dessins susvisés ne constituent pas des oeuvres de l’esprit originales protégées par le droit d’auteur ;
À titre subsidiaire,
‘ Limiter la protection des modèles précités à la seule combinaison nouvelle des éléments connus, telle que représentée et en énoncer les caractéristiques protégeables ;
‘ Débouter la société H. D. Gravures de ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur en ce que les dessins DI 67, MER 09, FL 15, DI 24, DI 47, DI 35, DI 33, DI 32, DI 69, DI 48, DI 45, DI 38, SP 11, CA 09, DI 34, DI 37, et DI 36 de la société Gravure Durandeau, ne constituent pas des reproductions des dessins de la société H. D. Gravures ;
‘ Débouter la société H. D. Gravures de ses demandes indemnitaires en ce qu’elles ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant ;
À titre encore plus subsidiaire,
‘ Limiter le préjudice au titre de la contrefaçon à la somme de 5 389,38 euros ;
Sur la concurrence déloyale et parasitaire
À titre principal,
‘ Confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
‘ Débouter la société H. D. Gravures de ses demandes au titre de la concurrence parasitaire faute de caractériser l’existence d’une valeur économique individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ;
‘ Débouter la société H. D. Gravures de ses demandes au titre de la concurrence déloyale faute de caractériser l’existence d’un risque de confusion ;
À titre subsidiaire,
‘ Débouter la société H. D. Gravures de ses demandes indemnitaires en ce qu’elles ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant et qu’il n’est pas justifié d’un lien de causalité avec les fautes alléguées ;
En toute hypothèse,
‘ Condamner la société H. D. Gravures verser à la société Gravure Durandeau la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Condamner la société H. D. Gravures aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée no 2 déposées le 22 avril 2022, la société Gravure Durandeau reprend son dispositif précédent, en demandant à la cour, à titre liminaire, de :
‘ Ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture intervenue le 19 avril 2022 à la date du jour des plaidoiries ainsi que la réouverture des débats ;
‘ Juger parfaitement recevables les présentes conclusions ;
‘ Juger irrecevables les conclusions d’appelant no 2 et pièces nos 36 et 37 communiquées par la société H. D. Gravures le 11 avril 2022 et les rejeter des débats.
[L] [F] n’a pas constitué avocat.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 19 avril 2022.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 3 mai 2022.
À l’audience, la cour a invité la société Gravure Durandeau à déposer avant le 24 mai 2022 une note en délibéré sur les pièces nos 36 et 37 de l’appelante, ce qu’a fait la société Gravure Durandeau le 23 mai 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la révocation de l’ordonnance de clôture :
L’article 802, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile, dispose :
« Après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.
« Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture. »
Aux termes de l’article 803, alinéa premier, du même code, l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue.
La société Gravure Durandeau demande la révocation de l’ordonnance de clôture au regard des écritures et pièces déposées le 11 avril 2022 par la société H. D. Gravures, dont elle n’a pu prendre connaissance afin de juger de l’opportunité d’y répliquer.
Le dépôt de conclusions et de pièces avant le prononcé de l’ordonnance de clôture ne constitue pas une cause de révocation selon les dispositions précitées.
Les conclusions d’intimée no 2 déposées le 22 avril 2022 par la société Gravure Durandeau doivent donc être déclarées irrecevables.
Sur le contradictoire :
L’article 15 du code de procédure civile dispose : « Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense. »
L’article 16, alinéas 1 et 2, du même code dispose : « Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
« Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement. »
La société Gravure Durandeau demande le rejet des écritures et des pièces déposées le 11 avril 2022 par la société H. D. Gravures, comme tardives et ne respectant pas les dispositions précitées.
Les conclusions d’appelant no 2 de la société H. D. Gravures déposées le 11 avril 2022, qui succèdent à ses conclusions d’appelant no 1 déposées le 13 mars 2020, n’en diffèrent que par deux lignes ajoutées à la page 17 et par trois lignes ajoutées à la page 82. Ces ajouts se contentent de renvoyer respectivement aux pièces nos 36 et 37.
Si la pièce no 37 est une attestation relatant des faits du 14 février 2022, la pièce no 36 est composée de factures représentant plus de 20 000 pages, destinées selon l’appelante à justifier de l’exploitation constante des plaques contrefaites de 2004 à 2015.
Même si la pièce no 36 comprend également des tableaux récapitulatifs par année, et même si la société H. D. Gravures estime superfétatoire la démonstration au moyen de cette pièce d’une exploitation constante de ses oeuvres, la société Gravure Durandeau est fondée, dès lors que sont produits ces documents au soutien d’un moyen discuté entre les parties, à en vérifier la teneur.
Au regard du volume desdites factures dont les plus récentes remontent à 2015, déposées deux ans après les précédentes conclusions de l’appelante, six mois après l’avis de clôture et de fixation du 8 octobre 2021, et huit jours avant la clôture de l’instruction, la société H. D. Gravures n’a pas fait connaître à la société Gravure Durandeau en temps utile les nouveaux éléments de preuve qu’elle produit, de sorte que la société Gravure Durandeau n’a pas été à même d’organiser sa défense pour l’audience du 3 mai 2022. La pièce no 36 de la société H. D. Gravures doit en conséquence être écartée des débats, de même que ses conclusions d’appelant no 2 qui s’y réfèrent.
Il n’y a pas lieu en revanche d’écarter la pièce no 37 qui est une simple attestation dont la société Gravure Durandeau a été à même de débattre contradictoirement en déposant une note en délibéré.
La cour se prononcera donc au vu des conclusions déposées le 13 mars 2020 par la société H. D. Gravures, des pièces nos 1 à 35 et 37 de l’appelante, ainsi que des conclusions déposées le 23 avril 2020 par la société Gravure Durandeau et de sa note en délibéré du 23 mai 2022.
Sur la contrefaçon de droits d’auteur :
Sur la titularité des droits :
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
La société Gravure Durandeau conteste la recevabilité de l’action de la société H. D. Gravures qui serait dépourvue de qualité pour agir aux motifs que :
‘ la société H. D. Gravures ne peut se prévaloir, en sa qualité de personne morale, de la présomption de titularité des droits d’auteur prévue par l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle ;
‘ elle ne peut pas davantage se prévaloir de la présomption de titularité fondée sur l’article L. 113-5 du même code, faute de justifier d’une exploitation continue et non équivoque des dix-sept gravures revendiquées.
La société H. D. Gravures estime qu’elle n’est pas exclue du bénéfice de la présomption de titularité aménagée par l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, laquelle n’est pas réservée aux personnes physiques, et qu’elle peut donc indifféremment se prévaloir tant de cette présomption, que de la présomption construite sur le fondement de l’article L.113-5 du code de la propriété intellectuelle. Elle considère que le bénéfice de cette dernière n’est pas conditionné à la preuve d’une exploitation continue des oeuvres contrefaites.
Aux termes de l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée.
L’article L. 113-5 du même code dispose :
« L’oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée.
« Cette personne est investie des droits de l’auteur. »
L’art. L. 113-1 instaure certes une présomption légale mais au profit du seul auteur, personne physique dont le nom est porté à la connaissance du public lors de la divulgation de l’oeuvre. En revanche, l’exploitation non équivoque d’une oeuvre par une personne physique ou morale, sous son nom et en l’absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre, qu’elle soit ou non collective, du droit de propriété incorporelle de l’auteur (Com., 20 juin 2006, no 04-20.776 ; 1re Civ., 10 juil. 2014, no 13-16.465).
La présomption de titularité des droits d’exploitation dont peut se prévaloir à l’égard des tiers poursuivis en contrefaçon la personne qui commercialise sous son nom un objet protégé par le droit d’auteur, suppose, pour être utilement invoquée, que soit rapportée la preuve d’actes d’exploitation.
Pour bénéficier de cette présomption, il appartient donc à la personne morale d’identifier avec précision l’oeuvre qu’elle revendique, de justifier de sa première commercialisation, et d’établir que les caractéristiques de l’oeuvre revendiquée sont identiques à celles de l’oeuvre dont la preuve de la première commercialisation sous son nom est rapportée. À défaut, elle doit justifier du processus de création et des conditions dans lesquelles elle est investie des droits d’auteur.
La société H. D. Gravures produit en ce sens ses catalogues pour les années 2004 à 2015 (ses pièces nos 11, 32 à 34), justifiant de la divulgation sous son nom des motifs référencés A34, B04, F21, F24, K24, K30, K57, K58, M01, M08, M13, M44, S40, W10, W20, W30 et W44. Elle produit également ses premières factures de vente de ses plaques funéraires contrefaites, datées, selon les modèles, de 2004, 2005, 2006 ou 2007 (ses pièces nos 5-a à 5-q).
Ces éléments de preuve sont propres à établir l’accomplissement par la société H. D. Gravures d’actes d’exploitation des modèles prétendument contrefaits.
La société Gravure Durandeau oppose toutefois à l’appelante le caractère équivoque de l’exploitation desdits modèles.
En premier lieu, la société Gravure Durandeau démontre que la gravure F21 de la société H. D. Gravures est divulguée depuis au moins 1993 sous le nom de la société Braumat (pièce no 11 de l’intimée). Au regard du caractère équivoque de l’exploitation de ce motif par l’appelante, le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il écarte la présomption de titularité. La société H. D. Gravures ne justifie d’ailleurs pas du processus de création et des conditions dans lesquelles elle serait investie des droits d’auteur sur cette gravure.
En second lieu, la société Gravure Durandeau soutient que la présomption simple à laquelle prétend la société H. D. Gravures est renversée par son site Internet au motif que la société H. D. Gravures y présente son activité de « création-innovation » comme résultant d’« intervenants extérieurs (dessinateur, artiste peintre, graphiste, sculpteur) » (pièce no 7 de l’intimée), présentation corroborée par la production aux débats de factures émanant d'[L] [F], dessinateur ayant assuré des prestations pour le compte de la société H. D. Gravures.
Nonobstant ces faits, en l’absence de revendication du ou des auteurs, la société H. D. Gravures peut bénéficier de la présomption de titularité des droits d’exploitation sur les seize autres gravures.
En troisième lieu, la société Gravure Durandeau entend écarter la présomption de titularité, du fait que les deux sociétés recourent aux services du même dessinateur, [L] [F], qui a reconnu que les seize gravures arguées de contrefaçon avaient été réalisées par lui (pièce no 3 de l’intimée).
La société H. D. Gravures réfute qu'[L] [F] ait pu, à l’occasion de son passage dans ses effectifs, contribuer à créer les seize références prétendument contrefaites.
Il ressort en effet des factures d'[L] [F] versées aux débats (pièces no 9 de l’appelante et nos 1 et 2 de l’intimée) que celui-ci a travaillé pour la société H. D. Gravures d’octobre 2008 à septembre 2009, et pour la société Gravure Durandeau au mois de mai 2011, si bien que sa collaboration avec la société H. D. Gravures est postérieure à l’exploitation des oeuvres prétendument contrefaites et antérieure à sa collaboration avec la société Gravure Durandeau. Son intervention pour les deux parties n’entache donc d’aucune équivoque les actes d’exploitation dont justifie l’appelante.
En dernier lieu, la société Gravure Durandeau estime équivoque l’exploitation par la société H. D. Gravures des seize gravures en cause au motif que ces modèles sont identiques ou quasi identiques à des images pouvant être téléchargées sur des banques d’images en ligne, moyennant ou non le payement d’une redevance (pièces nos 4 et 14 à 17 de l’intimée). Au demeurant, [L] [F] a déclaré avoir réalisé les seize gravures litigieuses de la société Gravure Durandeau sur la base de photographies extraites de banques d’images sur Internet (pièce no 3 de l’intimée).
Les images produites par la société Gravure Durandeau n’étant pas datées, et leurs auteurs n’élevant aucune revendication, la société H. D. Gravures reste fondée à invoquer la présomption de titularité des droits d’exploitation sur les seize gravures référencées A34, B04, F24, K24, K30, K57, K58, M01, M08, M13, M44, S40, W10, W20 W30 et W44. La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir sera écartée, sans qu’il soit besoin d’apprécier plus avant la titularité des droits d’auteur au regard de la nature collective des oeuvres invoquée par la société appelante.
Sur l’originalité des oeuvres :
La société Gravure Durandeau conteste que les seize gravures invoquées par la société H. D. Gravures bénéficient de la protection offerte par le droit d’auteur en ce qu’elles sont dépourvues d’originalité.
La société H. D. Gravures présente les modèles faisant l’objet des droits d’auteur invoqués de la façon suivante :
Le modèle A34 représente cinq colombes stylisées en vol, les ailes déployées, dans des positions et orientations différentes, se superposant.
Le modèle B04 représente deux hommes triant des huîtres, travaillant autour d’un bac à tri, un petit panier sous ce dernier, trois grands paniers entassés sur le côté droit ainsi qu’un tas d’huîtres, et d’autre part au second plan, une maison, un chemin, de l’herbe et des nuages.
Le modèle F24 représente une grappe de raisin.
Le modèle K24 représente, à l’arrière plan, un long bâtiment de plain-pied entouré de végétations et derrière lequel le soleil se couche, puis au premier plan, un cheval en train de s’abreuver, un chien relevant la tête, un chat sur un muret, et trois poules.
Le modèle K30 représente, sur un premier plan, une clôture derrière laquelle deux vaches broutent de l’herbe sous un arbre, sur un second plan un homme en train de traire une troisième vache, à côté d’une quatrième, et au dernier plan une grande maison, un arbre, de la végétation et deux oiseaux stylisés.
Le modèle K57 est composée d’un croquis d’épis de blé encerclant la représentation d’un homme aidé d’un bâton, marchant sur un chemin qui mène à un village au centre duquel se trouve une église.
Le modèle K58 représente au premier plan des feuilles mortes jonchant le sol, un arrosoir ainsi qu’une pelle et un râteau adossés sur le toit d’une petite maison, devant une porte, puis au second plan, sur la droite du dessin, un muret de briques derrière lequel se trouve une importante végétation, et enfin trois oiseaux stylisés dans le ciel.
Le modèle M01 représente un mineur portant un casque, poussant un chariot plein de minerai, une lampe accrochée à l’arrière du wagon, à l’intérieur d’une caverne.
Le modèle M08 figure un charpentier accroupi représenté tout en noir, à l’exception de ses cheveux et du bas de sa tenue, travaillant sur le toit en construction d’une maison, sur lequel est posé une échelle, passant devant une petite fenêtre à carreaux avec des volets en bois. La partie droite du toit semble achevée et sur cette partie est posée une caisse en bois contenant une scie.
Le modèle M13 représente un homme labourant un champ, aidé de deux chevaux attelés, avec au second plan un village au centre duquel se trouve une église.
Le modèle M44 représente un homme penché sur le capot ouvert d’une voiture, une berline disposant de cinq portes, appuyé sur sa main gauche et tenant un outil dans sa main droite.
Le modèle S40 représente deux boules de pétanque et un cochonnet.
Le modèle W10 représentant un camion semi-remorque à deux essieux, dont les vitres, le pare-brise et les phares sont de couleur noire, avec des détails tels que différents éléments du pare-chocs, les rétroviseurs, etc.
Le modèle W20 représente un homme conduisant un tracteur qui se dirige sous une arcade vers une maison, avec autour de lui beaucoup de végétation et au premier plan un rouleau à gazon posé sur le sol.
Le modèle W30 représente une moissonneuse-batteuse dont le conducteur n’apparaît que sous la forme d’une silhouette, en train de moissonner un champ avec trois oiseaux volant dans le ciel.
Le modèle W44 représente un train de marchandise aux abords d’une petite maison, des rails, des barrières de différentes sortes ainsi que de la végétation au dernier plan.
En application de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu’elle est originale, d’un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
L’originalité de l’oeuvre, qu’il appartient à celui qui invoque la protection de caractériser, suppose qu’elle soit issue d’un travail libre et créatif et résulte de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur. La reconnaissance de la protection par le droit d’auteur ne repose donc pas sur un examen de l’oeuvre invoquée par référence aux antériorités produites, même si celles-ci peuvent contribuer à l’appréciation de la recherche créative.
L’originalité de l’oeuvre peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements mais également, de la combinaison originale d’éléments connus.
Lorsque la protection est contestée en défense, l’originalité doit être explicitée et démontrée par celui s’en prétendant auteur qui doit permettre l’identification des éléments au moyen desquels cette preuve est rapportée, ce pour chacune des oeuvres au titre desquelles le droit est revendiqué.
La société H. D. Gravures expose que dans les oeuvres en cause, elle ne se contente pas de réaliser une copie de la nature ou d’éléments banals composant cette dernière, mais qu’elle opère des choix arbitraires révélateurs de la personnalité de leur auteur en sélectionnant l’orientation, la représentation plus ou moins réaliste, et en choisissant d’assembler les différents éléments.
Les scènes ou les choses susdécrites se présentent toutefois comme des représentations fidèles de sujets communs, ce que corrobore leur rapprochement avec les images et photographies de sujets ou d’éléments analogues fournies par l’intimée à partir de banques d’images. Ainsi, il n’apparaît pas que l’agencement d’éléments connus traduise de la part de l’auteur des gravures un effort personnel de création qui permettrait d’en reconnaître l’originalité. N’exprime pas davantage le caractère créatif de l’auteur la réalisation, soulignée par la société H. D. Gravures pour certaines de ses références (A34, F24, K24, K30, M13, M44, S40, W10, W20, W30), d’un dessin plus ou moins simplifié ou détaillé, ni le caractère plus ou moins appuyé du trait, qui tient en partie à la technique de gravure adoptée, en noir et blanc. L’impression d’ensemble donnée par chacune des seize oeuvres en cause ne révèle pas une réelle activité créatrice permettant de les qualifier de créations originales. Elles ne peuvent en conséquence bénéficier de la protection par le droit d’auteur. La société H. D. Gravures sera déboutée de ce chef.
Sur la concurrence déloyale et parasitaire :
Aux termes de l’article 1382 ancien, devenu 1240, du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l’article 1383 ancien, devenu 1241, du même code, chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale et le parasitisme sont fondés sur les textes précités mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion avec l’activité ou les produits du concurrent, et les agissements parasitaires consistant à tirer ou entendre tirer profit de la valeur économique acquise par autrui au moyen d’un savoir-faire, d’un travail de création, de recherches ou d’investissements, de façon à en retirer un avantage concurrentiel.
L’action en concurrence déloyale peut se fonder sur des faits matériellement identiques à ceux qui sont allégués au soutien d’une action en contrefaçon rejetée pour défaut de constitution de droit privatif (1re Civ., 7 oct. 2020, no 19-11.258).
La société H. D. Gravures fait grief à la société Gravure Durandeau d’avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire :
a) en copiant servilement les dix-sept plaques funéraires litigieuses ;
b) en reprenant la présentation de plaques funéraires sous la forme de livres massifs, de livres ouverts, et de parchemins ;
c) en reprenant la construction de modèles de plaques se présentant avec un dessin dans le tiers gauche, un texte à droite, les angles étant soulignés par un trait stylisé ;
d) en reprenant la présentation des offres commerciales de plaques par :
‘ l’offre de lots thématiques de plaques,
‘ la reprise de la présentation des catalogues.
La société H. D. Gravures reproche par suite à la société Gravure Durandeau d’avoir construit l’ensemble de son activité dédiée aux plaques funéraires selon un « effet de gamme » renforçant le risque de confusion créé, d’une part, et en profitant, sans bourse délier, de l’ensemble des investissements intellectuels, commerciaux et financiers de la société H. D. Gravures, d’autre part, en ce qu’une partie substantielle de ses plaques de gravure, la présentation des catalogues, l’offre des lots de plaques, ainsi que la présentation des plaques funéraires sous forme de livres, ou encore de parchemins, proposée par la société Gravure Durandeau, n’est rien de moins qu’un décalque de l’ensemble des services proposés par la société H. D. Gravures.
a) Il apparaît que les gravures vendues par la société Gravure Durandeau sous les références DI 67, MER 09, FL 15, DI 24, DI 47, DI 35, DI 33, DI 32, DI 69, DI 48, DI 45, DI 38 SP 11, CA 09, DI 34, DI 37 et DI 36 sont la reproduction servile ou quasi-servile des modèles A34, B04, F21, F24, K24, K30, K57, K58, M01, M08, M13, M44, S40, W10, W20, W30 et W44 de la société H. D. Gravures. Les différences relevées par la société Gravure Durandeau notamment pour ses modèles DI 37, MER 09, DI 47, DI 35, DI 33, DI 32, DI 69, DI 48, DI 45, DI 38, SP 11, DI 34, DI 37 et DI 36, ne portent que sur des détails qui ne suffisent pas à écarter, aux yeux d’un client moyennement attentif, le risque de confusion existant avec les produits de la société H. D. Gravures. Ainsi constitue un acte de concurrence déloyale la copie servile de produits commercialisés par une entreprise susceptible de créer un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle. Ce fait constitue une faute engageant la responsabilité de son auteur.
Sur la reprise (b) de la présentation et (c) de la construction des modèles de plaques funéraires, la société Gravure Durandeau explique sans être contredite qu’elle se fournit auprès de la société Alexandria (sa pièce no 18), qui propose à ses clients des plaques funéraires de formes diverses et variées sans exclusivité au profit des intervenants sur ce marché. Dans ces circonstances, la faute alléguée contre l’intimée n’est pas caractérisée.
d) Enfin, le fait que l’une et l’autre sociétés adoptent une présentation commerciale de lots de plaques autour de thèmes tels que la chasse et la pêche, ou les fleurs, ainsi qu’une présentation similaire, mais non identique, de leur catalogue de dessins (pièces nos 11 de l’appelante et 27 de l’intimée), ne suffit pas, au regard de la liberté du commerce et de l’industrie, à démontrer que la société Gravure Durandeau se soit placée dans le sillage de la société H. D. Gravures. Par d’exacts motifs que la cour fait siens, le tribunal a pu relever à cet égard que la société H. D. Gravures ne justifiait pas de la réalité ni de l’antériorité des investissements par elle consentis, dont la société Gravure Durandeau aurait voulu profiter indûment. Au surplus, aucun effet de gamme ne résulte de l’addition des dix-sept actes de copie servile précédemment constatés, si on les rapporte aux 250 motifs exploités par la société Gravure Durandeau (pièce no 27 de l’intimée) ou aux 418 dessins de la société H. D. Gravures (pièce no 11 de l’appelante). Le parasitisme allégué contre la société Gravure Durandeau n’est pas démontré.
Sur les mesures réparatrices et indemnitaires :
Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle.
Au titre du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire, la société H. D. Gravures sollicite la somme de 313 000 euros en réparation de son manque à gagner et celle de 30 000 euros en réparation des pertes subies. Elle demande en outre la cessation de la commercialisation et la destruction des plaques funéraires contrefaisantes, et la publication de l’arrêt à intervenir.
a) Sur le manque à gagner, la société H. D. Gravures expose que son chiffre d’affaires a diminué de 962 088 euros en 2011 à 820 412 euros en 2015, tandis que celui de la société Gravure Durandeau passait de 388 981 euros en 2010 à 821 977 euros en 2015. Elle attribue sa perte de chiffre d’affaires aux actes de concurrence déloyale de cette dernière.
Les seuls actes de concurrence déloyale retenus contre la société Gravure Durandeau sont la reproduction de dix-sept dessins de gravure parmi plusieurs centaines, ce qui ne saurait expliquer la totalité de la diminution du chiffre d’affaires de la société H. D. Gravures. Au surplus, l’intimée attribue ladite diminution du chiffre d’affaires au fait que la société H. D. Gravures ne propose pas de produits en Altuglas, articles en forte progression ces dernières années, puisque c’est la société Esquisse Innovation, immatriculée en 2012 et ayant le même siège et le même gérant que la société H. D. Gravures, qui propose de tels articles (pièces nos 36 à 38 de l’intimée).
Toutefois, un préjudice s’infère nécessairement d’un acte de concurrence déloyal, générateur d’un trouble commercial (1re Civ., 21 mars 2018, no 17-14.582). Au vu des éléments du dossier, le préjudice subi par la société H. D. Gravures sera évalué à 3 500 euros.
b) Sur les pertes subies, la société H. D. Gravures expose qu’en captant l’ensemble de ses investissements intellectuels, commerciaux et financiers, la société Gravure Durandeau a inévitablement causé une dépréciation et une banalisation desdits investissements. Elle indique que la seule impression de son catalogue, indépendamment de sa réalisation, lui a coûté en 2008 la somme de 6 821,39 euros.
Aucun acte de concurrence parasitaire n’étant cependant retenu contre la société Gravure Durandeau, l’appelante n’est pas fondée à lui imputer une dépréciation de ses investissements.
c) En l’absence de contrefaçon imputable à la société Gravure Durandeau, la société H. D. Gravures sera déboutée de ses demandes d’interdiction, de destruction et de publication présentées sur le fondement de l’article L. 335-6 du code de la propriété intellectuelle.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. L’intimée en supportera donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, la société Gravure Durandeau sera condamnée à payer à l’appelante la somme de 6 000 euros, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
Dit n’y avoir lieu de révoquer l’ordonnance de clôture ;
Déclare irrecevables les conclusions déposées par la société Gravure Durandeau le 22 avril 2022 ;
Écarte des débats les conclusions et la pièce numéro 36 déposées par la société H. D. Gravures le 11 avril 2022 ;
Infirme partiellement le jugement en ce qu’il :
‘ Déclare irrecevables, faute de qualité à agir, les demandes de la société H. D. Gravures au titre de la contrefaçon de droits d’auteur ;
‘ Condamne la société H. D. Gravures à payer à la société Gravure Durandeau la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ Condamne la société H. D. Gravures aux dépens de l’instance ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
Déclare irrecevables, faute de qualité pour agir, les demandes de la société H. D. Gravures au titre de la contrefaçon de droits d’auteur sur la plaque funéraire gravée référencée F21 ;
Déclare recevables les demandes de la société H. D. Gravures au titre de la contrefaçon de droits d’auteur sur les plaques funéraires gravées référencées A34, B04, F24, K24, K30, K57, K58, M01, M08, M13, M44, S40, W10, W20 W30 et W44 ;
Déboute la société H. D. Gravures de ses demandes au titre de la contrefaçon de droits d’auteur ;
Condamne la société Gravure Durandeau à payer à la société H. D. Gravures la somme de 3 500 euros de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale ;
Condamne la société Gravure Durandeau à payer à la société H. D. Gravures la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Gravure Durandeau aux dépens exposés en première instance et en appel ;
Confirme toutes les autres dispositions non contraires ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier
Le Président,