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Inciter des pigistes à créer leur propre structure de production pour éviter à l’employeur une requalification en CDI est une stratégie risquée. Dans cette affaire, des éléments ont corroboré que de nombreux journalistes, envoyés à l’étranger ou déjà sur place et qui travaillaient en tant que correspondants de France 24 n’ont eu d’autre choix que de créer une société de production. La consigne énoncée par la direction de France 24 était de faire passer le plus grand nombre de journalistes rémunérés à la pige en statut de boîte de production. Ceci alors que les tâches effectuées restaient exactement les mêmes c’est-à-dire celles de journalistes sur le terrain, livrant des reportages commandés par la direction/rédaction et non d’un gérant d’entreprise.
Dans la continuation de la relation de travail initiée, une salariée est restée dans un lien de subordination à l’égard de la société France Médias Monde, des reportages lui étant commandés, des interventions télévisées selon des horaires contraints lui étant imposées, les termes utilisés à l’occasion de certaines de ces interventions étant revus, l’intéressée devant manifestement être à disposition de la société France 24 dans le cadre d’une grille de reportages et d’interventions décidée par celle-ci.
La salariée a invoqué avec succès l’article L. 7112-1 du code du travail visant que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.
Pour rappel, le journaliste rémunéré à la pige est un journaliste professionnel s’il répond à la définition légale de l’article L. 7111-3 du code du travail et il est présumé salarié dès l’instant qu’il apporte son concours moyennant rémunération à une entreprise de presse en vertu d’une convention, et cela quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
L’article L. 7111-3 alinéa 1 du code du travail énonce qu’est journaliste professionnel, toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources, son alinéa 2 retenant que le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa.
Les pièces communiquées aux débats justifiaient du travail régulier et principal de la salariée en tant que journaliste, correspondante travaillant à l’étranger, au profit de RFI, France 24 puis AEF entre 2007 et 2012 et de sa perception dans ce cadre de rémunérations régulières ayant progressivement augmenté pour atteindre un montant mensuel approximatif de 2 020 euros par mois en 2012. En l’absence d’éléments produits par la société France Médias Monde permettant de renverser la présomption de salariat dès lors applicable, la relation de travail salariée entre la salariée et la société France Médias Monde pour la période s’étendant du 4 août 2007 au 31 décembre 2012 a été retenue.
______________________________________________________________
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE VERSAILLES
6e chambre
ARRET DU 06 MAI 2021
N° RG 20/01164 – N° Portalis DBV3-V-B7E-T4OR
AFFAIRE :
J X
…
C/
S.A. FRANCE MEDIAS MONDE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Mars 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : 19/00334
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Oriane DONTOT
Me Franck LAFON
le : 21 mai 2021
LE SIX MAI DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame J X
née le […] à SAINT-ETIENNE (42000)
[…]
[…]
Représentée par Me Sylvain ROUMIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2081; et Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 –
SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES CGT
[…]
Case 570
[…]
Représenté par Me Sylvain ROUMIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2081; et Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 –
APPELANTS
****************
S.A. FRANCE MEDIAS MONDE
[…]
[…]
Représentée par Me Franck LAFON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618,substitué par Me LAHERRE Elisabeth,avocate au barreau de Paris.
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 16 Mars 2021, devant la cour composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Mme Elodie BOUCHET-BERT
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société France Médias Monde est une société nationale de programmes ayant pour mission de superviser et coordonner les activités des radios et télévisions publiques détenues par l’Etat français et ayant une diffusion internationale.
En 2009, Radio France International et France 24, chaîne de télévision d’information internationale en continu créée en décembre 2006, sont devenues filiales de la société Audiovisuel Extérieur de la France (AEF).
France 24 , Radio France International et l’AEF ont fusionné en février 2012 pour devenir France Médias Monde.
Mme J X, née le […], a travaillé pour la société Radio France International et pour la société France 24 à compter du 4 août 2007.
Elle a été engagée par la société France Médias Monde, par contrats de travail à durée déterminée du 24 décembre 2018 au 31 mars 2019, du 1er avril 2019 au 31 décembre 2019, du 27 décembre 2019 au 29 janvier 2020 et du 30 janvier 2020 au 18 mars 2020.
Par acte du 15 juillet 2019, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin de voir retenir la compétence matérielle de cette juridiction, voir appliquer la loi française au litige, et notamment :
— s’agissant de la période 2007 à 2013, voir juger qu’elle bénéficie du statut de journaliste professionnel, qu’en qualité d’envoyée spéciale permanente, elle occupait un emploi normal et permanent de l’entreprise, qu’elle bénéficiait de la présomption de salariat de journaliste professionnel et que la relation de travail la liant à la société France Médias Monde est depuis l’origine, soit depuis le 1er août 2007, un contrat de travail à durée indéterminée,
— s’agissant de la période de décembre 2018 à ce jour, voir juger que la société France Médias Monde ne satisfait pas aux obligations légales de recours aux contrats à durée déterminée et requalifier la collaboration en un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en qualité de grand reporter pour un salaire brut mensuel d’un montant de 5 150,96 euros versé sur 13 mois.
Par jugement du 26 mars 2020, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt :
— s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre pour connaître des demandes formées par Mme X relatives aux relations entretenues avec la société France Médias Monde dans le cadre de prestations fournies par la société IST Prod de janvier 2013 au 23 décembre 2018,
— a dit que le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt est compétent pour connaître des demandes formées par Mme X relatives aux relations de travail du 4 août 2007 à la fin de l’année 2013 et en conséquence a renvoyé les parties à l’audience du bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 1er octobre 2020 à 9h,
— a dit que cette décision vaut convocation des parties devant le bureau de jugement,
— a débouté les parties au titre des demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme X a interjeté appel de ce jugement le 18 juin 2020 et a été autorisée par ordonnance du 8 juillet 2020 à assigner la partie intimée à jour fixe pour l’audience du 20 octobre 2020.
Par conclusions adressées par voie électronique le 12 octobre 2020, Mme X demande à la cour de :
— infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 26 mars 2020, en ce qu’il s’est déclaré :
‘ incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre pour connaître des demandes relatives aux relations entretenues avec la société IST Prod de janvier 2013 au 23 décembre 2018,
‘ compétent pour connaître des demandes relatives aux relations de travail entretenues pour les seules périodes du 4 août 2007 à la fin de l’année 2013,
statuant à nouveau du chef de la compétence,
— dire et juger que le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt est compétent pour connaître des demandes formées par Mme X relatives aux relations entretenues avec la société IST Prod de janvier 2013 au 23 décembre 2018,
— dire et juger que le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt est compétent pour connaître des demandes formées par Mme X relatives aux relations de travail entretenues pour les périodes 2018 à ce jour,
— dire et juger justifiée la demande d’évocation,
Décidant d’évoquer, en application des dispositions de l’article 88 du code de procédure civile, évoquer le fond du litige afin de donner à l’affaire une solution définitive en faisant droit aux demandes suivantes de Mme X :
— débouter la société France Médias Monde de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
— juger non prescrites les demandes portant sur la période antérieure à juillet 2017,
— appliquer la loi française au présent litige,
— se déclarer compétente pour juger l’entier litige,
— juger que le conseil de prud’hommes a compétence matérielle pour reconnaître l’existence d’un contrat de travail et un lien de subordination pour la période de 2007 au 23 décembre 2018,
— juger que le conseil de prud’hommes a compétence matérielle pour indemniser le salarié d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur à ses obligations de déclarer le salarié aux organismes sociaux et de lui faire bénéficier des dispositions conventionnelles relatives à la sécurité sociale, complémentaire santé prévoyance et retraite,
Pour la période de 2007 à 2013:
— juger que Mme X bénéficie du statut de ‘journaliste professionnel grand reporter’ conformément aux dispositions de l’article L. 7111-3 du code du travail,
— juger que Mme X bénéficie de la présomption de salariat du journaliste professionnel prévue à l’article L. 7112-1 du code du travail,
— juger que l’emploi exercé par Mme X en qualité d’envoyée spéciale permanent est un emploi normal et permanent dans l’entreprise,
— juger, sur le fondement de l’article L. 1242-12 du code du travail, que la relation de travail liant Mme X et la société France Médias Monde est depuis l’origine, soit le 4 août 2007, un contrat de travail à durée indéterminée (à défaut de tout CDD),
Pour la période de décembre 2018 à ce jour :
— juger que la société France Médias Monde ne satisfait pas aux obligations légales de recours au CDD,
— juger que l’emploi déqualifié imposé à Mme X en qualité de ‘journaliste rédactrice’ est un emploi normal et permanent dans l’entreprise,
En tout état de cause et en conséquence,
— requalifier l’entière collaboration de Mme X :
‘ en contrat à durée indéterminée,
‘ à temps plein (soit 151,67 heures par mois),
‘ en qualité de ‘grand reporter’, comme ses collègues,
‘ pour un salaire brut mensuel de référence, incluant salaire de base, prime d’ancienneté et droits d’auteur et 13e mois de 5 150,96 euros,
— juger l’absence totale de prévisibilité dans la fourniture du travail de la société France Médias Monde et de répartition du temps de travail à la semaine et au mois en violation de l’article L. 3123-14 du code du travail, alors même qu’en tout état de cause et de surcroît :
‘ Mme X s’est tenue à l’entière disposition de la société,
‘ elle a travaillé à titre exclusif et à temps plein pour la société FMM depuis août 2007 car à sa totale disposition par contrat synallagmatique dit de priorité,
en conséquence,
— juger que le contrat de travail de Mme X doit être requalifié à temps plein depuis le 1er août 2007 avec toutes les conséquences de droit,
— ordonner la poursuite du CDI de Mme X avec la société France Médias Monde aux conditions ci-dessus décrites et sous astreinte de 1 000 euros/jour de retard.
— condamner France Médias Monde à verser à Mme X conformément aux dispositions des articles R. 1245-1 et L. 1245-2 du code du travail, une indemnité de requalification égale à 12% pour l’ensemble de la période soit 74 749,82 euros,
— condamner la société France Médias Monde à verser à Mme X les rappels de salaire suivants, sur la base d’un temps plein :
‘ pour l’année 2016 : 4 096,72 euros et 409,67 euros de congés payés afférents,
‘ pour l’année 2017 : 899,52 euros et 89,95 euros de congés payés afférents,
‘ pour l’année 2018 : 17 808,52 euros et 1 780,85 euros de congés payés afférents,
‘ pour janvier à juin 2019 : 3 459,21 euros et 345,92 euros de congés payés afférents,
— condamner la société France Médias Monde à payer à Mme X les rappels de prime d’ancienneté suivantes :
‘ 1 900 euros en 2016 et 190 euros de congés payés afférents,
‘ 3 800 euros en 2017 et 380 euros de congés payés afférents,
‘ 3 800 euros en 2018 et 380 euros de congés payés afférents,
‘ 3 800 euros en 2019 et 380 euros de congés payés afférents,
— condamner la société France Médias Monde à payer à Mme X les rappels de 13e mois suivants: ‘ pour l’année 2016 : 4 357 + 158,33 = 4 515,33 euros,
‘ pour l’année 2017 : 4 357 + 316,66 = 4 673,66 euros,
‘ pour l’année 2018 : 4 357 + 316,66 = 4 673,66 euros,
‘ pour l’année 2019 : 4 357 + 316,66 = 4 673,66 euros,
soit la somme totale de 18 536,31 euros ainsi que les congés payés afférents soit la somme de 1 853 euros,
— condamner la société France Médias Monde à payer à Mme X les rappels de droits d’auteur suivants, calculés selon l’accord d’entreprise France Médias Monde (2%) : 3 137,04 euros,
— condamner la société France Médias Monde à payer à Mme X, du fait de l’exécution déloyale du contrat de travail, une somme de 61 811,52 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles L. 1222-1 du code du travail, 1103 et 1104 du code civil,
— condamner la société France Médias Monde à verser à Mme X la somme de 61 811,52 euros du fait de la discrimination subie par Mme X,
Sur le sort du contrat de travail :
à titre principal,
— juger que le contrat de travail n’est pas rompu et que le terme du CDD intervenu le 18 mars 2020 est sans incidence sur l’existence du CDI,
— subsidiairement, si par extraordinaire la cour devait juger le contrat de travail rompu, juger que la rupture est nulle au motif de la discrimination subie et de la violation par la société France Médias Monde de la liberté fondamentale d’ester en justice,
— en conséquence,
— ordonner sa réintégration dans l’entreprise
à titre infiniment subsidiaire,
— requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
— condamner la société France Médias Monde à verser à Mme X les sommes suivantes:
. 10’301,92 euros à titre de préavis,
. 61’811,52 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
. 92’716,56 euros à titre de dommages-intérêts,
— condamner la société France Médias Monde à régulariser la situation de Mme X auprès des organismes sociaux depuis le 1er juillet 2016, tant en ce qui concerne l’URSSAF, la CNAV, que la complémentaire ainsi que le régime de prévoyance, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document,
— condamner la société France Médias Monde à remettre à Mme X les bulletins de paie, au mois le mois, et à tout le moins pour chaque année distincte, conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document,
— se réserver le contentieux de la liquidation des astreintes,
— condamner la société France Médias Monde à payer à Mme X les intérêts dus au taux légal (anatocisme) conformément à l’article 1343-2 du code civil,
— condamner la société France Médias Monde à poursuivre le contrat de travail de Mme X en CDI à temps plein dans les conditions précitées et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
— condamner la société France Médias Monde à payer au syndicat SNJ-CGT au titre des préjudices matériels et moraux subis par la profession de journaliste, la somme de 20 000 euros sur le fondement de l’article 1240 du code civil,
— condamner la société France Médias Monde à payer à Mme X et au syndicat SNJ-CGT la somme de 6 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner la société France Médias Monde aux entiers dépens et aux éventuels frais d’exécution.
Par conclusions adressées par voie électronique le 30 septembre 2020, la société France Médias Monde demande à la cour de :
— déclarer l’appel total de Mme X irrecevable et le limiter en ce que le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent sur la période de janvier 2013 à décembre 2018,
— déclarer Mme X et le SNJ-CGT mal fondés en leur appel,
— confirmer le jugement en le rectifiant en ce qu’il déclare le conseil de prud’hommes compétent jusqu’à fin 2013 et dire qu’il l’est jusqu’à fin 2012,
In limine litis,
— déclarer la loi turque applicable aux relations contractuelles jusqu’au 24 décembre 2018,
— constater l’inexistence d’un lien de subordination entre le 1er janvier 2013 et le 23 décembre 2018, période pendant laquelle la société France Médias Monde a travaillé avec la société IST Prod, société de Mme X,
— déclarer le conseil de prud’hommes incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre
pour statuer sur les demandes afférentes à la période de janvier 2013 à décembre 2018, période pendant laquelle la société France Médias Monde a travaillé avec la société IST Prod,
Subsidiairement,
— déclarer le conseil de prud’hommes incompétent pour la période antérieure au 24 décembre 2018 au profit du pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre (ancien TASS) pour statuer sur les demandes de régularisation depuis 2016 auprès des organismes sociaux et auprès du tribunal judiciaire de Nanterre pour statuer sur les demandes afférentes aux retraites complémentaires,
— rejeter la demande d’évocation de Mme X,
Plus subsidiairement,
— renvoyer l’affaire à une audience ultérieure en faisant injonction aux parties de conclure sur le fond,
Encore plus subsidiairement dans l’hypothèse où la cour évoquerait,
— déclarer prescrites les demandes portant sur la période antérieure à juillet 2017 sauf celles relatives aux rappels de salaire prescrites pour la période antérieure à juillet 2016,
— déclarer la loi turque applicable aux relations contractuelles jusqu’au 24 décembre 2018 et débouter Mme X des demandes afférentes à cette période,
— débouter Mme X de l’intégralité de ses autres demandes,
Si la cour devait appliquer la loi française pour la période antérieure au 24 décembre 2018,
— constater l’absence de contrats à durée déterminée sur la période antérieure au 24 décembre 2018,
— dire et juger que Mme X rémunérée à la pige, qui n’a jamais été tenue de consacrer une partie de son temps à l’entreprise et a travaillé pour d’autres médias n’était pas journaliste permanent jusqu’au 24 décembre 2018,
— la débouter en conséquence de l’intégralité de ses demandes pour la période antérieure au 24 décembre 2018,
— la débouter de l’intégralité de ses autres demandes,
Si la cour devait requalifier les contrats à durée déterminée conclus à compter du 1er avril 2019 en un contrat à durée indéterminée,
— dire et juger que la requalification du contrat serait aux dernières conditions contractuelles à savoir au poste de journaliste rédacteur et au salaire mensuel brut de 3 450 euros,
— fixer l’indemnité de requalification à la somme de 3 450 euros,
— constater que le dernier contrat à durée déterminée de Mme X s’est terminé le 18 mars 2020 et qu’un certificat de travail lui a été remis,
— déclarer irrecevable la demande de poursuite des relations contractuelles au delà du terme du dernier contrat à durée déterminée conclu soit au delà du 18 mars 2020, pour défaut de motivation et subsidiairement l’en débouter,
— débouter Mme X de ses autres demandes,
Encore plus subsidiairement, si par extraordinaire la cour devait appliquer le droit français pour la période de juin 2016 à décembre 2018 et requalifier les contrats de commande en contrat de travail à temps complet de journaliste permanent comme grand reporter,
— dire que le rappel de salaires tous postes confondus serait de15 876 euros, sur la base d’un salaire médian d’un grand reporter à temps plein de juin 2016 à décembre 2018,
en tout état de cause,
— débouter Mme X et le SNJ-CGT de toutes leurs demandes,
— condamner Mme X et le SNJ-CGT à payer chacun à France Médias Monde la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par arrêt du 12 novembre 2020, une médiation a été ordonnée et l’association CYM désignée en qualité de médiateur.
L’affaire a été rappelée à l’audience du 16 mars 2021 à laquelle il a été constaté que la médiation n’avait pas abouti.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS
Dans ses écritures, la société France Médias Monde soulève l’irrecevabilité de l’appel total interjeté par Mme X du jugement du conseil de prud’hommes alors que l’intéressée ne saurait interjeter appel de la partie du jugement pour lequel il n’y a aucun litige. Elle fait valoir que le litige opposant les parties a trait à la période de janvier 2013 à décembre 2018 et sollicite la confirmation du jugement en le rectifiant en ce qu’il déclare le conseil de prud’hommes compétent relativement à la relation de travail s’établissant jusqu’à la fin 2013 au lieu de la fin 2012.
Dans les termes de la déclaration d’appel du 18 juin 2020, Mme X sollicite de voir retenir que c’est à tort que le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre pour connaître de ses demandes relatives aux relations entretenues avec la société France Médias Monde dans le cadre des prestations fournies par la société IST Prod de janvier 2013 au 23 décembre 2018, s’est déclaré compétent pour connaître de ses demandes relatives aux relations de travail entretenues du 4 août 2007 à la fin de l’année 2013 et a renvoyé les parties à l’audience du bureau de jugement du 1er octobre 2020 pour statuer sur ses demandes relatives aux relations de travail du 4 août 2007 à la fin de l’année 2013.
Compte tenu de l’effet dévolutif de l’appel et des termes de la déclaration d’appel, il conviendra d’examiner la compétence de la juridiction prud’homale relativement à l’ensemble de la période couvrant la relation de travail, Mme X retenant que son contrat de travail doit en effet être pris dans son ensemble de 2007 à la fin de son dernier CDD au regard de la continuité de ses fonctions de correspondante à l’étranger/envoyée spéciale permanente au sein de la société France Médias Monde.
S’agissant de la compétence, la société France Médias Monde fait directement valoir dans ses écritures qu’aucun choix de loi qu’il soit exprès ou tacite n’a été effectué ‘au contrat’ et sollicite l’application de la loi turque sur le fondement des règles issues du règlement de Rome.
L’examen de la loi applicable au fond doit cependant être précédé de celui portant sur l’existence ou non d’un contrat de travail, le règlement de Rome n’ayant vocation qu’à décider de la loi applicable à un contrat individuel de travail d’ores et déjà identifié entre les parties , son article 8.1 retenant que ‘le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l’article 3.’
La compétence du conseil de prud’hommes est pour sa part subordonnée à l’existence ou non d’un contrat de travail qui sera donc examinée dans la présente décision.
Mme X invoque ici les dispositions de l’article L. 7112-1 du code du travail visant que toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.
S’agissant de la période s’étendant du 4 août 2007 au 31 décembre 2012, il est rappelé que le journaliste rémunéré à la pige est un journaliste professionnel s’il répond à la définition légale de l’article L. 7111-3 du code du travail et qu’il est présumé salarié dès l’instant qu’il apporte son concours moyennant rémunération à une entreprise de presse en vertu d’une convention, et cela quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.
L’article L. 7111-3 alinéa 1 du code du travail énonce qu’est journaliste professionnel, toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources, son alinéa 2 retenant que le correspondant, qu’il travaille sur le territoire français ou à l’étranger, est un journaliste professionnel s’il perçoit des rémunérations fixes et remplit les conditions prévues au premier alinéa.
En l’espèce, les pièces produites aux débats établissent que Mme X est diplômée de l’Institut supérieur de la communication, de la presse et de l’audiovisuel et a le titre de journaliste depuis le 14 décembre 2007 tandis que les 9 septembre 2008 et 30 octobre 2008, Radio France International lui a délivré des certificats visant sa qualité de correspondante journaliste française à l’étranger, l’intéressée travaillant en Turquie.
Les pièces également communiquées justifient que la direction des ressources humaines de Radio France International a délivré à l’appelante, le 22 juillet 2009, une attestation de travail visant son emploi par intermittence en qualité de correspondante journaliste française à l’étranger depuis le 4 août 2007, tandis que le 3 octobre 2012, la direction des ressources humaines d’Audiovisuel Extérieur de la France (AEF) lui a délivré un certificat d’employeur en visant son travail régulier en qualité de correspondante pigiste française à l’étranger.
Il est également justifié qu’après avoir exercé des fonctions de correspondante à Istanbul (Turquie) pour Radio France International (RFI), Mme X a exercé les mêmes fonctions en Irak à compter de 2010 au profit de RFI et de France 24 avec pour mission de couvrir les informations politiques, sociales et économiques portant sur ce pays et la région du Moyen-Orient puis qu’à compter d’octobre 2012 elle a retravaillé à Istanbul.
Les pièces communiquées conduisent à retenir d’autre part que Mme X a été rémunérée à la pige à compter du mois d’août 2007, qu’elle a ainsi perçu de Radio France International les sommes de 1 011,26 euros, 1 841,93 euros, 1 973,61 euros, 1 884,55 euros, 4 848,41 euros, 10 389,34 euros entre 2007 et 2012 ainsi que de France 24, les sommes de 8 129 euros en 2011 et 18’876 euros en 2012, des bulletins de salaire étant notamment délivrés par cette dernière société visant le paiement des cotisations sociales, un emploi de chroniqueuse de Mme X et sa classification en tant que cadre.
L’AEF vise, dans son certificat du 3 octobre 2012, la perception par Mme X, les trois derniers mois, d’une somme totale d’un montant brut de 3 208,32 euros, M. L Y, directeur du service international et des reportages télévisés de cette entité, attestant le 16 octobre 2012, que Mme X est la correspondante de France 24 en Turquie, qu’elle est payée par mission, et que son salaire est approximativement de 2 020 euros par mois.
Ces pièces ainsi communiquées justifient du travail régulier et principal de Mme X en tant que journaliste, correspondante travaillant à l’étranger, au profit de RFI, France 24 puis AEF entre 2007 et 2012 et de sa perception dans ce cadre de rémunérations régulières ayant progressivement augmenté pour atteindre un montant mensuel approximatif de 2 020 euros par mois en 2012.
En l’absence d’éléments produits par la société France Médias Monde permettant de renverser la présomption de salariat dès lors applicable, la relation de travail salariée entre Mme X et la société France Médias Monde pour la période s’étendant du 4 août 2007 au 31 décembre 2012 sera retenue.
S’agissant de la période s’étendant du 1er janvier 2013 au 23 décembre 2018, il est rappelé qu’en vertu des dispositions de l’article L. 8221-6 du code du travail, les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales sont présumées ne pas être liées avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, l’existence d’un contrat de travail pouvant toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.
En l’espèce, Mme X communique aux débats des factures de la société IST’Prod émises depuis Istanbul, adressées à la société France Médias Monde portant sur un certain nombre de reportages, un certificat d’activité de l’entreprise ‘Mme X M Production’ étant communiqué aux débats (à compter du 21 septembre 2015) et visant son activité de post-production de films, vidéos et de programmes télévisés.
L’expert-comptable Tucay Ozgun atteste le 10 juillet 2015 de ce que l’intégralité des revenus perçus par Mme X en qualité de gérante provenait des factures qu’elle a établies chaque mois à la société France Médias Monde durant six années.
Dans le cadre de courriels échangés en 2013 et 2014 produits aux débats, la cour observe que les parties reviennent sur les conditions dans lesquelles une telle société a été créée.
Il en ressort que la société France 24 a alors voulu encourager les collaborateurs réguliers sous le statut de pigiste à entrer dans une relation pérenne par le biais d’une société de production (mail du 23 septembre 2013 de M. Y), M. Y énonçant le 18 novembre 2014 que ‘si certains correspondants qui ont monté leur société de production voient leurs revenus décroître en deçà d’un certain seuil qui ne couvre pas les frais de fonctionnement de leur boîte, nous ne pouvons pas nous opposer à ce qu’ils reviennent à un statut de pigiste’ (pièce 67), l’intéressée sollicitant, par mail du 24 novembre 2014 de revenir à un tel statut.
La cour observe d’autre part que les courriels échangés dans le cadre de la relation de travail instituée depuis le mois de janvier 2013 ne font apparaître aucune distinction avec ceux échangés avec les membres de la rédaction de France 24 antérieurement, des demandes identiques étant formulées à l’égard de Mme X portant sur des propositions de sujets, l’avancée des dossiers, des délais à respecter, la nécessité d’être à disposition de la société dans le cadre d’horaires contraints.
Ainsi notamment, Mme Z, de France 24, indique à Mme X le 15 mars 2012 : ‘peux tu s’il te plaît être prête à faire des téléphones à l’occasion de la grosse manif lundi organisée par Moqtada al Sadir ‘ (…) Nous allons compter sur toi pour couvrir le sommet de la Ligue arabe du 29 mars pour l’antenne télé France 24’ (pièce 69-3), le 26 février 2013 : ‘nous voyons les éléments suivants au 21 mars. Peux-tu s’il te plaît nous dire si c’est sérieux et nous expliquer un peu plus ce qu’on peut en attendre ”, le 20 mars 2014 : ‘France 24 prévoit une grosse programmation pour le centenaire de la guerre 14-18. L’utilisation d’archives TV est un aspect crucial de notre capacité de programmation. Pourrais-tu te renseigner pour savoir s’il existe en Turquie des fonds de vidéos d’archives couvrant et quel tarif ” (pièce 69-7), le 13 mai 2014 : ‘nous avons appris qu’Erdogan envisage le prix à Sainte-Sophie le 29 mai aux côtés de responsables musulmans étrangers (…) Merci d’avance de me dire ce que tu en penses (avant midi demain) étant donné que notre réunion de prévision est dans l’après-midi’ (pièce 69-8), le 12 novembre 2014 : ‘il faut que tu ailles à A mais si tu fais le premier Skype depuis Istanbul vendredi matin, ça fera l’affaire’.
La cour observe également que le 17 octobre 2013, M. B, journaliste à France 24, fait état à l’intéressée de ce qu’il ne ‘cale rien’ pour l’instant ‘mais qu’il est possible que les rédacteurs en chef de la journée fasse appel à elle’, que le 19 août 2015, Mme C demande à Mme X de répondre à son mail avant 15h, que le 10 janvier 2015, M. D lui indique qu’elle devra intervenir le lendemain matin pour un skype à 8h (heure de Paris) relativement à la venue du premier ministre turc à Paris, que le 11 janvier 2016 Mme X attend le feu vert de M. E concernant un ‘one shot’ à Nusaybin (pièce 125-11), que dans le cadre d’un mail du 18 octobre 2016, M. Y compose lui même l’équipe 2 ‘bataille de Mossoul’ devant se déployer en fin de semaine à Erbil pour couvrir la bataille côté Peshmerga en y visant l’appelante (pièce 125-10), que le 10 février 2017, il est demandé à Mme X de ‘faire un skype à 14h de Paris sur Erdogan qui valide la révision constitutionnelle et le referendum du 16’ ( pièce125-15), que le 12 octobre 2017, il lui est demandé de réenregistrer une phrase en ce que la phrase initiale comportant le mot académicien ‘renvoyait trop à l’Académie française’, que le 8 mars 2018, il lui est demandé ‘un reportage format news, 1 minute 45 à 2 minutes à livrer idéalement le jeudi 22 mars sur les Frères musulmans égyptiens réfugiés en Turquie’.
Dans le même temps, il résulte du courriel de Mme F, rédactrice en chef de la matinale de France 24,en date du 27 mai 2013 que Mme X reçoit ses félicitations sur son analyse sur les divisions de l’opposition, la rédactrice en chef ‘laissant les rédacteurs en chef de journée caler avec elle de nouvelles interventions’ (pièce 45), tandis que le 16 novembre 2015, cette rédactrice en chef remercie également Mme X pour avoir été présente dès le début de la matinale, un mail du 18 juin 2013 de M. G, salarié de France 24, venant répertorier six interventions à l’antenne de l’intéressée, ‘correspondante France 24’, le 2 août 2013, de nombreux mails provenant de membres de la rédaction France 24 de 2013 à 2017 félicitant par ailleurs Mme X pour la qualité de son travail, Mme N O la remerciant le 2 novembre 2015 pour sa flexibilité.
Ces éléments corroborent les termes de l’attestation de Mme C., directrice adjointe de l’information sur la chaîne anglaise de France 24 (pièce 90) retenant que ‘de nombreux journalistes, envoyés à l’étranger ou déjà sur place et qui travaillaient en tant que correspondants de France 24 n’ont eu d’autre choix que de créer une société de production. En effet la consigne énoncée par la direction de France 24 était de faire passer le plus grand nombre de journalistes rémunérés à la pige en statut de boîte de production. Ceci alors que les tâches effectuées restaient exactement les mêmes c’est-à-dire celles de journalistes sur le terrain, livrant des reportages commandés par la direction/rédaction et non d’un gérant d’entreprise’.
Il se déduit de ces éléments que dans la continuation de la relation de travail initiée en 2007, Mme X est restée dans un lien de subordination à l’égard de la société France Médias Monde à compter du mois de janvier 2013, des reportages lui étant commandés, des interventions télévisées selon des horaires contraints lui étant imposées, les termes utilisés à l’occasion de certaines de ces interventions étant revus, l’intéressée devant manifestement être à disposition de la société France 24 dans le cadre d’une grille de reportages et d’interventions décidée par celle-ci.
La cour observe que mention est par ailleurs portée sur les factures de la société du transfert du montant des sommes versées sur le compte HSBC de l’intéressée, que des frais de déplacement pour la couverture d’un certain nombre de reportages, assimilables à des frais professionnels, y sont remboursés.
Il ressort en outre des termes circonstanciés du courriel du 14 novembre 2018 de Mme X que celle- ci n’a d’ailleurs pas été maîtresse du lieu d’exercice de ses fonctions alors qu’à l’été 2012 tandis qu’elle avait fait part à l’intimée de son désir de quitter l’Irak pour prendre le poste de correspondante qui se libérait en Turquie, la direction de France 24 lui a indiqué la fin de leur collaboration si elle partait de Bagdad avant que la chaîne ne trouve quelqu’un pour la remplacer.
Il ressort également des pièces produites que lors de sa nomination en qualité de correspondante en Turquie en novembre 2012, son accréditation a été en outre matériellement obtenue par France 24 via Arte tandis que la question de l’ouverture d’un bureau en Turquie, lorsqu’elle s’est posée, a été traitée en 2018 en concertation avec France 24.
Il résulte ainsi des échanges avec M. I de France 24 au mois d’août 2018, que celui-ci s’accorde avec Mme X pour que celle-ci effectue une mission auprès des autorités de Dubai afin d’étudier les conditions nécessaires à l’ouverture d’un bureau régional, une hypothèse étant soulevée le 22 octobre 2018 visant un partage du bureau avec l’AFP, la cour relevant que dans un courriel du 1er novembre 2018, il est ensuite proposé à l’intéressée soit ‘de continuer en attendant un autre poste d’être la correspondante de France 24 en Turquie’ auquel cas il serait demandé à R S et P Q de se rendre à Istanbul pour assurer le rôle de numéro 2 en français et en anglais, soit ‘de revenir à Paris et travailler en pige ou en contrat à durée déterminée à la rédaction quelques mois’, en l’absence de postes de reporters, le temps de trouver une meilleure façon de répondre à son souhait d’une nouvelle correspondance dans une capitale occidentale.
S’agissant enfin de la période débutant le 23 décembre 2018, les contrats à durée déterminée conclus par Mme X avec la société France Médias Monde justifient pour leur part de son statut de salarié, l’intéressée étant engagée en qualité de journaliste rédactrice, classification 6B, statut cadre de la convention collective nationale du travail et de l’accord d’entreprise France Médias Monde du 31 décembre 2015.
Au regard des éléments susvisés, le jugement a donc lieu d’être infirmé en ce qu’il a écarté la compétence de la juridiction prud’homale pour connaître de la relation de travail de Mme X et de la société France Médias Monde à compter de janvier 2013 et jusqu’au terme du dernier CDD.
S’agissant de la demande d’évocation, il est rappelé qu’en vertu de l’article 88, lorsque la cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction compétente, elle peut évoquer le fond si elle estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction.
La cour rappelle néanmoins que le principe est celui du double degré de juridiction et observe que les délais de procédure ici suivis (jugement dont appel du 26 mars 2020, tentative de médiation entre les parties entre novembre 2020 et mars 2021) n’impliquent pas d’évoquer l’affaire.
La demande d’évocation sera donc écartée.
Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a retenu l’incompétence de la juridiction prud’homale pour statuer sur la relation de travail entre janvier 2013 et décembre 2018 ;
LE CONFIRMANT pour le surplus,
DIT le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt compétent pour connaître de l’entière relation de travail salariée ayant lié Mme J X et la société France Médias Monde du 4 août 2007 jusqu’au terme de son dernier contrat de travail à durée déterminée en 2020 ;
DIT n’y avoir lieu à évocation ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société France Médias Monde à payer à Mme J X la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la société France Médias Monde de sa demande de ce chef ;
CONDAMNE la société France Médias Monde aux dépens jusqu’ici engagés.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code procédure civile et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Madame BOUCHET-BERT Elodie, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER
LE PRESIDENT