Présentateur : 6 septembre 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/01201

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Présentateur : 6 septembre 2022 Cour d’appel de Reims RG n° 21/01201

ARRET N°

du 06 septembre 2022

R.G : N° RG 21/01201 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-FASI

S.A. SOCIETE GENERALE

c/

[F]

Formule exécutoire le :

à :

Me Pascal GUILLAUME

Me Carole MANNI

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 06 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 17 mai 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de REIMS

S.A. SOCIETE GENERALE La SOCIÉTÉ GENERALE ayant établissement à REIMS

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS et ayant pour avocat Maître FONTANA avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame [I] [F]

Chez Madame [M] [F] [Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Carole MANNI, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame PILON conseiller, a entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées ; en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Monsieur LECLER, conseiller

Madame PILON, conseiller

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 13 juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 06 septembre 2022,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 06 septembre 2022 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

Le 2 mars 2018, Mme [G] [F] a signé avec la Société Générale une convention de compte individuel de particulier numéro 000 500 13 113. Elle a souscrit au service banque à distance lui permettant d’accéder à son compte par Internet et de disposer des services mobiles.

Le même jour, elle a signé avec la Société Générale une convention de produits et services Jazz comportant la mise à disposition d’une carte bancaire permettant de payer 600 euros par mois et de retirer 300 euros par période de sept jours.

Le 22 juin 2018, Mme [G] [F] a accepté une offre de prêt étudiant consentie par la Société Générale, agissant pour le compte de sa filiale Sogefinancement, d’un montant de 15.000 euros au taux d’intérêt débiteur annuel fixe de 0,89 %, remboursable par mensualités de 13,08 euros jusqu’au 10 juillet 2023 puis par mensualités de 324,50 euros jusqu’au 10 juillet 2027.

Le 4 décembre 2018, la Société Générale a encaissé sur le compte de particulier de Mme [G] [F] un chèque numéro 0000356 d’un montant de 4982,65 euros émis le 24 novembre 2018, dont le tireur est la société Boem Group située [Adresse 1].

Le 4 décembre 2018, Mme [G] [F] a procédé à un virement d’un montant de 4000 euros sur un compte situé en Lituanie avec la référence Virgiles Veltam.

Le 6 décembre 2018, la Société Générale a retourné à Mme [G] [F] le chèque numéro. 0000356 d’un montant de 4982,65 euros rejeté pour le motif opposition sur chèque, vol.

Le jour même, Mme [G] [F] a déposé plainte pour escroquerie auprès du commissariat de police centrale de [Localité 6].

Par courrier du 13 décembre 2018 adressé au commissariat de police central de [Localité 6], Mme [G] [F] a complété sa plainte en indiquant que l’escroc avait tenté de déposer un deuxième chèque d’une valeur de 4977,63 euros sur son compte bancaire.

À la suite du virement de 4000 euros opéré par Mme [G] [F] et du rejet du chèque numéro 0000 356 d’un montant de 4982,65 euros, son compte de particulier a présenté un solde débiteur.

Par courrier du 15 mai 2019, la Société Générale a mis Mme [G] [F] en demeure de payer la somme de 83,73 euros sous peine de déchéance du terme du contrat de prêt étudiant.

Le 14 juin 2019, la Société Générale a fait délivrer à Mme [G] [F] par acte d’huissier une sommation de payer la somme de 16.486,51 euros au titre du prêt étudiant, après déchéance du terme.

Le 5 août 2019, la Société Générale a mis Mme [G] [F] en demeure de payer la somme de 4034,06 euros correspondant au solde débiteur de son compte de particulier numéro 000 500 13 113, dans un délai de 30 jours sous peine d’inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.

Aux termes d’une décision de l’officier de l’État civil de [Localité 4] du 9 octobre 2019, Mme [G] [F] se prénomme désormais [I] [F].

Par acte d’huissier en date du 6 août 2020, Mme [I] [F] a fait assigner la Société Générale, devant le tribunal judiciaire de Reims.

Par dernières conclusions du 19 avril 2021, Mme [I] [F] a demandé au tribunal sur le fondement des articles 1231-1, 1240 et 1241 du Code civil et L131-19 et suivants du code monétaire et financier de :

-condamner la Société Générale à lui payer :

– la somme de 4000 euros,

– la somme de 369,70 euros au titre des frais générés et prélevés sur son compte bancaire,

– la somme de 1000 euros au titre du préjudice moral,

-condamner la Société Générale à faire procéder à l’annulation de son inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,

-condamner la Société Générale à la garantir de toutes les sommes auxquelles elle pourrait être condamnée au titre de l’emprunt étudiant qu’elle n’a pas pu rembourser (procédure RG 20 001167 pendante devant le juge des contentieux de la protection),

-condamner la Société Générale à lui payer la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouter la Société Générale de toutes ses demandes,

-condamner la Société Générale aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

-constater qu’elle ne s’oppose pas à une procédure de vérification d’écriture.

Par dernières conclusions du 26 mars 2021, la Société Générale a demandé au tribunal de :

-débouter Mme [I] [F] de ses demandes,

-condamner Mme [I] [F] à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [I] [F] aux entiers dépens.

Par jugement du 17 mai 2021, le tribunal judiciaire de Reims a :

-condamné la Société Générale à payer à Mme [G] [F] devenue [I] [F] la somme de 2.184,50 euros à titre de dommages et intérêts,

-condamné la Société Générale à faire procéder à l’annulation de l’inscription de Mme [G] [F] devenue [I] [F] au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, pendant deux mois passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

-condamné la Société Générale à garantir Mme [G] [F] devenue [I] [F] de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre au titre de l’emprunt étudiant, dans le cadre de la procédure actuellement pendante devant le juge des contentieux de la protection de Reims sous le numéro de rôle 20-001167,

-condamné la Société Générale à payer à Mme [G] [F] devenue [I] [F] la somme de 1000 euros à titre de préjudice moral,

-condamné la Société Générale à payer à Mme [G] [F] devenue [I] [F] la somme de 1000 euros au titre des frais irrépétibles,

-rappelé que l’exécution provisoire est de droit,

-condamné la Société Générale aux entiers dépens.

Le tribunal a estimé que :

-la Société Générale, en qualité de banquier présentateur chargé de l’encaissement du chèque numéro 0000 356 d’un montant de 4982,65 euros a commis une faute en ne vérifiant pas la régularité apparente de l’endos du chèque et du bordereau de remise de chèque. Toutefois, Mme [G] [F] devenue [I] [F] a également commis une faute en communiquant ses coordonnées bancaires à un inconnu sur internet d’une part et en procédant hâtivement à un virement de 4000 euros au profit de cette personne inconnue dès le 4 décembre 2018. Ainsi, les manquements respectifs de chacune des parties sont en relation causale directe avec la réalisation du dommage de Mme [I] [F], et le droit à indemnisation de cette dernière doit être consécutivement limité à concurrence de moitié,

-par ailleurs, en bloquant le compte de particulier de Mme [F], ce qui a entraîné la déchéance du terme du prêt étudiant et l’inscription de Mme [I] [F] au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, l’attitude de la banque apparaît excessive dans la mesure où, par son manque de vigilance, elle a elle-même concouru à la réalisation du dommage subi par Mme [I] [F], et où la somme due par cette dernière, au terme de la mise en demeure avant déchéance du terme était minime.

Par déclaration du 16 juin 2021, la Société Générale a interjeté appel à l’encontre de ce jugement, en visant expressément la totalité des chefs de décision.

Par conclusions déposées le 24 février 2022, la Société Générale demande à la cour de:

-la déclarer recevable et bien fondée en son appel et en ses demandes,

-déclarer Mme [G] [F] désormais prénommée [I] [F] mal fondée en son appel incident,

-l’en débouter,

-infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims en tous ses chefs de décision,

Statuant à nouveau,

-déclarer Mme [G] [F] devenue [I] [F] mal fondée en ses demandes,

-débouter Mme [G] [F] devenue [I] [F] de toutes ses demandes à son encontre,

-condamner Mme [G] [F] devenue [I] [F] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamner Mme [G] [F] devenue [I] [F] en tous les dépens.

Par conclusions déposées le 6 décembre 2021, Mme [I] [F] demande à la cour de :

-juger l’appel de la Société Générale recevable et mal fondé,

-juger son appel incident recevable et bien fondé,

En conséquence,

-confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Reims en date du 17 mai 2021 hormis en ce qui concerne la limitation de son droit à indemnisation à concurrence de moitié quant au virement de 4000 euros et frais bancaires,

En conséquence,

Vu les dispositions des articles 1231-1, 1240 et 1241 du code civil,

Vu les dispositions des articles L131-19 et suivants du code monétaire et financier,

-condamner la Société Générale à lui payer la somme de 4000 euros à titre de dommages et intérêts,

-condamner la Société Générale à lui payer la somme de 369,70 euros euros au titre des frais générés et prélevés sur son compte bancaire,

-condamner la Société Générale à faire procéder à l’annulation de son inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision, pendant deux mois passé lequel délai il sera à nouveau fait droit,

-condamner la Société Générale à la garantir de toutes les sommes auxquelles elle pourrait être condamnée au titre de l’emprunt étudiant qu’elle n’a pu rembourser (procédure devant la cour d’Appel de Reims 1ère chambre section instance : affaire pendante RG 21/01201),

-condamner la Société Générale à lui payer la somme de 1000 euros au titre de son préjudice moral,

-condamner la Société Générale au paiement de la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouter la Société Générale de toutes ses demandes,

-condamner la Société Générale aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 mai 2022.

MOTIFS

Selon l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Il est constant que le banquier récepteur, chargé de l’encaissement d’un chèque, est tenu de vérifier la régularité apparente de l’endos apposé sur le titre.

Mme [F] ne peut faire reproche à la Société Générale de ne pas avoir décelé que le chèque n’était pas signé par le titulaire du compte à tirer dès lors que seul le banquier tiré peut vérifier la conformité de la signature du tireur à celle qu’il détient à titre de spécimen.

De même, la banque présentatrice n’est pas tenue de vérifier si le chèque est approvisionné avant de le porter au crédit du compte du bénéficiaire.

Le chèque litigieux était tiré sur un compte au nom de «’Boem Group’». La signature du tireur figurant sur ce chèque est identique à celle qui apparaît sur le bordereau de remise dudit chèque et ces deux signatures, comme celle figurant au dos du chèque, sont très différentes de celles apposées par Mme [F] sur les pièces contractuelles produites par la banque.

En outre, le numéro du compte à créditer figure de manière manuscrite sur le bas du bordereau, dont toutes les autres mentions, y compris le code de la banque qui précède immédiatement le numéro du compte, sont pré-imprimées, ce qui démontre de toute évidence qu’il s’agit d’un bordereau se rattachant à un autre compte que celui de Mme [F], qui a été modifié.

Ces éléments constituent des anomalies que la banque aurait dû relever.

Mais Mme [F] n’ignorait pas l’irrégularité de l’endos du chèque litigieux, puisqu’elle a déclaré, lors de son dépôt de plainte, que le chèque avait été déposé par l’homme avec qui elle était entrée en contact sur la messagerie Instagram et qui lui a ensuite demandé de procéder à un virement de 4 000 euros vers un compte situé en Lituanie.

Dans ces conditions, le dommage subi par Mme [F] trouve sa cause dans le virement que celle-ci a accepté d’effectuer, sans attendre l’expiration du délai usuel d’encaissement des chèques, alors, précisément, qu’elle savait ne pas être l’auteur de l’endos du chèque et que son interlocuteur lui était totalement inconnu et lui avait fourni sur l’opération en cause des explications qui ont suscité sa méfiance, ainsi qu’elle l’a elle-même déclaré lors de son dépôt de plainte du 6 décembre 2018.

Elle est donc seule responsable de son propre préjudice.

En conséquence, elle doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes, qui sont fondées sur ou impliquent une responsabilité de la SA Société Générale.

Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions contestées, y compris de ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

Mme [F] succombant ainsi en son appel, est tenue au dépens de cette procédure et ne peut prétendre au paiement d’une indemnité pour ses frais irrépétibles.

Il est équitable d’allouer à la Société Générale la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 17 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Reims en toutes ses dispositions contestées,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Mme [G] [F] devenue Mme [I] [F] de toutes ses demandes ;

Condamne Mme [G] [F] devenue Mme [I] [F] à payer à la SA Société Générale la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [G] [F] devenue Mme [I] [F] aux dépens d’appel.

Le greffier La présidente

 


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