SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 novembre 2021
Rejet non spécialement motivé
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10920 F
Pourvoi n° U 20-16.381
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 4 NOVEMBRE 2021
La société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-16.381 contre les arrêts rendus les 11 juin 2019 et 29 janvier 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l’opposant à Mme [G] [X], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Monge, conseiller, les observations écrites de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société France télévisions, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de Mme [X], après débats en l’audience publique du 15 septembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Monge, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de les décisions attaquées, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société France télévisions aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France télévisions et la condamne à payer à Mme [X] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société France télévisions.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué du 11 juin 2019 (RG n° 15/00404) d’AVOIR dit qu’il devait être attribué à Mme. [X] une revalorisation au palier 2 de grand reporter depuis le 1er janvier 2013 et renvoyé les parties à faire le compte des rappels de salaire dus à Mme. [X] pour la période du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2017 sauf, en cas de difficulté, à l’une ou l’autre parties à saisir la juridiction par voie de simple requête, d’AVOIR dit que pour la période à compter du 1er janvier 2017, le calcul opéré par les parties sur le palier 2 devra tenir compte de l’augmentation individuelle accordée à Mme. [X] et appliquer une augmentation similaire en fonction du salaire atteint, et d’AVOIR condamné la société France télévisions à payer à Mme. [X] la somme de 5 000 € au titre du préjudice subi et celle 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel,
AUX MOTIFS QUE « Sur la discrimination. Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2088-496 du 27 mai 2008’notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe et de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2088-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et le juge forme sa conviction après avoir ordonné toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Au soutien de ses prétentions, Mme. [X] invoque les éléments suivants dont elle prétend avoir été victime : – sa qualification professionnelle, et l’évolution de sa carrière,
– sa rémunération.
S’agissant du 1er élément, Mme. [X] présente les éléments de fait suivants :
– malgré son ancienneté dans la profession, sa grande expérience ses compétences et ses diplômes, sa disponibilité et la réalité des fonctions exercées et malgré les promesses de l’employeur, elle a été engagée comme rédacteur reporteur qui est la fonction la plus basse dans la grille des journalistes après celle de journaliste stagiaire alors qu’à 46 ans elle aurait dû être engagée comme journaliste spécialisée,
– cette incohérence à l’embauche s’est poursuivie et aggravée tout au long de sa carrière,
– elle a assumé depuis son engagement la responsabilité de magazines et ses responsabilités se sont accrues en mars 2013 car l’équipe éditoriale « les matins de Paris » a été restreinte à 4 collaborateurs au lieu de 12 bien que l’émission soit diffusée quatre fois par semaine pour une durée de 26 minutes, qu’elle coordonnait l’ensemble et assurait la réalisation en plus toutes les trois semaines de deux sujets pour « Wermus prend la Bastille » jusqu’en juin 2013 ; ces fonctions sont celles d’une responsable d’édition si ce n’est celles de rédacteur en chef ou de rédacteur en chef adjoint et non celle de grand reporter ; par mail du 12 avril 2013, elle a réclamé le poste de rédacteur en chef adjoint, à tout le moins d’augmenter le palier de grand reporter,
– elle n’a bénéficié que de deux promotions en 30 ans de carrière : en janvier 2001 comme journaliste spécialisé et en janvier 2004 comme grand reporter, la promotion comme grand reporteur palier 1 ne résultant que d’une harmonisation intervenue en 2012 et non d’une promotion et le palier 1 étant le plus bas des cinq paliers existants, et depuis 2004, soit depuis 14 ans, elle n’a bénéficié d’aucune promotion,
– malgré l’annonce qui lui a été faite par courrier du 24 mars 2014 par son employeur sur une modification de son positionnement au sein de la grille de classification avec effet rétroactif au 1er janvier 2013, elle n’a vu aucune modification,
– des attestations louent ses qualités professionnelles et indiquent son rôle réel de chef de programme ou de magazines, ou de responsable d’émission, ou de rédacteur en chef, qui ne fut jamais reconnu car elle n’était pas un intermittent du spectacle et qu’elle faisait « fonction de » sans reconnaissance du titre,
– l’absence d’entretien annuel, excepté pour les années 2017 et 2018,
– l’absence de formation.
S’agissant du 2ème élément, reposant sur sa rémunération, Mme. [X] présente les éléments de faits suivants :
– le principe à travail égal, salaire égal n’est pas respecté car son salaire ne tient pas compte de la réalité et du contenu des fonctions exercées (responsabilité éditoriale), elle aurait dû être rémunérée comme responsable d’édition de magazines, voire de rédacteur en chef adjoint ou de rédacteur en chef,
– elle subit une discrimination salariale au sein même de son poste actuel de grand reporter par rapport à ses collègues masculins, tel que ceci ressort de l’analyse des rémunérations par fonction de 2008 à 2010 effectuée par la direction des ressources humaines France 3 Nord Ouest dans le cadre du rapport sur l’égalité hommes/femmes de 2010 sachant que les grands reporters ne bénéficient ni d’une rémunération variable, ni d’une prime de déplacement, au vu du document remis aux représentants syndicaux par France Télévisions relatifs aux salaires des journalistes de France 3 (FTV Vanves) de 2010-2011,
– elle sollicite un rappel de salaire de janvier 2008 à septembre 2018 soit une somme de 263.291,12 euros, son calcul étant fondé sur le rapport relatif aux salaires des journalistes de France 3 Paris (FTV Vanves) de 2010-2011 en tenant compte de la rémunération brute maximale des grands reporters homme ou femme sur les années 2008 à 2010, l’harmonisation intervenue en 2014 pour son salaire de 2012 ne gommant pas la discrimination salariale car la revalorisation a été effectuée selon un salaire médian et il ne s’agissait pas d’une augmentation individuelle ; l’augmentation individuelle survenue en novembre 2017 à effet du 1er janvier 2017 est la seule augmentation individuelle depuis 2004 survenue opportunément à l’approche de l’audience en appel,
– enfin un système d’examen prioritaire de la situation salariale des journalistes n’ayant pas bénéficié de mesure individuelle (salariale ou promotion) au cours des six années précédentes avait été mis en place, ramené à quatre ans depuis l’accord collectif de 2013, afin d’éviter les disparités et discriminations salariales, système dont elle n’en a pas bénéficié.
La cour examinera successivement chacun des éléments invoqués par Mme. [X] au regard des éléments de fait présentés par elle et des réponses et justificatifs apportés par la société.
Sur la qualification professionnelle et l’évolution de carrière : C’est en vain que Mme. [X] conteste son embauche en qualité de rédacteur reporteur estimant que dans la grille des journalistes il s’agit de la fonction la plus basse après celle de journaliste stagiaire et ce malgré ses diplômes en matière d’histoire, car comme le relève justement l’employeur, elle ne justifiait ni avoir fait une école de journalisme, ni avoir une expérience professionnelle importante en qualité de journaliste avant son entrée à France 3 où elle était collaboratrice d’émission et non journaliste, son relevé de carrière démontrant qu’elle n’a eu qu’une petite activité en 1991 pour la cinq et en 1992 pour Bayard Presse et France 3 ; en conséquence son positionnement à l’embauche soit rédacteur reporter indice 1210 est cohérent avec son expérience professionnelle, l’indice conventionnel minimum étant de 1070 ; aucune discrimination à l’embauche ne sera retenue. Sur son évolution de carrière, l’employeur soutient qu’elle a été augmentée en qualification professionnelle, en indice, en rémunération et qu’elle n’a subi aucune discrimination ; que si elle collaborait à des émissions, elle n’a ni géré des équipes, ni assumé seule la préparation d’une émission et qu’elle a réalisé des chroniques à partir d’images d’archives ; que les entretiens d’évaluation ont permis de faire le point sur son activité ; en 2016, elle mentionnait être satisfaite des conditions professionnelles et humaines, en 2017, elle indiquait être obligée de travailler jusqu’à 70 ans et voulait une reconnaissance et une revalorisation de son statut et en 2018 elle et a demandé à passer au niveau 2 de grand reporteur sans jamais faire état d’une discrimination ; que le poste de rédacteur en chef suppose des qualités particulières et notamment l’encadrement d’une équipe et qu’il n’existe pas de promotion automatique d’un journaliste en raison de son ancienneté ; qu’elle ne peut ni être responsable d’édition qui suppose qu’elle participe aux conférences de rédaction et suive l’évolution de la fabrication, le contrôle de la mise en forme du conducteur et la mise en place des transmissions et d’alerte éditoriale en lien avec le rédacteur en chef, poste qui de plus, relève de la filière édition et non de la filière reportage comme les grands reporters, ni rédacteur en chef adjoint qui relève de la filière d’encadrement et suppose d’assister ou de suppléer un rédacteur en chef dans ses missions éditoriales, un rôle de management, la planification du personnel et les activités de la rédaction ; que Mme. [X] n’a jamais exercé de telles fonctions. Mais l’employeur ne peut sérieusement prétendre que Mme. [X] n’a jamais fait état d’une discrimination alors même que depuis, au moins le 16 octobre 2009, elle s’est plainte de sa rémunération et de sa position par rapport à ses collègues, notamment masculins, grands reporters et que l’employeur a décidé par courrier du 7 décembre 2009 de la faire bénéficier d’une mesure d’avancement à effet rétroactif au 1er janvier 2009 reconnaissant ainsi qu’elle n’avait pas encore bénéficié de l’application de l’accord groupe du 13 juillet 2007 sur l’égalité professionnelle homme/femme (mails des 16 octobre 2009 et lettre de l’employeur du 7 décembre 2009). Par lettre du 13 juillet 2012 particulièrement détaillée et circonstanciée, la salariée revenait sur son évolution de carrière, sa rémunération et la discrimination dont elle estimait avoir fait ou faire encore l’objet sur le plan des fonctions et de son évolution. Il résulte des documents produits par les parties que la salariée qui travaille sur des émissions comme, « Face à Face », « Boulevard de la Seine » et les « Matins de Paris » propose des sujets et recherche des archives, participe au choix des personnalités invitées, gère une chronique en autonomie mais n’encadre pas d’équipe ; ce faisant, elle n’est ni responsable d’édition, lequel est garant d’une bonne organisation d’une émission qu’il supervise du début à la fin, en construisant en concertation avec le rédacteur en chef et le présentateur le squelette de l’émission et en participant à l’élaboration du conducteur, supervisant la mise en image des sujets et dirigeant les équipes techniques depuis la régie lors du direct, et encore moins rédacteur en chef ou rédacteur en chef adjoint lequel doit animer une équipe de pigistes et de journalistes et assurer le lien avec la direction et les autres services et être responsable du contenu des différents articles d’une publication ou d’un ensemble d’émissions ; dans son mail du 22 mars 2013, Mme. [X] reconnaît ne pas s’occuper des équipes techniques, ne pas choisir les invités sauf lorsque c’est nécessaire et elle n’encadre pas d’équipe d’autant que l’émission comporte selon ses dires un producteur artistique, un présentateur, une journaliste (Mme. [X]) et deux assistantes ; enfin, elle ne peut sérieusement revendiquer la création d’un poste de responsable d’édition de magazine à son profit au regard des critères de ce poste et du fait qu’il n’a pas été tenu par elle, dans les émissions auxquelles elle a collaboré comme « A vos quartiers » et « Paris Wermus- Paris Cactus », mais par Mme [S]. En conséquence, le statut de grand reporter est conforme au contenu de ses fonctions et même à la revendication de Mme. [X] (mail du 12 avril 2013 dans lequel elle demande au moins d’augmenter le palier de grand reporter et à son entretien d’évaluation de 2018, peu important que d’autres salariés aient suivi un chemin professionnel les ayant conduits à des postes de responsabilités comme rédacteur en chef ou rédacteur en chef adjoint (attestation de Monsieur [Y] [V] produit par Mme. [X]).
Sur la rémunération : Si c’est à juste titre qu’elle a été engagée à 42 ans (et non à 46 ans comme l’indique Mme. [X]) comme rédacteur reporter au regard d’une formation d’historienne et non de journaliste, et qu’elle est devenue journaliste spécialisé à compter du 1er janvier 2001, grand reporter à compter du 1er janvier 2004 et grand reporter palier 1 depuis le 15 mars 2012 après la fusion de France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO et le nouvel accord d’harmonisation du 15 décembre 2011, son ancienneté dans ce poste, ses compétences, ses responsabilités accrues depuis le début de l’année 2013 reconnues par les documents produits et les attestations des rédacteurs en chef ou collègues, ayant travaillé avec elle, devaient lui permettre de bénéficier d’une revalorisation au palier 2 de grand reporter et ce depuis le 1er janvier 2013, l’employeur ayant d’ailleurs admis à compter de cette date « une modification de son positionnement au sein de la grille de classification et de rémunération des journalistes avec effet rétroactif au 1er janvier 2013, date de mise en oeuvre du nouvel accord collectif » sans toutefois l’appliquer ; il lui est donc dû une revalorisation de son salaire et un rappel de salaire correspondant à la différence de rémunération entre le niveau journaliste grand reporter palier 1 et le palier 2. En l’état de ces éléments, et à défaut de données suffisantes pour procéder à leur calcul, il convient de renvoyer les parties à faire le compte des rappels de salaires dus à Mme. [X] pour la période du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2017, sauf, en cas de difficulté, à l’une ou l’autre des parties à saisir la juridiction par voie de simple requête. Par ailleurs, il est constant que la salariée a par avenant du 7 novembre 2017 obtenu une revalorisation salariale individuelle à effet du 1er janvier 2017, son salaire mensuel brut passant avec prime d’ancienneté et majoration de rémunération au titre de la compensation de forfait jours de 4.381,48 euros à 4.511,49 euros sans changement de palier ; le calcul opéré par les parties sur le palier 2 devra tenir compte de cette augmentation individuelle et appliquer une augmentation similaire en fonction du salaire atteint.
Sur la discrimination et le principe « à travail égal salaire égal » et l’exécution déloyale du contrat de travail : Il est constant que la salariée n’a bénéficié que de peu d’augmentations personnelles (2001, 2004, et 2017) et que le syndicat des journalistes s’est ému depuis longtemps de la disparité des carrières entre homme et femme estimant que les femmes en fin de carrière avait accumulé un retard salarial important et avaient eu peu d’accès à l’encadrement et que la filière reportage, à laquelle appartient Mme. [X], a été moins bien traitée pour les mesures individuelles d’augmentation salariale que les deux autres filières. Mais Mme. [X] qui reproche à l’employeur de ne pas avoir bénéficié du système d’examen prioritaire de la situation salariale des journalistes n’ayant pas eu de mesure individuelle (salariale ou promotion) au cours des six années précédentes et ramené à quatre ans depuis l’accord collectif de 2013, afin d’éviter les disparités et discriminations salariales, ne justifie pas avoir saisi elle-même la commission. Concernant la disparité des carrières entre homme et femme, en 2011, le rapport de situation comparée Homme/Femme révèle un salaire moyen pour les hommes de 52.340 euros et pour les femmes de 50.837 pour un âge entre 43 et 47 ans et une ancienneté située entre 14 et 16 ans ; or le salaire moyen de Mme. [X] était de 47.881, 98 pour une ancienneté de 17 ans, même si le salaire minimum est bien inférieur à la rémunération de la salariée, et de 49.540,78 euros en décembre 2011. Néanmoins en 2014, le salaire de Mme. [X] était au-dessus de la moyenne des salaires des journalistes grand reporter d’une ancienneté équivalente ; ainsi le document intitulé « Harmonisation salariale, la direction choisit la demi-mesure » du syndicat SNJ du 11 mars 2014 mentionne que le salaire médian des journalistes dans la filière reportage avec 17 ans d’ancienneté est de 51.935 euros ; Mme. [X] qui a 20 ans d’ancienneté a un salaire moyen de 52.469,29 euros en mars 2014 et de 55.815,24 euros en octobre 2014. Enfin, il ressort du document intitulé « négociations annuelles obligatoires 2017 » que, compte tenu de l’ancienneté de Mme. [X], la catégorie située entre 20 et 29 ans mentionne que le salaire minimum du grand reporter palier 1 varie entre 52.057 euros (homme) et 52.651 euros (femme) et que le palier 2 varie entre 57.352 euros (homme) et 58.913 euros (femme) et que le salaire moyen palier 1 est de 60.370 euros (homme) et 61.003 euros (femme) et que le palier 2 varie entre 63.960 euros (homme) et 65.260 euros (femme) ; or Mme. [X] a un salaire de 58.649,37 euros, ce qui la place, certes au-dessus du minimum du palier 1, mais en dessous du salaire moyen du palier 1 et bien en dessous du salaire moyen palier 2 qui doit lui être accordé depuis 2013. Ces éléments comparés depuis 2011 démontrent que la rémunération de Mme. [X] a toujours été au-dessus du minimum des salaires de sa catégorie et a oscillé plutôt autour de la moyenne des salaires mais qu’en 2017, la dégradation de sa rémunération est perceptible, alors qu’en 2014, elle se situait un peu au-dessus de la moyenne ; néanmoins, la salariée ne verse aucun document sur des situations personnelles permettant une comparaison circonstanciée avec la sienne et ne justifie aucunement sa demande de rappel de salaire fondée sur les plus hauts salaires. En réponse à ces éléments, l’employeur verse des bulletins de paye de 20 grands reporters palier 1 pour le seul mois de septembre 2014 qui ont un salaire comparable à celui de Mme. [X], pièces sur lesquelles Mme. [X] réplique que cette production ne concerne que 14 grands reporters palier 1 de la région OUEST et 5 grands reporteurs de FTV Vanves ayant certes une rémunération conforme à la sienne et une ancienneté similaire mais qui ne représente pas la totalité des grands reporters qui serait une vingtaine sur FTV Vanves ; en cause d’appel, l’employeur verse de nouveaux bulletins de paye soit 25 sur la période de décembre 2017 concernant des grands reporters ayant une ancienneté et un salaire comparable à Mme. [X], production à nouveau contestée par Mme. [X] au motif qu’il s’agit de grands reporters d’antennes situées en province. C’est ainsi que les pièces sur la moyenne des salaires homme/femme grand reporteur sans précision sur le nombre des salariés et la situation comparée de la carrière, excepté l’ancienneté, l’âge et le sexe, présentées par la salariée comme démonstratives d’un retard anormal de carrière sont démenties par celles de l’employeur qui permet de faire apparaître qu’à ancienneté équivalente, sa situation reste comparable à celle de nombre de ses collègues, hommes ou femmes, le document produit sur l’année 2017 par Mme. [X] établissant en outre que le salaire des femmes est supérieur à celui des hommes et qu’aucune discrimination fondée sur le sexe ne saurait être retenue. En conséquence, si la rémunération perçue par Mme. [X] ne peut caractériser une discrimination salariale au regard des pièces produites, en revanche, il est établi que, l’employeur a créé une inégalité de traitement en ne lui accordant pas le palier 2 du statut de journaliste grand reporter le 1er janvier 2013 qui sera réparé par le rattrapage de son salaire tel qu’énoncé précédemment et par des dommages et intérêts destiné à réparer le préjudice subi par l’inégalité de traitement et l’exécution déloyale du contrat de travail, qu’il convient de fixer au vu des éléments produits, à la somme de 5.000 euros. » ;
1. ALORS QUE les juges ne peuvent modifier les termes du litige ; qu’en l’espèce, la salariée sollicitait seulement, sur le fondement du non-respect du principe « à travail égal, salaire égal », la condamnation de l’employeur à lui payer une somme de 300 000 € à titre de dommages-et-intérêts (cf. arrêt, p. 2-3) ; qu’en lui attribuant, sur le fondement du principe d’égalité de traitement, une revalorisation au palier 2 de grand reporter sur la base de laquelle devraient être calculés les « rappels de salaires dus », outre des dommages-et-intérêts au titre du préjudice subi, la cour d’appel a modifié les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2. ALORS en outre QUE les juges ne peuvent modifier les termes du litige ; qu’en l’espèce, la salariée ne revendiquait pas l’attribution du palier 2 de grand reporter mais soutenait que ses fonctions correspondaient à celles d’un responsable d’édition, voire à celle de rédacteur en chef ou rédacteur en chef adjoint (conclusions d’appel, p. 21 à 33) ; qu’en outre, le rappel de salaire – que la salariée ne sollicitait que sur le fondement de la discrimination, écartée par la cour d’appel – était calculé sur la base de la rémunération maximale du palier le plus bas de grand reporter, soit le palier 1 (conclusions d’appel, p. 34 et s. ; p. 51) ; qu’en jugeant, sur le fondement du principe d’égalité de traitement, qu’il devait être attribué à Mme. [X] une revalorisation au palier 2 de grand reporter depuis le 1er janvier 2013 sur la base de laquelle devaient être calculés les rappel de salaires dus, ainsi que les dommages-et-intérêts alloués, la cour d’appel a derechef modifié les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3. ALORS en tout état de cause QUE l’application du principe d’égalité de traitement suppose une comparaison avec des salariés placés dans la même situation ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a écarté toute discrimination dans la carrière et la rémunération à l’égard de Mme. [X], après comparaison de sa situation avec celle des autres grands reporteurs d’une ancienneté équivalente ; qu’en retenant, pour accorder à la salariée un rappel de salaire et des dommages-et-intérêts, que l’employeur avait créé une inégalité de traitement en ne lui accordant pas le palier 2 du statut de journaliste grand reporter le 1er janvier 2013, au seul prétexte que l’ancienneté de la salariée dans le poste de grand reporter, ses compétences, ses responsabilités accrues depuis le début de l’année 2013 devaient lui permettre de bénéficier d’une revalorisation au palier 2 de grand reporter depuis le 1er janvier 2013, quand de tels motifs ne révèlent aucune comparaison de la qualification ou de la progression de Mme. [X] avec celle de salariés placés dans la même situation, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d’égalité de traitement ;
4. ALORS en outre QUE le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu’en l’espèce, en énonçant que l’ancienneté de la salariée dans le poste de grand reporter, ses compétences, ses responsabilités accrues depuis le début de l’année 2013 devaient lui permettre de bénéficier d’une revalorisation au palier 2 de grand reporter depuis le 1er janvier 2013, sans préciser les critères de passage au palier 2 qu’elle appliquait, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile ;
5. ALORS enfin QUE la reconnaissance d’un engagement unilatéral suppose une volonté claire et non équivoque de l’employeur ; qu’en l’espèce, si, dans le courrier du 24 mars 2014 annonçant à la salariée une augmentation à effet rétroactif du 1er janvier 2013, l’employeur indiquait certes « cette mesure salariale conduit à modifier votre positionnement au sein de la grille de classification et de rémunération des journalistes avec effet rétroactif au 1er janvier 2013, date de mise en oeuvre du nouvel accord collectif », la fiche de situation salariale après mesure d’harmonisation qui y était annexée mentionnait « grand reporteur palier 1 » pour la « fonction au 01/01/2013 après harmonisation » ; qu’en retenant que l’employeur avait admis à compter du 1er janvier 2013 « une modification de son positionnement au sein de la grille de classification et de rémunération des journalistes avec effet rétroactif au 1er janvier 2013, date de mise en oeuvre du nouvel accord collectif » sans toutefois l’appliquer, quand la lettre et son annexe ne pouvaient emporter engagement de l’employeur de reconnaître à la salariée le bénéfice du palier 2 du statut de grand reporter à compter du 1er janvier 2013, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué du 29 janvier 2020 d’AVOIR dit qu’il devait être attribué à Mme. [X] une revalorisation au palier 2 de grand reporter depuis le 1er janvier 2013 sur le salaire moyen homme-femme tel qu’il ressort des négociations annuelles de France télévisions pour une ancienneté comprise entre 20 et 29 ans, d’AVOIR condamné la société France télévisions à payer à Mme. [X] la somme de 38 304,10 € à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017 et d’AVOIR dit qu’il appartiendrait aux parties de poursuivre leur calcul de cette façon en tenant compte des éventuelles augmentations individuelles accordées à Mme. [X] en 2018 et en 2019, et d’appliquer une augmentation similaire en fonction du salaire atteint, à charge pour l’employeur de procéder aux ventilations utiles et de délivrer des bulletins de paie conformes,
AUX MOTIFS QUE « Mme. [X] fait valoir que l’arrêt a indiqué à plusieurs reprises que le salaire devait être calculé sur le salaire médian « Grand Reporter Palier 2 » à compter du 1er janvier 2013 auquel il convenait d’appliquer l’augmentation individuelle en fonction du salaire atteint, alors que France Télévisions a effectué un calcul sur le salaire minimal des « Grands Reporters Palier 2 » ; elle indique avoir établi son calcul sur la base du salaire moyen des « Grands Reporters Palier 2 » tel qu’il ressort des négociations annuelles obligatoires versées aux débats et que l’employeur reste lui devoir la somme de 55.218,02 euros brut pour la période de janvier 2013 à juin 2019. France Télévisions soutient avoir appliqué une revalorisation au palier 2 à compter du 1er janvier 2013 en appliquant les dispositions de l’article 2.1.2.4. du livre 3 de l’accord collectif du 28 mai 2013, soit en augmentant le salaire de 5 % correspondant au changement de palier au 1er janvier 2013 et conclut que le salaire de Mme. [X] étant plus élevé que le salaire minimal du palier 2, le calcul est satisfaisant. Mais il doit être relevé que si le dispositif de l’arrêt mentionne la revalorisation au palier 2 de Grand Reporter depuis le 1er janvier 2013 en tenant compte de l’augmentation individuelle accordée à Mme. [X] (en 2017) et d’« appliquer une augmentation similaire en fonction du salaire atteint », et a renvoyé les parties à faire les comptes, dans les motifs, l’arrêt a énoncé clairement que le calcul devait être fait sur le « salaire moyen palier 2 qui doit lui être accordé depuis 2013 » ; Par ailleurs le calcul de la société France télévisions, qui ne correspond pas à ce salaire moyen, fait ressortir une proposition de rémunération en 2019 de 4.773,69 euros brut soit 57.284,28 euros annuel, alors qu’en 2017, le salaire de Mme. [X] était de 58.649,37 euros, soit un salaire supérieur à ce que propose in fine France Télévisions qui soutient que le salaire moyen mentionné par les documents de NAO agrège des composantes de rémunération très variées (situation familiale, situation géographique et compétence) ce qui ne permet pas de le comparer avec la situation personnelle de la salariée, sans toutefois que France Télévisions ne démontre cette assertion. De plus la Cour avait relevé qu’en 2017, le document intitulé « négociation annuelle obligatoire 2017 » faisait apparaitre que le salaire de Mme. [X] de 58.649,37 euros était en dessous du salaire moyen du palier 1 et bien évidemment très inférieur au salaire moyen du palier 2 qui devait lui être accordé. Mais c’est à tort que Mme. [X] a retenu un salaire moyen composé d’anciennetés comprises entre 20 à 29 ans et 30 ans et plus, alors que son ancienneté sera de 30 ans le 7 octobre 2023, et qu’il doit être retenu un salaire moyen pour le palier 2 Grand Reporter (homme-femme) avec une ancienneté comprise entre 20 et 29 ans soit :
– 2013 : 60.134 euros
-2014 ‘ 62.815 euros
-2015 : 64.149 euros
-2016 : 64.610 euros
-2017 : 64.788 euros
Compte tenu des salaires perçus par Mme. [X] qui ne sont pas discutés, le rappel de salaire du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017 est de 38.304,10 euros ; il appartiendra aux parties de poursuivre leur calcul de cette façon en tenant compte des éventuelles augmentations individuelles accordées à Mme. [X] en 2018 et 2019. » ;
1. ALORS QUE la cassation de l’arrêt du 11 juin 2019, à intervenir sur le premier moyen, entraînera la censure de l’arrêt du 29 janvier 2020, rendu sur requête en interprétation du premier arrêt, en application de l’article 625 du code de procédure civile ;
2. ALORS en toute hypothèse QUE les juges, saisis d’une requête en interprétation d’une précédente décision, ne peuvent sous le prétexte d’en déterminer le sens, modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision ; qu’en l’espèce, dans son arrêt du 11 juin 2019, la cour d’appel de Paris a dit qu’il devait être attribué à Mme. [X] une revalorisation au palier 2 de grand reporter depuis le 1er janvier 2013, a renvoyé les parties à faire le compte des rappels de salaire dus à Mme. [X] pour la période du 1er janvier 2013 au 1er janvier 2017 sauf, en cas de difficulté, à l’une ou l’autre parties à saisir la juridiction par voie de simple requête, et a dit que pour la période à compter du 1er janvier 2017, le calcul opéré par les parties sur le palier 2 devra tenir compte de l’augmentation individuelle accordée à Mme. [X] et appliquer une augmentation similaire en fonction du salaire atteint ; qu’en jugeant dans le cadre de la requête en interprétation qu’il devait être attribué à Mme. [X] une revalorisation au palier 2 de grand reporter depuis le 1er janvier 2013 sur le salaire moyen homme-femme tel qu’il ressortait des négociations annuelles de France télévisions pour une ancienneté comprise entre 20 et 29 ans, et en condamnant sur cette base la société France télévisions à payer à Mme. [X] la somme de 38 304,10 € à titre de rappel de salaire du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017, ajoutant qu’il appartiendrait aux parties de poursuivre leur calcul de cette façon en tenant compte des éventuelles augmentations individuelles accordées à Mme. [X] en 2018 et en 2019 et d’appliquer une augmentation similaire en fonction du salaire atteint, la cour d’appel a modifié les droits et obligations reconnus aux parties par l’arrêt du 11 juin 2019 et a violé les articles 461 et 480 du code de procédure civile.