Présentateur : 29 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 23/00138

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Présentateur : 29 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 23/00138
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délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 29 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 23/00138 – N° Portalis DBVK-V-B7H-PVTE

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 NOVEMBRE 2022

PRESIDENT DU TJ DE PERPIGNAN N° RG 22/00652

APPELANTE :

La S.A. BNP PARIBAS, société anonyme au capital social de 2.468.663.292 EUR, immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 662 042 449, dont le siège social est [Adresse 1] à [Localité 5], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

Représentée par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/BEAUREGARD/MOLINIER/LEMOINE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me STRATIGEAS, avocat au barreau d’Aix en Provence, avocat plaidant

INTIME :

Monsieur [F] [L]

né le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 4]

de nationalité Italienne

[Adresse 2]

Représenté par Me François PARRAT de la SCP PARRAT-LLATI, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

ordonnance d’irrecevabilité des conclusions en date du 20/04/23

Ordonnance de clôture du 09 Mai 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 MAI 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Virginie HERMENT, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

Madame Virginie HERMENT, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Laurence SENDRA

ARRET :

– Contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Virgine HERMENT, Conseiller, pour le Président de Chambre empêché et par Salvatore SAMBITO, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE

Exposant qu’il était titulaire d’un compte bancaire ouvert auprés de l’agence BNP Paribas, située à [Localité 6], qu’il avait déposé le 7 mai 2022 au sein de cette agence un chèque émis le 7 mai 2022 par la Banque Poste Italiane d’un montant de 13 500 euros et que ce montant n’avait pas été crédité par la société BNP Paribas sur son compte, Monsieur [F] [L] a, par acte en date du 13 septembre 2022, fait assigner la société BNP Paribas en référé devant le président du tribunal judiciaire de Perpignan afin de lui voir enjoint d’enregistrer le chèque émis le 7 mai 2022 par la Banque Poste Italiane d’un montant de 13 590 euros, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision et jusqu’au crédit complet de la somme, et de la voir condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes d’une ordonnance rendue le 16 novembre 2022, le président du tribunal judiciaire de Perpignan statuant en référé a :

– enjoint à la société BNP Paribas d’enregistrer le chèque émis le 7 mai 2022 par la Banque Poste Italiane d’un montant de 13 500 euros, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance et ce jusqu’au crédit complet de la somme,

– condamné la société BNP Paribas à verser à Monsieur [F] [L] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

– condamné la société BNP Paribas à verser à Monsieur [F] [L] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration en date du 9 janvier 2023, la société BNP PARIBAS a relevé appel de cette ordonance en critiquant chacune de ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 26 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la société BNP Paribas demande à la cour de :

– la recevoir en son appel régulier, recevable et bien fondé,

– infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– rejeter l’intégralité des prétentions de Monsieur [F] [L] à son encontre,

– condamner Monsieur [F] [L] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle expose que dès le 29 juin 2022, suite à la réclamation formée par Monsieur [F] [L], elle a adressé un courrier à ce dernier en lui expliquant que ses services lui retournaient le chèque par voie postale car l’endos de ce chèque n’était pas correct. Elle ajoute qu’elle justifie qu’elle a retourné le chèque original à Monsieur [F] [L] par courrier du 17 mai 2022, et qu’elle démontre que le transporteur, à qui elle a confié l’acheminement du chèque original, a confirmé avoir livré le pli à l’intimé, à son adresse située [Adresse 2] à [Localité 6].

De plus, elle rappelle qu’elle était en l’espèce seulement présentatrice et que la banque tirée était la Banque Poste Italiane, laquelle avait au demeurant établi le chèque, s’agissant d’un chèque de banque.

Elle explique que si en droit interne l’article L. 131-38 du code monétaire et financier fait peser sur le banquier qui paie le chèque l’obligation de vérifier la régularité de la suite des endossements mais non la signature des endosseurs, il est de jurisprudence constante que l’obligation de vérifier la régularité apparente du chèque, y compris la régularité matérielle de l’endossement, avant de prendre le titre à l’encaissement, est supporté par le banquier présentateur. Elle en déduit qu’eu égard à l’irrégularité matérielle de l’apposition de l’endos, elle a pleinement satisfait ses obligations en retournant sans délai le chèque original concerné au porteur bénéficiaire.

Du reste, elle soutient que Monsieur [F] [L] ne justifie d’aucun préjudice, puisqu’il n’était pas empêché de solliciter un nouveau règlement auprès de l’émetteur du chèque.

Enfin, elle fait valoir qu’elle ne peut être tenue d’une obligation de faire qu’elle affirme ne pas pouvoir matériellement exécuter, à savoir l’encaissement et la présentation au tiré du chèque original qu’elle prouve avoir retourné à l’intimé.

Dans une ordonnance rendue le 20 avril 2023, le président de la deuxième chambre civile de la cour d’appel de Montpellier a déclaré irrecevables les conclusions déposées le 11 avril 2023 par Monsieur [F] [L].

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté dans les formes et délai de la loi est recevable.

Sur les conclusions de l’intimé

Les conclusions de l’intimé ayant été déclarées irrecevables aux termes d’une ordonnance rendue par le président de la deuxième chambre civile du 20 avril 2023, Monsieur [F] [L], en l’absence de toute conclusion, est réputé s’être approprié les motifs de la décision entreprise en application de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile.

Sur la demande tendant à la condamnation de la société BNP Paribas à enregistrer le chèque émis le 7 mai 2022 par la Banque Poste Italiane

Aux termes des dispositions de l’article 834 du code de procédure civile, ‘Dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.’

De plus, selon les dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, ‘Le président du tribunal judiciaire ou juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.’

En premier lieu, il convient d’observer que l’urgence requise pour qu’il soit statué en application des dispositions de l’article 834 du code de procédure civile n’est ni invoquée ni démontrée par Monsieur [F] [L].

Il s’ensuit que les dispositions de l’article 834 du code de procédure civile ne sont pas applicables en l’espèce.

S’agissant des dispositions de l’article 835 du code de procédure civile, si l’existence de contestations sérieuses n’interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, il reste qu’une contestation réellement sérieuse sur l’existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.

L’illicéité du trouble suppose la violation d’une obligation ou d’une interdiction préexistante et doit être manifeste. Il appartient à la partie qui s’en prévaut d’en faire la démonstration avec l’évidence requise devant le juge des référés.

En application de l’article L. 131-35 du code monétaire et financier, le tiré doit payer même après l’expiration du délai de présentation. Il doit aussi payer même si le chèque a été émis en violation de l’injonction prévue à l’article L. 131-73 ou de l’interdiction prévue au deuxième alinéa de l’article L. 163-6.

Toutefois, le banquier récepteur, chargé de l’encaissement d’un chèque, tenu à un devoir de vigilance dans l’intérêt de ses clients et des tiers, doit vérifier la régularité apparente de l’endos apposé sur le titre, et il ne doit donc accepter de prendre à l’encaissement que des chèques apparemment réguliers.

En l’espèce, un contrôle élémentaire du chèque d’un montant de 13 500 euros déposé par Monsieur [F] [L] révélait que celui-ci présentait une une anomalie matérielle apparente, puisque la signature de l’endosseur ne figurait pas à l’emplacement prévu à cet effet.

Par conséquent, il ne saurait être fait grief à la société BNP Paribas d’avoir refusé d’encaisser le chèque litigieux, déposé le 9 mai 2022, et ce d’autant qu’elle en a avisé son client dès le 17 mai 2022. Ce refus ne saurait donc constituer une violation manifeste de ses obligations par la banque, constitutif d’un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite n’étant pas démontré avec l’évidence requise en référé, la décision entreprise sera donc réformée en ce qu’elle a ordonné l’enregistrement du chèque, et la cour rejettera la demande formée en ce sens par Monsieur [F] [L].

Sur la demande de dommages et intérêts

Dans la mesure où il ne saurait être fait grief à la société BNP Paribas, tenue dans le cadre de son devoir de vigilance de vérifier la régularité apparente de l’endos apposé sur le titre, d’avoir refusé d’encaisser le chèque litigieux déposé le 9 mai 2022, ce refus ne saurait constituer une résistance abusive de sa part.

La décision entreprise sera donc réformée en ce qu’elle a condamné la société BNP Paribas à verser à Monsieur [F] [L] une somme de 1 000 euros sur ce fondement et la cour rejettera cette demande.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Monsieur [F] [L] qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d’appel et la décision entreprise sera réformée en ce qu’elle a condamné la société BNP Paribas à lui verser une indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [F] [L] sera enfin condamné à verser à la société BNP Paribas une somme de 700 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Reçoit la société BNP Paribas en son appel,

Réforme la décision entreprise en l’intégralité de ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Rejette la demande de Monsieur [F] [L] tendant à ce qu’il soit enjoint à la société BNP Paribas d’enregistrer le chèque émis le 7 mai 2022 par la Banque Poste Italiane d’un montant de 13 500 euros,

Déboute Monsieur [F] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Déboute Monsieur [F] [L] de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [F] [L] à verser à la société BNP Paribas une somme de 700 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [F] [L] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier Le président

 


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