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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRET DU 27 OCTOBRE 2022
(n° , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05829 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPZJ
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Février 2022 -Président du TJ de Paris – RG n° 22/50212
APPELANTE
S.A.S. CMI PUBLISHING, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée et assistée par Me Patrick SERGEANT, avocat au barreau de PARIS, toque : B1178
INTIMES
M. [G] [K]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Mme [Y] [D]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentés par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Ayant pour avocat plaidant Me Axelle SCHMITZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C2097
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Septembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, et Michèle CHOPIN, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
[G] RONDEAU, Conseiller
Michèle CHOPIN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Exposant qu’il avait été porté atteinte à leur droit à la vie privée et à leur droit à l’image dans un article publié dans le numéro n°957 du magazine Public le 12 novembre 2021, M. [G] [K] et Mme [Y] [D] ont assigné, par deux exploits séparés du 20 décembre 2021, la société CMI Publishing, éditrice du magazine « Public », sur le fondement notamment des dispositions des articles 9 du code civil, 834 et 835 du code de procédure et 8 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
S’agissant de la procédure initiée par M. [K], dans le dernier état de ses conclusions, soutenues à l’audience du 12 janvier 2022, M. [K] demandait au premier juge de :
‘condamner la société défenderesse à lui verser, par provision, la somme de 20.000 euros, à titre de dommages et intérêts à raison de la publication de l’article litigieux ;
‘ordonner la publication d’un communiqué judiciaire en page de couverture du magazine « Public », ou à défaut au sommaire, en dehors de tout encart publicitaire et sans aucune autre mention ajoutée dans un encadré occupant sur toute sa largeur la moitié inférieure de la page sur fond blanc. La police de caractères du titre aura une taille suffisante pour recouvrir intégralement la surface réservée à cet effet. Les caractères gras de couleur rouge ne pourront avoir une taille inférieure à 3cm de hauteur. Le titre du communiqué sera : « public condamné à la demande de [G] [K] ». Le corps du communiqué, composé de lettres de 1cm de hauteur de couleur noir, précisera : « Par ordonnance rendue le (…), le juge des référés de la 17ème chambre du tribunal judiciaire de Paris 17ème condamne la société CMI Publishing, en raison de la publication, au sein du magazine Public n°957, daté du 12 au 18 novembre 2021, d’un reportage violant la vie privée et le droit à l’image de [G] [K] » et ce, dans le premier numéro hebdomadaire Public à paraître dans les 7 jours de la signification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte définitive de 10.000 euros par semaine de retard ;
‘se réserver la liquidation des astreintes ;
‘condamner la société défenderesse à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘condamner la société défenderesse aux entiers dépens.
En réplique, la société défenderesse demandait au premier juge de dire n’y avoir lieu à référé, à titre subsidiaire d’évaluer le préjudice à un euro, en tout état de cause de condamner le demandeur à lui verser 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par une première ordonnance de référé contradictoire du 9 février 2022, le président du tribunal judiciaire de Paris a :
– condamné la société CMI Publishing à payer à M. [K] une indemnité provisionnelle de 5.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à sa vie privée et à son droit à l’image dans le numéro n° 957 du magazine « Public » ;
– condamné la société CMI Publishing aux dépens ;
– condamné la société CMI Publishing à payer à M. [K] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties sur le surplus des demandes ;
– rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit nonobstant appel.
S’agissant de la procédure initiée par Mme [D], dans le dernier état de ses conclusions, soutenue à l’audience du 12 janvier 2022,Mme [D] demandait au premier juge de :
‘condamner la société défenderesse à lui verser, par provision, la somme de 20.000 euros, à titre de dommages et intérêts à raison de la publication de l’article litigieux ;
‘ordonner la publication d’un communiqué judiciaire en page de couverture du magazine « Public », ou à défaut au sommaire, en dehors de tout encart publicitaire et sans aucune autre mention ajoutée dans un encadré occupant sur toute sa largeur la moitié inférieure de la page sur fond blanc. La police de caractères du titre aura une taille suffisante pour recouvrir intégralement la surface réservée à cet effet. Les caractères gras de couleur rouge ne pourront avoir une taille inférieure à 3cm de hauteur. Le titre du communiqué sera : « public condamné à la demande de [Y] [D] ». Le corps du communiqué, composé de lettres de 1cm de hauteur de couleur noir, précisera : « Par ordonnance rendue le (…), le juge des référés de la 17ème chambre du tribunal judiciaire de Paris 17ème condamne la société CMI Publishing, en raison de la publication, au sein du magazine Public n°957, daté du 12 au 18 novembre 2021, d’un reportage violant la vie privée et le droit à l’image de [Y] [D] » et ce, dans le premier numéro hebdomadaire Public à paraître dans les 7 jours de la signification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte définitive de 10.000 euros par semaine de retard ;
‘de se réserver la liquidation des astreintes ;
‘de condamner la société défenderesse à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘de condamner la société défenderesse aux entiers dépens.
En réplique, la société défenderesse demandait au premier juge de dire n’y avoir lieu à référé, à titre subsidiaire d’évaluer le préjudice à un euro, en tout état de cause de condamner le demandeur à lui verser 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par une seconde ordonnance de référé contradictoire du 9 février 2022, le président du tribunal judiciaire de Paris a :
– condamné la société CMI Publishing à payer à Mme [D] une indemnité provisionnelle de 6.000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à sa vie privée et à son droit à l’image dans le numéro n° 957 du magazine « Public » ;
– condamné la société CMI Publishing aux dépens ;
– condamné la société CMI Publishing à payer à Mme [D] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties sur le surplus des demandes ;
– rappelé que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit nonobstant appel.
Par deux déclarations du 17 mars 2022 (RG n°22 05803 et 22 05829), la société CMI Publishing a relevé appel de ces décisions.
Par ordonnance du 12 avril 2022, la jonction de ces procédures a été ordonnée.
Dans ses conclusions remises le 2 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société CMI Publishing demande à la cour, au visa de l’article 9 du code civil et l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de :
à titre principal,
– infirmer les ordonnances de référé du 9 février 2022 en ce qu’elles ont condamné la société CMI Publishing à verser à M. [G] [K] la somme provisionnelle de 5.000 euros, et à Mme [D], celle de 6.000 euros, outre la somme de 1.500 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
et statuant à nouveau,
– débouter M. [K] et Mme [D] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;
– ordonner la restitution par M. [K] et Mme [D] à la société CMI Publishing des sommes auxquelles elle a été condamnée par les ordonnances de référé du 9 février 2022 ;
à titre subsidiaire,
– infirmer les ordonnances de référé du 9 février 2022 ;
– dire et juger que le préjudice subi par les intimés doit être évalué à un euro symbolique ;
– ordonner la restitution par M. [K] et Mme [D] à la société CMI Publishing des sommes ou de la différence des sommes auxquelles ils ont été condamnés par les ordonnances rendues le 9 février 2022, et celles que la cour voudra fixer définitivement ;
– confirmer le rejet des demandes de publication judiciaire ;
en tout état de cause,
– condamner M. [K] et Mme [D] à verser à la société CMI Publishing la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous frais et dépens.
La société CMI Publishing soutient en substance :
– que les griefs qui lui sont reprochés sont contestables ;
– que l’article litigieux n’est pas à l’origine de la révélation de l’identité de Mme [D] comme étant la compagne de Mme [K], c’est le journal Le Figaro du 7 novembre et repris par Le Parisien du 8 novembre qui ont divulgué pour la première son nom ;
– qu’à partir du 8 novembre 2021 toute la presse a repris cette information en reproduisant des clichés faisant apparaître le visage de Mme [D] ;
– qu’il ne peut lui être reproché d’avoir mentionné son nom dès lors qu’il était déjà rentré dans le champ public et que son identité et sa position expliquent la décision de M. [K] de se retirer de la présentation de l’émission politique phare de la chaîne ;
– que le sujet de l’article en cause est susceptible de contribuer à un débat d’intérêt général et relève de la légitime information du public, comme il a pu l’être énoncé par la jurisprudence ;
– que le sujet à l’origine de l’article relève bien de l’intérêt général en ce qu’il a trait, à travers l’exemple de M. [K] et Mme [D], aux relations des journalistes et des hommes ou femmes politiques et aux risques de conflits d’intérêts qu’elles peuvent entraîner ;
– que ce sujet est bien au centre de l’article et largement abordé comme l’indique la publication en cause dans son introduction sous le titre choisi et expliquant son retrait du fait que cette « proximité de c’ur pourrait le faire suspecter de collusion avec le pouvoir » ; ou encore que « Le présentateur de Télématin ne fait pourtant que s’inscrire dans la longue liste des journalistes politiques qui ont dû, à l’instar de [T] [P] pendant les Européennes, s’effacer, conséquence de l’engagement de leur conjoint », la longue liste faisant référence à d’autres couples de journalistes et femmes ou hommes politique ;
– que Le Figaro dont M. [K] et Mme [D] ne justifient à son encontre d’aucune poursuite, soulignait déjà le 7 novembre 2021 que : « La proximité de [G] [K], incarnation du grand rendez-vous politique de France 2, avec cette conseillère de premier plan à [Localité 4], fait un peu désordre. Elle pose clairement la question du conflit d’intérêts…» ;
– que le groupe France Télévisions pour justifier le retrait de son journaliste a indiqué notamment que « À l’approche d’échéances électorales importantes, France Télévisions se doit de redoubler de transparence (‘) en matière de prévention des conflits d’intérêts. (‘) dont la situation du conjoint pourrait poser problème dans le déroulement d’une campagne électorale » ;
– que la prévention des conflits d’intérêts et l’impératif de transparence des relations existant entre journalistes et personnalités politiques de premier plan relèvent ainsi de sujets intéressant la légitime information public ;
– qu’il a déjà été jugé ainsi par le tribunal de Paris à propos de la relation existant entre la journaliste de télévision Mme [B] et le ministre M. [I] et c’est bien cette décision position qui a été adoptée par le juge des référés dans les décisions entreprises ;
– qu’en dépit de la reconnaissance d’un débat d’intérêt général justifiant une atteinte à la vie privée, le juge des référés a considéré que l’article ne se contentait pas d’évoquer cette relation et les répercussions professionnelles ;
– que cependant le magazine Public s’est attaché à rendre compte de l’actualité en évoquant l’existence de la relation de M. [K] et Mme [D], qui est une information relevant de la légitime information du public, le sujet d’intérêt général étant bien l’existence de cette relation entre eux et les implications déontologiques et conséquences professionnelles qu’elle engendre que M. [K] a commentées lui-même auprès du Parisien ;
– que l’article traite de ce sujet, dans son introduction et tout au long de sa première colonne ;
– que les titres et intertitres reprochés tels que « il plaque tout pour [Y] », « un coup de foudre ravageur » ou « une love story qui a tout emporté », dans la mesure où ces titres, dans le style du journal, sont bien en relation avec le départ de M. [K] de son siège de journaliste politique et de présentateur de l’émission politique phare de la chaîne France 2, comme dit dès le début de l’article sont non fautifs ;
– que sur les informations reprochées ayant trait à la vie affective et familiales et aux sentiments de M. [K] et Mme [D], le magazine Public est un magazine populaire, libre de traiter ce sujet d’actualité selon sa propre ligne éditoriale en abordant certains aspects de cette relation faisant corps avec l’actualité, qu’aucun détail n’est donné sur la relation amoureuse proprement dite et que sont générales et accessoires en présence d’un sujet d’intérêt général les précisions en deuxième colonne « [G] aurait rapidement trouvé un appartement dans [Localité 5] » ou que « c’est chez [Y] qu’il se rend dès qu’il se peut » ;
– que l’existence de cette relation sentimentale constitue bien un fait public que le public était en droit de connaître et que le magazine pouvait traiter selon son style, sans digressions excessives ;
– qu’en présence d’un débat d’intérêt général, toute contestation du traitement éditorial ne peut que relever d’un débat devant le juge du fond et non devant le juge des référés, juge de l’évidence ;
– que le juge des référés a excédé les limites de ses pouvoirs en constatant au préalable que la relation sentimentale, sujet de l’article, relevait de la légitime information du public et pouvait justifier une atteinte à la vie privée ;
– qu’il a été jugé récemment ainsi s’agissant de M. [V] et Mme [N] reprochant au magazine Closer la révélation de leur relation ;
– que sur le terrain du droit à l’image, outre les photos identitaires des intéressés, les trois clichés représentant le couple dans les rues de Paris ne fixent aucune scène intime et constituent une illustration pertinente et adéquate de l’article en cause et ne sauraient être considérés comme fautifs dès lors qu’ils se rattachent au sujet d’intérêt général que traite l’article selon son propre style ;
– qu’il a déjà été jugé qu’en présence d’un débat d’intérêt général, des clichés d’un couple, même non autorisés, peuvent être considérés comme légitimes ;
– que pourtant, dans les décisions entreprises, il a été considéré fautive la publication des clichés montrant le couple alors même que l’évocation de leur relation était considérée comme légitime ;
– qu’il existe donc une contestation sérieuse liée à la présence et au traitement d’un débat d’intérêt général ;
– que la publication s’inscrit dans le cadre du traitement de l’actualité, l’identité de Mme [D] était déjà sur la place publique depuis plusieurs jours, le journaliste avait déjà confirmé au Parisien qu’il « vivait » avec elle ;
– que M. [K], professionnel des médias et de la communication, réclame d’importantes indemnités pour une publication qu’il a lui-même préalablement et longuement commentée en confirmant l’existence d’une nouvelle relation amoureuse au plus haut niveau politique ;
– que le traitement de ce sujet n’excède pas, ce que les intimés, qui ne sont pas anonymes, pouvaient s’attendre à voir évoquer dans la presse populaire compte tenu de l’actualité et de leur notoriété ;
– qu’aucun détail intrusif n’est donné sur cette relation, les éléments de vie privée apportés étant factuels, généraux ou d’évidence ;
– que les photographies ne montrent rien d’intime, ni de désagréable apparaissant simplement dans la vie de tous les jours, sans gestes visibles témoignant de sentiments, le magazine n’ayant donné aucun caractère sensationnaliste à cet article, dépourvu de toute mention « scoop » ou « exclusif » en couverture ou en page intérieure, preuve du strict traitement de l’actualité, à l’instar d’autres publications qui se sont consacrées au même sujet ;
– que les intimés ont pu déjà par le passé évoquer certains aspects de leur vie privée, se rendant ainsi familiers auprès du public, ce qui est de nature à avoir une influence sur l’appréciation du préjudice ;
– que le dommage allégué doit être apprécié de manière concrète, au jour où le juge statue, M. [K] et Mme [D] ne justifiant d’aucune conséquence et répercussion concrète en lien direct avec la publication litigieuse, les témoignages produits en demande tout comme les mises en demeure apparaissant en décalage par rapport à la réalité des faits rapportés ci-dessus et sans pertinence ;
– qu’il est abusif de prétendre que les photographies publiées sont d’une grande violence en raison d’une situation étalée au grand jour devant des centaines de milliers de personnes alors que les clichés en cause, qui n’ont pas été publiés sur Internet, ne représentent aucune scène intime, et que la relation amoureuse existant entre les intéressés avait été largement rendue publique avant donc la publication litigieuse, et commentée par M. [K] lui-même ;
– qu’il est pour le moins surprenant de prétendre que l’ex-compagne et les parents de M. [K] ne connaissaient pas l’identité de Mme [D] ou qu’ils ne savaient pas qu’il avait retrouvé une compagne alors même que la presse nationale avait divulgué le nom et la photographie de Mme [D], en lien avec l’annonce du retrait de [G] [K], retrait commenté par le groupe France Télévisions dès le 8 novembre qui invoquait la gestion des conflits d’intérêts en lien avec la situation précise de sa conjointe ;
– que la diffusion du magazine Public est en moyenne de près de 100.000 exemplaires, très loin des « millions de lecteurs » qui lui sont prêtés de manière fantaisiste.
Dans leurs conclusions remises le 31 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, M. [K] et Mme [D] demandent à la cour, au visa de l’article 9 du code civil, des articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 835 du code de procédure civile, de :
– dire recevables et bien fondés M. [K] et Mme [D] en l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
y faisant droit,
– infirmer les ordonnances entreprises sur le quantum des dommages-intérêts alloués et sur la publication judiciaire ;
et statuant à nouveau,
– condamner la société CMI Publishing à verser à M. [K], par provision, à titre de dommages et intérêts, la somme de 20.000 euros pour la publication du reportage litigieux intitulé « [G] [K] coup de foudre ravageur » au sein du magazine public n°957, daté du 12 au 18 novembre 2021 ;
– condamner la société CMI Publishing à verser à Mme [D], par provision, à titre de dommages et intérêts, la somme de 20.000 euros pour la publication du reportage litigieux intitulé « [G] [K] coup de foudre ravageur » au sein du magazine public n°957, daté du 12 au 18 novembre 2021 ;
– ordonner la publication d’un communiqué judiciaire en page de couverture du magazine Public, ou à défaut au sommaire, en dehors de tout encart publicitaire et sans aucune autre mention ajoutée dans un encadré occupant sur toute sa largeur la moitié inférieure de la page sur fond blanc. La police de caractères du titre aura une taille suffisante pour recouvrir intégralement la surface réservée à cet effet. Les caractères gras de couleur rouge ne pourront avoir une taille inférieure à 3 cm de hauteur. Le titre du communiqué sera : « Public condamné à la demande de [G] [K] ». Le corps de ce communiqué, composé de lettres de 1 cm de hauteur de couleurs noirs, précisera : « Par arrêt rendu le (‘), la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance de référé ayant condamné la société CMI Publishing, en raison de la publication, au sein du magazine Public n°957, daté du 12 au 18 novembre 2021, d’un reportage violant la vie privée et le droit à l’image de [G] [K] » ;
– ordonner la publication d’un communiqué judiciaire en page de couverture du magazine Public, ou à défaut au sommaire, en dehors de tout encart publicitaire et sans aucune autre mention ajoutée dans un encadré occupant sur toute sa largeur la moitié inférieure de la page sur fond blanc. La police de caractères du titre aura une taille suffisante pour recouvrir intégralement la surface réservée à cet effet. Les caractères gras de couleur rouge ne pourront avoir une taille inférieure à 3 cm de hauteur. Le titre du communiqué sera : « public condamné à la demande de [Y] [D] ». Le corps de ce communiqué, composé de lettres de 1 cm de hauteur de couleurs noirs, précisera : « Par arrêt rendu le (‘), la cour d’appel de Paris a confirmé l’ordonnance de référé ayant condamné la société cmi publishing, en raison de la publication, au sein du magazine Public n°957, daté du 12 au 18 novembre 2021, d’un reportage violant la vie privée et le droit à l’image de [Y] [D] » ;
– ordonner la publication desdits communiqués judiciaires dans les deux prochains numéros de l’hebdomadaire public à paraître dans les 14 jours de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte définitive de 10.000 euros par semaine de retard ;
– se réserver la liquidation des astreintes ;
en tout état de cause,
– débouter la société CMI Publishing de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– condamner la société CMI Publishing à payer à M. [K] et Mme [D] la somme de 5.000 euros chacun sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel ;
– condamner la société CMI Publishing aux entiers dépens.
M. [K] et Mme [D] soutiennent en substance :
– qu’il est de jurisprudence constante que les informations réelles ou supposées relatives à la vie sentimentale, aux loisirs ou à l’emploi du temps d’un individu appartiennent au champ protégé de sa vie privée, dont lui seul peut décider de l’exposition au regard du public ;
– que la société CMI Publishing a cru pouvoir publier dans son magazine Public n°957 un reportage révélant leur relation sentimentale et livrant notamment des détails supposés de la rencontre du couple ;
– que le reportage litigieux est annoncé en page de couverture sous le titre « [G] [K] il plaque tout pour [Y] », illustré par une photographie volée les représentant en train de marcher dans la rue, côte à côte, avec un casque de moto sur la tête, également au sommaire et publié en page 10 sous le titre « [G] [K] un coup de foudre ravageur » ;
– que l’article est illustré par trois photographies volées et avec notamment pour commentaires « Tout roulait entre le journaliste et la communicante’ Avant le gros stop que s’est pris [G] ! » et la mention « PARIS 05/11/2021 » ;
– que ce faisant la société appelante révèle sans autorisation l’identité de la compagne de M. [K], le moment supposé de leur rencontre, le fait que le couple aurait décidé de tout quitter, le fait que M. [K] aurait déménagé et retrouvé un appartement dans [Localité 5], qu’il se rendrait chez sa compagne dès qu’il peut et leur prétendu état d’esprit, leurs sentiments et leur emploi du temps ;
– que les intimés ne se sont jamais exprimés sur aucun de ces éléments et M. [K] n’a jamais révélé l’identité de sa compagne ni confirmé la moindre rumeur à ce sujet, souhaitant conserver le secret de cette information ;
– qu’ainsi en publiant ces informations la société CMI Publishing a porté atteinte avec l’évidence requise en référé, tant par le texte que par les photographies volées, à leur vie privée ;
– que contrairement à ce qu’a retenu le juge des référés l’existence de cette relation sentimentale ne constitue pas une information relevant de la légitime information du public, susceptible d’alimenter un débat d’intérêt général relatif à l’indépendance et la neutralité des médias ;
– que contrairement aux jurisprudences citées par la société CMI Publishing où la presse avait pu révéler l’existence de relations sentimentales en mettant en lumière un conflit d’intérêts, l’existence d’un tel conflit d’intérêt pouvant le cas échéant justifier ladite révélation, M. [K] a justement pris les devants pour évacuer toute polémique relative à un quelconque conflit d’intérêts le concernant tout en affirmant sa volonté de préserver sa vie privée et l’anonymat de sa relation sentimentale ;
– qu’ici la société CMI Publishing n’a révélé aucun conflit d’intérêt qui aurait pu légitimer sa publication et alimenter un débat d’intérêt général et a cru pouvoir instrumentaliser leur vie privée en publiant notamment des photographies volées les représentants ;
– que si par extraordinaire la cour devait retenir le caractère légitime de cette information, elle ne pourra que constater, à l’instar du juge des référés, notamment que l’article ne se contente pas d’évoquer la relation sentimentale mais décrit les circonstances de leur rencontre et l’évolution rapide de leur relation et ses conséquences sur sa vie familiale, donne des détails sur leurs lieux de vie et spécule sur leurs sentiment, ces informations relèvent à l’évidence de l’intimité de leur vie privée en ce qu’elles ont trait à leur vie affective et familiale et à leurs sentiments ;
– qu’à juste titre le juge des référés a révélé notamment qu’il ressort clairement du titre de l’article que l’angle choisi par la publication litigieuse n’est pas celui d’un questionnement sur la déontologie journalistique ou le risque de conflit d’intérêt – et pour cause M. [K] a évité d’être en conflit d’intérêt – mais le récit d’une relation naissante, dont les détails livrés au public ne participent aucunement d’un débat sur l’indépendance ou la neutralité de la presse et ne constituent pas un sujet d’actualité ;
– que ces informations ne sont pas qu’accessoires mais au coeur de l’article litigieux et que la société CMI Publishing ne saurait s’abriter derrière sa liberté éditoriale quant aux choix du titre notamment pour échapper à ses responsabilités, elle a choisi délibérément d’axer son reportage sur leur relation sentimentale violant de manière évidente leur vie privée ;
– que le caractère évident des atteintes portées aux droits fondamentaux des intimés est confirmé par la publication de photographies volées les représentants dans un contexte de vie privée ;
– qu’il est de jurisprudence constante que toute personne quel que soit son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, dispose d’un droit exclusif et absolu sur son image et peut s’opposer à sa fixation, à sa reproduction et à son utilisation sans son autorisation expresse, préalable et spéciale, de même que la reproduction d’une photographie illustrant une information illicite de vie privée méconnaît le droit de la personne concernée respect de son image ;
– qu’aux fins d’illustrer les propos fautifs de l’article litigieux, la société CMI Publishing a publié trois photographies volées les représentant dans le cadre d’activités strictement privées et deux clichés représentant Mme [D] dans un cadre professionnel et ainsi détournées de leur contexte initial de fixation ;
– que l’ensemble de ces photographies, dont certaines ont été prises sans autorisation, publiées en illustrations de « propos attentatoires à la vie privée et ne participant pas à un débat d’intérêt général ni justifié par un sujet d’actualité », portent atteinte à leur droit à l’image avec l’évidence requise en référé ;
– que la jurisprudence constante considère que la seule constatation de la violation de la vie privée et / ou du droit à l’image ouvre droit à réparation du préjudice moral que cette violation engendre, le montant étant laissé à l’appréciation du juge et que la gravité du préjudice doit s’apprécier notamment en fonction du contenu et de la nature de la publication ;
– que la société CMI Publishing s’est immiscée dans leur vie sentimentale en révélant sans autorisation l’existence de leur relation sentimentale et l’identité de Mme [D] en donnant des détails sur les conditions supposées de leur rencontre, leurs prétendus choix de vie, leurs sentiments, leur emploi du temps, alors qu’ils ne sont pas exprimés sur ces sujets ;
– que M. [K] a très mal vécu l’exposition médiatique de son couple alors qu’il s’est récemment séparé de la mère de ses fils, lesquels n’étaient pas au courant que leur père avait une femme et qui était Mme [D], de même que son ex compagne et ses parents et a dû s’en expliquer dans des conditions non souhaitées ;
– que de même, Mme [D] a très mal vécu cette exposition médiatique brutale de son couple alors qu’elle n’est pas une personnalité publique, récemment divorcée du père de ses enfants en bas âge, auxquels elle a dû annoncer sa nouvelle relation ;
– qu’elle a le sentiment d’avoir été instrumentalisée par le magazine Public à des fins purement mercantiles et compte tenu du caractère particulièrement intrusif du reportage litigieux ;
– que M. [K], discret sur sa vie privée, a adressé de manière préventive des mises en demeure pour tenter d’empêcher que l’identité de sa compagne ne soit révélée ;
– que Mme [D] n’est pas connue du grand public et souhaitant préserver sa vie privée, elle a, par l’intermédiaire de son conseil, adressé des mises en demeure pour informer les éditeurs, dont la société CMI Publishing de sa volonté de faire respecter ses droits fondamentaux en leur faisant interdiction de publier un quelconque article violant sa vie privée et / ou son droit à l’image ;
– que c’est en connaissance de cause et contre leur volonté que la société CMI Publishing a fait le choix de publier l’article litigieux malgré celle-ci ;
– que pour évaluer le préjudice découlant d’atteintes aux droits de la personnalité par voie de presse il est tenu notamment compte du tirage du magazine et du fait que la publication litigieuse est annoncée en page de couverture ;
– que le magazine Public est tiré à plus de 200.000 exemplaires et dispose millions de lecteurs et que la société CMI Publishing a annoncé le reportage litigieux en page de couverture, touchant un public large dépassant les seuls lecteurs, comprenant également les clients des lieux de vente du magazine et les simples passants ;
– qu’ils considèrent que les dommages et intérêts alloués par le juge des référés ne réparent que partiellement leur préjudice ;
– que, compte tenu de la nature intrusive du reportage dans leur vie personnelle, ils sont bien fondés à considérer comme une mesure appropriée l’intervention de publications judiciaires témoignant du fait qu’ils s’opposent à toute immixtion de la presse et des médias dans leur vie privée et ont ressenti les immixtions de la société CMI Publishing dans leur vie privée comme intolérables ;
– que cette demande est proportionnée aux atteintes subies et compatible avec les exigences de l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme.
SUR CE LA COUR
Conformément à l’article 9 du code civil et à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse.
De même, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation. L’article 9 alinéa 2 du code civil précise que les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé.
Cependant, ces droits doivent se concilier avec le droit à la liberté d’expression, consacré par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ils peuvent céder devant la liberté d’informer, par les propos et les images, sur tout ce qui entre dans le champ de l’intérêt légitime du public, certains événements d’actualité ou sujets d’intérêt général pouvant justifier une publication en raison du droit du public à l’information et du principe de la liberté d’expression.
La liberté de la presse et le droit à l’information du public autorisent notamment la diffusion de l’image de personnes impliquées dans un événement d’actualité ou illustrant avec pertinence un débat d’intérêt général, dans une forme librement choisie, sous la seule réserve du respect de la dignité humaine.
Par ailleurs, la diffusion d’informations anodines ou déjà notoirement connues du public n’est pas constitutive d’atteinte au respect de la vie privée.
En outre, selon l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le trouble manifestement illicite visé s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Le montant de la provision en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.
Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.
En l’espèce, il sera relevé, s’agissant des atteintes en cause :
– que la circonstance que l’article n’est pas celui qui a révélé l’identité de la compagne de M. [K] (révélation résultant en effet des publications du Figaro et du Parisien des 7 et 8 novembre 2021 produites aux débats) importe peu, dans la mesure où la publication litigieuse ne se limite pas à confirmer l’annonce de cette relation ;
– que, nonobstant le rappel sur l’existence de la relation sentimentale, l’article indique en effet que M. [K] et Mme [D] se trouvent dans la rue à [Localité 5] (comme en atteste la légende “[Localité 5], 05/11/2021”), puis détaille tant les circonstances de la relation sentimentale (“Mais entre la journaliste et la conseillère du premier ministre, le coup de foudre est ravageur. En quelques semaines, tous deux décident de tout quitter afin de vivre ensemble le grand amour”) que l’organisation pratique de la nouvelle vie du couple (“[G] aurait d’ailleurs trouvé rapidement un appartement dans [Localité 5]. Mais c’est chez [Y] qu’il se rend dès qu’il le peut”) ;
– que ces informations portent à l’évidence atteinte au droit au respect à la vie privée des deux intimés, sans que l’on puisse retenir qu’elles contribuent d’une quelconque manière à un débat d’intérêt général relevant de la légitime information du public, dans la mesure où l’article détaille la nouvelle vie du couple, sans aucun lien avec le débat sur le possible conflit d’intérêt entre un journaliste politique et une conseillère du premier ministre alors que seule cette dernière information pouvant contribuer à un débat d’intérêt général même si M. [K] avait déjà choisi de s’exprimer sur le sujet ;
– que n’est pas ici en cause le style éditorial de la publication, sur lequel les juridictions n’ont pas à se prononcer, mais bien la teneur des informations portées à la connaissance du public, peu important le ton habituel du magazine Public ;
– que c’est donc avec l’évidence requise en référé que l’article contrevient aux dispositions de l’article 9 du code civil, la présence des intéressés à [Localité 5] le 5 novembre 2021 ou le fait que M. [K] se rende plutôt chez Mme [D] que l’inverse ne pouvant en aucune façon être légitimés par le droit du public à recevoir des informations ;
– que c’est également de manière non contestable que l’article porte atteinte au droit à l’image de M. [K] et de Mme [D], étant rappelé qu’un premier cliché est reproduit en page de couverture, montrant les intéressés dans la rue avec des casques de motos, photographie ayant été prise sans autorisation des intimés ;
– que l’article en pages intérieures comporte en outre trois clichés pris dans les mêmes conditions de temps et de lieu, dans la rue, dont deux photographies prises alors que les intimés se trouvent sur un scooter ;
– que peu importe que ces divers clichés ne montrent pas un moment d’intimité, la publication de photographies prises sans autorisation dans la rue, hors de toute circonstance officielle, violant le droit à l’image, étant aussi observé que ces images ne sauraient illustrer avec pertinence l’article en cause, alors que la publication observe elle-même qu’elle a par ailleurs publié des photographies identitaires qui auraient pu suffire à illustrer l’article avec pertinence s’il s’était agi de limiter les informations à l’existence d’un possible conflit d’intérêt ;
– qu’ainsi, l’atteinte au droit à l’image est aussi parfaitement caractérisée, avec l’évidence requise en référé.
C’est donc à juste titre que le premier juge a considéré les atteintes au droit à la vie privée et au droit à l’image caractérisées, sans contestation sérieuse, la cour confirmant la décision sur ce point.
Quant au préjudice subi, il faut constater :
– que certes, l’article litigieux n’est pas celui qui a révélé l’existence de la relation, comme il a été rappelé ci-avant ;
– que cependant, M. [K] verse aux débats deux attestations (pièces 6 et 7) dont il résulte que l’article de Public a donné une particulière visibilité médiatique à sa relation sentimentale, eu égard aux détails donnés ; que, de même, les attestations de proches de Mme [D] démontrent que la publication litigieuse avec les photographies a eu des conséquences sur ses relations avec ses enfants (pièces 8 et 9) ;
– que les intimés, respectivement journaliste et conseillère du premier ministre, s’ils exercent des fonctions susceptibles de les exposer médiatiquement et ont pu communiquer sur certains éléments de leur vie privée à raison de leurs activités professionnelles (article du Figaro du 3 mars 2021 pour Mme [D], articles de Stratégies du 10 septembre 2019 et du Figaro magazine du 30 août 2019 pour M. [K]), n’apparaissent pas pour autant avoir exposé de manière régulière leur intimité par le passé, étant précisé qu’un seul article est produit concernant Mme [D] dans lequel elle expose son parcours, que les deux articles relatifs à M. [K] datent de 2019 et sont donc désormais plutôt anciens, que les articles précédents n’évoquent que succinctement leurs situations familiales respectives et que la seule publication récente versée aux débats concernant M. [K] est sa déclaration expliquant pourquoi il devait se retirer d’une émission politique à raison de sa nouvelle liaison sentimentale (article du 8 novembre 2021 du Parisien, pièce 3 appelante) ;
– qu’il faut prendre en compte la large diffusion du magazine en cause (tirage de 115.186 exemplaires en 2022 pour le chiffre le plus récent, pièce 20 appelante) ;
– qu’enfin, dans la détermination du préjudice, il faut aussi prendre en compte le caractère limité des révélations de l’article, qui fait état de leur vie de couple et qui comporte des photographies prises dans la rue, sans toutefois que ne soient révélés des éléments plus intimes.
Ainsi, au regard de l’ensemble des éléments rappelés ci-avant, la hauteur non contestable de l’obligation de paiement de la société CMI Publishing a été justement fixée à la somme provisionnelle de 5.000 euros pour M. [K] et à celle de 6.000 euros pour Mme [D], ces sommes tenant compte du caractère moins exposé des fonctions exercées par Mme [D], de sorte que la décision sera confirmée sur ce point.
Eu égard au fait que l’existence de la relation sentimentale ne résulte pas de la publication éditée par l’appelante, et compte tenu aussi des révélations limitées de l’article, le premier juge a à juste titre rejeté la demande de publication judiciaire, qui apparaîtrait ici disproportionnée aux faits de l’espèce, alors qu’une telle mesure est particulièrement attentatoire à la liberté d’expression garantie aux organes de presse par la convention européenne des droits de l’homme.
Dans ces conditions, les ordonnances entreprises seront confirmées en toutes leurs dispositions, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance, exactement réglé par le premier juge.
A hauteur d’appel, la société CMI Publishing devra indemniser les intimés pour les frais non répétibles dans les conditions indiquées au dispositif, CMI Publishing étant condamnée aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme les ordonnances entreprises ;
Y ajoutant,
Condamne la société CMI Publishing à verser à M. [G] [K] et à Mme [Y] [D], à chacun, la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;
Condamne la société CMI Publishing aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE