Présentateur : 26 octobre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/02597

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Présentateur : 26 octobre 2022 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 19/02597
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

————————–

ARRÊT DU : 26 OCTOBRE 2022

PRUD’HOMMES

N° RG 19/02597 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LAL4

Monsieur [V] [Y]

c/

Association CRISTAL FM

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 avril 2019 (R.G. n°F 17/00212) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PÉRIGUEUX, Section Activités Diverses, suivant déclaration d’appel du 07 mai 2019,

APPELANT :

Monsieur [V] [Y]

né le 19 Juin 1961 à CASABLANCA (MAROC) (20000) de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Paula RAMOS-BENTZINGER, avocat au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉE :

Association Cristal FM, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

N° SIRET : 350 292 223 00020

représentée par Me Lukas SCHRÖDER, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Stéphanie DOS SANTOS de la SELARL MINERAL, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 septembre 2022 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d’instruire l’affaireCe magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sylvie Tronche, conseillère

Madame Bénédicte Lamarque, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [V] [Y], né en 1961, a été engagé en qualité d’animateur radio par l’Association Cristal FM par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 novembre 1992.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la radiodiffusion.

A partir du 1er juillet 2002, M. [Y] a occupé les fonctions de responsable commercial d’antenne au coefficient 145 de la convention collective.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [Y] s’élevait à la somme de 1.389,60 euros.

M. [Y] a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un licenciement le 24 février 2016. L’entretien a eu lieu le 7 mars 2016. M. [Y] a ensuite été licencié pour faute grave le 11 mars 2016.

Demandant qu’il soit constaté qu’il occupait la fonction de direction de l’association et sollicitant la condamnation de son ancien employeur au paiement de diverses sommes, M. [Y] a saisi le 18 décembre 2017 le conseil de prud’hommes de Périgueux, qui, par jugement rendu le 8 avril 2019, a :

– dit que M. [Y] exerçait bien les fonctions correspondantes à l’indice de qualification 145 de la convention collective,

– débouté M. [Y] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

– condamné M. [Y] aux dépens de la procédure.

Par déclaration du 7 mai 2019, M. [Y] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 juillet 2019, M. [Y] demande à la cour d’infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire qu’il occupait des fonctions de direction selon la classification des fonctions administratives de la convention collective au coefficient 180, dire y avoir lieu à rappel de salaires et de :

– condamner l’association à lui verser les sommes suivantes :

* 11.582,50 euros au titre du rappel de salaires sur la période du 11 mars 2013 au 11 mars 2016, outre 1.158,25 euros au titre des congés payés afférents,

* 4.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

– débouter l’association de l’intégralité de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 juillet 2022, l’association demande à la cour de’:

A titre principal :

– confirmer le jugement,

A titre subsidiaire, en cas de requalification au coefficient 180, dire qu’aucune somme n’est due, l’employeur l’ayant rémunéré au-delà des minimas conventionnels,

– condamner M. [Y] au versement d’une somme de 2.000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 août 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 20 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la contestation relative au niveau de classification professionnelle

M. [Y] demande à la cour de constater qu’il occupait des fonctions de direction selon la classification des fonctions administratives de la convention collective au coefficient 180. Il fait valoir que suite à plusieurs avenants à son contrat de travail, bien au-delà de sa fonction d’animateur radio, il a exercé diverses missions jusqu’à prendre dans les faits la fonction de directeur puisqu’il exerçait les fonctions suivantes : direction, comptabilité, organisation et animation de l’assemblée générale et du conseil d’administration, administration, commercial, animation radio, nettoyage de façon accessoire mais régulière. En raison de la polyvalence des fonctions exerçées, il soutient que 2 postes correspondent réellement à ses missions, à savoir ceux de directeur administratif et financier et de secrétaire général.

L’association considère que M. [Y] n’était pas directeur.

Elle fait valoir que ses statuts ne font pas mention de l’existence d’un directeur et qu’elle est administrée par un conseil d’administration doté d’un bureau composé d’un président, d’un secrétaire et d’un trésorier. Elle soutient que si M. [Y] s’est présenté comme directeur auprès de tiers, cela n’a pas d’incidence et qu’il convient d’analyser les fonctions réellement exercées par le salarié. L’association ajoute que contrairement à la définition de la convention collective relative aux fonctions de directeur, fonctions administratives au coefficient 180, M. [Y] n’avait ni autorité sur le personnel, ni mission relative à la gestion de l’équipe, ni de direction des services administratifs et financiers.

Au contraire, l’association indique que M. [Y] exerçait bien les fonctions correspondantes à l’indice de qualification 145 de la convention collective puisqu’il avait pour tâches principales de gérer le volet commercial de la radio et d’animer certaines émissions et pour tâches accessoires de transmettre notamment les ‘fiches navette’ au cabinet d’expert-comptable.

L’association affirme que le salarié ne peut revendiquer, du seul fait de cette polyvalence, une classification de directeur, puisque tous les salariés devaient pouvoir assurer diverses tâches en raison des moyens limités de la radio locale associative.

*

En application de l’article R. 3243-1 du code du travail, le bulletin de paie doit comporter un certain nombre de mentions au nombre desquelles figure le nom et l’emploi du salarié ainsi que sa position dans la classification conventionnelle qui lui est applicable.

La position du salarié est notamment définie par le niveau ou le coefficient hiérarchique qui lui est attribué.

En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, le juge doit rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert. La classification d’un salarié ne dépend pas des termes de son contrat de travail mais des fonctions réellement exercées.

La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle qui lui a été attribuée.

En l’espèce, le contrat de travail à durée indéterminée à temps plein signé le 23 novembre 1992 vise une qualification d’animateur- présentateur correspondant au niveau IV coefficient 145 de la convention collective nationale de la radiodiffusion du 11 avril 1996. Ce contrat a été modifié en temps partiel par avenant du 01er juin 1994 puis du 1er octobre 1998 fixant un salaire fixe correspondant aux 4h30 journalières d’animateur radio, la commission de 20% englobant le démarchage et la création publicitaire puis de nouveau à temps plein par avenant du 1er novembre 1999, il est précisé qu’en ‘contrepartie de son travail, M. [Y] percevra une rémunération brute mensuelle pour 130 heures soit 30 heures par semaine de 7 813 francs. Ainsi qu’une commission de 20% sur le chiffre d’affaires ‘publicité’ hors taxes encaissé’.

Par avenant du 1er juillet 202, M. [Y] est devenu responsable d’antenne avec un horaire de travail de 35 heures par semaine en contrepartie d’une rémunération brute de 1.389,60 euros.

Tous les bulletins de salaire, y compris ceux postérieurs à 2002 mentionnent l’emploi d’animateur radio-commercial, avec un niveau IV, coefficient 145 de la convention collective, avec la précision que M. [Y] était ‘non cadre’.

La convention collective de la radiodiffusion du 11 avril 1996 définit les différentes fonctions affectée du coefficient 145 :

– dans les fonctions administratives des techniciens et agents de maîtrise au coefficient 145, de la manière suivante :

« Comptable 2e échelon : responsabilité de l’ensemble des opérations comptables de la radio, donne leur traduction comptable à toutes les opérations commerciales,

industrielles ou financières, établit le bilan et les déclarations d’ordre fiscal et social

suivant les directives de la direction ou d’un expert-comptable, établit la paie lorsque

l’entreprise a un effectif > 10 salariés (équivalents temps-plein) »

– dans les fonctions antenne, celles de fonctions ‘d’animateur polyvalent

« – Animateur(trice)-technicien(ne)-réalisateur(trice) (2ème échelon) : responsable de l’animation d’une ou plusieurs émissions. Recherche, réalise et coordonne l’ensemble des composantes d’une émission (jeux, éléments sonores, intervenants, technique, publicité). Dans les services de type 1, propose et conclut avec des partenaires des actions de promotion de la radio et des émissions dont il(elle) a la charge. »

La même convention collective de la radiodiffusion du 11 avril 1996 définit les différentes fonctions affectées du coefficient 180 :

– dans les fonctions administratives celles de cadre « directeur – fonctions administratives » au coefficient 180 de la manière suivante :

« Secrétaire général : collaborateur direct de la direction générale, accompagne la direction générale dans tous les actes de la gestion et de la bonne marche de l’entreprise de radio et peut la représenter. Peut avoir autorité sur l’ensemble du personnel.

Directeur(trice) Administratif(ve) et financier(e) : assure la direction des services administratifs et financiers, avec un niveau d’autonomie total dans l’organisation du travail.’

Il n’est pas contesté par les parties que M. [Y] en plus de ses fonctions de commercial exerçait des fonctions d’animateur, et notamment de la matinale de 7h à 9h, sans que ces fonctions lui confèrent le statut de directeur d’antenne ou de programmation, les fonctions d’animateur étant couvertes par la convention collective dans les fonctions antenne au coefficient 145.

A l’appui de ses prétentions, M. [Y] produit l’attestation des maires du [Localité 1] et de [Localité 3], corroborées par des attestations de fournisseurs et commerçants selon lesquelles M. [Y] démarchait en qualité de directeur responsable de CRISTAL FM. Toutefois, ces attestations ne sont pas probantes des fonctions réellement effectuées par M. [Y] mais seulement de la qualité avec laquelle il se présentait à l’extérieur pour démarcher les collectivités ou les commerçants dans le cadre de ses misions de prospection de partenaires publicitaires et organismes subventionnaires de la radio et dans ses démarches commerciales en lien avec son contrat de travail.

M. [Y] soutient que la polyvalence des fonctions qu’il exerçait faisait de lui un directeur, l’amenant à remplacer la trésorière pour signer les chèques des salaires, les devis mais à assurer aussi la gestion de la radio sur le plan commercial, administratif et financier en montant les demandes de subvention y compris les dossiers SFER auprès du ministère de la culture ainsi que le soutien au cabinet comptable en établissant lui-même des documents comptables. A ce titre M. [Y] produit l’attestation de M. [K], analyste programmateur, confirmant que les prestations informatiques ou de vente de matériel étaient effectuées par M. [Y] en qualité de directeur et que les chèques étaient signés par lui.

Il est en effet reconnu que M. [Y] exerçait des fonctions polyvalentes intervenant tant le domaine de l’animation que de la commercialisation et du soutien à l’expert comptable, polyvalence renforcée par son ancienneté dans l’association (25 ans), comme le confirme M. [I], ancien président selon lequel ‘en résumé, ces différentes fonctions relèvent bien d’un emploi de directeur’ ou encore celle de M. [J], membre du conseil d’administration, confirmant que M. [Y] assurait la direction de l’antenne et de l’équipe de 4 salariés. M. [Y] produit de nombreuses attestations reconnaissant son engagement pour le développement de l’association et le soutien de celle-ci aux activités locales.

Toutefois, l’association Cristal FM justifie de que le poste de ‘directeur’ n’existe pas, produisant ses statuts selon lesquels elle est dirigée par un conseil d’administration composée d’un président, d’une secrétaire et d’un trésorier, le seul supérieur hiérarchique des salariés étant le président de l’association.

Si M. [Y] verse le projet de rapport moral du 12 décembre 2016 soumis aux membres du conseil d’administration où son nom est remplacé par le mot ‘directeur’, comme en atteste M. [I] ou M. [H], tous deux membres de ce conseil, l’association Cristal FM produit la version adoptée de ce même rapport par les membres du conseil d’administration dans lequel M. [Y] n’apparaît pas comme directeur de l’association. Seul ce document définitif a une valeur probante.

L’association était composée au moment des faits de 4 salariés : Mme [T], animatrice et programmatrice, M. [M], chargé de communication, animateur et technicien et M. [X], journaliste et M. [Y]. Mme [T] et M. [M] confirment qu’en interne, M. [Y] ne prenait pas le titre de directeur et que chacun pouvait remplir ses missions propres sans directive de M. [Y] et parfois même contre son avis. M. [M] précise qu’ils étaient ‘parfaitement autonomes quant à la gestion de notre travail et les prises de décisions (…) et que les responsabilités de M. [Y] se limitaient purement aux tâches commerciales, administratives, d’animation de la matinale et quelques autres émissions régulières. M. [Y] ne nous a jamais donné de directives’.

De la même façon, M. [X] atteste que M. [Y] ‘n’avait pas à organiser la gestion de l’équipe ni la programmation’. Selon ces trois personnes, M. [Y] exerçait bien les fonctions de commercial de la station au sein de l’équipe de 4 personnes.

L’association Cristal FM justifie également qu’au sein de l’association, M. [Y] signait les documents en qualité de ‘responsable’ et non de directeur.

M. [Y] était l’interlocuteur de l’expert comptable conformément à ses fonctions d’agent comptable 2ème échelon, donnant la traduction comptable à toutes les opérations commerciales. Il travaillait d’ailleurs en lien avec la trésorière qui signait les fiches de paie et l’expert comptable, ces deux postes justifiant au demeurant l’absence de qualification de M. [Y] pour effectuer les tâches administratives et financières. Si M. [Y] soutient avoir signé des chèques, des factures, ou des feuilles de paie en lieu et place d’autres personnes de l’association, il convient toutefois de rappeler que des fausses factures et imitations de signatures sont à l’origine de la procédure de licenciement pour faute qui n’a pas été contestée ainsi que de la condamnation de M. [Y] par le tribunal correctionnel de Perrigueux du 9 février 2022 pour des faits de faux, usage de faux, contre-façon et falsification de chèques.

Il résulte de l’ensemble des pièces ainsi versées que M. [Y] exerçait des fonctions d’animateur radio – responsable commercial, nécessitant une polyvalence entre des fonctions d’animateur radio et celles de commercial auprès des organismes subventionnaires, en lien étroit avec le service chargé de la comptabilité, et de manière conforme aux fonctions d’animateur polyvalent comme à celle de comptable 2ème échelon au coefficient 145 de la convention collective, sans pour autant avoir exercé des fonctions de directeur, qui nécessitait un pouvoir de décision propre et d’encadrement qu’il n’exerçait pas, pas plus que de directeur financier, qui nécessitait une délégation de signature sur les chèques, paies, factures, qu’il ne détenait pas.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a débouté M. [Y] de l’ensemble de ses prétentions.

Sur les autres demandes

En application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, M. [Y], partie perdante à l’instance et en son recours, sera condamné aux dépens ainsi qu’à payer à l’association Cristal FM la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne M. [V] [Y] aux dépens ainsi qu’à payer à l’association Cristal FM la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire

 


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