Présentateur : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00008

·

·

Présentateur : 22 juin 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 21/00008
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/06/2023

la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN

la SELARL BAUR et Associés

ARRÊT du : 22 JUIN 2023

N° : 109 – 23

N° RG 21/00008

N° Portalis DBVN-V-B7E-GIQK

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge des contentieux de la protection d’ORLEANS en date du 21 Juillet 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265265285045661

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE LOIRE Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 6]

[Localité 1]

Ayant pour avocat postulant Me Christophe PESME, membre de la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Céline NETTHAVONGS, membre de l’AARPI RABIER & NETHAVONGS, avocat au barreau de PARIS

D’UNE PART

INTIMÉE : – Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-

Madame [S] [O] épouse [G]

née le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 4]/FRANCE

Ayant pour avocat Me Mahamadou KANTE, membre de la SELARL BAUR et Associés, avocat au barreau d’ORLEANS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 24 Décembre 2020

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 05 Mai 2022

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du JEUDI 04 MAI 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 805 du code de procédure civile.

Lors du délibéré :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 22 JUIN 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon convention du 1er octobre 2009, Mme [S] [O] épouse [G] a ouvert en les livres de la caisse régionale de crédit agricole Centre Loire (ci-après le Crédit agricole) un compte de dépôt numéro [XXXXXXXXXX05] sur lequel l’établissement bancaire lui a consenti le même jour, par acte séparé intitulé « CSCA équilibre », une autorisation de découvert de 240 euros, moyennant des intérêts au taux conventionnel de 13,50 % l’an.

Le 5 septembre 2014, Mme [O] a remis sur son compte un chèque d’un montant de 45 538 euros.

Ce chèque a été rejeté le 10 septembre suivant, mais entre la date de son dépôt et celle de son rejet, Mme [O] avait effectué une série de virements via internet au profit de plusieurs individus, en sorte qu’au 1er octobre 2014, son compte de dépôt s’est trouvé débiteur d’un peu plus de 15 000 euros.

Par courrier recommandé du 1er octobre 2014, le Crédit agricole a mis en demeure Mme [O] de régulariser la situation de son compte sous dix jours en l’informant qu’à défaut, celui-ci serait clôturé à l’expiration du délai de 60 jours prévu à l’article L. 312-1-1 III du code monétaire et financier.

Par courrier du 12 juin 2015, adressé sous pli recommandé réceptionné le 17 juin suivant, le Crédit agricole a mis en demeure Mme [O] de lui régler la somme de 15 065,87 euros pour solde de son compte clôturé, puis l’a fait assigner en paiement devant le tribunal d’instance d’Orléans par acte du 5 septembre 2016.

Mme [O] ayant fait valoir qu’elle avait déposé plainte pour escroquerie le 6 octobre 2014, le tribunal a sursis à statuer, par jugement en date du 29 septembre 2017, et dit que l’affaire serait poursuivie à l’initiative de la partie la plus diligente une fois l’enquête pénale clôturée.

Par jugement du 29 avril 2019 frappé d’appel, le tribunal correctionnel d’Orléans a, notamment, déclaré coupable d’escroquerie en banque organisée onze individus, reçu en leur constitution de partie civile le Crédit agricole et Mme [O], mais rejeté leurs demandes respectives en dommages et intérêts, en retenant que la demande de la banque n’était pas fondée et que celle de Mme [O] devait être rejetée au regard du comportement fautif de la victime et de l’absence de démonstration du préjudice subi.

Par jugement contradictoire du 21 juillet 2020, le tribunal judiciaire d’Orléans devant lequel Mme [O] avait fait valoir qu’en tant que victime d’une escroquerie, elle ne pouvait être tenue responsable du solde débiteur de son compte, a :

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire au titre du compte de dépôt numéro [XXXXXXXXXX05] ouvert le 1er octobre 2009,

– débouté la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire de l’ensemble de ses prétentions,

– condamné la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire à verser à Mme [S] [G] née [O] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toute demande plus ample ou contraire,

– laissé les dépens à la charge de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire.

Pour statuer comme il l’a fait, le premier juge a commencé par relever que la banque requérante produisait à l’appui de sa demande un certain nombre de pièces, parmi lesquelles le contrat d’ouverture du compter du 1er octobre 2009 prévoyant une autorisation de découvert de 240 euros avec intérêts au taux contractuel de 13,50 %, mais a retenu que le Crédit agricole ne « démontrait toutefois pas avoir convenu d’une autorisation de découvert avec application d’un taux d’intérêt contractuel ». En ajoutant que le solde du compte était resté débiteur plus de trois mois à compter du 1er octobre 2014 sans régularisation, le premier juge a considéré que l’établissement bancaire aurait dû soumettre à Mme [O] une offre de prêt conforme aux dispositions impératives du code de la consommation à compter du 1er janvier 2015 et que faute d’y avoir procédé, il devait être déchu des intérêts à compter de cette date.

Déduction faite des intérêts et frais passés au débit du compte litigieux postérieurement au 1er juin 2015, le premier juge a ramené la créance du Crédit agricole à 14 998,15 euros, puis a indiqué que « même après le prononcé de la déchéance des intérêts, cette somme n’était pas due par Mme [O] », aux motifs que cette dernière avait manifestement respecté les dispositions des articles L. 133-16 et 17 du code monétaire et financier, qu’elle avait été reconnue victime sur le plan pénal par le jugement du tribunal correctionnel d’Orléans du 29 avril 2019 tandis que, de son côté, le Crédit agricole n’avait pas respecté ses obligations contractuelles « et n’avait pas fait preuve de diligence et d’information suffisante ». En ce sens, le premier juge a reproché au Crédit agricole de ne pas avoir immédiatement informé Mme [O] du rejet, le 10 septembre 2014, du chèque litigieux, en tenant pour dommageable, en substance, le fait que cette situation ne lui ait été révélée qu’à réception de son relevé de compte du 1er octobre 2014.

En retenant que dans ces circonstances, le Crédit agricole engageait sa responsabilité contractuelle, le premier juge en a déduit que dès lors qu’il n’était pas établi que Mme [O] aurait, quant à elle, failli à ses obligations à l’égard de la banque, cette dernière devait être déboutée de l’ensemble de ses prétentions.

Le Crédit agricole a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 24 décembre 2020, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 23 février 2021, le Crédit agricole demande à la cour, au visa des articles L.311-1 et suivants du code de la consommation, 1134 du code civil et L.133-16 et suivants du code monétaire et financier, de :

– dire et juger l’appel interjeté par la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire recevable et bien fondé,

– réformer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Orléans le 21 juillet 2020 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

– condamner Mme [O] épouse [G] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire la somme de 17 546,38 euros au titre du solde débiteur du compte courant n°[XXXXXXXXXX05], majorée des intérêts au taux contractuel de 13,5 % l’an courus à compter du 30 août 2016 et jusqu’au jour du parfait paiement, avec capitalisation des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,

– condamner Mme [O] épouse [G] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [O] épouse [G] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel dont distraction, pour ceux d’appel au profit de Maître Pesme, avocat, conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens de l’appelante, il convient de se reporter à ses dernières conclusions récapitulatives.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 5 mai 2022, pour l’affaire être plaidée le 4 mai 2023 et mise en délibéré à ce jour sans que Mme [O], qui a constitué avocat le 16 février 2021, ait conclu.

SUR CE, LA COUR :

Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l’appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que par application de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement entrepris.

Sur la déchéance des intérêts :

Comme l’avait relevé lui-même le premier juge, le Crédit agricole produit aux débats la convention d’ouverture du compte de dépôt de Mme [O] du 1er octobre 2009 et la convention du même jour intitulée « CSCA équilibre », par laquelle il avait accordé à Mme [O] une autorisation de découvert de 240 euros, moyennant des intérêts au taux conventionnel de 13,50 % l’an.

C’est donc en contradiction avec ses propres constations que le premier juge a retenu que le Crédit agricole ne démontrait pas avoir accordé à Mme [O] une autorisation de découvert sur son compte de dépôt.

Si, en application de l’article L. 311-47 du code de la consommation, pris dans sa rédaction applicable à la cause, l’établissement bancaire qui a accordé une autorisation de découvert en compte à son client est tenu, lorsque ce découvert se prolonge au-delà de trois mois, de proposer sans délai à l’emprunteur un autre type d’opération de crédit, il est établi par les pièces du dossier, notamment par les relevés du compte litigieux, qu’ensuite du courrier qu’il avait adressé le 1er octobre 2014 sous pli recommandé à Mme [O], en l’invitant à régulariser la situation débitrice de son compte et en l’informant qu’à défaut, ce compte serait clôturé sous 60 jours, l’établissement bancaire a effectivement clôturé le compte dont s’agit le 1er décembre 2014.

Le compte ayant été clôturé moins de trois mois après le dépassement du découvert autorisé, le Crédit agricole n’était nullement tenu de proposer à Mme [O] un autre type d’opération de crédit en vue de satisfaire aux dispositions du texte susvisé, et ne saurait en conséquence être déchu des intérêts pour avoir failli à une obligation qui ne lui incombait pas.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce premier chef.

Sur la demande en paiement du Crédit agricole :

L’appelant établit que la Banque postale, qui était la banque tirée, a adressé un avis d’impayé à Mme [O] le 11 septembre 2014, en l’informant que le chèque de 45 538 euros faisait l’objet d’une opposition, et sauf à confondre les obligations du banquier présentateur avec celles du banquier tiré, il ne peut être reproché au Crédit agricole, qui n’est pas la banque tirée, de ne pas avoir promptement informé Mme [O] du rejet du chèque qui avait été déposé sur son compte le 5 septembre 2014.

Le banquier présentateur n’étant tenu de contrôler que la régularité formelle du chèque et de n’en détecter que les anomalies apparentes, aucun des motifs du jugement déféré, que Mme [O] est réputée s’approprier, n’est de nature à sceller la responsabilité contractuelle du Crédit agricole et à priver ce dernier de sa créance.

Sauf à préciser qu’en l’absence de convention contraire, non alléguée, un compte clôturé ne produit intérêts qu’au taux légal, Mme [O], qui ne justifie d’aucun paiement ni d’aucun fait libératoires au sens de l’alinéa 2 de l’article 1315 du code civil, sera condamnée à payer au Crédit agricole, par infirmation de la décision entreprise, la somme principale de 15 014,13 euros, qui se décompose ainsi qu’il suit :

– solde du compte au 1er décembre 2014 : -15 087,87 euros

– paiements reçus sur le compte en mars 2015 : + 73,58 euros

– paiements reçus sur le compte en juin 2015 : + 0,16 euros

Soit un solde dû de 15 014,13 euros

En application de l’article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la condamnation à paiement précédemment prononcée sera majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2015, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer.

Sur les demandes accessoires :

Mme [O], qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d’appel.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, Mme [O] sera par ailleurs condamnée à régler au Crédit agricole, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais non compris dans les dépens qu’il a exposés en première instance puis à hauteur d’appel, une indemnité de procédure de 1 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu à déchéance des intérêts,

Condamne Mme [S] [O] épouse [G] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire, pour solde du compte de dépôt numéro [XXXXXXXXXX05], la somme de 15 014,13 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2015,

Condamne Mme [S] [O] épouse [G] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Centre Loire la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [S] [O] épouse [G] aux dépens de première instance et d’appel,

Accorde à Maître Christophe Pesme, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x