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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 20 AVRIL 2023
(n° 2023/ , 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/05114 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD2A3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mai 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F18/00938
APPELANTE
Madame [E] [O] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
née le 11 Novembre 1973 à [Localité 3]
Représentée par Me Sabine SULTAN DANINO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0488
INTIMEE
S.A. FRANCE TELEVISIONS prise en la personne du président de son conseil d’administration
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Marie CONTENT, avocat au barreau de PARIS, toque : J98
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 9 mars 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, présidente de chambre chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Philippine QUIL, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [E] [I] a été engagée au cours de la période du 19 mars 2001 au 1er mai 2013 par des contrats de travail à durée déterminée par les sociétés France 2, France 3 puis par la société France Télévisions (ci-après la société).
Le 22 février 2013, la société France Télévisions lui a proposé un contrat de travail à durée indéterminée au sein des journaux télévisés nationaux pour un poste d’assistante de rédaction, groupe 4 A. Ce contrat a été signé le 4 mars 2013.
Le 11 mars 2013, la société a formulé une seconde proposition de contrat de travail à durée indéterminée, Mme [I] étant engagée en la même qualité et à la même classification mais à compter du 2 mai 2013 et avec une reprise d’ancienneté de 8 ans, 5 mois et 16 jours. Ce contrat a été signé par la salariée le 15 mars 2013.
Dans le cadre d’une réorganisation, Mme [I] a déposé sa candidature à un poste de responsable d’édition le 18 avril 2014. Sa candidature n’a pas été retenue.
A compter de l’année 2015, la société France Télévisions a mis en oeuvre un ‘projet Info 2015″ comprenant trois phases, la phase 3 concernant une nouvelle organisation de la direction de l’information et plus particulièrement le fonctionnement des éditions affectant notamment les assistants d’édition et les responsables d’édition. Dans ce cadre, il a été prévu que quatre nouveaux postes de chef d’édition seraient ouverts notamment aux assistants d’édition de la rédaction nationale et pourvus par un processus de sélection interne.
Mme [I] a déposé plusieurs candidatures à des postes de responsable d’édition, le 22 avril 2016, au mois d’octobre 2016, au mois de décembre 2016 puis à un poste de journaliste spécialisé au début de l’année 2017. Elle a candidaté à nouveau sur un poste de responsable d’édition au début de l’année 2017. Ses candidatures n’ont pas été retenues.
Après avoir eu un entretien le 22 septembre 2017 avec M. [S], secrétaire général adjoint de l’information, Mme [I] a été conduite à l’hôpital puis placée en arrêt de travail pour maladie prolongée selon les dires des parties jusqu’à ce jour.
Considérant qu’elle exerçait depuis plusieurs années des fonctions de chef d’édition et non d’assistante de rédaction et sollicitant sa classification en qualité de chef d’édition, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 12 mai 2021 rendu en formation de départage auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.
Mme [I] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 8 juin 2021.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 septembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [I] demande à la cour d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle l’a déboutée et de :
– débouter la société France Télévisions de toutes ses demandes principales, subsidiaires et infiniment subsidiaires ;
Et statuant à nouveau,
– dire et juger qu’elle n’a jamais exercé à titre principal une activité administrative ou de secrétariat de rédaction ou d’édition ;
– dire et juger que les fonctions qu’elle a réellement exercées ont consisté dans des fonctions de chef d’édition ;
En conséquence,
– dire que la société France Télévisions devra, à compter du jour où son arrêt maladie viendra à expiration, l’affecter à un poste de chef d’édition sur [Localité 3], et ce sous astreinte de 120 euros par jour de retard ;
– condamner la société France Télévisions à lui verser 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution déloyale du contrat de travail et 20 000 euros pour préjudice moral ;
– condamner la société France Télévisions à lui payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;
– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
– condamner la société France Télévisions aux dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 novembre 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société France Télévisions demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [I] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens ;
– l’infirmer en ce qu’il a débouté la société France Télévisions de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
En conséquence,
– débouter Mme [I] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner Mme [I] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 15 février 2023.
MOTIVATION
Sur la qualification
Mme [I] expose que dès 2009, la société a qualifié ses fonctions d’assistante d’édition alors qu’elle exerçait en réalité selon elle et depuis 2006, des fonctions de chef d’édition. Elle fait valoir qu’elle disposait de la qualité de journaliste, qu’elle a suivi des formations en rapport avec la qualification sollicitée et qu’elle était principalement affectée à des missions de chef d’édition et non à un travail d’assistante de rédaction. Elle ajoute que la gestion du conducteur dont elle avait la charge, relevait de la responsabilité du chef d’édition. Elle précise qu’elle a apporté régulièrement des réserves quant aux fonctions figurant sur les contrats de travail à durée déterminée et qu’elle a espéré que la signature du contrat de travail à durée indéterminée serait l’occasion pour la société de reconnaître ses qualifications et son statut professionnel. Elle souligne qu’un délégué syndical central a saisi le 17 juillet 2013 la société de cette question et que ses entretiens d’évaluation pour les années 2014 et 2016 reflètent la réalité des missions qu’elle exerçait relevant du secteur de l’édition. Elle soutient qu’elle n’a pas été conviée à la démarche participative mise en oeuvre dans le cadre du projet ‘Info 2015″ créant une nouvelle filière édition en 2017 et qu’elle n’a pas été intégrée au processus de sélection permettant aux assistants d’édition d’être sélectionnés pour un poste de chef d’édition. Elle affirme que le 22 septembre 2017, il lui a été annoncé qu’elle ne serait pas chef d’édition et qu’elle deviendrait ‘administrative’ sans l’exercice de missions en rapport notamment avec l’édition ou l’infographie ce en accord, selon l’employeur, avec son contrat de travail ce qui constitue selon elle une rétrogradation. Elle souligne qu’elle a alors pris l’initiative de plusieurs ‘tentatives amiables’ demeurées infructueuses.
La société France Télévisions soutient que Mme [I] a été engagée en qualité d’assistante de rédaction dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée de courte durée et qu’elle a accepté de signer le contrat de travail à durée indéterminée en toute connaissance de cause compte tenu des échanges entre eux. Elle souligne qu’elle a été amenée à plusieurs reprises au cours de l’exécution du contrat de travail à rappeler à Mme [I] que sa mission était celle d’une assistante de rédaction. Elle fait valoir que la salariée exerçait réellement des fonctions conformes à sa qualification d’assistante de rédaction définie conventionnellement et qu’il lui a été régulièrement rappelé qu’elle devait accomplir également des tâches plus administratives relevant de son poste. Elle affirme que Mme [I] ne dispose pas des compétences pour occuper un poste de responsable d’édition en ce qu’elle n’a pas la qualité de journaliste et que son expérience professionnelle ne lui a pas permis d’acquérir les compétences nécessaires pour ce poste. Elle fait valoir que ses deux candidatures en 2014 et 2015 à des postes de responsables d’édition n’ont pas été retenues à l’issue d’une première étape de pré-sélection non plus que ses deux candidatures en 2016 et 2017 respectivement à des postes de responsable d’édition et de journaliste spécialisé édition numérique pour France Info ce après le passage de tests.
La qualification professionnelle d’un salarié dépend des fonctions qu’il exerce réellement qui doivent être rapprochées de la grille de classification fixée par la convention collective. Pour déterminer la qualification de Mme [I], il convient donc de rechercher si elle exerçait réellement les fonctions de chef d’édition comme elle le soutient et de vérifier si les conditions prévues par la convention collective sont remplies.
Il appartient à Mme [I] qui revendique une qualification distincte de celle qui lui a été reconnue d’établir que les fonctions qu’elle a exercées correspondaient à la classification revendiquée de chef d’édition.
Les relations contractuelles au sein de la société France Télévisions sont régies par l’accord d’entreprise en date du 28 mai 2013, avec effet rétroactif au 1er janvier 2013. Cet accord comporte les définitions des fonctions objet du litige auxquelles il convient de se référer.
Les postes d’assistant d’édition et d’assistant de rédaction relèvent des métiers de support à l’information et sont ainsi définis :
– le premier : ‘ Assurer la mise en forme du conducteur de l’édition et suivre son évolution jusqu’à la fin du direct.’
– le second : ‘ Assister un ou plusieurs rédacteurs en chef, rédacteurs en chef adjoints, chefs de service dans la préparation, l’organisation et la gestion de leurs activités administratives, managériales et éditoriales et contribuer à l’optimisation du/des services’.
Les postes de chef d’édition et de responsable d’édition sont définis dans la nomenclature générale des fonctions de journalistes annexée à l’accord et sont ainsi définis :
– le premier : ‘ Journaliste chargé, sous l’autorité d’un supérieur hiérarchique, de suivre l’élaboration d’une édition d’information et de coordonner les moyens techniques nécessaires. Il s’assure du bon déroulement de la diffusion d’une édition d’information ou de sa mise en ligne. ‘
– le second : ‘ Journaliste chargé de coordonner, sous l’autorité du rédacteur en chef, l’édition et la fabrication des contenus pour les éditions d’information des différents supports et/ou antennes. Journaliste de grande expérience, il peut être amené à prendre des décisions d’ordre rédactionnel ou éditorial avant et pendant la diffusion.’
Si Mme [I] a indiqué sur les contrats de travail à durée déterminée qu’elle produit aux débats, qu’elle considérait avoir la qualité de responsable d’édition, elle sollicite dans le cadre du présent litige la qualification de chef d’édition.
Il lui appartient en conséquence de démontrer qu’elle exerçait réellement les fonctions de chef d’édition et qu’elle remplissait les conditions fixées par l’accord collectif.
Mme [I] soutient en premier lieu qu’elle avait la qualité de journaliste et invoque à ce titre les dispositions de l’article L. 7111-4 du code du travail. La société soutient qu’elle n’avait pas la qualité de journaliste car elle n’a pas suivi de formation de journaliste et qu’elle ne disposait pas des compétences requises comme le démontrent selon elle les pré-sélections effectuées dans le cadre de ses candidatures.
Aux termes de l’article L. 7111-4 du code du travail, sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle. Cette liste n’est pas exhaustive et l’obtention du diplôme de journaliste n’est pas requise pour la reconnaissance de la qualité de journaliste. Au soutien de cette qualité, Mme [I] cite des jurisprudences puis reprend les termes de l’attestation de Mme [T] [C] qu’elle verse aux débats sans analyser les composantes de son activité au regard de ces dispositions légales. Ainsi, elle ne met pas en exergue en quoi son activité constituerait une collaboration intellectuelle plutôt qu’une contribution technique. Dans le passage de l’attestation cité par l’appelante, Mme [C], scripte maintenant à la retraite, indique : ‘ (…) Chaque vendredi, samedi et dimanche, les techniciens fabriquant le JT du jour (scripte, chargé de production, monteurs parfois) ainsi que les journalistes des différents services (étranger, politique, économique…), responsable d’édition, et [E] [I], assistaient en début d’après-midi à la 1ère conférence de rédaction présidée par le rédacteur en chef, son adjoint et le présentateur du journal. (Ainsi qu’à la seconde à 20h30). C’est durant cette conférence que se décidait la conception du journal ‘. Ce seul élément ne suffit pas à démontrer que la salariée avait la qualité de journaliste d’une part car cet écrit est insuffisamment circonstancié, aucune date n’étant précisée, d’autre part, car le témoin établit lui-même une distinction entre les journalistes et Mme [I] et enfin, car il ne se prononce pas sur la qualification des fonctions réellement exercées par l’appelante.
Mme [I] soutient en second lieu qu’elle n’exerçait pas les fonctions administratives relevant du poste d’assistante de rédaction. Cet élément est inopérant dans la mesure où la société lui a demandé à plusieurs reprises à compter de la signature du contrat de travail à durée indéterminée de remplir ces missions de nature administrative et qu’en tout état de cause, l’élément déterminant pour trancher le litige est l’analyse des fonctions qu’elle exerçait réellement et leur comparaison avec celles relevant du poste de chef d’édition qu’elle revendique.
S’agissant de ces fonctions, la cour relève qu’elle comporte plusieurs composantes :
– l’élaboration d’une édition d’information ;
– la coordination des moyens techniques nécessaires ;
– s’assurer du bon déroulement d’une édition d’information.
Mme [I] fait valoir que les entretiens d’évaluation 2014 et 2016 révèlent les tâches qu’elle effectuait en rapport avec l’édition. Cependant, la seule participation à des tâches relevant de l’édition ne suffit pas à lui conférer la qualification de chef d’édition et les activités énumérées dans ces comptes rendus d’entretiens d’évaluation ne correspondent pas à la définition du poste de chef d’édition.
La cour relève que Mme [I] ne produit pas aux débats d’éléments démontrant qu’elle suivait de bout en bout l’élaboration d’une édition d’information. Si elle justifie par la production de pièces notamment avoir établi des tableaux de coordination partagés avec l’infographiste (pièces 36a à 36e), avoir effectué un travail de coordination avec le même infographiste pour la fabrication d’éléments du journal (pièces 37a et 37b) et le mémento (pièces 42, 43 et 44), lui avoir adressé des citations (pièces 41 et 51) ou des textes très brefs (pièces 50 a et 50b) ou un support Plasma (pièce 53), avoir demandé à une reprise au PC info d’extraire des fichiers (pièce 45), avoir reçu une photo de la médiathèque (pièce 39) et lui en avoir demandé une autre (pièce 52), être intervenue sur le conducteur (pièces 40 et 56) et avoir reçu une demande de sélection de trois photos précisément décrites par le présentateur du journal télévisé (pièce 47), la cour relève que ces actions se sont réparties sur les années 2010 à 2017 de sorte qu’elles ne suffisent pas à démontrer l’existence d’une coordination soutenue et structurée au sens de la définition du poste et qu’il n’est pas établi qu’elle intervenait auprès de tous les supports techniques. Enfin, Mme [I] ne produit pas d’éléments quant au fait de s’assurer du bon déroulement d’une édition d’information.
En conséquence, la cour retient que Mme [I] échoue à démontrer qu’elle exerçait réellement les fonctions de chef d’édition. Elle sera déboutée de sa demande de voir ‘ dire que la société France Télévisions devra, à compter du jour où son arrêt maladie viendra à expiration, l’affecter à un poste de chef d’édition sur [Localité 3], et ce sous astreinte de 120 euros par jour de retard ‘.
La décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.
Sur les dommages et intérêts pour ‘inexécution déloyale’ du contrat de travail
Mme [I] soutient que la société a décidé de la rétrograder à l’occasion de sa réorganisation alors qu’elle pouvait espérer accéder à un poste entérinant officiellement la réalité de ses attributions et responsabilités exercées depuis plusieurs années.
Comme le souligne la société, Mme [I] a conclu un contrat de travail l’engageant aux fonctions d’assistante de rédaction. La cour a précédemment retenu qu’elle n’avait pas la qualité de chef d’édition.
En conséquence, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts fondée sur un déclassement du poste de chef d’édition au poste d’assistant de rédaction et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral
Mme [I] soutient que le comportement de son employeur lui a été préjudiciable moralement dans la mesure où il lui a été annoncé brutalement qu’elle ne serait pas affectée à un métier en rapport avec l’édition mais à un poste en deçà de ses qualifications avérées.
La société ne répond pas à cette demande.
Il n’est pas contesté par la société et il est établi par les comptes rendus d’entretiens d’évaluation et par les pièces ci-dessus analysées que Mme [I] a exercé dans le cadre des ses fonctions contractuelles d’assistante de rédaction des attributions relevant de cette qualification et figurant sur la fiche de poste qui lui a été remise, celle-ci précisant outre des fonctions administratives, les attributions suivantes :
‘ – Collecter et imprimer des dépêches et informations à l’attention du présentateur
– Sous l’autorité du Rédacteur en chef, du Responsable d’édition ou du Réalisateur, assurer la bonne fin des plasma-titres, plasmas, des cartes, du Repère et du Verbatim.
– Collecter des images auprès de FRANCE2 ou de l’INA en cas de besoin’.
Ces activités sont également confirmées par M. [N], adjoint à la direction des ressources humaines de l’information, dans son courriel du 10 octobre 2017. Or par ce même écrit, M. [N] lui confirme la teneur de son entretien avec M. [S] du 22 septembre 2017 au terme duquel elle a été conduite à l’hôpital à la demande de ce dernier. Il indique qu’il lui a été annoncé qu’elle devait se reconcentrer sur les tâches administratives qui sont ses missions principales alors que Mme [I] dans un courriel du 23 septembre 2017 a indiqué qu’il lui avait été annoncé que les tâches relatives à l’édition lui étaient retirées au profit de tâches administratives. S’il ne s’agit pas là d’un déclassement comme le soutient à tort Mme [I] dès lors qu’elle a été engagée en contrat de travail à durée indéterminée au poste d’assistante de rédaction qui comprend ces fonctions administratives, la demande de l’employeur conduit nécessairement à un retrait des attributions de la salariée en lien avec l’édition sans que la société ne justifie y compris dans le cadre de la présente instance, de la nécessité de modifier ses attributions. Compte tenu du travail accompli depuis plusieurs années par Mme [I] au sein de la société, de son implication et des formations suivies, elle a subi de ce fait un préjudice moral démontré par l’avis du médecin des urgences du 22 septembre 2017, par les lettres du médecin du travail du 4 octobre 2017 et par un arrêt de travail du 31 mai 2018 mentionnant ‘détresse psychologique’.
En conséquence, la société France Télévisions sera condamnée à lui payer la somme de 10000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Il y a donc lieu d’infirmer la décision sur ce chef de demande.
Sur le cours des intérêts
Il sera rappelé qu’en application de l’article 1231-7 du code civil, les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce.
Sur l’exécution provisoire
La décision n’étant susceptible que d’un pourvoi en cassation, recours qui est dépourvu d’effet suspensif, il n’y a pas lieu à assortir les condamnations prononcées de l’exécution provisoire.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, la société France Télévisions sera condamnée au paiement des dépens. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a mis les dépens à la charge de la salariée.
La société France Télévisions sera condamnée à payer à Mme [I] la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant infirmée à ce titre. La société France Télévisions sera déboutée de sa demande à ce titre, la décision des premiers juges étant confirmée sur ce chef de demande.
PAR CES MOTIFS
LA COUR statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement mais seulement en ce qu’il a débouté Mme [E] [I] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral et au titre des frais irrépétibles et en ce qu’il l’a condamnée au paiement des dépens,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société France Télévisions à payer à Mme [E] [I] les sommes suivantes :
– 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
– 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
DIT n’y avoir lieu à exécution provisoire,
CONDAMNE la société France Télévisions aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE