20/04/2022
ARRÊT N°
N° RG 20/00930 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NQWJ
IMM AC
Décision déférée du 29 Janvier 2020 – Tribunal de Commerce de TOULOUSE – 2017J70
Monsieur [G]
Société CREDIT AGRICOLE NORD MIDI-PYRENEES
C/
S.C.I. JULIEN DAYDE
Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE OCCITANE
Infirmation partielle
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX
***
APPELANTE
Société CREDIT AGRICOLE NORD MIDI-PYRENEES Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
S.C.I. JULIEN DAYDE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Xavier LECOMTE de la SCP ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE
Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE OCCITANE
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Sébastien BRUNET-ALAYRAC de la SCP CAMILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseiller et V.SALMERON, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
P. BALISTA, conseiller
Greffier, lors des débats : C. OULIE
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par V. SALMERON, président, et par A. CAVAN, greffier de chambre.
Exposé des faits et procédure :
Suivant devis acceptés en 2014, la SCI Julien Dayde.a commandé à la société JMF un certain nombre de travaux de construction.
A titre d’acompte sur le règlement de ces travaux, la société Julien Dayde a émis le 12 décembre 2014, un chèque de 40.000€ tiré sur son compte Banque Populaire au bénéfice de la société JMF.
Ce chèque a été remis à l’encaissement le 1er juin 2015 par la SASU JM BTP auprès du Crédit Agricole.
La société JMF a été placée en redressement judiciaire par jugement du 2 juin 2015,puis en liquidation judiciaire par jugement du 25 août 2015.
La société Julien Dayde a déclaré une créance de 183.907,28 € au passif de la société JMF, incluant la somme de 40.000€ au titre du chèque du 12 décembre 2014.
Le 20 septembre 2016, la société JM BTP a modifié sa dénomination sociale pour devenir la société ALS BTP et a transféré son siège social.
Par jugement du 17 juillet 2018, la société ALS BTP a été placée en liquidation judiciaire et la Selarl Benoît a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire. La SCI Julien Dayde a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur.
Par exploit du 23 janvier 2017 la société Julien Dayde a assigné la société ALS BTP (anciennement société JM BTP) et la Banque Populaire devant le tribunal de commerce de Toulouse, afin de les voir condamnées solidairement pour avoir perçu un chèque indûment payé à une société tierce.
Par exploit du 10 juillet 2017 , la Banque Populaire a assigné le Crédit Agricole devant le tribunal de commerce de Toulouse afin d’être relevée et garantie des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre au profit de la société Julien Dayde.
Par jugement du 29 janvier 2020, le tribunal de commerce de Toulouse a :
– ordonné la jonction des instances,
-condamné la Banque Populaire à payer à la société Julien Dayde la somme de 40.000€, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation et ordonné la capitalisation des intérêts par années entières
-condamné le Crédit Agricole à relever et garantir la Banque Populaire à hauteur de 40.000 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation
-débouté la société Julien Dayde de sa demande de paiement par la Banque Populaire de la somme de 3.000 € au titre de dommages et intérêts
-débouté le Crédit Agricole de sa demande de fixation de la créance au passif de la société ALS BTP
-condamné la Banque Populaire à payer à la société Julien Dayde une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
-condamné le Crédit Agricole au paiement de la somme de 1.500 € à la Banque Populaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
condamné in solidum la Banque Populaire et le Crédit Agricole aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 16 mars 2020, le Crédit Agricole a relevé appel de ce jugement en ce qu’il l’a
-condamné à relever et garantir la Banque Populaire à hauteur de 40.000 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation
-condamné au paiement de la somme de 1.500 € à la Banque Populaire sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
-condamné in solidum avec la Banque Populaire aux entiers dépens.
Prétentions et moyens des parties :
Par conclusions notifiées le 4 juin 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Nord Midi-Pyrenées demande au visa des articles 1382, 1142 et 1147 du code civil dans leur rédaction applicable aux faits, L231-10 du code de la construction et de l’habitation, L131-1 et s. du code monétaire et financier, de :
A titre principal,
– réformer le jugement en date du 29 janvier 2020 rendu par le tribunal de commerce de Toulouse en ce qu’il a :
-condamné le Crédit Agricole à relever et garantir la Banque Populaire à hauteur de 40.000 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation,
-condamné le Crédit Agricole au paiement de la somme de 1.500 € à la Banque Populaire sur le fondement de l’article 700 du CPC
-condamné in solidum la Banque Populaire et le Crédit Agricole aux entiers dépens ;
statuant à nouveau de ces chefs,
débouter la Banque Populaire de l’intégralité de ses demandes dirigées contre le Crédit Agricole
-condamner la Banque Populaire à payer au Crédit Agricole une indemnité de 3.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile
-condamner la Banque Populaire aux entiers dépens de première instance et d’appel
-à titre subsidiaire,
-limiter la condamnation de le Crédit Agricole à relever et garantir la Banque Populaire à la somme de 20.000 €, sauf appréciation plus favorable (à la concluante) du partage des responsabilités
-condamner la Banque Populaire à payer au Crédit Agricole une indemnité de 3.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile
-condamner la Banque Populaire aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Elle soutient que c’est à tort que le tribunal a estimé qu’elle devait supporter la charge finale des condamnations prononcées puisque le devoir de vérification qui pesait sur elle en qualité de banquier présentateur du chèque n’exonère pas la banque du tiré qui doit vérifier la régularité formelle du titre, de sa responsabilité.
Par conclusions notifiées le 6 octobre 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, la SCI Julien Dayde demande à la cour, au visa des articles 1147 et s. anciens du code civil, de :
-confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
-y ajoutant, condamner la Banque Populaire à payer à la société Julien Dayde une indemnité de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens en ce compris ceux de l’appel.
Elle soutient que contrairement à ce que fait valoir la Banque populaire, elle n’a pas été négligente en s’abstenant de s’inquiéter du défaut d’encaissement du chèque, s’agissant d’un chèque d’acompte en vue de la réalisation de travaux qui n’ont pas débuté et précise avoir ignorer la falsification du chèque.
Par conclusions notifiées le 31 juillet 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, la Banque Populaire Occitane demande à la cour au visa des articles 1382, 1142 et 1147 anciens du code civil, de :
à titre principal,
-déclarer recevable et fondée la Banque Populaire en son l’appel incident et en son appel provoqué à l’égard de la société Julien Dayde,
-réformer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 29 janvier 2020 en ce qu’il a :
-condamné la Banque Populaire à payer à la société Julien Dayde la somme de 40.000 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation et ordonné la capitalisation des intérêts par année entière,
-condamné la Banque Populaire à payer à la société Julien Dayde une indemnité de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC
-condamné in solidum la Banque Populaire et le Crédit Agricole aux entiers dépens
statuant à nouveau de ces chefs,
-débouter la société Julien Dayde de l’intégralité de ses demandes dirigées contre la Banque Populaire,
condamner la société Julien Dayde au paiement de la somme de 3.000 € à la Banque Populaire sur le fondement de l’article 700 du CPC
-condamner la société Julien Dayde aux entiers dépens de première instance et d’appel.
à titre subsidiaire,
-débouter le Crédit Agricole de toutes ses demandes, fins et conclusions comme étant irrecevables et mal fondées
-confirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 29 janvier 2020 en toutes ses dispositions,
y ajoutant, condamner le Crédit Agricole à payer à la Banque Populaire la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris ceux d’appel.
Elle soutient que la SCI Dayde a commis de graves négligences en s’abstenant de solliciter la restitution du chèque qui n’avait pas été encaissé par son bénéficiaire pendant 6 mois.
Elle a joute qu’elle même n’a pas été fautive puisque les anomalies alléguées n’étaient ni grossières ni apparentes et aisément décelables.
Elle fait valoir que si le bénéficiaire du chèque n’avait pas été modifié et que le chèque avait été encaissé sur le compte de la SASU JMF à l’ordre de laquelle la SCI Dayde l’avait initialement établi, la SCI Dayde se trouverait avoir réglé des travaux non effectués par une société en liquidation judiciaire de sorte qu’elle serait en tout état de cause, titulaire d’une créance totalement irrécouvrable.
L’instruction de la procédure a été clôturée par ordonnance du 17 janvier 2022.
MOTIFS :
Le règlement CRBF n°2001-04 du 20 octobre 2001, homologué par arrêté du 17 décembre 2001 a organisé la présentation d’un chèque au paiement sous forme dématérialisée.
Il impose au banquier présentateur de vérifier la régularité formelle du chèque et les données transmises en vue de son paiement
L’obligation qui pèse sur la banque présentatrice n’a pas pour effet de dispenser la banque tirée de sa propre obligation de vérifier la régularité formelle du titre et à défaut elle engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de son client.
Le tiré doit ainsi refuser le paiement d’un chèque suspect de falsification postérieure à son émission, à raison des traces d’altération qu’il présente ou, à tous le moins, il doit demander à son client confirmation de la teneur du titre.
En l’espèce, l’examen du chèque litigieux permet de constater une surcharge très apparente sur la mention du bénéficiaire ainsi qu’une autre sur sa date. En effet, la mention JMF désignant le bénéficiaire a été transformée en JM.BTP et la date ; 12.12.2014 a été transformée en 12.04.2015. De telles anomalies étaient aisément décelables dans le cadre d’un examen pratiqué par un préposé de la banque normalement diligent.
C’est donc à juste titre que le premier juge, par des motifs pertinents que la cour fait siens, a retenu la responsabilité de la Banque Populaire à l’égard de son client.
En effet, et contrairement à ce que soutient la Banque Populaire Occitane, la preuve d’une négligence de la société Julien Dayde n’est pas rapportée, de même qu’il n’est nullement démontré qu’elle aurait accepté de faire réaliser les travaux commandés à JMF par la société JMBTP, ce qui n’autorisait d’ailleurs pas cette dernière à falsifier le chèque à son profit. Le délai constaté entre l’émission du chèque le 12 décembre 2014 et sa remise à l’encaissement le 1er juin 2015 n’est pas non plus anormal s’agissant du règlement de travaux qui n’ont jamais débuté. En tout état de cause, le tireur n’avait ni la maîtrise de la date de remise de son chèque à l’encaissement, ni la faculté de faire opposition au paiement de ce chèque dont il ignorait la falsification, si bien qu’aucun manquement en lien causal avec le préjudice qu’il subit ne peut lui être imputé.
Le préjudice du tireur se déduit de l’encaissement de ce chèque par la société JM BTP, placée en liquidation judiciaire, qui n’était pas sa créancière, alors que le véritable bénéficiaire n’avait vocation à encaisser ce chèque qu’après réalisation d’une partie des travaux, lesquels n’ont pas débuté. C’est donc à tort que la Banque Populaire, pour contester l’existence d’un lien causal entre sa faute et le préjudice invoqué, soutient que la situation du tireur n’aurait pas été meilleure en l’absence de falsification. Le premier juge doit ainsi être approuvé en ce qu’il a condamné la Banque Populaire à payer à la SCI Julien Dayde la somme de 40.000 € à titre de dommages et intérêts.
C’est également à juste titre que, statuant sur l’action en garantie formée par la banque Populaire à l’encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole , le tribunal a relevé que la banque présentatrice intervient chronologiquement la première et qu’il lui appartenait de détecter les anomalies émanant en l’espèce de la société SASU JM BTP se présentant indûment comme le bénéficiaire.
Le manquement de la banque présentatrice a contribué majoritairement mais non exclusivement à la réalisation du préjudice, laquelle aurait pu être évitée si la banque tirée avait réalisé les vérifications qui s’imposaient.
Il convient donc, infirmant sur ce point le jugement entrepris, de dire que la Banque Populaire sera relevée et garantie par la Caisse Régionale de Crédit Agricole à hauteur non pas de la totalité mais de 80 % des condamnations prononcées à son encontre.
Parties perdantes, la Banque Populaire et la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées supporteront les dépens
La Banque Populaire devra en outre indemniser la SCI Julien Dayde des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer pour les besoins de sa défense en cause d’appel.
Il n’y a pas lieu de faire droit aux demandes formées par la Banque Populaire Occitane et la Caisse régionale de Crédit Agricole au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné le Crédit Agricole à relever et garantir la Banque Populaire à hauteur de 40.000 € assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation ;
Statuant à nouveau du chef infirmé ;
Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Nord Midi Pyrénées à relever et garantir la Banque Populaire à hauteur de 80 % de la somme de 40.000 € mise à sa charge au profit de la SCI Julien Dayde ;
Y ajoutant ;
Condamne in solidum la Banque Populaire et la Caisse régionale de Crédit Agricole Nord Midi Pyrénées aux dépens d’appel et dit que dans les rapports entre elles, cette condamnation sera supportée à hauteur de 80 % par la Caisse régionale de Crédit Agricole Nord Midi Pyrénées et de 20 % par la Banque Populaire Occitane.
Condamne la Banque Populaire à payer à la SCI Julien Dayde la somme de 1.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et dit qu’elle sera relevée et garantie à hauteur de 80 % de cette somme par la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel Nord Midi-Pyrenées.
Dit n’y avoir lieu à plus ample application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,
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