Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 13 décembre 2001), que l’hebdomadaire « France Dimanche », édité par la société Hachette Filipacchi et associés (la société), a publié dans son numéro daté du 1er au 7 mai 1998 un article de deux pages titré : « Pour le petit garçon de trois ans, première sortie officielle avec PPDA », illustré de photographies des époux X…
Y… en compagnie du fils de Mme Claire Z… prises lors d’une compétition sportive ; que l’article était annoncé en première page sous le titre : « PPDA, avec le petit François, que de tendresse », accompagné de plusieurs photographies ;
qu’estimant que cette publication portait atteinte à leur vie privée et au respect de leur image, M. et Mme X…
Y… ont assigné la société en responsabilité et réparation sur le fondement de l’article 9 du Code civil ;
Attendu que la société fait grief à l’arrêt de l’avoir condamnée à payer aux demandeurs des dommages-intérêts pour atteinte à leur vie privée et à leur droit de s’opposer à la publication de leur image, alors, selon le moyen :
1 / que l’article 9 du Code civil assure à chacun la protection de l’intimité de sa vie privée ; que cette protection est nécessairement limitée lorsqu’elle s’applique au profit d’un personnage public d’une exceptionnelle notoriété comme Patrick X…
Y… ; que le fait, pour le journaliste et son épouse, de s’afficher publiquement, lors de l’Open de tennis de Monte-Carlo, manifestation sportive et mondaine fortement médiatisée, en compagnie de l’enfant de Claire Z…, malgré les rumeurs circulant sur la liaison de Patrick X…
Y… avec la journaliste et sa paternité à l’égard de l’enfant de celle-ci, permettait à l’organe de presse de relater l’événement et de s’interroger sur les relations de Patrick X…
Y… et de l’enfant, ainsi que sur les sentiments de Véronique X…
Y… à l’égard de celui-ci, sans porter atteinte à l’intimité de la vie privée des époux X…
Y… ; que la cour d’appel, en estimant le contraire, a violé l’article 9 du Code civil ;
2 / que la société faisait valoir que, lors d’une interview accordée le 5 février 1998 à Michel A… sur la chaîne Canal + dans l’émission « A part ça », Patrick X…
Y… avait précisé qu’il avait quatre enfants, alors qu’on ne lui en connaît officiellement que trois ; qu’en concluant à une atteinte à la vie privée des époux X…
Y…, au motif que l’article comportait une digression sur la paternité possible de Patrick X…
Y… à l’égard de l’enfant de Claire Z…, sans tenir compte de la circonstance, rappelée par la société, que la paternité supposée avait été rendue publique par l’intéressé lui-même, ce qui excluait toute atteinte à l’intimité de la vie privée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 9 du Code civil ;
3 / que l’article 9 du Code civil assure la protection du droit de chacun à son image, lorsque celle-ci est liée à la vie privée ; que cette protection ne concerne pas les clichés pris à l’occasion d’apparations volontairement et manifestement publiques d’une personne fortement médiatisée ; que la présence de Patrick X…
Y… et de son épouse, en compagnie du jeune fils de Claire Z…, au tournoi international de tennis de Monte-Carlo, événement « couvert » par de nombreux photographes, à la tribune officielle du prince Albert de Monaco, correpondait à une apparition volontairement publique et « officielle » du couple, et ne pouvait être assimilée à un séjour de nature privée, de sorte que la publication de certaines photos prises à cette occasion ne pouvait être considérée comme portant atteinte au droit à l’image des époux X…
Y…, liée à leur vie privée ; qu’il s’ensuit que, la cour d’appel a violé l’article 9 du Code civil ;
4 / que la société produisait les photographies originales achetées à des agences professionnelles, représentant Patrick et Véronique X…
Y…, ainsi que le jeune François Z…, en compagnie du prince Albert de Monaco et d’autres personnalités, d’où il résultait que les photographes avaient essentiellement ciblé la tribune officielle et la table du prince Albert de Monaco, en faisant valoir que les époux X…
Y… avaient délibérément fait choix de ces lieux formement exposés pour s’exhiber sous les yeux des photographes en compagnie du jeune François Z… ; qu’en concluant à une atteinte aux droit à l’image au motif que les photographes avaient isolé l’image des époux X…
Y…, ce qui démontrerait qu’ils avaient été la cible exclusive de ceux-ci sans s’être volontairement exhibés à leurs objectifs, sans s’expliquer sur les photographies originales ni sur les conclusions de la société démontrant le contraire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 9 du Code civil ;
5 / que la restriction de la liberté d’expression de l’organe de presse, rendant compte, dans le cadre de sa tâche d’information du grand public, de la présence, affichée publiquement de Patrick X…
Y… et de son épouse Véronique au tournoi international de tennis de Monte-Carlo, en compagnie du jeune fils de Claire Z…, qui se bornait à l’interroger sur l’éventuelle paternité du présentateur à l’égard de l’enfant, à laquelle il avait lui-même fait allusion en public, et qui publiait quelques photos prises dans la tribune officielle du prince Albert de Monaco, représentant Patrick X…
Y… et son épouse en compagnie de l’enfant, ne correspondait pas à un besoin social assez impérieux pour primer l’intérêt public s’attachant à la liberté d’expression, et n’était ni nécessaire dans une société démocratique, ni proportionnée au but poursuivi pour garantir la protection des droits d’autrui ; que, dès lors, la cour d’appel a violé l’article 10-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
6 / qu’en s’abstenant de rechercher si, compte tenu des éléments particuliers de l’espèce, et notamment du fait que Patrick X…
Y… avait lui-même alimenté les rumeurs sur sa paternité à l’égard de l’enfant, et que les époux X…
Y… avaient délibérément fait choix d’un lieu fortement exposé pour apparaître en compagnie de l’enfant lors d’une manifestation publique fortement médiatisée, la condamnation au paiement de dommages-intérêts d’un montant total de 120 000 francs était nécessaire dans une société démocratique à la protection des droits d’autrui, et si cette condamnation ne révêtait pas un caractère exorbitant et en tout cas disproportionné, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 10-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu, d’une part, qu’il ne résulte ni de l’arrêt ni des pièces produites que la société ait soutenu en appel l’incompatibilité des articles 9 du Code civil et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que les cinquième et sixième branches du moyen, mélangées de fait et de droit, sont nouvelles et, donc, irrecevables devant la Cour de cassation ;
Attendu, d’autre part, qu’aux termes de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, et que, selon l’article 9 du Code civil, toute personne a droit au respect de sa vie privée et de son image ; que la seule constatation de l’atteinte ouvre droit à réparation ;
Et attendu que l’arrêt retient, que la publication, relative à la présence des époux X…
Y… accompagnés du jeune François Z… à un tournoi de tennis, fait état des relations présumées de M. X…
Y… avec la mère de l’enfant, des sentiments et réactions supposés de l’épouse et qu’il comporte des digressions sur la paternité possible du journaliste, faits relevant de la vie privée des intéressés ; que les photographies illustrant l’article, si elles ont été prises lors d’une manifestation publique, ont été réalisées au téléobjectif, à l’insu des personnes concernées, et sont accompagnées de légendes relatives à leur vie privée ;
Que par ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui a souverainement évalué le montant du préjudice subi, a retenu à bon droit la responsabilité de la société ;
D’où il suit que le moyen, irrecevable en ses deux dernières branches, est mal fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Hachette Filipacchi associés aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Hachette Filipacchi associés, la condamne à payer aux époux X…
Y… la somme globale de 2 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille quatre.