Présentateur : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01081

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Présentateur : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/01081

ARRET N°31

FV/KP

N° RG 22/01081 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GQ6P

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENT E MARITIME DEUX SEVRES

C/

S.A.S. NIORTAISE DES EAUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 17 JANVIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01081 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GQ6P

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 31 mars 2022 rendue par le Tribunal Judiciaire de NIORT.

APPELANTE :

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SEVRES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 2]

Ayant pour avocat plaidant Me Pierre BOISSEAU de la SCP ROUDET BOISSEAU LEROY DEVAINE MOLLE BOURDEAU, avocat au barreau de SAINTES.

INTIMEE :

S.A.S. NIORTAISE DES EAUX SAS, agissant poursuites et diligences de sa Présidente en exercice Madame [G] [O]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Ayant pour avocat plaidant Me François-Xavier MORISSET de la SCP MORISSET & MONTOIS-CLERGEAU, avocat au barreau de DEUX-SEVRES.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 08 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE:

Le 31 mars 2021, la SAS NIORTAISE DES EAUX a établi un chèque de 14.649,89 € n°02470285001 destiné à payer un de ses fournisseurs, la société ECOWATER et le lui aurait adressé par la poste.

Le chèque a été encaissé par une société GARAGE DES TIGNES.

Le crédit Agricole auprès duquel était ouvert le compte tiré, n’a pas entendu rembourser la SAS NIORTAISE DES EAUX en dépit d’une réclamation adressée en ce sens.

Le Crédit Agricole a également refusé de transmettre à la SAS NIORTAISE DES EAUX la copie du verso chèque, les coordonnées de la banque tireuse et la correspondance échangée entre les deux banques.

Par acte du 11 janvier 2022, le Crédit Agricole devant le président du tribunal judiciaire de Niort, statuant en référé aux fins de voir :

– Ordonner au CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES de justifier de l’identité et des coordonnées de la banque auprès de laquelle a été présentée à l’encaissement le chèque n°5157012 d’un montant de 14.649,89€ du 31 mars 2021, tiré sur le compte n°24702850001 ;

– Ordonner au CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES de communiquer la copie du verso de ce chèque ;

– Ordonner au CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES de communiquer l’ensemble des correspondances échangées avec cette banque relative à ce chèque ;

– Assortir ces obligations d’une astreinte de 500€ par jour de retard à compter du 7e jour suivant la signification à partir de l’ordonnance à intervenir et pendant 30 jours ;

– Dire que le tribunal, statuant en référés, se réservera la liquidation de l’astreinte ;

– Condamner le CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES à lui payer la somme de 2.400 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamner le CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES aux dépens.

Par ordonnance du 31 mars 2022, le président du tribunal judiciaire de Niort statuant en référé a statué ainsi :

Fait injonction au CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES de justifier auprès de la SAS NIORTAISE DES EAUX ou de son avocat de l’identité et des coordonnées de la banque auprès de laquelle a été présentée à l’encaissement le chèque d’un montant de 14.649,89€ du 31 mars 2021, tiré sur le compte n°24702850001 ;

Fait injonction au CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES de communiquer à la SAS NIORTAISE des eaux ou à son avocat la copie du verso de ce chèque et l’ensemble des correspondances échangées avec la banque qui a présenté le chèque à l’encaissement, relativement à ce chèque ;

Assortit les obligations prévues par la présente ordonnance d’une astreinte provisoire de 100€ par jour de retard, pendant 50 jours, à compter du 7e jour suivant la signification de la présente décision ;

Se réserve la liquidation de l’astreinte ;

Condamne le CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES aux entiers dépens ;

Condamne le CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES à payer à la SAS Niortaise des eaux la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Par déclaration en date du 25 avril 2022, le Crédit Agricole a fait appel de cette décision en visant ses chefs expressément critiqués.

Dans ses dernières conclusions RPVA du 04 octobre 2022, le Crédit Agricole sollicite de la cour de :

– Infirmer l’ordonnance de référé prononcée par le Président du tribunal judiciaire de Niort le 31 mars 2022,

– Débouter en conséquence la société NIORTAISE DES EAUX de l’intégralité de ses demandes,

– La condamner à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES une indemnité de 5.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– La condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la SCP ROUDET-BOISSEAU-LEROY-DEVAINE-BOURDEAU-MOLLE.

Dans ses dernières conclusions RPVA du 06 septembre 2022, la société NIORTAISE DES EAUX sollicite de la cour de :

Vu les moyens de fait et de droit sus-énoncés ainsi que les pièces énumérées sur le bordereau ci-annexé,

Confirmer l’ordonnance de référé du 31 mars 2022 prononcée par le tribunal judiciaire de Niort en l’ensemble de ces dispositions,

Juger recevable la SAS NIORTAISE DES EAUX en son appel incident,

Condamner le CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES à payer à la SAS NIORTAISE DES EAUX la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner le CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES aux entiers dépens de l’appel

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

La clôture de l’instruction de l’affaire est intervenue suivant ordonnance datée du 11 octobre 2022. L’affaire a été évoquée à l’audience du 08 novembre 2022, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la communication de pièces et renseignements

1. L’article L. 511-33 du Code monétaire et financier dispose notamment que tout membre d’un conseil d’administration et, selon le cas, d’un conseil de surveillance et toute personne qui à un titre quelconque participe à la direction ou à la gestion d’un établissement de crédit, d’une société de financement ou d’un organisme mentionné aux 5 et 8 de l’article L. 511-6 ou qui est employée par l’un de ceux-ci est tenu au secret professionnel. […]

[…] les établissements de crédit et les sociétés de financement peuvent communiquer des informations couvertes par le secret professionnel au cas par cas et uniquement lorsque les personnes concernées leur ont expressément permis de le faire.

2. Aux termes du premier alinéa de l’article 10 du Code civil, chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité.

3. Il résulte des articles 9 et 10 du Code de procédure civile qu’il incombe à chaque partie de prouver, conformément à la loi, les faits nécessaires au succès de sa prétention et si le juge ne doit pas suppléer à la carence des parties dans l’administration de la preuve, il a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles.

4. Le Crédit Agricole fait valoir qu’il apparaît vain pour le juge des référés de rappeler que le secret bancaire n’est pas opposable lorsque la demande était dirigée à l’encontre de l’établissement financier, non en sa qualité de tiers confident, mais en qualité de partie au procès intenté contre lui en vue de rechercher son éventuelle responsabilité dès lors, qu’en l’espèce, aucun procès en responsabilité n’a été dirigé à son encontre ainsi que le reconnaît l’intimée, laquelle concède d’ailleurs que cette demande de communication de pièces vise à l’obtention d’un renseignement en vue de la mise en jeu de la responsabilité éventuelle d’un tiers, à savoir, le banquier présentateur.

Selon le Crédit Agricole, l’action entreprise par la société NIORTAISE DES EAUX vise à la communication de l’identité et des coordonnées du banquier présentateur, c’est-à-dire de renseignements propres aux relations entre le GARAGE DES TIGNES qui a procédé à l’encaissement du chèque et son établissement bancaire.

5. L’appelante indique en outre devoir contester les motifs du premier juge selon lesquels ‘le secret bancaire’est destiné à protéger le bénéficiaire du chèque’ [et que] dès lors que ce bénéficiaire est connu, il n’y a plus de secret à protéger ».

Selon elle, en effet, comme l’a relevé le juge des référés, le bénéficiaire final est connu par l’examen du recto du chèque mais cette connaissance ne peut en aucun cas justifier la divulgation de renseignements relatifs à son activité économique et ses relations avec un établissement bancaire.

6. Par ailleurs, le Crédit Agricole assure que c’est également de manière inexacte que l’ordonnance retient que les pièces dont la communication est demandée ‘permettraient d’identifier l’organisme bancaire qui a présenté le chèque et donc de l’interroger sur les vérifications auxquelles il a procédé et, dès lors, corrélativement, les vérifications qui [lui] incombaient’ dès lors que les obligations du banquier tiré, sont étrangères et dépourvues de tout rapport avec l’identité et les coordonnées du banquier présentateur.

7. La société NIORTAISE DES EAUX réplique que c’est à bon droit que le juge des référés a considéré que le Crédit Agricole ne pouvait lui opposer le secret bancaire dès lors qu’il s’agissait d’une demande dirigée contre lui, en tant qu’organisme bancaire partie au procès, dans le but de rechercher sa responsabilité.

8. Ainsi, cette société rappelle que sa demande n’est pas dirigée contre la banque en tant que tiers confident, puisque c’est elle qui est sa cliente et qu’en outre, le bénéficiaire du chèque étant d’ores et déjà connu, il n’y pas plus de secret bancaire à protéger.

La société NIORTAISE DES EAUX ajoute qu’il est certain que l’endosseur d’un chèque volé et falsifié aurait certainement dû s’interroger sur l’opportunité de présenter le chèque à l’encaissement alors qu’il n’existe aucun lien juridique de quelque nature que ce soit entre elle et le GARAGE DES TIGNES et, ainsi, il serait tout aussi légitime pour elle de connaître l’ensemble des correspondances échangées entre les deux banques.

9. Enfin, s’agissant de la seconde des conditions fondant son intérêt légitime, l’intimée fait valoir que la procédure de communication de pièces a précisément été entreprise sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile pour engager une action en responsabilité contre le Crédit Agricole et la banque auprès de laquelle le chèque volé et falsifié a été remis à l’encaissement ainsi qu’en témoignent ses conclusions en référé signifiées le 1er mars 2022.

10. La cour rappelle qu’en droit, le secret professionnel institué par l’article L. 511-33 du Code monétaire et financier constitue un empêchement légitime, opposable au juge civil.

11. Toutefois, cette règle n’est pas intangible et, au-delà des exceptions légales posées par la loi qui ne concernent pas la présente espèce, il n’en demeure pas moins qu’au regard de l’article L. 511-33 du Code monétaire et financier, de l’article 10 du Code civil et 9 et 10 du Code de procédure civile, un juge ne peut refuser de communiquer au tireur du chèque les informations figurant au verso du chèque, sous couvert du secret bancaire, sans rechercher si une telle communication est indispensable à l’exercice de ses droits à la preuve pour établir l’éventuelle responsabilité de la banque lors de l’encaissement des chèques et, en outre, proportionnée aux intérêts antinomiques en présence, incluant la protection du secret dû aux bénéficiaires de ces chèques.

12. Or, comme le fait justement constater l’intimée, ‘il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir engagé cette action en responsabilité alors que, précisément, les pièces lui font défaut pour connaître l’identité de la banque où le chèque a été remis, mais aussi les opérations de vérification que l’une et l’autre banque ont entreprises avant de payer le chèque’.

13. L’action intentée par voie de référé au visa de l’article 145 du Code de procédure civile, est destinée à lui permettre d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige.

14. Or, il ressort des différentes pièces versées aux débats par l’intimée, notamment, le dépôt de plainte et son récépissé, les échanges de correspondances entre le Crédit Agricole et son client, la société NIORTAISE DES EAUX, qu’il est envisagé une action en responsabilité contre les différents acteurs de la chaîne cambiaire, dont fait partie l’appelante, de sorte que l’intérêt légitime du tiré à faire respecter le secret bancaire doit céder au profit de celui du tireur qui souhaite faire établir son éventuelle responsabilité.

15. La décision sera ainsi confirmée en ce qui concerne l’injonction à produire le verso du chèque et les coordonnées de la banque auprès de laquelle a été présenté à l’encaissement le chèque litigieux.

16. En revanche, il apparaît disproportionné au regard des éléments produits aux débats de confirmer l’injonction de transmettre copie des correspondances entre le Crédit Agricole et la banque auprès de laquelle a été présenté à l’encaissement ce chèque.

17. L’ordonnance sera exclusivement réformée de ce chef.

Sur les demandes accessoires

18. Il apparaît équitable de condamner le Crédit Agricole à payer à la société NIORTAISE DES EAUX une somme de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et de rejeter la demande formée au même titre par l’appelante.

19. Le Crédit Agricole qui échoue majoritairement en ses prétentions supportera les dépens générés par la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme l’ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Niort en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il

Fait injonction au CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES de communiquer à la SAS NIORTAISE DES EAUX ou à son avocat l’ensemble des correspondances échangées avec la banque qui a présenté le chèque à l’encaissement, relativement au chèque n°5157012,

Statuant à nouveau,

déboute la SAS NIORTAISE DES EAUX de sa demande d’enjoindre au CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES de lui communiquer, ou à son avocat, l’ensemble des correspondances échangées avec la banque qui a présenté le chèque à l’encaissement, relativement au chèque n°5157012,

Y ajoutant,

Condamne le CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES à payer à la SAS NIORTAISE DES EAUX une indemnité de 3.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamne le CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CHARENTE MARITIME DEUX SÈVRES aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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