Présentateur : 17 avril 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-11.417

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Présentateur : 17 avril 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-11.417

COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 avril 2019

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 327 F-D

Pourvois n° H 18-11.417
et Z 18-15.067 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

I – Statuant sur le pourvoi n° H 18-11.417 formé par la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, dont le siège est […] ,

contre un arrêt n° RG : 16/00116 rendu le 12 décembre 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 5), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d’assurance mutuelle à cotisations fixes,

2°/ à la société MMA IARD, société anonyme,

ayant toutes deux leur siège […] , et venant toutes deux aux droits de la société Covéa caution,

3°/ à la société Banque BCP, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

défenderesses à la cassation ;

II – Statuant sur le pourvoi n° Z 18-15.067 formé par :

1°/ la société MMA IARD assurances mutuelles, société d’assurance mutuelle à cotisations fixes,

2°/ la société MMA IARD, société anonyme,

contre le même arrêt rendu, dans le litige les opposant :

1°/ à la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires,

2°/ à la société Banque BCP, société par actions simplifiée,

défenderesses à la cassation ;

La société Banque BCP défenderesse au pourvoi n° H 18-11.417 a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal n° H 18-11.417 invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Les demanderesses au pourvoi principal n° Z 18-15.067 invoquent, à l’appui de leur recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 5 mars 2019, où étaient présents : Mme Mouillard, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD, de la SCP Marc Lévis, avocat de la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Banque BCP, l’avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2017), que Mme C… s’est rendue coupable, à l’occasion de l’exercice de sa profession de mandataire judiciaire, de détournements de fonds, notamment en encaissant sur un compte ouvert dans les livres de la société Banque BCP (la BCP) au nom de la société civile Scag, dont elle était gérante et associée, des chèques tirés par elle sur le compte de son étude à la Caisse des dépôts et consignations, sur lequel étaient déposés les fonds appartenant aux entreprises pour lesquelles elle avait reçu un mandat de justice ; qu’après avoir pris en charge les conséquences de ces détournements à concurrence de la somme de trois millions d’euros, correspondant au montant de la franchise stipulée dans la police d’assurance qu’elle avait souscrite auprès de la société Covéa caution pour couvrir ce type de risques, la Caisse de garantie des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (la Caisse de garantie) a recherché la responsabilité de la BCP, en lui reprochant un manquement à son devoir de vigilance, et l’a assignée en paiement, à titre de dommages-intérêts, d’une somme correspondant au montant de quinze des dix-huit chèques déposés par Mme C… sur le compte de la société Scag ; que, devant la cour d’appel, les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles, déclarant venir aux droits de la société Covéa caution, sont intervenues volontairement à l’instance pour demander la condamnation de la BCP au paiement de dommages-intérêts et voir juger que toute somme qui ne serait pas allouée à la Caisse de garantie leur reviendrait de plein droit ;

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident, dont l’examen est préalable :

Attendu que la BCP fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la Caisse de garantie la somme de 391 007,77 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, alors, selon le moyen, qu’après s’être assuré de l’identité du déposant et avoir vérifié qu’il en est bien le bénéficiaire, le banquier présentateur n’est tenu de contrôler que la régularité formelle du chèque et de n’en détecter que les anomalies apparentes ; qu’en estimant que la banque avait commis une faute en encaissant treize chèques tirés par Mme C…, ès qualité de liquidateur, sur des comptes ouvert à la Caisse des dépôts et consignations au profit de la société Scag, sans préciser quels éléments objectifs auraient pu permettre à la banque de soupçonner l’illicéité de ces opérations, s’agissant de chèques émis à l’ordre d’un bénéficiaire (la société Scag) et encaissés sur un compte ouvert en son nom par son gérant, la cour d’appel s’est fondée sur des motifs impropres à caractériser les anomalies apparentes devant conduire la banque à s’interroger sur les encaissements de fonds enregistrés, privant une nouvelle fois sa décision de base légale au regard de l’article 1241 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant relevé que les treize chèques émis par Mme C… à l’ordre de la société Scag ont été tirés sur des comptes ouverts à la Caisse des dépôts et consignations portant pour intitulé « Maître I… C… mandataire judiciaire, cpte répartition proc. coll. liv. V », « Selarl C… et C. V… mandataires judiciaires associés, cpte répartition proc coll liv V » et « Maître I… C… mandataire judiciaire », l’arrêt retient que le fait que ces chèques aient été tirés sur le compte de répartition du mandataire liquidateur, et même sur le compte professionnel de celui-ci, au profit d’une société civile patrimoniale dont Mme C… était la gérante, constituait une anomalie apparente dans le fonctionnement du compte de cette société, qui devait amener la banque à provoquer les explications de sa cliente, sans qu’elle puisse soutenir qu’elle était fondée à supposer qu’il s’agissait de la rémunération de Mme C… en sa qualité de mandataire judiciaire, le compte de la société Scag ne pouvant pas être assimilé au compte personnel de sa gérante ; qu’il retient encore que la banque n’a pu, de même, supposer, compte tenu de la nature des comptes du tireur, qu’il s’agissait de versements en compte courant ; qu’il retient enfin que l’indication « vente d’appartement » figurant sur le bordereau de remise de l’un de ces chèques est insuffisante à établir que la banque aurait interrogé sa cliente et que, l’eût-elle fait, cette précision ne pouvait constituer une réponse cohérente s’agissant d’un chèque émanant d’un compte réglementé du mandataire judiciaire ; qu’ayant ainsi caractérisé la nature anormale de ces opérations, qui appelait une vigilance particulière de la banque, la cour d’appel a pu en déduire que celle-ci avait commis une faute en acceptant de porter le montant de ces treize chèques au crédit du compte de la société Scag ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal n° H 18-11.417, pris en ses première, troisième et quatrième branches :

Attendu que la Caisse de garantie fait grief à l’arrêt de limiter la condamnation de la BCP à la somme de 391 007,77 euros alors, selon le moyen :

1°/ que le manquement du banquier dans la surveillance des opérations effectuées sur le compte de son client l’oblige à réparer le préjudice subi par la victime des détournements ainsi opérés ; que l’obligation pour la Caisse de garantie d’indemniser les victimes des détournements de fonds commis par le mandataire judiciaire en raison du manquement du banquier à son obligation de vigilance rend certain le préjudice subi par la Caisse de garantie, tenue légalement à cette indemnisation ; qu’en décidant que le préjudice subi par la Caisse de garantie constituait une simple perte de chance, quand elle avait été intégralement tenue d’indemniser les victimes du montant des chèques détournées et falsifiés, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations d’où il résultait que le préjudice était égal au montant des chèques détournés et falsifiés encaissés sur le compte personnel de Mme C… ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil, devenu l’article 1240 du même code, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice ;

2°/ qu’en affirmant, pour juger qu’il n’avait pas lieu de déduire de la somme de 1 644 264,80 euros récupérée par la Caisse de garantie celle de 544 000 euros reversée par cette dernière à Covéa caution, que le versement de la somme de 544 000 ¿ par la Caisse de garantie à Covéa n’était pas établi quand l’attestation de l’expert-comptable de la Caisse de garantie, le cabinet Anexis, régulièrement versée aux débats, certifiait que la somme de 544 000 euros avait été rétrocédée à Covéa le 12 mars 2013, la cour d’appel a dénaturé, par omission, l’attestation du cabinet Anexis, violant ainsi l’article 1134 du code civil, devenu l’article 1103 du même code ;

3°/ qu’en s’abstenant de s’expliquer sur la valeur probante de cette attestation du cabinet d’expertise comptable Anexis, régulièrement produite aux débats, qui établissait la rétrocession par la Caisse de garantie de la somme de 544 000 euros à Covéa, ce que cette dernière avait au demeurant reconnu dans ses conclusions d’appel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil, devenu l’article 1240 du même code, ensemble l’article 1315 du code civil, devenu l’article 1353 du même code ;

 


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