Your cart is currently empty!
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2023
(n° , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/05032 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHJPV
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Mars 2023 -Président du TJ de PARIS – RG n° 22/59182
APPELANT
M. [J] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Emmanuel JARRY de la SELARL RAVET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209
Assisté à l’audience par Me Marine LE BIHAN, substituant Me Amelle BOUCHAREB, avocat au barreau de PARIS, toque : B016
INTIME
M. [W] [T]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Assisté à l’audience par Me Nicolas VERLY, avocat au barreau de PARIS, toque : B777
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, et Laurent NAJEM, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Michèle CHOPIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
******
EXPOSE DU LITIGE
M. [W] [T] est un humoriste et comédien français.
M. [J] [V] est un humoriste et comédien de « stand-up » français.
Son frère, M. [B] [V], est quant à lui manager et directeur artistique dans le secteur privé du spectacle vivant.
Dans le cadre de leur activité, MM.[V] ont exploité un comedy club « The Joke » dans plusieurs salles à [Localité 6], entre 2017 et 2020.
Après plusieurs prises de contact entre MM.[V] et M.[K], producteur de M.[T], ce dernier a envisagé un projet dans lequel ils trouveraient chacun une place et un rôle pour exploiter une salle sous la marque « The Joke ».
En mars 2022, la salle « The Joke [Localité 6] » a vu le jour et les premiers spectacles ont débuté.
M.[T] et son manager ont ensuite indiqué que la marque « The Joke » leur appartenait.
C’est dans ce contexte qu’a été diffusée une vidéo intitulée « Complément d’enquête », entièrement consacrée au contentieux de marque opposant les parties, sur le réseau social Instagram via le compte de M.[J] [V] le 14 septembre 2022.
Dans cette vidéo, M.[J] [V], grimé d’une fausse moustache, interroge les passants au sujet de M.[T], afin de tenter de mettre en lumière les prétendues qualités de « voleur » de ce dernier. La vidéo se termine par le commentaire de conclusion : « Rends la marque [W] ! », accompagné du hashtag « #RENDEZTHEJOKE » et d’une photographie de M.[J] [V] tendant le doigt vers l’objectif.
Cette vidéo fait suite à une première vidéo mise en ligne, intitulée « The Joke, la véritable histoire », retraçant le conflit relatif au dépôt de la marque « The Joke ».
Par acte du 13 décembre 2023, M.[T] a fait assigner M.[J] [V] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :
– condamner M. [V] à lui verser, à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
– condamner à toutes fins M. [V] à supprimer la vidéo intitulée « Complément d’enquête » publiée le 14 septembre 2022, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours suivant la signification de l’ordonnance à intervenir ;
– faire interdiction à M. [V] de republier la vidéo litigieuse, sous astreinte de 500 euros par nouvelle publication et par jour de mise en ligne ;
– condamner M. [V] à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens
Par ordonnance réputée contradictoire du 1er mars 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
– condamné M. [V] à verser à M. [T] la somme provisionnelle de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– ordonné à M. [V] de procéder à la suppression des passages suivants de la vidéo publiée le 14 septembre 2022 à l’adresse URL [Courriel 5] :
“S’il y a un humoriste que vous kiffez, mais on dit de lui, il y a la rumeur, comme quoi c’est un voleur, est-ce que vous iriez le voir ‘” ;
“Si je vous dis le mot “vol”, vous pensez à un oiseau, à un avion ou à [W] [T]’” ;
“Vous travaillez sur une marque, vous mettez du temps, votre énergie, et il y a quelqu’un que vous connaissez, donc un proche de vous, qui prend la marque et la dépose à son nom”;
“Rends la marque [W] ! #RENDEZTHEJOKE” ;
– dit que cette suppression devra intervenir dans les 15 jours à compter du caractère définitif de la présente ordonnance, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pour un délai de deux mois ;
– débouté le demandeur du surplus de ses demandes ;
– condamné M.[V] aux entiers dépens ;
– condamné M.[V] à verser à M. [T] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de plein droit.
Par déclaration du 13 mars 2023, M. [V] a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 juin 2023, M. [V] demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris le 1er mars 2023 en ce qu’elle a condamné M. [V] au paiement de la somme provisionnelle de 2.000 euros en réparation du préjudice moral de M. [T] et a ordonné la supression des quatre passages poursuivis de la vidéo en date du 14 septembre 2022, dit que cette suppression devra intervenir dans les 15 jours à compter du caractère définitif de la présente ordonnance, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pour un délai de deux mois, et condamné M. [V] à la somme de 1.500 euros du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
Et statuant de nouveau :
– dire n’y avoir lieu à référé en l’absence de trouble manifestement illicite ;
– rejeter l’ensemble des demandes de l’intimé ;
– condamner M. [T] à verser à M. [V] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Il expose notamment que :
– force est tout d’abord de constater que la vidéo contenant les propos litigieux est datée du 14 septembre 2022 tandis qu’il est constant que l’assignation en référé a été délivrée quant à elle le 13 décembre 2022, soit presque trois mois plus tard, veille de l’acquisition de la prescription,
– il est constant que les propos poursuivis en l’espèce ne peuvent contenir à eux seuls l’imputation de faits précis, les propos poursuivis ne permettant pas de comprendre véritablement
l’étendue du litige qui oppose les différents protagonistes, alors qu’il suffit pour s’en convaincre d’observer la motivation de la décision attaquée en ce qu’il apparaît que ce n’est non pas la vidéo litigieuse mais bien une autre vidéo intitulée ‘The Joke, la véritable histoire’, retraçant le conflit relatif au dépôt de la marque ‘The Joke’ et diffusée 48 heures avant celle contenant les propos poursuivis qui permet en réalité la compréhension du différend,
– c’est ainsi véritablement la première diffusée, laquelle n’a pas fait l’objet de poursuite, qui
permet de comprendre de quel « vol » il s’agirait,
– le juge des référés n’a donc pas caractérisé avec l’évidence requise le trouble manifestement illicite ayant justifié les mesures attaquées en ce que les propos litigieux ne renferment pas d’imputation de faits précis, étant précisé qu’une jurisprudence constante admet en tout état de cause que le caractère éventuellement diffamatoire de propos tenus ne dispense ni le juge de l’évidence ni le demandeur de caractériser le trouble manifestement illicite,
– s’il n’est pas contesté que M [V] était défaillant devant le premier juge, il appert néanmoins que l’appelant présente de sérieux éléments de nature à permettre un débat sérieux sur sa bonne foi,
– ainsi, l’existence d’une base factuelle suffisante, le but légitime d’information, une enquête sérieuse, et l’absence d’animosité personnelle sont démontrées.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 7 septembre 2023, M. [T] demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance rendue le 1er mars 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en ce qu’elle a jugé constitutifs de diffamation publique envers un particulier et d’un trouble manifestement illicite commis au préjudice de M. [T] les propos suivants, publiés le 14 septembre 2022 par M. [V] dans la vidéo intitulée « Complètement d’enquête », accessible à l’adresse URL publique [Courriel 5], :
« Vous travaillez sur une marque, vous mettez du temps, votre énergie, et il y a quelqu’un que vous connaissez, un proche de vous, qui prend la marque et la dépose à son nom. »
« Rends la marque [W] ! #RENDEZTHEJOKE » ;
« s’il y a un humoriste que vous kiffez, mais on dit de lui, il y a la rumeur, comme quoi c’est un voleur, est-ce que vous iriez le voir ‘ » ;
« Si je vous dis le mot « vol », est-ce que vous pensez à un oiseau, un avion ou à [W] [T] ‘ » ;
– confirmer l’ordonnance en son principe sur les condamnations prononcées mais l’infirmer
quant au quantum ;
Statuant à nouveau :
– condamner M.[V] à payer à M.[T], à titre de provision sur dommages et intérêts, la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice moral subi ;
– condamner à toutes fins M.[V] à supprimer la vidéo intitulée « Complément d’enquête » publiée le 14 septembre 2022 et comportant les propos et diffamatoires précités, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir ;
– faire interdiction à M.[V] de republier la vidéo litigieuse, sous astreinte de 500 euros par nouvelle publication et par jour de mise en ligne ;
– condamner M.[V] à payer à M.[T] la somme de 8.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
– en tout état de cause, débouter M.[V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Il expose notamment que :
– les propos poursuivis, contenus dans la vidéo publiée le 14 septembre 2022 par M.[J] [V], sont les suivants :
Propos n°1 : « Vous travaillez sur une marque, vous mettez du temps, votre énergie, et il y a quelqu’un que vous connaissez, un proche de vous, qui prend la marque et la dépose à son nom. »
Propos n° 2 : « Rends la marque [W] ! #RENDEZTHEJOKE »
Propos n°3 : « s’il y a un humoriste que vous kiffez, mais on dit de lui, il y a la rumeur, comme quoi c’est un voleur, est-ce que vous iriez le voir ‘ »
Propos n°4 : « Si je vous dis le mot « vol », est-ce que vous pensez à un oiseau, un avion ou à [W] [T] ‘ »
– compte tenu de leur caractère diffamatoire, les propos n°1 à 4 précités caractérisent un trouble manifestement illicite dont M.[T] est bien fondé à solliciter la cessation, ainsi que l’a considéré à juste titre le juge des référés au terme de l’ordonnance entreprise,
– aucune bonne foi ne saurait être reconnue à M.[J] [V], contrairement aux affirmations péremptoires de ce dernier alors que les propos tenus par l’appelant ne relèvent d’aucune prudence ni d’aucune modération et témoignent d’une véritable hostilité personnelle à son encontre, excédant les limites admissibles de la liberté d’expression sans que l’argument du « droit à l’humour » ne puisse être sérieusement invoqué.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
‘
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2023.
SUR CE,
Sur le trouble manifestement illicite
Il sera rappelé que :
– l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ;
– il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure – caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait – et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée ;
– l’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises ;
– la diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.
En outre, l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ne punit de peines particulières les diffamations dirigées contre les personnes revêtues des qualités qu’il énonce que lorsque ces diffamations, qui doivent s’apprécier, non d’après le mobile qui les a inspirées ou d’après le but recherché par leur auteur, mais selon la nature du fait sur lequel elles portent, contiennent la critique d’actes de la fonction ou d’abus de la fonction, ou encore établissent que la qualité ou la fonction de la personne visée a été soit le moyen d’accomplir le fait imputé, soit son support nécessaire ; en revanche, si le fait imputé ne constitue ni un acte, ni un abus de la fonction ou du mandat public, la diffamation n’atteint que la personne privée.
Par ailleurs, ni les parties ni les juges ne sont tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposée par l’acte initial de poursuite. Il appartient aux juges de rechercher si ceux-ci contiennent l’imputation formulée par la partie demanderesse ou celle d’un autre fait contenu dans les propos, les juges étant également libres d’examiner les divers passages poursuivis ensemble ou séparément pour apprécier leur caractère diffamatoire.
En l’espèce, s’agissant du caractère diffamatoire des propos, il sera relevé que :
– le procès-verbal de constat d’huissier du 15 septembre 2022 reproduit des éléments d’une vidéo mise en ligne le 14 septembre 2022 sur le compte Instagram de M.[J] [V], à l’adresse URL [Courriel 5], et intitulée ‘Complément d’enquête’ en référence à l’émission télévisée dont elle est la parodie,
– dans cette vidéo, figurent notamment les propos suivants :
‘ Commentaire d’ouverture de M. [V] : « Bienvenue dans Complément d’enquête. Aujourd’hui, une question nous taraude : est-ce que voler, c’est bien ‘ On va demander aux gens. »
‘ (‘) question de M. [V] : « Si par exemple, là dans la rue, un mec qui s’appelle [W], il prend ton chapeau, il part en courant ‘ » Réponse du passant : « Je le rattrape, j’essaye ! »
Commentaire de M.[V] : « Rends-lui [W] ! »
‘ (‘) question de M.[V] : « On dit souvent « qui vole un ‘uf vole un b’uf » »
Réponse du passant : « T’as déjà volé une fois, bien sur que tu peux voler bien plus ! Bien sur ! Arrête [W], arrête ! »
‘ (‘) question de M.[V] : « s’il y a un humoriste que vous kiffez, mais on dit de lui, il y a la rumeur, comme quoi c’est un voleur, est-ce que vous iriez le voir ‘ »
Réponse du passant : « Ça se fait pas, non ! »
‘ question de M.[V] : « Si je vous dis le mot « vol », est-ce que vous pensez à un oiseau, un avion ou à [W] [T] ‘ »
Réponse du passant : « Ben à un avion »
Commentaire de [J] [V] : « C’est la mauvaise réponse ! »
‘ (‘) question de [J] [V] : « Vous travaillez sur une marque, vous mettez du temps, votre énergie, et il y a quelqu’un que vous connaissez, un proche de vous, qui prend la marque et la dépose à son nom. Qu’est-ce que tu ferais ‘ ce serait quoi ta réaction ‘ »
Réponse du passant : « C’est surtout très bâtard !
La vidéo se termine sur l’image fixe du présentateur, M.[V], devant la devanture fermée de The Joke, sur laquelle sont apposés les termes ‘Rends la marque [W]! RENDEZTHEJOKE’
– M.[V] fait en substance état de ce que M. [T] aurait déposé la marque ‘The Joke’ en fraude de ses droits, et se serait rendu coupable du vol de cette marque qui lui appartient,
– la publicité des propos n’est pas discutée ni le caractère professionnel du compte Instagram utilisé par l’auteur des propos lui-même,
– il sera d’abord observé, comme l’a d’ailleurs rappelé le premier juge, que cette vidéo dispose d’un ton humoristique et parodique,
– elle reproduit cependant une gradation dans la présentation de la situation et des questions aux passants, et ainsi, elle pose tout d’abord la problématique ‘Vous travaillez sur une marque, vous mettez du temps, votre énergie, et il y a quelqu’un que vous connaissez, un proche de vous, qui prend la marque et la dépose à son nom. », ‘ s’il y a un humoriste que vous kiffez, mais on dit de lui, il y a la rumeur, comme quoi c’est un voleur, est-ce que vous iriez le voir ‘ », puis donne des précisions sur l’auteur du vol par « Rends la marque [W] ! #RENDEZTHEJOKE », et : « Si je vous dis le mot « vol », est-ce que vous pensez à un oiseau, un avion ou à [W] [T] ‘ », de sorte que le spectateur qui regarde en intégralité cette vidéo comprends aisément ce qui est reproché à ‘[W]’,
– si dans ces propos précis, seul le prénom de M.[T] est cité, il apparaît tout d’abord qu’il est cité de manière répétée et que son identité complète est dévoilée aux 5e et 6e personnes interrogées,
– dans ces conditions, il est établi que M.[T] est à tout le moins identifiable, à raison de surcroît d’une certaine notoriété dans le milieu des comédiens de stand-up et du public qui les suit, milieu dont fait également partie M.[V],
– quand bien même il est procédé in fine par insinuation, alors que le mot vol est reproduit de nombreuses fois, des véhicules et bateaux de police étant particulièrement mis en scène et figurant la répression dont l’auteur du vol pourrait faire l’objet, il ressort très explicitement de cette vidéo qu’il est reproché à M.[T] de s’être approprié la marque The Joke,
– l’honneur et la considération de la personne visée ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admise,
– l’imputation d’avoir volé, donc soustrait frauduleusement une marque appartenant à autrui, présente donc bien un caractère diffamatoire, un tel fait caractérisant à l’évidence soit une infraction pénale (le vol) soit l’engagement d’une responsabilité dont son auteur doit répondre, et même un comportement moralement condamnable contraire à la probité attendue d’un personnage public, de surcroît un humoriste, dont l’image aux yeux du public comporte un trait important de sympathie,
– ces faits précis sont ainsi de nature à porter atteinte à l’honneur et la considération de M.[T], qui se voit imputer le dépôt d’une marque en fraude des droits d’un tiers,
– les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il s’est conformé à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête, ainsi que de prudence dans l’expression, étant précisé que la bonne foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos,
– en l’espèce, pour faire état de sa bonne foi, l’appelant soutient que les critères précités sont réunis et qu’il poursuivait un but légitime en rappelant qu’il était propriétaire de la marque ‘The Joke’, soustraite par M.[T],
– si les propos litigieux doivent être replacés dans le cadre de l’association ayant existé entre les parties puis de leur séparation, il ressort des pièces produites que M.[V] a souhaité déposer la marque ‘The Joke’ en 2017 mais que ce dépôt a fait l’objet d’un rejet total le 6 novembre 2017 selon le certificat de dépôt INPI versé aux débats, de sorte que M.[V] ne peut contrairement à ce qu’il affirme prétendre à aucun droit sur la marque ‘The Joke’, et qu’aucune base factuelle suffisante ne justifie les propos incriminés, quand bien même la marque ‘The Joke’ a été déposée ultérieurement par M.[K],
– il en ressort encore que si des poursuites judiciaires en dépôt frauduleux de marque ont été engagées par M.[B] [V], celles-ci n’ont jamais visé M.[T], alors qu’au surplus ces poursuites ont fait l’objet d’un jugement de caducité du tribunal judiciaire de Paris du 26 janvier 2023,
– les poursuites prud’hommales initiées encore par M.[V] qui invoquait son statut de salarié et entendant dénoncer l’exploitation dont il a fait l’objet n’ont pas plus été dirigées contre M.[T], mais procèdent de toute évidence d’une remise en cause de leur collaboration,
– l’ensemble des ces procédures ajouté aux dénonciations faites par la vidéo publiée établissent donc bien une réelle animosité entre les parties.
En conséquence, l’excuse de bonne foi ne peut être admise par la cour.
L’ordonnance rendue sera confirmée en ce qu’elle a retenu l’existence d’un trouble manifestement illicite.
Sur les mesures sollicitées
C’est à juste titre que le premier juge a retenu que seuls quatre passages de la vidéo étaient poursuivis de sorte que la suppression demandée ne peut que concerner ces quatre passages et non l’intégralité de la vidéo que M.[T] a fait le choix de ne pas poursuivre. Cette suppression a été ordonnée sous astreinte selon un quantum qui apparaît comme étant justifié.
L’ordonnance sera donc confirmée de ce chef, sauf à préciser que l’astreinte court 15 jours après la signification de l’ordonnance de référé et non 15 jours après le caractère définitif de cette ordonnance.
S’agissant de l’interdiction de toute nouvelle publication, celle-ci ne comporte aucun bien fondé, étant observé, ainsi que l’a apprécié le premier juge que l’appelant s’exposerait dans ce cas à de nouvelles poursuites nécessitant l’examen in concreto de l’existence d’une atteinte aux droits de l’intimé.
Sur la provision sur dommages intérêts
M.[T] invoque à ce titre un préjudice moral important.
Cependant, il ne produit sur ce point aucune pièce, de sorte qu’il sera tenu compte de ce que la diffusion de la vidéo litigieuse a été large et le préjudice moral justement réparé par l’allocation de 2.000 euros de dommages intérêts.
L’ordonnance rendue sera confirmée de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sort des dépens et des frais irrépétibles a été exactement trnché par le premier juge.
A hauteur d’appel, l’appelant qui succombe en ses prétentions sera condamné à indemniser l’intimé pour ses frais non répétibles exposés et sera condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance entreprise, sauf à préciser que l’astreinte prononcée court quinze jours après la signification de l’ordonnance de référé,
Y ajoutant,
Condamne M.[R] [V] à verser à M.[W] [T] la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;
Condamne M.[R] [V] aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE