AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ Monsieur Joël D…,
2°/ Madame D…, née Marie-Claude Z…,
demeurant ensemble chez Mme A…, Castel Fadèze, Coulounieux Chamiers (Dordogne),
en cassation d’un arrêt rendu le 22 juin 1987 par la cour d’appel de Bordaux (2ème chambre), au profit :
1°/ de Monsieur E…, pris en son nom personnel et comme ayant assuré une responsabilité, travaillant à la Caisse de crédit mutuel de Saint-Front, … (Dordogne),
2°/ de la Caisse de crédit mutuel du Sud-Ouest, Périgueux, Saint-Front (Dordogne), dont le siège est …,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 7 février 1989, où étaient présents : M. Baudoin, président ; M. Sablayrolles, rapporteur ; M. Defontaine, conseiller ; M. Montanier, avocat général ; Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Sablayrolles, les observations de la SCP Martin-Martinière et Ricard, avocat des époux D…, de Me Copper-Royer, avocat de M. E…, ès qualités, et de la Caisse de crédit mutuel du Sud-Ouest, les conclusions de M. Montanier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Bordeaux, 22 juin 1987) que M. et Mme D… titulaires auprès de la Caisse de Crédit Mutuel du Sud-Ouest (la banque), d’un compte courant, né de la fusion de trois comptes chèques et au moyen duquel ont été souscrits trois emprunts, ont émis à l’ordre d’un sieur Y… cinq chèques, qu’ils ont ensuite frappés d’opposition ; qu’ils ont, dans les mêmes temps, remis à la banque un chèque de 50 000 francs émis par un sieur F… ; que, la mainlevée de l’opposition ayant été ordonnée en référé, la banque a versé le montant de ce dernier chèque à l’établissement présentateur de cinq chèques précités ; que la banque a ensuite assigné les époux D… en paiement du solde débiteur des trois comptes fusionnés et d’un solde réclamé au titre de contrats de prêt, cependant que les époux D…, reprochant à la banque et à son directeur M. E… d’avoir payé les chèques X… et d’avoir pour ce règlement, utilisé le chèque F…, auquel ils soutenaient avoir donné une affectation spéciale, ont engagé une action en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que M. et Mme D… reprochent à l’arrêt de les avoir condamnés à payer à la banque les sommes qu’elle réclamait, alors que, selon le pourvoi, d’une part, ils avaient fait valoir que l’ordre de blocage de la somme de 50 000 francs ne pouvait avoir été fait au profit de X… ou de sa banque, puisque, justement l’opposition à paiement de chèques avait été donnée parce que les valeurs remises par X… en échange de chèques s’étaient révélées non négociables ; qu’en relevant qu’il était ainsi soutenu que les cinq chèques participaient à des transactions fictives entre X…, D… et des tiers, la cour d’appel a dénaturé lesdites conclusions, en violation de l’article 1134 du Code civil, et alors que, d’autre part, les époux D… avaient fait valoir que l’ordre de blocage de la somme de 50 000 francs avait été donné pour que la banque délivre un chèque certifié au profit de M. B…, fournisseur de la machine commandée et payée par le client, M. F…, comme celà avait été fait précédemment pour un autre client, M. C… ; qu’en ne recherchant pas, ainsi qu’elle y était expressément invitée, la signification du blocage de la somme remise au moyen du chèque F…, la cour d’appel a privé de motifs sa décision, en violation de l’article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu’en premier lieu l’arrêt a énoncé que les circonstances invoquées par les époux D…, à supposer même qu’ils aient été trompés par M. X…, ce qui restait à démontrer, ne justifiaient pas une opposition qui n’aurait pu être valablement opérée que s’il s’était agi de chèques perdus ou volés ; qu’en second lieu il a relevé, par motifs propres et adoptés, que l’affectation spéciale d’une remise, dérogatoire au principe d’indivisibilité du compte courant, supposait l’intention non équivoque du remettant et que les époux D… ne prouvaient pas avoir notifié à la banque l’intention d’affecter le montant du chèque F… à un paiement dû à M. B… ; qu’ainsi la cour d’appel a répondu, sans les dénaturer, aux conclusions invoquées et a justifié sa décision du chef critiqué ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. et Mme D… font encore grief à l’arrêt de les avoir condamnés à payer à la banque et à M. E… des dommages-intérêts, alors que, selon le pourvoi, le droit d’agir en justice ne dégénère pas en abus du seul fait que l’action est jugée malfondée ; qu’en ne caractérisant pas la faute qu’auraient commise les époux D…, en assignant la banque et M. E…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que les premiers juges ayant condamné les époux D… à des dommages-intérêts pour procédure abusive, il ne résulte ni des productions ni de l’arrêt que ces derniers aient, dans leurs conclusions d’appel, soutenu n’avoir commis aucune faute en assignant la banque et M. E… ;
D’où il suit que, mélangé de fait et de droit, le moyen est nouveau et donc irrecevable ;