Présentateur : 1 juin 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/01066

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Présentateur : 1 juin 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/01066
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01/06/2022

ARRÊT N°211

N° RG 20/01066 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NQ7X

IMM – AC

Décision déférée du 26 Février 2020 – Tribunal de Commerce d’ALBI – 2018002652

Monsieur BLANC

S.A. LA BANQUE POSTALE

C/

Société ME. [R] REPRESENTANT DES CREANCIERS AU REDRESSEMENT JUDICIAIRE DE MODERN IRRIGATION 82

S.A.R.L. MODERN IRRIGATION 82

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD MI DI PYRENEES

Confirmation

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU UN JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.A. LA BANQUE POSTALE

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe MORETTO de la SELARL ARCANTHE, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

S.A.R.L. MODERN IRRIGATION 82

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Florence VERZI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

Me [R] en qualité de mandataire judiciaire de la société MODERN IRRIGATION 82

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Florence VERZI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL NORD MIDI PYRENEES société coopérative à capital variable représentée par son représentant légal domicilié au siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Karine GROS de la SCP MAIGNIAL GROS DELHEURE, avocat au barreau d’ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant I. MARTIN DE LA MOUTTE, Conseiller V.SALMERON, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

P. BALISTA, conseiller

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par C. OULIE, greffier de chambre

Exposé des faits et procédure :

Le 13 juin 2016, la société Modern’irrigation 82 a adressé à la société Caprari, son fournisseur, en réglement d’une facture, un chèque d’un montant de 9.789,52 € tiré sur son compte Crédit Agricole, qui a été encaissé le 27 juin 2016.

En novembre 2017, la société Caprari a informé la société Modern qu’elIe restait toujours dans l’attente du règlement de sa facture.

La copie du chèque remise par le Crédit Agricole a permis de constater que le nom du bénéficiaire avait été falsifié et que le chèque avait été crédité sur le compte Banque Postale de la société JME Travaux.

Le 30 novembre 2017, la société Modern’irrigation 82 a porté plainte pour vol au commissariat de [Localité 7]. L’enquête a été classée sans suite en raison de l’impossibilité d’identifier l’auteur.

Le 30 novembre 2017, le Crédit Agricole a demandé à la Banque Postale le remboursement du montant du chèque.

Par courrier du 23 février 2018, la Banque Postale a refusé le remboursement du chèque au motif de la clôture du compte de son client.

Par courrier du 23 mars 2018, la société Modern’irrigation 82 a demandé au Crédit Agricole et à la Banque Postale le remboursement du montant du chèque, ce que les banques ont refusé.

Par actes en date des 4 et 6 juin 2018, la société Modern’irrigation 82 a fait assigner devant le tribunal de commerce d’Albi le Crédit Agricole et Ia Banque Postale, en paiement de la somme de 9.789,52€ correspondant au montant du chèque et à la somme de 5.000 € en réparation de son préjudice financier.

Par jugement du 26 février 2020, le tribunal de commerce d’Albi a :

-dit et jugé que la falsification portant sur le bénéficiaire n’est pas apparente, la responsabilité des banques n’étant pas engagée sur ce point

-débouté la société Modern’Irrigation de ses demandes vis-à-vis de la banque tirée, le Crédit Agricole

– dit et jugé que la Banque Postale, banque présentatrice, a failli à son devoir de vigilance pour avoir crédité un client dont l’intitulé du compte ne coïncide pas avec le nom du bénéficiaire indiqué sur le chèque,

– condamné la Banque Postale à payer à la société Modern’Irrigation la somme de 9.789,52 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision ;

– débouté la société Modern’Irrigation 82 de sa demande formée au titre du préjudice moral et financier, faute de justification véritable ;

– condamné la Banque Postale à payer à la société Modern’Irrigation 82 et au Crédit Agricole Ia somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens liquidés et taxés à la somme de 233,63 €, outre le coût de la signification de la décision.

Par déclaration en date du 27 mars 2020, la Banque Postale a relevé appel de ce jugement.

Par jugement du 30 juin 2020, le tribunal de commerce de Montauban a ouvert le redressement judiciaire de la société Modern’ Irrigation et désigné M.[R] en qualité de mandataire judiciaire.

Par acte en date du 17 février 2021, la Banque Postale a appelé en cause Me [R], ès qualités.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions n°2 notifiées le 24 janvier 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Banque Postale demandant, au visa des articles L131-38 du code monétaire et financier et 1240 du code civil, de :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Albi en date du 26 février 2020 en ce qu’il a débouté la société Modern’Irrigation de sa demande formulée au titre du préjudice moral et financier faute de justification véritable,

– réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce d’Albi en date du 26 février 2020 en ce qu’il a :

– débouté la société Modern’irrigation de ses demandes vis-à-vis de la banque tirée, le Crédit Agricole,

– dit et jugé que la Banque Postale, banque présentatrice, avait cependant failli à son devoir de vigilance pour avoir crédité un client dont l’intitulé du compte ne coïncidait pas avec le nom du bénéficiaire indiqué sur le chèque, et qu’elle aurait dû, dans le doute, adresser ce chèque à l’encaissement à la banque tirée,

– condamné la Banque Postale à payer à la société Modern’Irrigation la somme de 9.789,52 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,

– condamné la Banque Postale à payer à la société Modern’Irrigation et au Crédit Agricole la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens liquidés et taxés à la somme de 233,63 € outre le coût de la signification de la présente décision ;

En conséquence, entrant en voie de réformation partielle,

– dire et juger que la Banque Postale n’a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité,

– débouter la société Modern’Irrigation de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à l’encontre de la Banque Postale,

– en conséquence, fixer au passif de la société Modern’Irrigation la somme de 11.023,15 €, correspondant à la somme payée par la Banque Postale en exécution de la décision de première instance

– condamner tout succombant à verser à la Banque Postale une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner le même aux entiers dépens.

Vu les conclusions n°2 notifiées le 1er février 2022 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la société Modern’Irrigation 82 et de Me [R] en sa qualité de mandataire judiciaire demandant, au visa des articles 1231-1 et 1240 du code civil, R312-2 et L561-5 I du code monétaire et financier, de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Albi du 26 février 2020 en ce qu’il condam­ne la Banque Postale, banque présentatrice, pour avoir failli à son devoir de vigilance pour avoir crédité un client dont l’intitulé du compte ne coïncide pas avec le nom du bénéficiaire indiqué sur le chèque, qu’elle aurait dû, dans le doute adresser ce chèque à l’encaissement à la banque tirée

– confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Albi du 26 février 2020 en ce qu’il condamne la Banque Postale à lui payer la somme de 9.789,52 € avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement,

– débouter la Banque Postale de sa demande de fixation au passif de la somme de 11.023,15 €, correspondant à la somme payée par la Banque Postale en exécution de la décision de première instance,

– débouter la Banque Postale de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à son encontre,

– réformer le jugement du tribunal de commerce d’Albi du 26 février 2020 en ce qu’il l’a débouté de sa demande de condamnation de la Banque Postale au paiement de 5.000 € au titre du préjudice moral et financier,

– condamner la Banque Postale à lui verser la somme de 5.000 € au titre du préjudice moral et financier,

– condamner la Banque Postale à lui verser la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les conclusions notifiées le 29 septembre 2020 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi-Pyrénées, demandant de :

– confirmer le jugement du tribunal de commerce d’Albi du 26 février 2020 en ce qu’il dit et jugé que la falsification du chèque n’est pas apparente et qu’il a en conséquence débouté la société Modern de ses demandes à son encontre,

– condamner tout succombant à lui verser la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’appel.

L’instruction de la procédure a été clôturée par ordonnance du 14 février 2022.

A l’audience du 22 février 2022, l’appelante qui avait saisi le conseiller de la mise en état d’une demande tendant au constat de l’irrecevabilité des conclusions signifiées par la société Modern’ Irrigation le 22 mars 2021, s’est désistée de cette demande.

Motifs de la décision :

Il sera constaté à titre liminaire que si la Caisse régionale de Crédit Agricole a été intimée par la Banque Postale, appelante, qui sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a débouté la société Modern’ Irrigation de ses demandes vis-à-vis du Crédit Agricole, aucune prétention n’est formée à l’encontre de la Caisse régionale de Crédit Agricole Toulouse 31, ni par l’appelante, ni par la société Modern’Irrigation.

La société Modern Irrigation qui a émis le chèque litigieux poursuit la responsabilité de la Banque postale en sa qualité de banque présentatrice en lui reprochant d’avoir manqué à son obligation de vigilance.

Le banquier présentateur d’un chèque supporte une obligation de vigilance qui lui impose de vérifier l’absence d’anomalie apparente.

En l’espèce, l’examen de l’original du chèque litigieux ne permet de constater aucune surcharge, rature ou rajout et contrairement à ce que soutient l’appelante la différence de police entre les caractères de la mention du montant en chiffre et celle du nom du bénéficiaire ne permet pas de caractériser une anomalie. La mention répétée du nom du bénéficiaire sous la forme JM TRAVAUX/JM TRAVAUX ne constitue pas non plus en elle-même une anomalie.

En revanche, le tribunal après avoir constaté que le nom du bénéficiaire du chèque n’était pas celui du titulaire du compte, ouvert par la société JME Travaux et non par JM Travaux, en a déduit à juste titre que la Banque Postale, banquier présentateur, avait manqué à son obligation de s’assurer que le chèque était bien encaissé par son véritable bénéficiaire.

Une telle vérification aurait fait échec à l’encaissement du chèque falsifié, si bien que le défaut de vigilance de la banque présentatrice est bien à l’origine du préjudice de la société Modern’Irrigation, résultant de l’encaissement de ce chèque par un tiers et de l’impossibilité de recouvrer cette somme en raison de la clôture du compte moins d’un mois après l’encaissement du chèque litigieux, sur l’initiative de la banque qui avait constaté des opérations frauduleuses et alors que l’enquête pénale a été classée sans suite avec le motif ‘auteur inconnu’.

La société Modern’Irrigation qui sollicite l’allocation d’une indemnité forfaitaire de 5.000 € en raison de son préjudice moral et financier n’établit pas l’existence d’un préjudice moral qui ne saurait être déduit d’une faute de la banque présentatrice.

Si elle soutient que lui est réclamée par la société Caprari, son fournisseur, bénéficiaire du chèque litigieux une somme de 12.243,13 € comprenant outre le principal impayé correspondant au montant du chèque, des intérêts sur cette somme, elle n’établit pas que cette dernière a déclaré sa créance pour ce montant entre les mains de Me [R], son mandataire judiciaire et ne démontre donc pas la réalité d’un préjudice en lien causal avec la faute de la banque.

Elle ne démontre pas non plus le montant de surcoûts résultant de ce qu’elle a été contrainte de changer de fournisseur en raison du non-paiement de la créance Caprari.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu’il a débouté la société Modern’Irrigation de cette demande indemnitaire complémentaire.

Partie perdante en cause d’appel, la Banque Postale supportera les dépens et devra indemniser la société Modern’Irrigation et la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel des frais irrépétibles qu’elles ont été contraintes d’exposer en cause d’appel.

Par ces motifs :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la Banque Postale aux dépens d’appel ;

Condamne la Banque Postale à payer à la Caisse régionale de Crédit Agricole Mutuel Nord Midi Pyrénées la somme de 1.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Banque Postale à payer à la société Modern’Irrigation 82 la somme de 2.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La présidente.

.

 


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