Prescription et qualité professionnelle : limites de la protection des sociétés civiles immobilières dans le cadre des contrats de prêt immobilier.

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Prescription et qualité professionnelle : limites de la protection des sociétés civiles immobilières dans le cadre des contrats de prêt immobilier.

La SA BNP Paribas a accordé un prêt de 232.000 euros à la SCI [K] le 21 avril 2005 pour l’acquisition d’un appartement à Aix-en-Provence. En septembre 2018, la SCI [K] a assigné la banque pour obtenir la déchéance du droit aux intérêts. Le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a rendu un jugement le 22 février 2021, déclarant la prescription de l’instance et irrecevables les demandes de la SCI, tout en condamnant cette dernière à verser 2.000 euros à la banque. La SCI [K] a interjeté appel le 23 mars 2021, contestant la décision et soulevant des arguments relatifs à la prescription et à l’exactitude du taux effectif global (TEG). La SA BNP Paribas a demandé le rejet de l’appel et la confirmation du jugement initial. La cour a finalement confirmé le jugement du tribunal de première instance et a condamné la SCI [K] à verser 3.000 euros à la banque au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux dépens d’appel.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

12 septembre 2024
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG
21/04354
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 12 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/96

Rôle N° RG 21/04354 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BHFF4

SCI [K]

C/

S.A. BNP PARIBAS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sandra JUSTON

Me Jean-Christophe STRATIGEAS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d’Aix en Provence en date du 22 Janvier 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/04999.

APPELANTE

SCI [K], représentée par Mr [D] [K], son gérant,

dont le siège social est sis [Adresse 1] – [Localité 2]

représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

S.A. BNP PARIBAS, en la personne de son représentant légal

dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 4]

représentée par Me Jean-Christophe STRATIGEAS de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mai 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Françoise PETEL, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe DELMOTTE, Président

Madame Françoise PETEL, Conseillère

Madame Gaëlle MARTIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2024

Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Suivant acte notarié du 21 avril 2005, la SA BNP Paribas a consenti à la SCI [K] un prêt, destiné à financer l’acquisition d’un appartement à usage locatif dans un ensemble immobilier sis à Aix-en-Provence, d’un montant de 232.000 euros, remboursable en 300 mensualités, au taux fixe de 4,15 % l’an, le taux effectif global mentionné dans l’acte étant de 4,928 %.

Selon exploit du 28 septembre 2018, la SCI [K] a fait assigner la SA BNP Paribas, aux fins de voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, devant le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence.

Par jugement du 22 février 2021, ce tribunal a :

‘ constaté la prescription de l’instance,

‘ déclaré irrecevables les demandes de la SCI [K] relatives au prêt du 21 avril 2005,

‘ débouté la SCI [K] de sa demande relative aux frais irrépétibles,

‘ dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

‘ condamné la SCI [K] à payer à la SA BNP Paribas la somme de deux mille euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné la SCI [K] aux dépens.

Suivant déclaration du 23 mars 2021, la SCI [K] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 23 juin 2021, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’appelante demande à la cour de :

‘ infirmer la décision entreprise,

sur la procédure :

‘ déclarer au visa de l’article L.312-10° du code de la consommation, qu’en l’absence d’enveloppe portant le cachet de la poste, il n’existe aucune date légale de l’offre,

‘ déclarer qu’en l’absence de date légalement fixée de la convention de crédit la prescription n’a pas pu courir,

‘ déclarer qu’en vertu de l’article L.313-1 3° du code de la consommation, les sociétés civiles immobilières sont soumises au droit de la consommation,

‘ déclarer qu’en tout état de cause les parties ont entendu se soumettre volontairement au droit de la consommation et la qualifier comme un non-professionnel de l’immobilier,

par conséquent,

‘ déclarer que son action en justice n’est pas prescrite, que ses demandes relatives au prêt du 21 avril 2005 sont recevables,

sur le fond :

‘ déclarer qu’elle justifie d’une erreur du TEG,

par conséquent, sur l’inexactitude du TEG, s’agissant de l’offre de prêt et de l’acte authentique :

‘ prononcer abusive, et partant non écrite, la stipulation concernant le TEG,

‘ condamner la partie requise à rembourser les intérêts perçus à tort,

‘ prononcer la déchéance totale du droit d’intérêts,

‘ condamner la partie requise à rembourser les intérêts perçus à tort,

‘ prononcer la nullité de la stipulation du droit d’intérêts,

‘ condamner la partie requise à rembourser les intérêts perçus à tort,

‘ condamner la partie requise au paiement de la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts,

‘ condamner la partie requise au paiement de la somme de 5.000 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ la condamner aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées et déposées le 15 septembre 2021, auxquelles il est expressément référé en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la SA BNP Paribas demande à la cour de :

‘ rejeter l’appel de la SCI [K] comme mal fondé,

‘ la débouter de l’intégralité de ses prétentions, irrecevables et mal fondées,

‘ confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

‘ condamner la SCI [K] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles,

‘ condamner la SCI [K] en tous les dépens de l’instance d’appel.

MOTIFS

L’appelante fait grief au tribunal de n’avoir répondu à aucun des moyens par elle soulevés.

A cet égard, s’agissant de la recevabilité de son action, elle expose, sans autrement s’expliquer, qu’en matière de prescription, les sociétés civiles immobilières peuvent bénéficier des dispositions du code de la consommation.

Elle n’en tire cependant, pour s’opposer à la fin de non-recevoir soulevée par la banque et retenue par le premier juge, aucune conclusion quant à la date à laquelle le délai de prescription aurait commencé à courir, sauf à dire dans le dispositif de ses écritures que la convention de crédit serait dépourvue de date de sorte que la prescription n’aurait pu courir.

Mais, passé en la forme authentique, le contrat de prêt litigieux a date certaine.

Et la SCI [K], qui soutient relever du droit de la consommation au motif que la convention souscrite n’a pas pour objet une activité professionnelle, ne précise pas même le moment auquel elle aurait eu connaissance de l’erreur dont elle se prévaut.

En tout état de cause, s’agissant de sa qualité, l’argumentation de l’appelante ne saurait être retenue dès lors qu’elle a agi en qualité de professionnelle en souscrivant un prêt immobilier pour financer l’acquisition d’un immeuble conformément à son objet, lequel est, selon l’extrait du registre du commerce et des sociétés produit, « l’acquisition, l’administration et la gestion par location ou autrement de tout bien immobilier ».

Par ailleurs, elle ne peut davantage prétendre que les parties ont entendu volontairement soumettre le contrat de prêt litigieux au droit de la consommation, quand elle n’établit pas, ni même n’allègue, que ladite convention notariée aurait été précédée de l’offre préalable prévue par les dispositions alors en vigueur des articles L.312-1 et suivants du code de la consommation, étant observé que le compromis du 13 décembre 2004 qu’elle invoque n’a été signé, ni par elle, qui s’est substituée aux acquéreurs auxquels il avait été précisé dans l’acte que la substitution « ne pourra pas en toute hypothèse être soumise aux dispositions des articles L.312-2 et suivants du code de la consommation », ni par l’intimée, s’agissant d’un compromis entre vendeurs et acquéreurs, l’organisme prêteur alors désigné, dans la condition suspensive, comme sollicité par ces derniers pour l’obtention d’un crédit étant d’ailleurs la Caisse d’Epargne, non la SA BNP Paribas.

En conséquence, étant rappelé qu’aux termes de l’article 2224 du code civil, le délai de prescription des actions personnelles ou mobilières court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, la SCI [K], qui d’ailleurs se contente d’affirmer que l’utilisation d’un logiciel sur un site créé par un consortium de banques montre que le taux effectif global figurant dans l’acte de prêt est erroné, et, comme précédemment relevé, ne fournit aucune indication quant à la date à laquelle elle aurait prétendument appréhendé cette erreur, n’est pas fondée, en ce qui concerne le point de départ du délai de prescription, à se prévaloir d’une autre date que celle de la convention litigieuse, à laquelle, en sa qualité de professionnelle, elle a connu ou aurait dû connaître l’erreur alléguée.

L’acte notarié contenant prêt ayant été signé le 21 avril 2005, la prescription, décennale désormais quinquennale depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, de l’action en déchéance du droit aux intérêts, comme la prescription quinquennale de l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel, et celle, également devenue quinquennale en vertu de la loi précitée, de l’action en responsabilité, étaient acquises au jour de l’assignation introductive d’instance délivrée le 28 septembre 2018 par l’appelante.

Les demandes formées par cette dernière à l’encontre de la SA BNP Paribas sont donc irrecevables comme prescrites, et le jugement attaqué confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne la SCI [K] à payer à la SA BNP Paribas la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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