Le juge des référés a rejeté la demande de provision de l’entrepreneur [G] [E] contre M. [R] [C] et Mme [T] [I], maîtres d’œuvre, et a ordonné une expertise des désordres liés à un marché de travaux signé le 2 juillet 2018. Cette ordonnance a été déclarée caduque en décembre 2022. En septembre 2023, [G] [E] a assigné les défendeurs pour obtenir le paiement de 49.290,46€, mais ceux-ci ont soulevé une exception de prescription, arguant que l’action était tardive. Ils ont également demandé des dommages-intérêts au titre de l’article 700 du code de procédure civile. En réponse, [G] [E] a soutenu que son action n’était pas prescrite, se basant sur la date de la facture et d’autres éléments. L’affaire a été renvoyée pour examiner l’application des dispositions du code de la consommation. Finalement, le juge a déclaré l’action de [G] [E] irrecevable pour cause de prescription et a rejeté les autres demandes.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ST DENIS
N° RG 23/03230 – N° Portalis DB3Z-W-B7H-GOEY
1ère Chambre
N° Minute :
NAC : 54C
ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
08 OCTOBRE 2024
DEMANDEUR
M. [G] [E], exerçant à l’enseigne “CCBNR”
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Rep/assistant : Me Frédéric CERVEAUX, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DEFENDEURS
M. [R] [C]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Rep/assistant : Me Eric HAN KWAN, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
Mme [T] [I]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Rep/assistant : Me Eric HAN KWAN, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
Copie exécutoire délivrée le :08.10.2024
Expédition délivrée le :
à Me Frédéric CERVEAUX
Me Eric HAN KWAN
ORDONNANCE : Contradictoire, du 08 Octobre 2024, en premier ressort
Prononcée par mise à disposition par Madame Brigitte LAGIERE, Vice-présidente assistée de Madame Isabelle SOUNDRON, Greffier
Saisi sur requête, le juge des référés de ce siège a, par décision en date des 19 août 2021, rejeté la demande de provision formée par l’entrepreneur en construction [G] [E] à l’encontre de M. [R] [C] et Mme [T] [I] en qualité de maître d’œuvre d’une maison d’habitation individuelle et ordonné une mesure d’expertise des désordres, non-façons et malfaçons, sur la base du marché de travaux du 02 juillet 2018 conclu entre les parties.
L’ordonnance a été déclarée caduque selon ordonnance de caducité en date du 14 décembre 2022.
Par exploit du 25 septembre 2023, [G] [E] a assigné [R] [C] et [T] [I] devant le Tribunal judiciaire de Saint-Denis à fin principale de les voir condamner à lui verser la somme de 49.290,46€, outre intérêt légal à compter du 20 novembre 2020.
Les défendeurs ont constitué avocat.
Par conclusions spéciales aux fins d’incident, notifiées par en message RPVA du 30 octobre 2023, et en leur dernier état suivant notification RPVA en date du 29 janvier 2024, [R] [C] et [T] [I] sollicitent la juge de la mise en état de :
-déclarer irrecevable pour cause de prescription l’action en paiement de Monsieur [G] [E],
-condamner Monsieur [G] [E] à verser à Monsieur [C] et Madame [I] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et le condamner aux entiers dépens.
Se prévalant expressément du délai de prescription quinquennal des actions personnelles mobilières de l’article 2224 du Code civil, ils indiquent que l’entrepreneur devait agir dans un délai maximal de 5 ans à compter du 08 août 2018, date du devis qui aurait été signé par les parties. Ils prétendent donc au bénéfice d’une prescription qui aurait été acquise le 08 août 2023, si bien que l’assignation délivrée le 20 septembre 2023 serait tardive.
Ils entendent faire valoir, en outre, que l’assignation en référé-provision du 23 février 2021 n’aurait aucun effet interruptif de la prescription, puisque l’ordonnance en résultant aurait rejeté l’ensemble des demandes formulées par Monsieur [E].
En réponse, et en l’état de ses dernières conclusions notifiées le 23 mars 2024, [G] [E] sollicite la juge de la mise en état de :
-juger que l’action en paiement formée par Monsieur [E] est non prescrite ;
-débouter Monsieur [R] [C] et Madame [T] [I] de leurs demandes ;
-les condamner à payer la somme de 2 500,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il entend se prévaloir expressément des dispositions de l’article L. 110-4 du Code de commerce et soutient que le point de départ prescriptif de son action se situerait au jour d’établissement de la facture conforme au devis, qui aurait été présentée le 1er septembre 2020 après exécution des travaux convenus et alors que Monsieur [C] et Madame [I] auraient pris possession de leur maison dès le 14 novembre 2019, voire au jour de la sommation de payer qui leur aurait été faite le 20 novembre 2020.
Suivant ordonnance du 11 juin 2024, la juge de la mise en état a renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état des incidents du 02 septembre 2024 pour conclusions des parties sur l’application d’office des dispositions de l’article L.218-2 du Code de la consommation à l’action en paiement des travaux sur la base du marché de travaux du 02 juillet 2018 conclu entre les parties.
Suivant conclusions récapitulatives sur incident après réouverture des débats notifiées le 27 août 2024, [R] [C] et [T] [I] sollicitent la juge de la mise en état de :
-DÉCLARER irrecevable pour cause de prescription l’action en paiement de Monsieur [G] [E] ;
-Le CONDAMNER à leur verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et le condamner aux entiers dépens.
Ils exposent que, en effet, Monsieur [E] sollicitant le paiement d’un solde d’un marché de travaux et agissant, ce faisant, à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle, il a qualité de professionnel au sens du droit de la consommation. De même, ont-ils eux-mêmes qualité de consommateur puisqu’exerçant tous deux la profession de commercial automobile, le marché de travaux litigieux concernant leur résidence.
Aussi, la prescription abrégée de l’article L. 218-2 du code de la consommation aurait-elle à s’appliquer. Elle aurait commencé à courir le 08 août 2018, date de signature du devis. La facture émise le 1er septembre 2020, de même que le commandement de payer en date du 20 novembre 2020, n’auraient pas eu d’effet interruptif. Il en irait pareillement s’agissant de l’assignation en référé-provision du 23 février 2021 alors que les demandes de Monsieur [E] aurait été rejetées le 19 août 2021, l’obligation d’indemnisation telle qu’évoquée par lui étant apparu sérieusement contestable.
Monsieur [E], qui n’a pas conclu en réplique, a sollicité la clôture de l’incident suivant message RPVA en date du 29 août 2024.
Conformément aux termes de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties pour le surplus des moyens développés au soutien de leurs prétentions.
L’incident a été appelé à l’audience du 02 septembre 2024, date à laquelle les parties ont été autorisées à déposer leurs dossiers au greffe le 10 septembre 2024 et informées que la décision serait mise à leur disposition le 08 octobre 2024.
L’article 789 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction issue du décret du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020 , dispose que « Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour: 1°) statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées sur le fondement de l’article 47 et les incidents mettant fin à l’instance … 6°)Statuer sur les fins de non-recevoir…/ les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu’elles ne surviennent ou ne soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état ».
L’article 122 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond pour défaut de droit à agir tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Règle de droit commun, l’article 2224 du Code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Prévoyant une prescription spéciale, l’article L218-2 du Code de la consommation dispose que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Cette disposition est d’ordre public.
Dès lors, l’action en paiement de factures formée contre un consommateur, soumise à la prescription biennale de l’art. L. 218-2, se prescrit à compter de la date de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d’agir, laquelle peut être caractérisée par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations. Ainsi, au regard des dispositions de l’article 2224 du Code civil, et afin d’harmoniser le point de départ des délais de prescription des actions en paiement de travaux et services, il doit être pris en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action, laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible.
Aux termes de l’article préliminaire de ce code, on entend par consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; et professionnel: toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel.
La charge de la preuve du point de départ d’un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir en application de l’article 9 du code de procédure civile.
En l’espèce, [R] [C] et [T] [I] ont sollicité, en qualité de consommateur, la réalisation de travaux confiés à [G] [E], entrepreneur en construction.
Le dernier a donc qualité de professionnel et les premiers de consommateur au sens du code de la consommation.
Aussi, l’action en paiement de factures formée contre eux, soumise à la prescription biennale de l’art. L. 218-2, se prescrit à compter de la date de la connaissance par l’entrepreneur des faits lui permettant d’agir.
Cette date ne saurait être constituée à l’établissement du devis initial comme le soutiennent [R] [C] et [T] [I], celui-ci étant par définition établi avant la réalisation des travaux et donc avant que le paiement du prix n’en soit devenu exigible. Ceci est évident alors que des travaux pourraient nécessiter une réalisation de plus de deux ans.
Il ressort des pièces produites aux débats qu’une facture a été émise le 14 novembre 2019 portant livraison des travaux ce même jour. Dès lors, le délai prescriptif à commencé à courir le 14 novembre 2019.
[G] [E], ne faisant valoir aucun acte interruptif efficace, la prescription extinctive était acquise à [R] [C] et [T] [I] à compter du 14 novembre 2021. L’assignation en paiement délivrée le 25 septembre 2023 était donc tardive.
Partant, il sera fait droit à la fin de non-recevoir formée par ces derniers.
L’issue du litige et l’équité commandent d’écarter toute application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant, [G] [E] sera condamné aux dépens.
Nous, Brigitte LAGIERE, Juge de la mise en état, statuant en premier ressort par ordonnance contradictoire susceptible d’appel, prononcée par mise à disposition au greffe,
DÉCLARONS [G] [E] irrecevable en ses demandes formées à l’encontre de [R] [C] et [T] [I] pour cause de prescription extinctive ;
REJETONS toute demande plus ample ou contraire ;
ÉCARTONS l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sollicitée par [R] [C] et [T] [I] ;
CONDAMNONS [G] [E] aux entiers dépens de l’instance ;
Et la présente ordonnance a été signée par Brigitte LAGIERE, Juge de la mise en état et Isabelle SOUNDRON, Greffière.
La Greffière La Juge de la mise en état