Prescription et nullité : La découverte des irrégularités contractuelles

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Prescription et nullité : La découverte des irrégularités contractuelles
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Contexte de l’affaire

Mme [R] a conclu un contrat avec la société Vivons Energy le 16 juin 2014 pour la fourniture et l’installation de panneaux photovoltaïques, financé par un crédit souscrit avec son époux, M. [R], auprès de la société Franfinance.

Procédure de liquidation judiciaire

Le 13 décembre 2017, la société Vivons Energy a été placée en liquidation judiciaire, et Mme [W] a été désignée comme liquidateur judiciaire.

Contrat de rachat d’électricité

Le 22 octobre 2018, M. et Mme [R] ont signé un contrat avec EDF pour le rachat de leur production d’électricité, effectif à partir du 27 octobre 2014, date de mise en service de l’installation.

Actions en justice des acquéreurs

Les 10 et 14 janvier 2020, M. et Mme [R] ont assigné la société MJA et la banque en annulation des contrats, remboursement et indemnisation, invoquant des irrégularités dans le bon de commande et un dol. La banque a soulevé la prescription des demandes.

Arguments des acquéreurs

Les acquéreurs ont contesté la décision de la cour d’appel qui a déclaré leur action en annulation irrecevable pour cause de prescription, arguant que le point de départ de la prescription devait être la date de découverte des violations des dispositions du code de la consommation.

Réponse de la Cour d’appel

La cour d’appel a estimé que les acquéreurs auraient dû se rendre compte des irrégularités dès la mise en service de l’installation, le 27 octobre 2014, même si le contrat de rachat n’était pas encore signé.

Critique de la décision de la Cour

La Cour a jugé que la cour d’appel n’avait pas suffisamment justifié comment les acquéreurs avaient pu prendre connaissance des manquements du vendeur au moment de la mise en service, ce qui a conduit à une absence de base légale pour sa décision.

Conséquences de la cassation

La cassation de la décision de la cour d’appel concernant l’irrecevabilité de l’action en annulation entraîne également la cassation de l’irrecevabilité de l’action en responsabilité contre la banque, en raison de leur lien de dépendance.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Cour de cassation
Pourvoi n°
23-16.033
CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 novembre 2024

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, président

Arrêt n° 593 FS-D

Pourvoi n° C 23-16.033

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2024

1°/ M. [M] [R],

2°/ Mme [S] [R],

tous deux domiciliés [Adresse 2], [Localité 4],

ont formé le pourvoi n° C 23-16.033 contre l’arrêt rendu le 17 mars 2022 par la cour d’appel de Nancy (2e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société MJA, société d’exercice libéral à forme anonyme, mandataire judiciaire, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 5], prise en la personne de Mme [B] [W], en qualité de mandataire liquidateur de la société Vivons Energy,

2°/ à la société Franfinance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 6],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [R], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Franfinance, et l’avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l’audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, MM. Bruyère, Ancel, Mmes Peyregne-Wable, Tréard, Corneloup, conseillers, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Nancy, 17 mars 2022) et les productions, par contrat conclu hors établissement le 16 juin 2014, Mme [R] a commandé auprès de la société Vivons Energy (le vendeur) la fourniture, la pose et la mise en service de panneaux photovoltaïques destinés à la revente de l’électricité produite, cette installation étant financée par un crédit souscrit le même jour avec M. [R], son époux, auprès de la société Franfinance (la banque).

2. Le 13 décembre 2017, un jugement a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard du vendeur. La société MJA, prise en la personne de Mme [W], a été nommée en qualité de liquidateur judiciaire.

3. Le 22 octobre 2018, M. et Mme [R] (les acquéreurs) ont conclu avec la société EDF un contrat de rachat de leur production d’électricité prenant effet le 27 octobre 2014, date de la mise en service de l’installation et de son raccordement au réseau public d’électricité.

4. Les 10 et 14 janvier 2020, invoquant l’irrégularité du bon de commande ainsi qu’un dol, les acquéreurs ont assigné la société MJA, prise en la personne de Mme [W], ès qualités, et la banque, en annulation des contrats, remboursement des sommes versées et indemnisation. La banque a opposé la prescription des demandes sur le fondement de l’article 2224 du code civil.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Les acquéreurs font grief à l’arrêt de déclarer irrecevable, comme prescrite, l’action en annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté fondée sur une violation des dispositions du code de la consommation, alors « que le point de départ de la prescription de l’action en nullité d’un contrat fondée sur la violation des dispositions du code de la consommation est la date de la découverte par le consommateur de la violation de ces dispositions ; qu’en l’espèce, pour déclarer prescrite l’action des acquéreurs, la cour d’appel a retenu que “les acquéreurs pouvaient s’interroger, dès la mise en service de l’installation au 27 octobre 2014, sur l’absence alléguée au bon de commande de mentions afférentes à certaines caractéristiques des panneaux (marque, modèle), de même qu’au détail de l’exécution des prestations de service (calendrier de travaux), et par suite sur les irrégularités formelles non manifestes à la lecture du bon de commande” alors qu’elle avait relevé qu’à cette date le contrat de rachat de l’électricité de l’installation photovoltaïque, dont le vendeur avait la charge, n’avait même pas encore été signé et que les acquéreurs n’avaient même pas encore reçu la première facture de production de sorte qu’ils ne pouvaient avoir pris connaissance des irrégularités du bon de commande ; qu’en statuant ainsi la cour d’appel a violé l’article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 121-17 et L. 121-18-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l’article 2224 du code civil :

6. Il résulte de ces textes que le point de départ du délai de prescription de l’action en annulation du contrat conclu hors établissement, fondée sur la méconnaissance par le professionnel de son obligation de faire figurer sur le contrat, de manière lisible et compréhensible, les informations mentionnées à l’article L. 121-17 susvisé, se situe au jour où le consommateur a connu ou aurait dû connaître les défauts d’information affectant la validité du contrat.

7. Pour dire que les demandes en annulation des contrats de vente et de crédit affecté étaient irrecevables comme étant prescrites, après avoir énoncé que la détermination du point de départ du délai de la prescription impliquait de rechercher la date à laquelle les vices affectant le contrat de vente avaient été révélés aux acquéreurs, la cour d’appel a retenu que si ceux-ci n’avaient pas pu en avoir connaissance lors de la signature du contrat, ils avaient pu se rendre compte de l’absence des mentions relatives aux caractéristiques essentielles de l’installation et au délai de livraison et d’exécution des démarches administratives à compter de la mise en service de l’installation, le 27 octobre 2014.

8. En se déterminant ainsi, sans expliquer en quoi les acquéreurs avaient eu ou pu avoir connaissance des différents manquements du vendeur à ses obligations informatives au moment de la mise en service de l’installation, notamment celle relative à la production d’électricité de l’installation, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

9. En application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l’arrêt qui déclare irrecevable, comme prescrite, l’action en annulation des contrat de vente et de crédit affecté fondée sur la violation des dispositions du code de la consommation, entraîne la cassation du chef de dispositif qui déclare irrecevable, comme prescrite, l’action en responsabilité formée par les acquéreurs à l’encontre de la banque fondée sur l’absence de vérification préalable de la régularité du contrat principal ou de sa complète exécution avant le déblocage des fonds, qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.


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