Contexte de l’affaireMonsieur [D] [T] et madame [F] [O] ont engagé la SARL CUBE IN LIFE pour des travaux d’extension de leur maison, avec un devis initial de 92.026 euros TTC, accepté le 17 juillet 2016. Montant réclamé et mise en demeureLes demandeurs ont finalement versé un total de 123.568,99 euros à la société ou à des sous-traitants. Le 27 mai 2022, ils ont mis en demeure la SARL CUBE IN LIFE de restituer un indu de 31.542,99 euros, sans succès. Procédure judiciaireLe 08 mars 2023, ils ont assigné la SARL CUBE IN LIFE devant le tribunal judiciaire de Bordeaux pour obtenir la restitution de cette somme et une indemnisation pour résistance abusive. Incident de mise en étatLe 11 mars 2024, la SARL CUBE IN LIFE a soulevé un incident de mise en état, qui a été examiné le 03 septembre 2024 après un renvoi. Demandes de la SARL CUBE IN LIFELa SARL CUBE IN LIFE a demandé la déclaration d’irrecevabilité de l’action des demandeurs, le paiement de dommages et intérêts, ainsi que le remboursement des dépens et des frais selon l’article 700 du code de procédure civile. Arguments de la SARL CUBE IN LIFEElle a soutenu que l’action était prescrite, car elle n’avait pas été engagée dans les cinq ans suivant le dernier paiement, effectué le 19 janvier 2017. Elle a également contesté la nature interruptive de la mise en demeure et des échanges de mails. Réponse des demandeursMonsieur [D] [T] et madame [F] [O] ont affirmé que le délai de prescription avait été interrompu par une demande d’injonction de remboursement adressée au tribunal en mai 2019 et par des échanges de mails en mars 2020. Analyse du jugeLe juge a rappelé que le délai de prescription pour une action en répétition de l’indu commence à la date du dernier paiement. Il a conclu que l’action des demandeurs était prescrite, car elle n’avait pas été engagée avant le 19 janvier 2022. Décision sur la demande indemnitaireLa demande indemnitaire de la SARL CUBE IN LIFE a été jugée non justifiée, car elle ne relevait pas des compétences du juge de la mise en état. Frais de procédureLes demandeurs ont été condamnés à payer les dépens, et la SARL CUBE IN LIFE a été accordée une somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles. Exécution provisoireL’exécution provisoire de la décision a été confirmée, conformément aux dispositions du code de procédure civile. ConclusionLe juge a déclaré l’action des demandeurs irrecevable, a constaté l’extinction de l’instance, et a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
INCIDENT
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
5EME CHAMBRE CIVILE
56E
N° RG 23/02063 – N° Portalis DBX6-W-B7H-XSLD
Minute n° 2024/00
AFFAIRE :
[D] [T], [F] [O]
C/
S.A.R.L. CUBE IN LIFE
Grosse Délivrée
le :
à
Avocats :
Me Matthieu CHAUVET
la SELAS ELIGE BORDEAUX
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
Le VINGT DEUX OCTOBRE DEUX MIL VINGT QUATRE
Nous, Madame Myriam SAUNIER, Vice-Présidente,
Juge de la Mise en Etat de la 5EME CHAMBRE CIVILE,
Greffier, lors des débats et du prononcé :
Isabelle SANCHEZ
DÉBATS
A l’audience d’incident du 03 septembre 2024
Vu la procédure entre :
DEMANDEUR AU FOND
DEFENDEUR A L’INCIDENT
Monsieur [D] [T]
né le 18 Janvier 1971 à BORDEAUX (33000)
247 Avenue de la Bécasse
40150 HOSSEGOR
représenté par Me Matthieu CHAUVET, avocat au barreau de BORDEAUX
Madame [F] [O]
née le 12 Mai 1979 à KOWEIT CITY
247 Avenue de la Bécasse
40150 HOSSEGOR
représentée par Me Matthieu CHAUVET, avocat au barreau de BORDEAUX
DEFENDEUR AU FOND
DEMANDEUR A L’INCIDENT
S.A.R.L. CUBE IN LIFE, immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le n°807 540 810
Lieu dit Joyeuse
33670 SADIRAC
représentée par Maître Daniel LASSERRE de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant devis accepté le 17 juillet 2016, monsieur [D] [T] et madame [F] [O] ont confié à la SARL CUBE IN LIFE des travaux d’extension de leur maison moyennant un devis de 92.026 euros TTC.
Exposant qu’ils ont finalement réglé la somme totale de 123.568,99 euros à la société CUBE IN LIFE ou à des sous-traitants, monsieur [D] [T] et madame [F] [O] ont par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 27 mai 2022, vainement mis en demeure la SARL CUBE IN LIFE d’avoir à leur restituer un indu du 31.542,99 euros.
Par acte délivré le 08 mars 2023, monsieur [D] [T] et madame [F] [O] ont fait assigner la SARL CUBE IN LIFE devant le tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins de répétition de l’indu à hauteur de 31.542,99 euros, et d’indemnisation de leur préjudice résultant de la résistance abusive.
Par conclusions spécialement adressées au juge de la mise en état le 11 mars 2024, la SARL CUBE IN LIFE a soulevé un incident de mise en état, lequel a été audiencé le 03 septembre 2024 après un renvoi à la demande des parties.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique les 11 mars et 29 juillet 2024, la SARL CUBE IN LIFE demande au juge de la mise en état de :
déclarer irrecevable l’action de monsieur [D] [T] et madame « [X] » [O],condamner monsieur [D] [T] et madame « [X] » [O] à lui payer une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts,condamner monsieur [D] [T] et madame « [X] » [O] au paiement des dépens et à lui payer une somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,écarter l’exécution provisoire.
Au soutien de l’irrecevabilité de l’action engagée à son encontre, la SARL CUBE IN LIFE fait valoir, sur le fondement de l’article 2224 du code civil, que l’action fondée sur la répétition de l’indu (ancien article 1235 du code civil) est prescrite pour ne pas avoir été engagée dans le délai de cinq ans suivant le dernier paiement réalisé à son profit, le 19 janvier 2017.
Elle expose que la mise en demeure du 24 mai 2022 est postérieure à l’expiration de ce délai, et n’est en tout état de cause pas de nature à interrompre ce délai.
Elle soutient que les échanges de mail de mars 2020 ne sauraient interrompre une prescription, l’article 2241 du code civil ne conférant d’effet interruptif qu’à la demande en justice.
Elle prétend que la demande en restitution de trop-perçu formulée au sein de l’injonction de faire réclamée par les demandeurs qui portait uniquement sur l’appareillage électrique n’a pas le même objet que la demande en restitution formée dans le cadre de la présente instance, et rappelle qu’une requête en injonction de payer n’est pas une demande en justice.
La SARL CUBE IN LIFE conteste la possibilité pour les demandeurs d’invoquer les dispositions de l’article 2240 du code civil exposant que si des discussions se sont engagées entre les parties, elles ne constituent pas une reconnaissance du bien fondé d’un quelconque indu.
A l’appui de sa demande indemnitaire, la SARL CUBE IN LIGE fait valoir qu’elle est fondée à obtenir réparation des préjudices résultant d’une procédure parfaitement abusive puisque prescrite.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 29 mai 2024, monsieur [D] [T] et madame [F] [O] demandent au juge de la mise en état de :
déclarer leur action recevable,débouter la SARL CUBE IN LIFE de ses demandes reconventionnelles,condamner la SARL CUBE IN LIFE à leur payer une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de la recevabilité de leur action, monsieur [T] et madame [O] font valoir que le délai de prescription a été interrompu par la demande portant injonction avec notamment demande de rembourser un trop perçu adressée au tribunal d’instance le 06 mai 2019. Ils soutiennent par ailleurs que le délai a été interrompu par leur demande du 10 mars 2020 adressée par mail à la société CUBE IN LIFE et la reconnaissance par cette dernière dans un mail du 11 mars 2020 de devoir procéder au remboursement d’un trop-perçu.
Sur la recevabilité de l’action de monsieur [T] et madame [O]
En vertu de l’article 789 du code de procédure civile, le juge de la mise en état est, à compter de sa désignation et, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : 6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
En vertu de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
L’article 2240 du code civil prévoit que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
Selon l’article 2241 du code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Le point de départ du délai de prescription d’une action en répétition de l’indu est fixé à la date du paiement des sommes dont le remboursement est demandé.
En l’espèce, les parties s’accordent pour retenir que, dans le cadre de la réalisation des travaux confiés à la SARL CUBE IN LIFE, monsieur [T] et madame [O] ont effectué plusieurs versements successifs, le dernier ayant été réalisé le 19 janvier 2017 au titre d’une facture correspondant au solde du marché.
Le 19 janvier 2017 constitue donc le point de départ du délai de prescription de leur action en répétition de l’indu, dès lors qu’à cette date ils étaient en mesure de déterminer le montant global réglé par rapport au devis établi.
Ce délai de prescription ne saurait avoir été interrompu par le courrier du 06 mai 2019 qui aurait été adressé au tribunal d’instance de Bordeaux aux fins de condamnation de monsieur [E] à leur restituer l’appareillage électrique ou à défaut à rembourser le trop-perçu comprenant la fin de l’intervention de son prestataire électricien, ainsi que d’autres demandes relatives à des réparations de désordres, et à défaut une indemnisation à hauteur de 20.000 euros.
En effet, si ce courrier est bien produit aux débats, il n’est en revanche nullement justifié ni qu’il a effectivement été remis au tribunal, ni, s’il l’a été, des suites qui auraient été apportées à cette demande, alors que seule la signification de l’ordonnance portant éventuellement injonction constituant une demande en justice, cause d’interruption de la prescription. Il doit en outre et en tout état de cause être constaté que l’action prétendument engagée l’a été contre monsieur [E] et non à l’encontre de la SARL CUBE IN LIFE, et qu’elle ne concernait pas une demande en répétition de l’indu telle qu’est engagée la présente instance.
S’agissant du message électronique allégué du 11 mars 2020, il convient de constater que la pièce 13 produite aux débats n’est pas le mail qui aurait été rédigé par la SARL CUBE IN LIFE mais une retranscription par monsieur [T] des déclarations de monsieur [E], ce qui ne saurait en soi être suffisant à démontrer sa reconnaissance de son obligation de remboursement.
En outre, ce message comporte uniquement la retranscription de la proposition de ce dernier d’un rendez-vous le 20 mars pour « concernant le delta entre le devis initial, la réalité des travaux effectués à ce jour et le montant total des versements […] faire le point du dossier et procéder au remboursement d’un trop perçu éventuel ». Or cette formulation, avec l’indication du mot « éventuel » ne constitue en aucune façon une reconnaissance de l’existence et du montant de la dette. Elle laisse seulement envisager l’existence de discussions entre les parties, étant rappelé que les échanges des parties, dans le cadre d’une transaction, ne sont pas constitutifs d’une reconnaissance de responsabilité interruptive du délai de prescription.
Dans ces conditions, en l’absence de toute cause d’interruption, l’action aux fins de répétition de l’indu aurait dû être engagée avant le 19 janvier 2022.
Par conséquent, il convient de déclarer prescrite l’action engagée par monsieur [D] [T] et madame [F] [O] le 08 mars 2023 à l’encontre de la SARL CUBE IN LIFE.
Sur la demande indemnitaire formée par la SARL CUBE IN LIFE
Les dispositions des articles 780 à 790 du code de procédure civile ne prévoient pas qu’il relève des pouvoirs du juge de la mise en état de statuer sur une prétention indemnitaire, laquelle est en outre et en tout état de cause non justifiée en l’espèce, en l’absence de démonstration d’un préjudice distinct de celui qui sera réparé par l’octroi d’une indemnité au titre des frais irrépétibles.
Sur les frais de la procédure du procès et l’exécution provisoire
En application de l’article 790 du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées par application de l’article 700.
Dépens
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, l’action de monsieur [D] [T] et madame [F] [O] étant déclarée irrecevable, il convient de les condamner au paiement des dépens.
Frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;[…]/ Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. / Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent./ […]
En l’espèce, monsieur [D] [T] et madame [F] [O] tenus au paiement des dépens seront condamnés à payer à la SARL CUBE IN LIFE la somme de 1.200 euros au titre des frais irrépétibles.
Exécution provisoire
Conformément à l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
L’article 514-1 du code de procédure civile dispose que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En l’espèce, il convient donc de rappeler que l’exécution provisoire de la présente ordonnance est de droit.
Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, susceptible de recours selon les modalités de l’article 795 du code de procédure civile, prononcée par mise à disposition au greffe,
Déclare irrecevable l’action engagée par monsieur [D] [T] et madame [F] [O] à l’encontre de la SARL CUBE IN LIFE ;
Dit que la prétention indemnitaire de la SARL CUBE IN LIFE n’entre pas dans les pouvoirs du juge de la mise en état ;
Constate l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la juridiction ;
Condamne monsieur [D] [T] et madame [F] [O] au paiement des dépens ;
Condamne monsieur [D] [T] et madame [F] [O] à payer à la SARL CUBE IN LIFE la somme de 1.200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute monsieur [D] [T] et madame [F] [O] de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La présente décision a été signée par Madame Myriam SAUNIER, Juge de la mise en état, et par Madame Isabelle SANCHEZ, Greffier.
LE GREFFIER, LE JUGE DE LA MISE EN ETAT,