Prescription et Irrecevabilité : Les Limites du Droit de Contester une Facture Émise par un Établissement Public

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Prescription et Irrecevabilité : Les Limites du Droit de Contester une Facture Émise par un Établissement Public

Contexte de l’affaire

La présente affaire oppose la SCI LES 5 TERRES, représentée par son gérant, à la SYNDICAT DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT ALSACE MOSELLE (SDEA). La SCI est propriétaire d’un immeuble qu’elle loue à la SARL LE BALTHAZAR pour l’exploitation d’un hôtel. Le SDEA, en tant qu’établissement public, fournit des services d’eau et d’assainissement.

Facture contestée

Le 1er mars 2023, le SDEA a émis une facture de 23.174,97 € pour une consommation d’eau de 5.614 m3, couvrant la période du 31 août 2022 au 2 février 2023. Cette facture a été adressée à la SCI LES 5 TERRES, qui a contesté le montant en assignant le SDEA devant le Tribunal Judiciaire de Strasbourg le 29 novembre 2023.

Arguments du SDEA

Le SDEA a soulevé une fin de non-recevoir, arguant que la demande de la SCI était irrecevable en raison de la prescription. Selon l’article L 1617-5 1° du Code général des collectivités territoriales, la contestation d’une créance doit être faite dans un délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire.

Réception de la facture

La facture comportait un paragraphe sur les voies de recours, indiquant que la SCI avait jusqu’au 1er juin 2023 pour contester le montant. Cependant, la SCI n’a pas contesté la facture dans le délai imparti, ayant introduit son action près de six mois après la réception de la facture.

Décision du juge

Le juge a déclaré l’action de la SCI irrecevable pour cause de prescription, confirmant que la demanderesse avait dépassé le délai légal pour contester la créance. En conséquence, la SCI a été condamnée à payer les dépens et une indemnité de 1.200 € au SDEA pour les frais irrépétibles.

Questions / Réponses juridiques :

 

Quelle est la nature de l’irrecevabilité soulevée par le SDEA ?

L’irrecevabilité soulevée par le SDEA repose sur la prescription de l’action introduite par la SCI LES 5 TERRES. Selon l’article L 1617-5 1° du Code général des collectivités territoriales (CGCT), l’action d’un débiteur pour contester une créance émise par une collectivité territoriale ou un établissement public local se prescrit dans un délai de deux mois à compter de la réception du titre exécutoire.

Ce délai est crucial car, en l’absence de contestation, un titre de recettes permet l’exécution forcée contre le débiteur.

Il est également précisé que ce délai de recours n’est opposable que si les voies de recours ont été mentionnées dans la notification du titre, conformément à l’article R 421-5 du Code de justice administrative.

Dans le cas présent, la SCI LES 5 TERRES a reçu la facture le 1er mars 2023, et le délai pour contester cette créance a expiré le 1er juin 2023.

Ainsi, l’action introduite le 29 novembre 2023 est devenue irrecevable, car elle a été engagée après l’expiration du délai de prescription.

Quelles sont les conséquences de l’irrecevabilité pour la SCI LES 5 TERRES ?

Les conséquences de l’irrecevabilité pour la SCI LES 5 TERRES sont multiples. Tout d’abord, la demande de la SCI a été déclarée irrecevable, ce qui signifie qu’elle ne pourra pas contester la créance du SDEA devant le tribunal.

En vertu de l’article 700 du Code de procédure civile, la partie perdante peut être condamnée à verser une indemnité à l’autre partie pour couvrir les frais irrépétibles. Dans ce cas, la SCI LES 5 TERRES a été condamnée à verser une indemnité de 1.200 € au SDEA.

De plus, la SCI est également condamnée aux entiers dépens de l’instance, ce qui signifie qu’elle devra prendre en charge tous les frais liés à la procédure judiciaire, y compris les frais d’avocat et les frais de justice.

Ces conséquences financières peuvent avoir un impact significatif sur la situation économique de la SCI, surtout si elle conteste la légitimité de la créance.

Quels sont les délais de prescription applicables en matière de créances publiques ?

Les délais de prescription applicables en matière de créances publiques sont régis par l’article L 1617-5 du Code général des collectivités territoriales. Cet article stipule que l’action d’un débiteur pour contester une créance émise par une collectivité territoriale ou un établissement public local se prescrit dans un délai de deux mois.

Ce délai commence à courir à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d’un acte de poursuite.

Il est important de noter que ce délai de recours n’est opposable que si les voies de recours ont été clairement mentionnées dans la notification du titre, conformément à l’article R 421-5 du Code de justice administrative.

Dans le cas présent, la SCI LES 5 TERRES a reçu la facture le 1er mars 2023, et le délai pour contester cette créance a expiré le 1er juin 2023.

Ainsi, toute action engagée après cette date est considérée comme irrecevable.

Quelles sont les implications de l’article 700 du Code de procédure civile dans cette affaire ?

L’article 700 du Code de procédure civile permet au juge de condamner la partie perdante à verser une somme à l’autre partie pour couvrir les frais irrépétibles engagés dans le cadre de la procédure.

Dans cette affaire, la SCI LES 5 TERRES, ayant été déclarée partie perdante, a été condamnée à verser une indemnité de 1.200 € au SDEA.

Cette indemnité vise à compenser les frais que le SDEA a dû engager pour se défendre contre la demande de la SCI.

Il est important de souligner que cette indemnité ne couvre pas les frais de justice ou d’avocat, mais uniquement les frais qui ne peuvent pas être récupérés dans le cadre de la procédure.

L’application de l’article 700 est une pratique courante dans les litiges civils, et elle vise à garantir que la partie qui a raison ne soit pas pénalisée financièrement par le simple fait d’avoir dû engager une procédure judiciaire pour faire valoir ses droits.

Dans ce cas, la décision du juge de condamner la SCI aux frais irrépétibles souligne l’importance de respecter les délais de prescription et les procédures établies.

 

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

10 décembre 2024
Tribunal judiciaire de Strasbourg
RG
24/02357
h N° RG 24/02357 – N° Portalis DB2E-W-B7H-MLME

Tribunal judiciaire
de Strasbourg

[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]

1ère Ch. Civile Cab. 2

Tél [XXXXXXXX01]

N° de minute :

N° RG 24/02357 – N° Portalis DB2E-W-B7H-MLME

COPIE A :

CE JOUR

Me Lucien BALLAND
Me Anne-claire MULLER-PISTRE

Le greffier

ORDONNANCE
du JUGE DE LA MISE EN ETAT DES CAUSES
du 10 Décembre 2024

DEMANDERESSE :

SCI LES 5 TERRES, prise en la personne de son gérant M. [I] [O]
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par Me Anne-claire MULLER-PISTRE, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant, vestiaire : 18

DEFENDERESSES :

SYNDICAT DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT ALSACE MOSELLE, établissement public syndicat mixte, pris en la personne de son Président M. [W] [D]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Lucien BALLAND, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat postulant, vestiaire : 103

Vu le dossier de la procédure enregistrée sous le N° RG 24/2357 ;

Vu les dernières écritures sur incident du SYNDICAT DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT ALSACE-MOSELLE (ci-après le SDEA), datées du 10 mai 2024 et tendant à ce que le Juge de la mise en état :

– juge la SCI LES 5 TERRES prescrite et irrecevable en sa demande en ce qu’elle a contesté les sommes réclamées plus de 5 mois après avoir reçu le titre

– condamne la SCI LES 5 TERRES aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000 € par application des dispositions de l’art. 700 du Code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions sur incident de la SCI LES 5 TERRES, datées du 29 août 2024 et tendant à ce que le Juge de la mise en état lui donne acte de ce qu’elle s’en remet à sa sagesse quant à l’irrecevabilité de sa demande ;

MOTIFS

Attendu qu’il est constant que :

– la SCI LES 5 TERRES est propriétaire d’un immeuble qu’elle loue à la SARL LE BALTHAZAR afin qu’elle y exploite un hôtel

– en cette qualité, elle réceptionne les factures d’eau émises par le SDEA qu’elle refacture ensuite à l’exploitante

– le SDEA, quant à lui, assure un service public dans les domaines de l’eau et de l’assainissement

– le 1er mars 2023, le SDEA a émis une facture d’un montant de 23.174,97 € relative à une consommation d’eau de 5.614 m3 sur la période allant du 31 août 2022 au 2 février 2023

– cette facture a été adressée à la SCI LES 5 TERRES qui, par assignation en date du 29 novembre 2023, a attrait le SDEA devant la chambre civile du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG en demandant à être déchargée du paiement de la somme en question, la créance dont se prévalait le SDEA ne lui paraissant pas fondée

– le SDEA lui oppose une fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action ;

Attendu que se fondant sur les dispositions de l’art. L 1617-5 1° du Code général des collectivités territoriales ( CGCT), le SDEA expose que l’action introduite par la SCI LES 5 TERRES serait irrecevable pour cause de « tardiveté » ;

Attendu qu’en vertu de ce texte dont le SDEA se prévaut à juste titre :

– en l’absence de contestation, un titre de recettes individuel ou collectif émis par une collectivité territoriale ou un établissement public local permet l’exécution forcée d’office contre le débiteur
– l’action dont dispose le débiteur d’une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de 2 mois à compter de la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d’un acte de poursuite ;

Que toutefois, par application de l’art. R 421-5 du Code de justice administrative, ledit délai de recours n’est opposable qu’à la condition d’avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification qui a été faite du titre ;

Attendu qu’au cas d’espèce, il résulte de l’examen du duplicata recto-verso de la facture comportant le détail des sommes dues, émise le 1er mars 2023, par le SDEA, et reçue par la SCI LES 5 TERRES, au mois de mars 2023 (le mois étant certain, le jour pouvant être le 13 ), comme en témoigne le tampon dateur qui y est apposé, que ladite facture comportait un paragraphe intitulé « VOIES DE RECOURS » ainsi rédigé :
 » Dans un délai de deux mois suivant la notification du présent acte ( article L 1617-5 1° du Code général des collectivités locales ), vous pouvez contester le montant de la facture en saisissant le Tribunal judiciaire ou administratif selon la nature de la créance » ;

Qu’au vu de ces éléments, et en l’absence de toute contestation élevée par la SCI LES 5 TERRES dans le cadre du présent incident, il est démontré que la demanderesse disposait d’un délai expirant au mieux le 1er juin 2023, si l’on admet que le titre a été reçu par elle le dernier jour du mois de mars 2023, pour en contester le bien fondé ;

Qu’il en résulte que l’ action qu’elle a introduite à l’encontre du SDEA, le 29 novembre 2023, soit à un moment où le titre était d’ores et déjà devenu définitif, est irrecevable ;

Attendu que partie perdante, la SCI LES 5 TERRES sera condamnée aux entiers dépens, l’équité commandant d’allouer au SDEA une indemnité de 1.200 € par application des dispositions de l’art. 700 du Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Florence VANNIER, Juge de la mise en état, assistée de Audrey TESSIER,

– Faisant droit à la fin de non-recevoir soulevée par le SYNDICAT DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT ALSACE-MOSELLE, DECLARONS irrecevable pour cause de prescription, l’ action introduite par la SCI LES 5 TERRES à l’encontre de ce défendeur

– CONDAMNONS la SCI LES 5 TERRES à payer au SYNDICAT DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT ALSACE-MOSELLE une indemnité de 1.200 € au titre des frais irrépétibles

– CONDAMNONS la SCI LES 5 TERRES aux entiers dépens de l’instance en ce qu’elle l’a opposée au SYNDICAT DES EAUX ET DE L’ASSAINISSEMENT ALSACE-MOSELLE.

Le Greffier Le Juge de la mise en état
Audrey TESSIER Florence VANNIER


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