Prescription des Factures entre opérateurs : 21 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/07483

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Prescription des Factures entre opérateurs : 21 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/07483
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 21 DECEMBRE 2023

(n° 539 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/07483 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHQD7

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Mars 2023 -Président du TC de PARIS – RG n° 2022061403

APPELANTE

S.A. ORANGE, RCS de Nanterre sous le n°380 129 866, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Représentée à l’audience par Me Edith LAGARDE-BELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : C2524

INTIMEE

S.A.S. DAUPHIN TELECOM, RCS de Basse-Terre sous le n°419 964 010, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

Représentée à l’audience par Me Catherine BOUSQUET, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, toque : N.702 et Me Mélanie BERCOT, avocat au barreau de PARIS, toque : R 255

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 novembre 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société Orange et la société Dauphin Télécom sont des opérateurs de communications électroniques, la seconde opérant sur la zone Antilles-Guyane.

Elles sont liées par plusieurs contrats spécifiques aux opérateurs, fixant les conditions techniques et tarifaires selon lesquelles la société Orange fournit à la société Dauphin Télécom des services d’accès et d’interconnexion à ses réseaux.

Par acte du 22 décembre 2022, la société Orange a fait assigner la société Dauphin Télécom devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris en paiement d’une somme provisionnelle de 1.266.424,83 euros TTC au titre de ses factures impayées, avec intérêts au taux contractuel à compter de l’assignation.

La société Dauphin Télécom a conclu à la prescription de la demande au titre des factures dont la date d’échéance est antérieure au 22 décembre 2021, et au débouté pour le surplus, arguant du paiement de factures pour 263.020,21 euros et, pour le reste, du défaut de preuve de la créance tant dans son principe que dans son quantum.

Par ordonnance du 22 mars 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a dit n’y avoir lieu à référé ni à application de l’article 700 du code de procédure civile, condamné la société Orange aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,93 euros TTC dont 6,78 euros de TVA.

Par déclaration du 22 avril 2023, la société Orange a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 13 novembre 2023, elle demande à la cour :

– d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

– de condamner la société Dauphin Télécom à lui payer la somme de 917.443,34 euros TTC au titre des factures portant sur les services autres que Celan échues entre le 22 janvier 2021 et le 12 décembre 2022 et demeurant impayées à ce jour, assortie des intérêts au taux contractuel à compter du 2 mai 2022, date de la mise en demeure ;

A tout le moins,

– de condamner la société Dauphin Télécom à lui payer la somme de 133.377,80 euros TTC ramenée à la somme de 4.900,50 euros TTC, en deniers ou quittances, au titre des factures échues portant sur les services autres que Celan échues entre le 22 décembre 2021 et le 12 décembre 2022, impayées à ce jour et sur lesquelles la société Dauphin Télécom n’a aucune contestation à faire valoir, pas même la prétendue prescription, assortie des intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 2 mai 2022 ;

Y ajoutant,

– condamner la société Dauphin Télécom à lui payer la somme de 550.659,73 euros TTC au titre des factures portant sur les services autres que Celan échues entre le 12 décembre 2022 et jusqu’au 20 août 2023 et demeurant impayées au 10 octobre 2023, et sur lesquelles la société Dauphin Télécom n’a aucune contestation à faire valoir, pas même la prétendue prescription, assortie des intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure du 2 mai 2022, assortie des intérêts au taux contractuel, à compter des présentes,

– débouter la société Dauphin Télécom de l’ensemble de ses demandes, en ce comprise sa demande de délais de paiement ;

– condamner la société Dauphin Télécom à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance, outre la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Dauphin Télécom à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 9 novembre 2023, la société Dauphin Télécom demande à la cour, de :

– la recevoir en ses présentes écritures et l’y dire bien fondée ;

– de débouter la société Orange de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre principal,

– juger irrecevables car prescrites les demandes en paiement de la société Orange au titre des factures dont la date d’échéance est antérieure au 22 décembre 2021 ;

– juger la société Orange mal fondée en ses demandes de paiement ;

En conséquence,

– débouter la société Orange de toutes ses demandes ;

– confirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour infirmerait l’ordonnance de référé et condamnerait la société Dauphin Télécom au paiement de sommes à la société Orange ;

– accorder 24 mois de délais de paiement à la société Dauphin Télécom pour toute condamnation en paiement à la société Orange qui serait mise à sa charge ;

– juger que les paiements s’imputeront par priorité sur le capital ;

En tout état de cause,

– condamner la société Orange au paiement d’une somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE, LA COUR

L’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut, en référé, accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En l’espèce, la société Dauphin Télécom oppose plusieurs contestations à la demande de provision de la société Orange :

– la prescription annale prévue à l’article L.34-2 du code des postes et communications électroniques pour les factures antérieures au 22 décembre 2021 d’un montant total de 919.190,60 euros TTC, considérant que ce texte s’applique aux relations entre opérateurs et aux services dont il est réclamé le paiement, qu’elle analyse comme des prestations de communications électroniques ;

– la société Orange tente d’obtenir un double paiement des intérêts de retard, en ce que certaines des factures dont elle sollicite le paiement contiennent des pénalités de retard et elle demande en outre que la condamnation prononcée contre son débiteur soit assortie des intérêts au taux contractuel ;

– la société Orange ne rapporte pas la preuve de sa créance, ses pièces ne permettant pas de comprendre et vérifier les sommes qu’elle réclame ;

– elle ne tient pas compte de tous les paiements qui ont été effectués.

L’appelante considère pour sa part que son action en paiement est soumise au délai de prescription de droit commun de cinq ans et non au délai d’un an prévu par l’article L.34-2 du code des postes et communications électroniques, qu’elle estime inapplicable à son action en paiement, ses dispositions ne pouvant être revendiquées que par un usager et non par un opérateur et n’étant applicables qu’aux prestations de communication électronique, pas aux services d’accès et d’interconnexion objets des contrats conclus entre les parties.

Elle expose que les autres contestations soulevées sont artificielles, indiquant que les sommes dont le paiement est poursuivi ne correspondent qu’aux factures impayées, après prise en compte de tous les paiements effectués y compris ceux intervenus après l’assignation ; que les factures de pénalités de retard ont été exclues de la demande en paiement ; que ses décomptes sont parfaitement explicites et actualisés.

Elle s’oppose aux délais de paiement sollicités à titre subsidiaire, compte tenu des larges délais de paiement déjà octroyés et des résultats de la société débitrice.

Il est constant que la société Dauphin Télécom est un opérateur de communications électroniques et que les contrats qu’elle a conclus avec la société Orange portent sur des fournitures d’accès et d’interconnexion aux infrastructures de réseaux de la société Orange, destinés à permettre à la société Dauphin Télécom de fournir des prestations de communications électroniques à ses propres clients.

L’article L.34-2 du code des postes et télécommunications électroniques institue au profit de l’usager une prescription annale du paiement des prestations de communication électroniques fournies par un opérateur.

Aux termes de l’article L.32,6° du même code, on entend par services de communications électroniques les prestations consistant entièrement ou principalement en la fourniture de communications électroniques.

Ces services de communications électroniques se distinguent des services d’accès et d’interconnexion, dont la définition est donnée quant à elle par les 8° et 9° du même article.

La société Dauphin Télécom n’est pas fondée à se prévaloir du court délai de prescription de l’article L.34-2, dont les dispositions sont d’interprétation stricte, dès lors qu’elle n’a pas conclu les contrats en cause en qualité d’usager de services de communications électroniques mais d’opérateur bénéficiaire de prestations d’accès et d’interconnexion.

Sa contestation tirée de la prescription d’une partie des factures n’est pas sérieuse.

Ses autres contestations ne le sont pas non plus, dès lors que :

– la société Orange apporte bien la preuve de sa créance par la production des factures impayées et de décomptes détaillés et actualisés qui permettent d’identifier chacune des factures dont il est demandé le paiement par l’indication de leur numéro, de leurs dates d’émission et d’échéance, de leur montant et leur paiement ou non paiement, ces décomptes portant aussi mention des versements effectués par la société débitrice jusqu’au 19 octobre 2023, date d’arrêté de la créance, ces décomptes détaillés et actualisés permettant ainsi à la société débitrice de contester les montants qui s’y trouvent réclamés et de vérifier si tous les versements qu’elle a effectués ont bien été comptabilisés, ce qu’elle ne fait pas ;

– la société Orange précise avoir exclu de son décompte les factures de pénalités de retard, et la société Dauphin Télécom ne fait qu’alléguer sans le démontrer que certaines des factures incluses dans le décompte contiendraient des pénalités de retard, se bornant à produire des factures de pénalités à titre d’exemple, sans les relier à des factures qui apparaîtraient dans les décomptes de la société Orange.

Il ressort de la lecture des derniers décomptes produits en pièces 45 et 46 de l’appelante, arrêtés au 19 octobre 2023, que la société intimée demeure débitrice :

– au titre des factures échues jusqu’au 12 décembre 2022, de la somme résiduelle de 4.900,50 euros TTC ,

– au titre des factures échues du 12 décembre 2022 au 20 août 2023, de la somme de 550.659,73 euros TTC.

La société Dauphin Télécom sera condamnée à titre provisionnel au paiement de ces sommes non sérieusement contestées, en deniers ou quittances compte tenu des règlements effectués, avec intérêts conventionnels de retard à compter de la mise en demeure du 2 mai 2022.

Les comptes annuels 2022 de la débitrice mentionnent un bénéfice de 187.576 euros avec un chiffre d’affaires de 12.223.050 euros et des capitaux propres de 2.973.424 euros. Elle réalise son chiffre d’affaires au moyen des services qui lui sont fournis par la société Orange, dont le paiement régulier ne saurait donc être négocié. Elle a déjà bénéficié, de fait, de délais suffisants pour régulariser sa dette, et l’importance des versements qu’elle a effectués en septembre et octobre 2023 (76.488,33 euros + 99.791,28 euros + 125.989,74 euros) démontrent sa capacité financière à payer ses factures sans retard. En outre, elle se borne à solliciter des délais de paiement sans proposer de plan d’apurement.

Dans ces conditions, il ne sera pas fait droit à la demande de délais de paiement.

Partie perdante, la société Dauphin Télécom sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à la société Orange la somme de 4.000 euros pour chacune des deux instances, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Dauphin Télécom à payer à la société Orange, à titre provisionnel et en deniers ou quittances,

– la somme de 4.900, 50 euros TTC au titre des factures échues jusqu’au 12 décembre 2022,

– la somme de 550.659,73 euros TTC au titre des factures échues du 12 décembre 2022 au 20 août 2023,

ces sommes produisant intérêts conventionnels de retard à compter du 2 mai 2022,

Déboute la société Dauphin Télécom de sa demande de délais de paiement,

Condamne la société Dauphin Télécom aux entiers dépens de première instance et d’appel,

La condamne à payer à la société Orange la somme de 4.000 euros au titre de chacune des deux instances, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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